23/10/2011
Coup de chaud sur les forfaits jours
Difficile parfois de résister à la tentation, n'est pas Saint-Antoine qui veut. Icare lui, ne résista pas et partit défier le soleil avec ses ailes aux jointures de cire. Le soleil fut au rendez-vous, la cire fondit et Icare chuta. Quelques uns en conclure que les hommes ne devaient pas défier les lois naturelles et que la science devait apprendre l'humilité. Ce n'est ni une loi naturelle ni l'humilité que le Conseil des Prud'hommes de Limoges a voulu rappeler aux dirigeants d'un hypermarché qui avaient cru pouvoir conclure des forfaits en jour avec leurs responsables de rayon. Mais plus simplement que l'arrêt de la Cour de cassation du 29 juin 2011 (voir ici) avait validé les forfaits en jours sous réserve d'un strict respect des conditions légales et conventionnelles, et que lorsque tel n'est pas le cas, le forfait doit être annulé et les heures supplémentaires effectuées par le salarié indemnisées. Dans l'affaire jugé le 6 septembre dernier, les juges ont estimé qu'en l'absence de preuve précise par le salarié du volume de ces heures supplémentaires, une indemnité de 30 000 euros devait lui être allouée, soit l'équivalent en l'espèce de plus d'une année de salaire brut.
Herbert James Draper - Le chagrin d'Icare
On relèvera que les juges ont systématiquement passé en revue les conditions de validité du forfait en jours. La première est légale, il s'agit de l'autonomie du salarié. Difficile de considérer qu'un responsable de rayon qui doit faire valider ses départs de l'entreprise par le cadre de permanence est autonome. La seconde est également légale, il s'agit de l'entretien annuel obligatoire pour les salariés en forfait en jours, qui doit aborder la charge de travail, l'organisation du travail, l'impact de la vie professionnelle sur la vie personnelle et la rémunération. En l'espèce l'entreprise faisait bien un entretien annuel mais il ne portait que sur la performance et les compétences. Insuffisant pour les salariés en forfait jours. Enfin troisième condition le respect des obligations conventionnelles de suivi de la charge du travail des salariés en forfait jours. Pas plus de suivi collectif que de suivi individuel. Si toutes ces conditions ne sont pas réunies cumulativement, le forfait en jours doit donc être annulé et des heures supplémentaires payées. Les entreprises qui risquent de se brûler les ailes se reconnaîtront.
20:40 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : forfait jours, durée du travail, droit du travail, travail, ressources humaines, droit, social, icare
18/10/2011
Un peu d'histoire
La formation tout au long de la vie ne saurait être précisément datée : l’histoire de l’apprentissage et de l’éducation se confond avec celle de l’homme. Il n’est pas une communauté qui ne se soit bâtie sans culture commune et des mécanismes éducatifs, quelles que soient leurs formes et modalités. Peu après la Révolution de 1789, Condorcet déclarait devant l’Assemblée qu’il était nécessaire que l’instruction soit délivrée aux enfants mais également aux adultes. Pour autant, il est habituel de situer au début des années 70 la création de notre système de formation professionnelle continue. C’est à cette période en effet que furent réunies les conditions pour qu’une construction dotée de fins et de moyens explicites voit le jour et se développe.
Le système de formation professionnelle vient donc de fêter ses quarante ans. Ces années ne furent pas linéaires. Rythmées par les changements politiques, les cycles économiques et la vie des relations sociales, les 40 années de formation professionnelle peuvent être divisées en quatre décennies aux orientations très différentes. On est ainsi passé d’un projet inscrit dans la nouvelle société prônée par Jacques Chaban-Delmas 1971) à une formation professionnelle censée accompagner le changement de société (1981). La situation économique du début des années 90 a rendu le dialogue social atone et remis la formation au service des politiques d’emploi (1992), avant qu’une vaste réforme initiée par les partenaires sociaux ne modifie le point d’équilibre du dispositif et s’intéresse davantage à la compétence qu’à la formation (2003). Reste que cette réforme n’a pas réglé les problèmes de gouvernance, malgré la loi du 24 novembre 2009 qui en faisait un de ses objectifs principaux. Sans doute l’ouvrage devra-t-il être remis sur le métier après 2012.
Découvrez en 5 étapes, l'histoire de la formation professionnelle. Aujourd'hui, première étape qui va de la nouvelle société de Chaban-Delmas et de son conseiller social Jacques Delors, aux Plans Barre pour l'emploi des jeunes.
12:16 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : formation, histoire, droit, politique, chaban, barre, emploi des jeunes, éducation, mai 68
15/10/2011
Révolution !
Il n'est de révolution sans des signes annonciateurs. Ils furent nombreux depuis 1992 et la première jurisprudence de la Cour de cassation sur l'obligation d'adaptation. Le contentieux en matière de formation professionnelle étant peu abondant, il fallut parfois attendre plusieurs années pour parfaire la contruction. Mais on savait depuis l'arrêt du 30 mars 2010 qu'il ne manquait plus qu'une occasion. Elle est survenue et à permis à la Cour de cassation de franchir le dernier pas dans l'affirmation du principe qu'aucun salarié ne peut être privé de formation. Il n'est donc pas incompatible d'avancer pas à pas pour réaliser une révolution qui ne saurait se résumer au grand soir comme certains ont du mal à l'admettre.
Max Ernst - La révolution la nuit
Par une décision en date du 28 septembre 2011 que l'on peut qualifier d'historique, la Cour de cassation pose en principe que tout salarié doit avoir accès à la formation professionnelle, même s'il est compétent dans son emploi et que celui-ci n'évolue pas. L'entreprise ne peut donc s'en tenir à un strict adéquationnisme et limiter sa gestion des compétences, et de la formation, à celles qui sont utiles dans le cadre de la fonction. Et d'une manière plus générale, aucun salarié ne doit être laissé à l'écart des processus de gestion des compétences et de la formation, quel que soit l'emploi qu'il occupe.
Dorénavant, l'absence de formation professionnelle pendant une longue durée est donc sanctionnable. Plutôt que de rechercher vainement du côté des incitations financières, comme le préconisait hasardeusement l'Institut Montaigne, un moyen de développer la formation, voilà une obligation sociale qui n'a pas fini de faire parler d'elle.
COUR DE CASSATION 28 SEPTEMBRE 2011.pdf
Note : La confirmation n'a pas tardée, dans un arrêt du 5 octobre 2011, la Cour de cassation condamne un employeur et écarte l'argument selon lequel le salarié n'aurait pas été demandeur de formation. L'obligation de gérer les compétences pèse bien sur l'entreprise (voir l'arrêt ici). En ce sens, ces décisions rendent plus difficile le refus par l'entreprise des demandes de formation, notamment dans le cadre du DIF, dès lors qu'elles ne sont pas déraisonnables, alors que l'absence de demande de la part du salarié ne saurait délier l'employeur de ses obligations.
11:39 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : formation, cour de cassation, droit, droit social, révolution, économie, éducation, ressources humaines
14/10/2011
La belle europe
Mais quelle mouche a donc piqué les juges du fond ? après le Tribunal d'Orléans qui vient de considérer que le Code du travail ne respectait pas les textes européens et ne devait pas s'appliquer en matière de désignation des représentants syndicaux (c'est ici), voilà le tribunal de Marseille qui donne tort au Conseil Constitutionnel. Celui-ci avait jugé que l'exclusion des contrats liés à la politique de l'emploi (contrat d'apprentissage, contrat de professionnalisation, contrat unique d'insertion...) pour le calcul des seuils d'effectif était conforme à la Constitution. Les juges marseillais eux considèrent que cette exclusion prive les salariés du bénéfice de directives européennes qui doivent profiter à tous les travailleurs et que par conséquent elle ne peut trouver application. Plutôt que l'Europe libérale régulièrement stipendiée, le juge sait aller chercher la belle europe sociale garante des droits des salariés. Martial Raysse apprécierait.
Martial Raysse - L'enlèvement d'Europe - 1936
L'argument des juges est solide : dans l'association en cause dans le litige, il y a plus de 100 salariés, mais sans les contraits aidés, le chiffre retombe en dessous de 50, ce qui les prive de Comité d'entreprise, des garanties en matière d'information et de consultation, des garanties en cas de licenciement, etc. Or des directives européennes garantissent les droits des salariés en ce domaine. Il n'est donc pas possible, serait-ce dans l'objectif de favoriser l'emploi, d'adopter des mesures dérogatoires qui aboutissent à priver les salariés des garanties offertes par le droit social européen.
Les juristes français connaissent en général assez mal le droit européen, en tous les cas insuffisamment, l'auteur de ce blog en premier lieu. Mais cette lacune semble se combler puisque, de plus en plus fréquemment, la norme européenne est sollicitée pour écarter une loi française moins favorable. L'Europe garantirait donc des droits sociaux supérieurs à ceux qui existent en France ? ce n'est pas ce que l'on nous dit, mais c'est pourtant ce que les juges, jour après jour, s'efforcent de démontrer. Nous ne sommes sans doute pas, dans ce domaine, au bout de nos suprises.
00:00 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : effectif, droit du travail, europe, droit, ressources humaines, martial raysse, droit européen, marseille
13/10/2011
Trinité
Les professionnels du droit doivent se former. Tant mieux pour eux, et pour leurs clients. Un décret daté du 5 octobre 2011 vient rappeler cette obligation. Avocats, notaires, huissiers, greffiers, commissaires priseurs : le petit monde des professions règlementées doit veiller à l'actualisation de ses compétences. Certaines dispositions du décret fleurent bon l'ancien temps : ainsi, seule l'Université est considérée comme capable de délivrer une formation juridique aux professionnels. On peut se demander ce qui justifie encore pareil monopole. Mais l'essentiel est ailleurs. Le décret détaille les modalités possibles de cette formation obligatoire. Et il en retient trois, considérées comme équivalentes : suivre une formation, enseigner, réaliser une production. Trois visages pour une même face.
Trinité - Peinture allemande - XVIIIème siècle
La formation formelle, la confrontation aux autres, l'activité de production. Les trois modalités de formation retenues par le décret renvoient aux trois modes d'apprentissage: travail, coopération, formation.
Voici donc une nouvelle incitation, pour les entreprises qui s'en tiendraient à l'étroite équation développement des compétences = formation, d'aller voir un peu au-delà et de faire évoluer les plans de formation vers des plans de professionnalisation incluant des activités professionnelles, des actions collectives et de la formation formelle. L'ingénierie de formation devenant une ingenierie de l'articulation de ces différents moyens entre eux.
Merci aux rédacteurs du décret de nous mettre sur le chemin de la Trinité.
11:23 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : formation, professions juridiques, droit, obligation, trinité, apprentissage, éducation, travail
01/10/2011
Oubliez le DIF, vive le DIM !
La formation professionnelle ne sera pas absente de la prochaine campagne présidentielle. A cette occasion, chacun ira de son analyse critique et de ses préconisations concernant le DIF : faut-il en faire un droit de consommation opposable à l'employeur ? faut-il le faire évoluer vers un compte-épargne formation ? faut-il le transformer en un droit de créance qui obligerait les entreprises à provisionner ? faut-il l'abandonner purement et simplement ses résultats n'étant pas suffisamment probants ? tous les arguments peuvent être entendus et donner une coloration très différente à ce droit novateur qui peine à installer la négociation dans les rapports individuels de travail.
Anticipant sur ces débats, une autre proposition peut être formulée, basée sur le constat que ce n'est pas par la formation que vous avons acquis l'essentiel de nos compétences. Chacun pourra vérifier que l'exercice d'activité ou la participation à des activités collectivités, constituent des modes d'apprentissage plus répandus que la formation formelle. D'après l'Université de Princeton, le rapport serait de 70/20/10, soit 70 % de compétences acquises par l'activité, 20 % par la collaboration et 10 % par la formation formelle. Laissons donc un peu la formation, et le DIF, et concourront à la promotion du DIM.
Le DIM, c'est le Droit Individuel à la Mission. Certaines entreprises le pratiquent sur une base volontaire, comme certaines partageaient la décision de formation avant que le DIF n'existe. Celles qui le font, demandent aux managers d'introduire chaque année, au moins une activité nouvelle dans les missions des collaborateurs, et d'en supprimer une également. Cette exigence permet d'assurer le renouvellement du contenu du travail, de développer des compétences nouvelles, de se prémunir de la routine et de poser régulièrement la question du contenu du travail. Le DIM, ce serait le droit pour le salarié de partager la décision sur cette mission nouvelle, ce qui permettrait juridiquement de la situer soit au sein de la qualification du salarié (pour accompagner une évolution d'emploi par exemple), soit en dehors de ce champ pour préparer une mobilité professionnelle, un reclassement ou une reconversion. Le DIM permettrait de travailler sur ce qui compte véritablement, le contenu de l'activité, et non sur un moyen, la formation, qui est trop souvent sans effet sur les pratiques professionnelles réelles. En tant que Droit Unilatéral et Personnel, le DIM pourrait même être le DIM UP, autrement plus excitant que le DIF, convenez en ! Bonne semaines à toutes et à tous.
23:39 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dif, dim, présidentielle, formation, droit, ressources humaines, droit du travail
22/09/2011
Vous ferez votre bonheur vous même
Il est parfois nécessaire que la loi protège l'individu contre lui-même. Mais il s'agit d'un chemin dangereux car fixer des interdits pose toujours la question des libertés individuelles. Lorsque l'on oblige au port du casque ou de la ceinture de sécurité, la protection des personnes peut aisément justifier la contrainte, légère, imposée. Mais lorsque l'on interdit le lancer de nain au nom de l'ordre public et de la dignité humaine, la restriction ne va pas de soi qui fit il y a quelques années d'un nain qui se faisait payer pour être lancé, un chômeur supplémentaire.
Lorsque les partenaires sociaux ont crée, en 2008, la rupture conventionnelle que la loi consacra la même année, il s'agissait de permettre l'exercice d'une liberté individuelle, la possibilité de négocier avec son employeur la fin de son contrat de travail, en contrôlant que cette volonté n'était pas contrainte. On la soumis ainsi à l'homologation de la DIRECCTE. S'agissant d'une rupture d'un contrat de travail, le contentieux de l'homologation fut confié aux Conseils de Prud'hommes et non aux tribunaux administratifs. Il en résulta une question non tranchée à ce jour : le Conseil des Prud'hommes doit-il se prononcer sur l'homologation elle-même ou bien doit-il renvoyer vers l'administration s'il annule une première décision d'homologation ou de non-homologation ? est-il garant de la liberté des parties ou bien contrôle-t-il uniquement l'administration qui conserve sa capacité de décision ? la Cour d'appel de Versailles a choisi la liberté.
JJ LEBEL - Essai de figuration de l'idée de liberté - 1961
La DIRECCTE s'appuyait sur une circulaire de la DGT (Ministère du Travail) du 17 mars 2009 qui a tout le charme des normes arbitraires autoproduites. Selon ce texte, seule l'administration et non le juge, peut se prononcer sur l'homologation elle-même. Balivernes selon le juge versaillais. En l'occurence, c'est ici le salarié qui a saisi le juge, en référé, car il souhaitait mettre en oeuvre un projet personnel et contestait le refus d'homologation au motif que l'entreprise devait mettre en place un PSE. Les tribunaux constatent la volonté réelle du salarié, déboutent l'administration et valident la rupture conventionnelle. Espérons que par cette décision les juges conduiront l'administration au contrôle du libre consentement du salarié sans substituer leur appréciation à celle des parties sur l'opportunité de la rupture. Et félicitons le juge d'être en l'espèce celui des libertés.
00:05 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rupture conventionnelle, liberté, prud'hommes, homologation, droit, droit du travail, licenciement
19/09/2011
Le juriste et le météorologue
Quel rapport entre le droit et la météo ? entre le juriste et le météorologue ? beaucoup de points communs qui permettent de mieux comprendre ces deux métiers. Les points communs : la masse d'information à traiter, la finesse du raisonnement masquée par la brutalité de la décision et l'exercice d'une activité qui n'est pas une science exacte, du moins sous nos climats. Et peut être un dernier : le fait d'être pris à tort pour des Oracles.
John Collier- L'Oracle de Delphes
La masse d'information : Codes, conventions, accords, contrats, usages matinés de droit européen et international d'un côté, milliers de relevés de toute sorte (vent, hydrométrie, relief, température, pression,...) de l'autre. Si le profane se noie irrémédiablement dans le flot d'informations, l'expert ne doit pas oublier de travailler son crawl.
La finesse du raisonnement : interpréter les textes, interpréter les chiffres. Savoir lire au-delà des signes, assembler, dépasser les contradictions, le juriste et le météorologue aspirent à devenir des logiciens avisés sans sombrer dans la casuistique ni la rigidité, qui guettent à tout instant. Souplesse du raisonnement et méfiance des effets mécaniques.
La brutalité de la décision : au-delà du raisonnement, la décision est souvent binaire. Au plan pénal, coupable ou relaxé, chaque solution est à 100 %. On est pas coupable à 35 % et innocent pour le reste. Pour le ciel, les nuages, la pluie et le soleil, difficile de faire état de doutes devant qui veut savoir s'il pleuvra ou non. La probabilité de pluie à 60 % laissera sceptique plus d'un qui vous demandera : "En clair, il pleut ou pas ?".
Se dépêtrer d'une masse d'informations pour arriver par un raisonnement que l'on espère subtil voire artistique, à une solution binaire, voilà tout le dilemme du juriste. Qu'il soit partagé par le météorologue ne le consolera pas mais l'invitera peut être à lever la tête pour vérifier la couleur du ciel. Si vous découvrez qu'il est à la fois bleu et noir, vous dites qu'il est aussi impossible de l'annoncer que d'expliquer que DSK est à la fois coupable et innocent.
22:31 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : droit, météo, juriste, droit du travail, temps, dsk, nuages
14/09/2011
Quand le juge fait la leçon
....le Parlement ferait bien d'en tirer profit. Le TGI d'Orléans vient de faire preuve de pédagogie en jugeant que l'article L. 2324-2 du Code du travail était contraire à la Convention Européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CESDH). De quoi s'agit-il ? L'article en question, issu de la loi du 20 août 2008, prévoit qu'une organisation syndicale ne peut désigner de représentants syndicaux au comité d'entreprise, dans les entreprises de plus de 300 salariés, que si cette organisation y compte au moins deux élus. Lors du vote de la loi, cet article paraissait absurde : la capacité de désigner des représentants syndicaux au comité d'entreprise appartenait jusque-là à toute organisation syndicale, pourquoi la limiter à celles qui ont des élus, et qui disposent déjà à ce titre de toute l'information du comité, alors qu'un syndicat peut désormais être représentatif (avec 10 % des voix aux élections) sans avoir d'élu au comité ? les parlementaires ont fait valoir qu'il s'agissait de légitimer la présence des représentants syndicaux en limitant la possibilité de désignation en fonction de la représentativité. Les juges de province, contrairement à la Cour de cassation, ne se sont pas laissés abuser par le raisonnement : ils connaissent la musique et administrent une leçon au législateur dont l'objectif était manifestement uniquement de diminuer le nombre de représentants du personnel.
Matisse - La leçon de piano
La leçon est en trois temps. En premier lieu, il est rappelé que la CEDSH garantit l'égalité de traitement des organisations syndicales. En second lieu, le législateur est placé devant ses contradictions : si la finalité est de conforter la représentativité, toutes les organisations représentatives, et pas seulement celles qui ont deux élus, doivent pouvoir désigner un représentant syndical. Troisièmement, compte tenu du rôle du représentant syndical, qui participe au CE pour que son organisation soit informée et avec uniquement voix consultative, il est logique que tout syndicat représentatif puisse désigner un représentant, y compris et même surtout, s'il n'a pas d'élu. Exit donc l'article L. 2324-2 qui constitue une discrimination syndicale, l'inégalité de traitement des organisations n'étant pas justifiée.
Et voici le législateur renvoyé à ses incohérences. On souhaite que la Cour d'Appel et la Cour de cassation, si elles sont saisies, apprécient la finesse du raisonnement du juge des bords de Loire et confortent sa position o combien justifiée et légitime. Envoyez la musique !
00:31 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : comité d'entreprise, représentativité syndicale, actualité sociale, irp, jurisprudence, droit, droit du travail
13/09/2011
Obéissance fautive
L'obéissance est souvent perçue comme l'aliénation de sa liberté au profit d'une sécurité : elle constitue une adhésion qui devrait trouver sa récompense. L'obéissance déresponsabilise. Elle fait porter sur le donneur d'ordre le poids de la décision dont se trouve libéré l'exécutant. Ceci est peut être une vision que l'on peut avoir de l'obéissance. Ce n'est pas celle du juge, pour qui obéir est une décision pleine et entière dont la responsabilité se trouve chez son auteur et non chez celui qui l'a suscitée. Obéir est un choix et il vaut mieux ne pas l'oublier.
Obéissance - André Helluin - 2010
Un responsable commercial demande à une assistante commerciale de lui communiquer ses codes d'accès pour accéder aux fichiers clients. La charte informatique de l'entreprise proscrit toute transmission des codes personnels. L'assistante les communique pourtant, estimant qu'agir sur ordre est un impératif ou que le demandeur peut avoir accès aux informations. Double erreur que le juge sanctionne sévèrement d'une faute grave (Cass. soc., 5 juillet 2011). Le salarié ne peut se réfugier derrière l'excuse de hiérarchie : responsable de lui-même, il a le devoir et l'obligation de refuser la demande illicite. Pas facile ? sans doute mais le salarié ne peut ni refuser de choisir ni d'exercer sa responsabilité. On ne renonce pas par la soumission à son statut de sujet. Le juge paraît sévère, il est en l'occurence un grand humaniste.
00:05 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : droit, droit du travail, licenciement, hiérarchie, faute
18/08/2011
Le juge perdu dans la nature
La question des rapports entre nature et culture peut encore appeler des développements qui rempliront les bibliothèques. Peut être ne sera-t-elle jamais tranchée. Pour autant, il importe de rester vigilant lorsque des thèses essentialistes sont proférées sur le ton de l'évidence. La Cour d'appel de Chambéry vient de juger qu'il n'est pas discriminatoire d'exiger, pour un poste de chef de service de traduction en français, que le candidat soit de langue maternelle française. L'argument des juges est ainsi tourné : " Or attendu que les termes native french speaker, qui se traduisent par de langue maternelle française, posent comme critère celui du langage parlé et transmis dès la naissance, lequel, réputé être de ce fait la langue la plus parfaitement assimilée par l'individu dans toutes ses composantes et subtilités, constitue une exigence professionnelle déterminante et essentielle en matière de recrutement d'un chef du service de traduction de l'agence en France d'une compagnie d'assurance anglo saxonne".
On conseillera aux juges de relire Casanova.
Anton Raphael Mengs - Portrait de Casanova - 1768
Et plus particulièrement les mémoires, écrites en français par celui qui était de langue maternelle italienne et qui demeure l'un des plus grands écrivains de langue française. Et si tout cela paraît bien loin au juge, il pourra aussi se plonger dans Becket, Semprun, Kundera ou Dai Sijie. Tous individus qui ont une parfaite maîtrise de la langue dans toutes ses composantes et subtilités. Au passage le juge s'apercevra que la compétence est un acquis et non un attribut.
Pour éviter d'aussi grossières erreurs, le juge peut toujours s'en remettre à Casanova : "L'homme qui veut s'instruire doit lire d'abord, puis voyager pour rectifier ce qu'il a appris" et si le juge lit, il pourra déccouvrir cette autre formule d'un écrivain de langue française d'élection : "Si le plaisir existe, et si on peut en jouir qu'en vie, alors la vie est un bonheur".
12:13 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : casanova, littérature, juge, jurisprudence, discrimination, langue maternelle, droit, droit du travail
03/08/2011
Flag
Aux Etats-Unis, on aime le drapeau. Et toute occasion de le montrer est bonne, et même lorsqu'il n'y a pas d'occasion, on le sort quand même.
Manhattan
On peut noter d'ailleurs, combien la Stars Banner est fréquemment accompagnée d'un autre drapeau. L'identité américaine est suffisamment forte et solide pour pouvoir être multiple sans que cela ne lui cause d'insupportables maux de têtes ou ne suscite de violentes poussées d'urticaires.
Brooklyn
Et si les américains sont fiers de leur drapeau, ils sont encore plus attaché à la liberté et admettent, en vertu de l'article 1er de leur constitution, qu'il puisse être brûlé par qui ne supporte ni les étoiles ni les raies horizontales (qui grossissent comme chacun sait).
En France, on a créé le délit d'outrage au drapeau par un décret du 21 juillet 2010, suite à la publication par la FNAC d'une photo jugée insupportable, au point que les deux salariés organisateurs du concours ont été licenciés pour faute grave. La photo en question était celle-ci :
Comme pour toute oeuvre artistique, elle peut être discutée pour son esthétique et pour son message. Mais au nom de la liberté d'expression, son existence même ne saurait poser problème. C'est ce que vient de rappeler le Conseil d'Etat, saisi par la Ligue des Droits de l'Homme, d'un recours en annulation du décret du 21 juillet. Si le décret n'est pas annulé, sa portée est largement réduite, pour le moins. Selon le Conseil d'Etat : "ce texte n'a pas pour objet de réprimer les actes de cette nature qui reposeraient sur la volonté de communiquer, par cet acte, des idées politiques ou philosophiques ou feraient oeuvre de création artistique, sauf à ce que ce mode d'expression ne puisse, sous le contrôle du juge pénal, être regardé comme une oeuvre de l'esprit ".
Voilà le pouvoir pris, une nouvelle fois, en flagrant délit d'usage du droit pour de mauvaises raisons, politiciennes, ce qui dessert à la fois la cause politique et la place du droit dans une société démocratique. Et par là même occasion de bons arguments pour les salariés de la FNAC si l'idée leur prenait de contester leur licenciement.
06:26 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : drapeau, outrage, conseil d'etat, politique, liberté, usa, new york, jurisprudence, licenciement, droit, droit du travail, droit d'expression
30/07/2011
Conclusion : Sortir le droit de la compétence des oubliettes
Retracer l’histoire de la compétence dans le droit du travail, c’est identifier 4 oublis :
- l’oubli que le droit du travail sait précisément définir et reconnaître la compétence ;
- l’oubli que c’est avant tout de compétence collective que l’entreprise a besoin alors qu’elle gère essentiellement des compétences individuelles ;
- l’oubli que l’approche par les compétences peut être un levier pertinent pour la négociation collective et l’action syndicale ;
- l’oubli que le droit règle précisément les responsabilités de chacun en matière d’employabilité et que le débat sur « Qui est responsable de l’employabilité des salariés ? » est déjà tranché.
Marcel Marien - L'oubli d'être en vie - 1967
Ces 4 oublis ne pourront faire oublier que la compétence n’a de sens qu’en rapport avec l’exercice d’une activité et que le travail est donc premier, que le problème est moins d’opposer travail et formation que de les articuler pour construire des parcours de professionnalisation, que la formation n’est pas l’avenir des services formation mais plutôt les moyens diversifiés du développement professionnel et que la notion de compétence posera demain des problèmes juridiques nouveaux qui ne pourront être saisis avec les outils anciens lorsqu’elle aura fait voler en éclat les frontières entre qualification contractuelle et qualification personnelle, entre temps de travail et temps personnel et entre compétences personnelles et compétences professionnelles. Mais cette histoire là reste à écrire. C’est celle d’un droit de la formation qui aura muté en un droit de la compétence et dans lequel l’accès à la formation sera un moyen, parmi beaucoup d’autres, de développer ses compétences, c'est-à-dire de gagner en autonomie sur le plan professionnel et partant sur le plan personnel.
09:16 Publié dans DROIT DE LA FORMATION, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : marcel marien, oubli, peinture, compétence, droit, formation, éducation, travail
28/07/2011
Chapitre 6 Quand les organisations syndicales s'éveilleront
La question de la compétence est appréhendée par le droit quasi-exclusivement sous l’angle de la compétence individuelle et du rapport individuel de travail.
Or pour une organisation, la compétence individuelle n’est rien si elle ne contribue pas à une compétence collective. Cette dimension là n’est que peu prise en compte.
De la même manière, beaucoup d’organisations syndicales voient dans les compétences un cheval de Troie susceptible de remettre en cause le couple formation/qualification. Effectivement, la notion de compétence fait du travail le point de départ (principal moyen de développement de compétences) et le point d’arrivée (évaluation de la compétence) du processus de professionnalisation. Une rupture culturelle avec la qualification par la formation.
Anne-Louis Girodet - Le sommeil d'Endymion - 1793
Certes, des classifications prennent déjà en compte la notion de contenu d’emploi et les compétences réellement exercées. Mais plus comme une conséquence, reconnaître le niveau de compétences, que comme un point de départ. Viendra peut être le jour où la négociation portera sur le contenu des emplois, leur enrichissement et la mise en place d’organisations du travail qualifiantes. Mais pour cela il faudrait sortir de l’opposition entre le vil travail et la noble éducation et considérer que la professionnalisation se situe dans l’articulation de différents moyens de développement des compétences, la formation n’étant que l’un d’entre eux. Désacraliser la formation serait, et cela paraîtra paradoxal pour beaucoup, rendre service aux salariés.
09:27 Publié dans DROIT DE LA FORMATION, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : formation, éducation, travail, syndicats, droit, droit de la formation, droit du travail
27/07/2011
Chapitre 5 Dans lequel la compétence prend son temps
Le premier dispositif de coinvestissement (l’entreprise finance la formation, le salarié prend sur son temps personnel) a été introduit dans le code du travail en 1991. Il n’a guère fonctionné, tant est forte la culture de la formation pendant le temps de travail.
Mais le DIF a bousculé les limites du temps : depuis 2004 il est possible de convenir d’une formation se déroulant en dehors du temps de travail. La compétence se trouve découplée du rapport de travail et du contrat lui-même. Le temps personnel peut être mobilisé pour un objectif, l’acquisition de compétences, qui profite tant au salarié qu’à l’entreprise.
Charles Dauphin - Le temps dévoilant la vérité - 1655
Le champ ainsi ouvert sera étendu par la loi du 24 novembre 2009 au CIF : il est désormais possible d’effectuer un congé individuel de formation sans prendre de congé. Les organismes qui financent le CIF peuvent prendre en charge des formations réalisées intégralement en dehors du temps de travail.
Perturbant tous les repères traditionnels, le développement de la formation sur le temps personnel, qui ne peut s’effectuer que sur décision du salarié ou avec son accord, permet d’ouvrir un espace de négociation en dehors du temps de travail. Et dans ce domaine également, on voit la compétence remettre en cause la ligne de partage entre le personnel et le professionnel.
09:20 Publié dans DROIT DE LA FORMATION, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : compétence, formation, droit, droit du travail, droit de la formation, cif, temps
25/07/2011
Chapitre 3 Où il est prouvé que l'irresponsabilité est dans la nature du salarié
Dès 1988, et de manière explicite en 1992 avec l’arrêt Expovit, la Cour de cassation pose en principe que, tenu d’exécuter de bonne foi le contrat de travail, l’employeur a l’obligation d’adapter le salarié à l’évolution de son emploi. Cette obligation sera reprise par la loi Aubry de février 2000 sur les 35 heures et figure aujourd’hui à l’article L. 6321-1 du Code du travail.
Les juges reviennent à la source : le salariat se définit comme le travail subordonné, quelle que soit l’indépendance dont peut jouir le salarié au plan technique, voire organisationnel pour les salariés en forfaits jours.
Etant subordonné, le salarié ne peut porter la responsabilité de son employabilité. Il revient donc en premier lieu à l’employeur de réaliser un diagnostic sur les besoins de professionnalisation du salarié (entretien professionnel) puis de mettre en œuvre un plan d’action si nécessaire. Ce plan d’action ne se résume pas à la formation. L’employeur a l’obligation d’adapter et de veiller à la capacité du salarié à occuper un emploi, pas une obligation générale de formation. Il peut donc s’acquitter de son obligation par l’enrichissement des tâches, le développement de la polyvalence, le compagnonnage, le tutorat, la mise à disposition de ressources, etc.
Si l’entreprise n’a pas assumé ses responsabilités, impossible de mettre en cause celle du salarié : l’incompétence ou l’insuffisance professionnelle ne peuvent être reconnues que si l’entreprise a mis en œuvre tous les moyens qui sont à sa charge.
Par contre, dès lors qu’elle s’est acquittée de ses obligations, il appartient au salarié de faire tous les efforts pour acquérir les compétences requises et pour les mettre en œuvre. Le salarié n’est donc irresponsable qu’à hauteur du manquement de l’entreprise à ses obligations.
13:09 Publié dans DROIT DE LA FORMATION, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : compétence, formation, travail, subordination, esclavage, liberté, ressources humaines, droit, droit du travail
22/07/2011
Chapitre 2 Qui illustre les méritoires efforts du droit pour préserver la possibilité de schizophrénie du salarié
Au début des années 80, les lois Auroux consacrent le salarié citoyen dans l’entreprise. Au début des années 90 l’air du temps est à l’entreprise citoyenne et le salarié citoyen disparaît peu à peu. Se pose de nouveau la question des libertés publiques dans l’entreprise.
Un rapport sur ce sujet, rédigé par le Professeur Gérard Lyon-Caen en 1992 ouvre la voie à une loi du 31 décembre de la même année qui prévoit qu’une entreprise ne peut, lors d’une procédure de recrutement ou d’évaluation, poser que des questions qui ont un rapport direct et nécessaire avec l’emploi occupé ou proposé (C. trav., art. L. 1221-6 et L. 1222-2). Le salarié au travail et le salarié dans sa vie personnelle doivent donc être disjoints, l'un ayant le droit de demeurer étranger à l'autre. Autrement dit, le comportement personnel ne nous dit rien du comportement professionnel qui seul peut être évalué. Le droit à la schizophrénie est ainsi établi, le salarié n'étant pas une totalité indivise au comportement monolithique. Exit donc les tests de personnalité généraux et les enquêtes de moralité.
Exit d'une manière plus générale, les processus d’appréciation des personnes, renvoyés vers le bilan de compétences et ses protections. L’entreprise ne peut évaluer que les compétences dont elle se sert ou dont elle a besoin. Toute évaluation doit donc, pour être valide, être contextualisée.
Une autre manière de dire que l’on n’évalue pas les individus mais leur travail ou leur capacité à l’exercer.
Ce droit garanti pour le salarié de pouvoir être autre au travail que dans sa vie personnelle subit aujourd’hui les assauts des réseaux sociaux et autres Web 2.0, qui fragilisent, pour ne pas dire font voler en éclat, la frontière entre vie professionnelle et vie personnelle.
13:35 Publié dans DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : formation, compétence, schizophrénie, évaluation, vie personnelle, vie professionnelle, droit
20/07/2011
Une histoire secrète du droit de la compétence
Dans le champ de la formation professionnelle, peu de concepts auront fait l’objet d’autant de travaux que la question de la compétence. Approches sociologique, gestionnaire, pédagogique, psychologique, psychanalytique, cognitive ou économique se sont multipliées sur le sujet. Par contre, très peu de travaux juridique sur la question.
C’est que la compétence du salarié n’est pas une question que le droit de la formation ou plus largement le droit du travail abordent directement : aucun article des 3 000 qui composent le Code du travail ne lui est expressément consacré, elle n’est définie nulle part, le Code du travail utilise compétence, connaissances, aptitudes et capacités de manière quasi-synonyme, les tribunaux se prononcent plus souvent sur l’incompétence (insuffisance professionnelle, défaut de résultats…) que sur la compétence,…au final la compétence paraît étrangère à la règle.
Comment faire ? comme les personnages de Manet, s'allonger sur l'herbe, prendre du bon temps, laisser aller et écouter, se laisser conter l'histoire du droit de la compétence, mieux que le roman de l'été.
Manet - Le déjeuner sur l'herbe
Si l'on sort de l'étude linéaire du droit, si l'on se fie aux nuages, au vent, aux arbres, bref si l'on se met à l'écoute, alors peuvent venir les surgissements. C’est ainsi qu’il est possible de conter l’histoire du droit de la compétence en sept chapitres que l’on pourrait intituler ainsi :
Chapitre 1 : Dans lequel la santé professionnelle du salarié est un secret
Chapitre 2 : Qui illustre les méritoires efforts du droit pour préserver la possibilité de schizophrénie du salarié
Chapitre 3 : : Où il est prouvé que l’irresponsabilité est dans la nature du salarié
Chapitre 4 : Dans lequel l’incompétence est une mesure à quatre temps
Chapitre 5 : Dans lequel la compétence prend son temps
Chapitre 6 : Quand les organisations syndicales s’éveilleront
Chapitre 7 : Qui voit la médaille du travail devenir parchemin
Demain, le chapitre 1. D'ici là, profitez du temps, de l'herbe, des nuages, des arbres et des plus charmantes compagnies.
11:20 Publié dans DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : formation, compétence, éducation, droit, droit du travail, manet, peinture
14/07/2011
Innocence d'Eve
Les fait sont simples et relativement fréquents : un salarié demande à être licencié pour réaliser un projet personnel, en l'occurence la création d'une entreprise. L'employeur qui est en difficultés procède au licenciement pour motif économique à la demande du salarié...et se retrouve devant le Conseil des Prud'hommes pour licenciement injustifié. Il fait valoir que le salarié était demandeur et ne peut contester ce qu'il souhaitait. La Cour de cassation ne retient pas l'argument : en droit peu importe qui demande, c'est celui qui a le pouvoir de décision qui est responsable. Voilà ainsi dédouanée, juridiquement, Eve qui propose et condamné sans réserve Adam qui dispose.
Claude-Marie Dubufe - Adam et Eve - 1827
De cette histoire, qui n'est pas une fable, on tirera deux morales. La première est que l'initiative n'est pas une catégorie pertinente en droit. Ce qui importe c'est la décision. L'acte juridique résulte d'une volonté, unilatérale ou conjointe, mais la demande est insuffisante à le caractériser. Ainsi, si le DIF comporte au profit du salarié un droit d'initiative qui rend légitime toute demande et ouvre un espace de négociation, ce qui caractérise le DIF est l'accord des parties pour sa mise en oeuvre et non le fait qu'il soit à l'initiative du salarié, qui d'ailleurs ne saurait être exclusive de celle de l'employeur. La deuxième morale est que la bonne ou la mauvaise foi du salarié importe peu : il revient à celui qui a le pouvoir de décision de porter seul la responsabilité de cette décision. Qu'Eve ait conseillé ou non de manger la pomme, c'est de la décision d'Adam de la croquer que résulte l'expulsion du paradis. Eve est innocente, on vous l'avait bien dit, la Cour de cassation confirme.
Claude-Marie Dubufe - Le paradis perdu - 1827
09:14 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : eve, adam, peinture, paradis, dif, licenciement, droit, droit du travail, dubufe
10/07/2011
DIF et rupture du contrat de travail
Le droit étant de la littérature, le choix des mots est capital : "Ce qui se conçoit bien, s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément". Il faut bien constater que le législateur ne concevait qu'approximativement le DIF lorsqu'il a voté la loi de 2004 mais également celle de 2009. D'où quelques approximations qui ne facilitent guère sa mise en oeuvre. En matière de rupture du contrat de travail, les parlementaires ont fait le choix de donner la même appellation (portabilité) à l'utilisation du DIF avant la rupture du contrat et à son utilisation postérieurement à la rupture du contrat. C'est une erreur. Dans le premier cas il aurait fallu parler de solde des droits au DIF avant le départ du salarié, puisqu'il ne s'agit pas encore de portabilité mais de faire bénéficier le salarié de la possibilité d'user du DIF avant la fin du contrat. Dans le second cas, il s'agit véritablement de portabilité, que le législateur a fait le choix de préférer à la transférabilité (reprise du crédit par un nouvel employeur).
Gilbert Garcin - La rupture - 1999
De même, indiquer que le salarié a droit au DIF en cas de faute grave mais qu'il doit présenter sa demande pendant le préavis n'est pas faire preuve d'une grande logique. Enfin, laisser croire que les OPCA paieront systématiquement le DIF portable en même temps que l'on demande à POLE EMPLOI de donner un avis sur la demande laisse songeur.
Sur tous ces sujets, vous trouverez ci-dessous un document de synthèse qui fait le point sur l'utilisation du DIF avant la rupture du contrat de travail ou après celle-ci en fonction des différents cas de rupture. Est également précisé que les entreprises doivent remettre dans tous les cas un certificat mentionnant les heures de DIF portable, même quand le salarié n'a pas droit à la portabilité puisqu'il ne peut appartenir à l'employeur de juger de l'ouverture, ou non, du droit à portabilité. Logique, mais peu évident en pratique pour le salarié qui, non informé sur les conditions mais uniquement sur le crédit, peu penser que son droit est ouvert. Bref, pour tenter d'y voir plus clair, un tableau de synthèse sur la rupture du contrat de travail et le DIF. Bonne lecture.
23:25 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : dif, licenciement, rupture conventionnelle, contrat de travail, droit du travail, droit, démission, portabilité