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07/03/2013

Regarder l'asperge

Lorsqu’il a visité le nouveau Louvres à Lens, manifestement François Hollande s’ennuyait. Pas de véritable regard sur les peintures, sourde oreille aux commentaires, hochements de tête se voulant polis, œil sur la montre et toutes ces sortes de choses. Personne n’est obligé d’aimer la peinture. Par contre, le défaut de curiosité, surtout pour ce que l’on ne connaît pas a priori, est pêché mortel. Ne pas savoir regarder, c’est se condamner à ne pas avoir d’imagination. Peu importe ce que l’on regarde, par exemple cette asperge de Manet. En saisir les couleurs, la texture, le goût, sentir la vie de la matière sous quelques touches de peinture, se dire qu’il y a là, dans l’asperge, un mystère à éclaircir, c’est une porte ouverte vers la nouveauté.

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Manet - Asperge

Lorsqu’on lui parle de formation professionnelle, je ne sais pas si François Hollande s’ennuie. Ce qui est certain, c’est qu’il ne s’y intéresse pas plus qu’aux asperges de Manet, qui lui soutireront peut être un bon mot, mais pas un vrai regard. Du coup, l’imagination lui fait défaut et il parle impersonnellement par poncifs : il faut envoyer massivement les chômeurs en formation. Ce qui était stupidité lorsque Sarkozy le déclamait sur tous les tons ne devient pas lucidité dans la bouche d’un autre. On en reste au degré zéro de l’analyse et à la confusion entre bon sens et bêtise. Peut être faudrait-il informer le Président sur un chiffre, un seul : 2 % des français seulement changent de région chaque année (et les français sont parmi les européens les plus mobiles). L’emploi ce n’est pas un rapprochement statistique entre des chômeurs et des emplois disponibles. C’est avant tout une réalité locale. Que l’on commence par disposer de diagnostics locaux des activités, des emplois et des besoins en compétences en se répétant tous les jours que la mobilité maximale pour la recherche d’emploi c’est 25 km en moyenne, et l’on verra ensuite s’il y a besoin de formation ou pas. Mais pour cela, il faut un peu travailler la question, s’y intéresser, et bien la regarder.

04/06/2012

Photo de campagne

Elle n'était pas dévoilée officiellement qu'elle était déjà détournée. Il faut s'y faire, l'information est désormais toujours en avance sur elle même. Pour ceux qui douteraient que l'on a changé de monde et que ce ne sont plus les pratiques anciennes qui peuvent servir de référence, voici encore un bel exemple. Dans ce florilège de détournements, j'ai bien sur préféré celui qui met un peu de peinture sur la photo. Voici Manet et ses amis qui s'invitent au déjeuner sur l'herbe. La garden party de l'Elysée, supprimée pour cause d'ambiance dépressive, ressurgit dans l'ombre fraîche des chênes et peupliers du grand jardin. 

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On conseillera aux maires de France de préférer cette photo bucolique à l'officielle. Car si manifestement l'intention était de ne pas faire trop officiel, alors il faut aller jusqu'au bout et redonner aux pelouses leur véritable fonction qui n'est pas d'être foulées mais de tenir lieu de table  romaine  : c'est allongé qu'il faut manger et discuter, les philosophes grecs l'avaient découvert et les romains l'ont préservé. Et puis sans les amis et la convivialité, on est seul, et seul avec le pouvoir il vaut mieux éviter.

06/02/2012

Talent singulier

Vendredi soir était soirée de remise des diplômes aux étudiants du Master Ressources Humaines de Paris 1 La Sorbonne dirigé par Jean-Emmanuel Ray. J'aime ces cérémonies protocolaires sans l'être trop où tous les moments passés de la formation deviennent des bons moments. Le plaisir des étudiants façonne celui des formateurs.

En introduction de la cérémonie, débat sur les Talents. Le grand mot est laché, et tellement laché d'ailleurs que tout le monde peine à le rattraper pour le définir. Qu'est-ce que le talent ? un état ? un construit ? une compétence particulière ? relève-t-il du magique ? de l'insaisissable ? est-ce cette capacité, plusieurs fois évoquée, à dénouer les situations ? le talent serait donc orienté solution ? Je proposerai une définition un peu différente qui distingue le talent de la compétence et de la performance, auxquelles il ne saurait être ramené.

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MANET  - Olympia - 1863

La talent n'est pas la compétence. Techniquement, bien des peintres auraient pu produire ou sauraient copier ce tableau de Manet. Mais qui d'autre aurait été capable de le créer ? de poser le corps blanc dans cette tranquille nudité, avec ce regard qui vous somme de regarder vraiment et qui créera le scandale. Car ce n'est pas la nudité qui choqua, mais le regard d'Olympia. Le talent c'est cette manière singulière que Manet met en oeuvre pour nous déshabituer de voir une représentation de la femme et vérifier si nous sommes capable de regarder vraiment une femme, cette femme.

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Julieth MARS TOUSSAINT - Olympia - 2006

Le talent ce n'est pas la performance, en l'occurence le prix atteint par le tableau de Manet ou celui de Julieth Mars Toussaint. Le talent c'est cette capacité singulière, mise en oeuvre ici par Julieth Mars Toussaint,  à réinterpréter, et non à copier, un chef d'oeuvre pour lui ajouter une dimension nouvelle. C'est une manière personnelle d'accomplir un travail, c'est donc une appropriation. Dit autrement, c'est l'utilisation de ses compétences en résonnance avec une biographie et un environnement. Une manière toute personnelle de faire. C'est irrémédiablement lié à l'individu, c'est la marque personnelle de chacun. En cela, chacun dispose d'un talent, d'une manière personnelle de réaliser ce qu'il doit. Et si l'on peut posséder les mêmes compétences ou atteindre la même performance, il est impossible d'avoir le même talent qui est donc irréductiblement singulier.

20/07/2011

Une histoire secrète du droit de la compétence

Dans le champ de la formation professionnelle, peu de concepts auront fait l’objet d’autant de travaux que la question de la compétence.  Approches sociologique, gestionnaire, pédagogique, psychologique, psychanalytique, cognitive ou économique se sont multipliées sur le sujet. Par contre, très peu de travaux juridique sur la question. 

C’est que la compétence du salarié n’est pas une question que le droit de la formation ou plus largement le droit du travail abordent directement : aucun article des 3 000 qui composent le Code du travail ne lui est expressément consacré, elle n’est définie nulle part, le Code du travail utilise compétence, connaissances, aptitudes et capacités de manière quasi-synonyme, les tribunaux se prononcent plus souvent sur l’incompétence (insuffisance professionnelle, défaut de résultats…) que sur la compétence,…au final la compétence paraît étrangère à la règle.

Comment faire ? comme les personnages de Manet, s'allonger sur l'herbe, prendre du bon temps, laisser aller et écouter, se laisser conter l'histoire du droit de la compétence, mieux que le roman de l'été.

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Manet - Le déjeuner sur l'herbe

Si l'on sort de l'étude linéaire du droit, si l'on se fie aux nuages, au vent, aux arbres, bref si l'on se met à l'écoute, alors peuvent venir les surgissements. C’est ainsi qu’il est possible de conter l’histoire du droit de la compétence en sept chapitres que l’on pourrait intituler ainsi :

Chapitre 1 : Dans lequel la santé professionnelle du salarié est un secret

Chapitre 2 : Qui illustre les méritoires efforts du droit pour préserver la possibilité de schizophrénie du salarié

Chapitre 3 : :   Où il est prouvé que l’irresponsabilité est dans la nature du salarié

Chapitre 4 :   Dans lequel l’incompétence est une mesure à quatre temps

Chapitre 5 :   Dans lequel la compétence prend son temps

Chapitre 6  :  Quand les organisations syndicales s’éveilleront

Chapitre 7 : Qui voit la médaille du travail  devenir parchemin

Demain, le chapitre 1. D'ici là, profitez du temps, de l'herbe, des nuages, des arbres et des plus charmantes compagnies.

11/05/2009

Apprendre à désapprendre

Dans la chronique du 6 mai, Proust nous invitait à prendre du recul à partir de l’Odalisque d’Ingres et de l’Olympia de Manet, d’abord opposées par la critique avant de devenir sœurs dans l’excellence. Il constatait également que l’expérience sert rarement de leçon. Une découverte de ce week-end permet de se reposer la question : voyez-vous dans l'Odalisque et l'Olympia ci-dessous des horreurs ou des banalités ou bien de nouveaux chef d'oeuvres qui prendront place aux côtés des précédents ?

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Julieth MARS TOUSSAINT - Odalisque - 2008

Julieth Mars Toussaint expose à la Galerie Guigon à Paris des toiles inspirées de chefs d’œuvre de la peinture que l’artiste se réapproprie avec une grande liberté qui n’exclut pas une totale fidélité. Manifestement, chez lui les leçons du passé sont assimilées. Elles ne conduisent ni à la reproduction ni à l’inhibition mais au contraire favorisent une liberté extrême qui s’exprime avec une force et une vigueur incroyables.

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Julieth MARS TOUSSAINT - Olympia - 2006

Julieth MARS TOUSSAINT dispose d'une solide formation historique et académique. Pour aller sur sa propre voie il a du apprendre à désapprendre ce qu'il savait.

Construction/Déconstruction/Reconstruction, voilà un chemin fécond pour la création. Dans les cursus de formation, on peut construire, c'est bien. Déconstruire est nécessaire mais s'en tenir à cela est désastreux. Reconstruire n'est pas possible si les deux étapes précédentes n'ont pas été respectées. Proust aurait aimé Julieth MARS TOUSSAINT.

Un détail pour conclure : le prénom de Julieth lui a été donnée par sa mère après qu'elle eut déjà perdu deux garçons avant ou à leur naissance. Un ancien consulté lui avait dit : donne à ton futur garçon un nom de fille, il ne mourra pas. Sa peinture est là pour nous prouver que Julieth MARS TOUSSAINT est vivant et bien vivant.