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18/10/2011

Un peu d'histoire

La formation tout au long de la vie ne saurait être précisément datée : l’histoire de l’apprentissage et de l’éducation se confond avec celle de l’homme. Il n’est pas une communauté qui ne se soit bâtie sans culture commune et des mécanismes éducatifs, quelles que soient leurs formes et modalités. Peu après la Révolution de 1789, Condorcet déclarait devant l’Assemblée qu’il était nécessaire que l’instruction soit délivrée aux enfants mais également aux adultes. Pour autant, il est habituel de situer au début des années 70 la création de notre système de formation professionnelle continue. C’est à cette période en effet que furent réunies les conditions pour qu’une construction dotée de fins et de moyens explicites voit le jour et se développe.

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Le système de formation professionnelle vient donc de fêter ses quarante ans. Ces années ne furent pas linéaires. Rythmées par les changements politiques, les cycles économiques et la vie des relations sociales, les 40 années de formation professionnelle peuvent être divisées en quatre décennies aux orientations très différentes. On est ainsi passé d’un projet inscrit dans la nouvelle société prônée par Jacques Chaban-Delmas 1971) à une formation professionnelle censée accompagner le changement de société (1981). La situation économique du début des années 90 a rendu le dialogue social atone et remis la formation au service des politiques d’emploi (1992), avant qu’une vaste réforme initiée par les partenaires sociaux ne modifie le point d’équilibre du dispositif et s’intéresse davantage à la compétence qu’à la formation (2003). Reste que cette réforme n’a pas réglé les problèmes de gouvernance, malgré la loi du 24 novembre 2009 qui en faisait un de ses objectifs principaux. Sans doute l’ouvrage devra-t-il être remis sur le métier après 2012.

Découvrez en 5 étapes, l'histoire de la formation professionnelle. Aujourd'hui, première étape qui va de la nouvelle société de Chaban-Delmas et de son conseiller social Jacques Delors, aux Plans Barre pour l'emploi des jeunes.

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HISTOIRE DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE-1.pdf

40 ANS DE FORMATION PROFESSIONNELLE CONTINUE.pdf

14/02/2011

A défaut d'imagination, reste la sanction

Une rue de Paris. Soleil de fin d’après-midi d’été. Torpeur, silence, banalité du quotidien. Que peut faire le peintre de ce tableau ? il peut introduire le mystère, l’étrangeté, le doute, l’interrogation. Son imagination ne fonctionne que pour mieux solliciter la votre. Voici une carriole lourdement chargée et son paquetage masqué. Voilà de hauts murs que l’on rêve de percer. Ajoutons des arbres témoins de la scène, trop correctement taillés pour être honnêtes. Et remarquez ces nuages qui n'ont d'autre objet que de perturber un ciel bien lisse. Il y a manifestement des zones d’ombre dans ce tableau qui pousse la porte de la banalité pour vous laisser entrer dans le mystère et l’aventure.

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Man Ray - Rue Férou - 1952

Nos gouvernants pourraient consacrer un peu de temps aux tableaux de Man Ray, ce ne serait pas temps perdu si cela pouvait remettre en mouvement leur imagination. Car la méthode de traitement des questions d’emploi et de formation est, depuis quelques années, uniforme : contraintes et sanctions s’associent invariablement dans un management d’un autre temps. Quelques exemples ?

Pour régler la complexe question de l’emploi des seniors, adoptez un plan emploi senior sinon pénalité. Pour égaliser les situations des femmes et des hommes, négociez sinon pénalité. Pour l’emploi des travailleurs handicapés, recrutez ou achetez sinon pénalité. Pour gérer la pénibilité, négociez sinon pénalité. Et voici que l’on nous annonce l’idée maîtresse du plan emploi des jeunes : un bonus-malus selon que les entreprises recrutent ou non. Dans un vigoureux effort de créativité, on rajoute la carotte au bâton.

Manifestement nos dirigeants ne voient d’autre source de motivation que l’argent. Pour susciter les comportements voulus, on sanctionne ou on  récompense au porte-monnaie. Voilà qui rend inutile toutes les théories de la motivation, hors l’argent point de salut. Constatons toutefois que l’emploi et la formation ne sont pas les seuls concernés puisque la sanction financière est la réponse choisie pour traiter l’absentéisme scolaire et que la sanction pénale est plus globalement la réponse proposée à toutes les questions de société.

Et voilà comment l’injonction « Obéissez ou payez »  est  devenue pour le citoyen l’invariable sanction du défaut d’imagination de ses dirigeants.    

16/12/2010

Le boeuf, le nageur et l'opéra

La deuxième anecdote rapportée par Jean-François Billeter concerne un cuisinier qui explique comment il appris à découper un boeuf : "Quand j'ai commencé à pratiquer mon métier, je voyais tout le boeuf devant moi. Trois ans plus tard, je n'en voyais que des parties. Aujourd'hui, je le trouve par l'esprit, sans plus le voir de mes yeux. Mes sens n'interviennent plus, mon esprit agit comme il l'entend et suit lui-même les linéaments du boeuf". Voici donc trois phases dans l'apprentissage : la confrontation directe avec un problème dont on ne sait comment l'aborder, puis la connaissance analytique qui permet l'action raisonnée et enfin l'incorporation totale du geste qui fait que l'objet à disparu, que les parties n'existent plus et que l'acte de découper le boeuf prend une dimension nouvelle, bien au-delà de la matérialité de la découpe.

La troisième anecdote est le récit d'une rencontre. Celle de Confucius avec un homme qu'il croit voir se noyer dans de dangereux tourbillons d'un fleuve bouillonnant. Mais qui s'aperçoit qu'en fait l'homme nage là où personne ne se risquerait, puis sort tranquillement de l'eau pour se sécher. Confucius l'aborde :

- Quelle est votre méthode pour nager ainsi ?

- Je n'en ai pas. Je suis parti du donné, j'ai développé un naturel et j'ai atteint la nécessité ;

- Que voulez-vous dire ?

- Je suis né dans ces collines et je m'y suis senti chez moi : voilà le donné. J'ai grandi dans l'eau et je m'y suis peu à peu senti à l'aise : voilà le naturel. J'ignore pourquoi j'agis comme je le fais : voilà la nécessité". Partir de ce qui est, travailler le naturel, agir de manière nécessaire, c'est-à-dire de manière spontanée car les gestes s'imposent de façon immédiate et naturelle. Au  bout de la nécessité, la liberté. Voilà pourquoi Matisse, lorsqu'il abandonne l'intention au geste qui imagine le dessin devient un peintre musicien dont on peut écouter les tableaux.

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Matisse - Dessin à la plume - 1936

Loin de la vision doloriste du travail, voici donc un cuisinier et un nageur qui progressent dans l'exercice de leur métier par l'incorporation toujours plus grande du geste juste qui ne sera trouvé que lorsque l'action peut s'exercer sans aucune intention. L'apprentissage de la liberté dans l'activité au profit de l'oeuvre créée, mais également du plaisir de celui qui l'accomplit. Ecoutons le cuisinier après qu'il ait terminé la découpe : "Mon couteau à la main, je me redresse, je regarde autour de moi, amusé et satisfait, et après avoir nettoyé la lame, je le remets dans le fourreau". Voici un artisan qui est devenu le boeuf qu'il découpe et qui s'amuse de cette virtuosité légère qu'il a acquise. Etonnante Chine ? mais non. Voici Mozart : "Ma tête et mes mains sont tellement prises par le troisième acte qu'il n'y aurait rien de miraculeux si je devenais moi-même le troisième acte" et Rimbaud : "Je devins un opéra fabuleux".

Voici donc une bonne base de travail pour réformer véritablement la formation et l'emploi des jeunes. Rendez-vous au mois de mars pour voir le résultat du travail accompli par les partenaires sociaux et par l'Etat. On souhaite qu'ils puissent se redresser, regarder amusés et satisfaits autour d'eux et ranger leurs stylos après avoir conclu d'innovants accords qu'ils auront plaisir, et nous avec, à mettre en oeuvre.

08/05/2009

Bouc émissaire

Le rapport relatif à l’accès au contrat de professionnalisation pour les publics éloignés de l’emploi, remis jeudi 7 mai par Jean-François Pillard au Secrétaire d’Etat à l’emploi Laurent Wauquiez et à Martin Hirsch, Haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté et Haut commissaire à la jeunesse, fait le constat d’un contrat principalement centré sur les jeunes diplômés et non sur les adultes ou les non diplômés. Parmi les causes avancées, le fait que les organismes de formation seraient maîtres de la prescription et qu’il y aurait une rigidité de l’offre. Une fois de plus, l’organisme de formation fait figure d’accusé et subit l’éternel procès en sorcellerie.

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Goya - Le sabbat des sorcières

Réfléchissons pourtant un peu : si l’offre de formation ne trouvait pas son public, existerait-elle toujours ? en d’autres termes, qui veut le plus du diplôme : le jeune ou l’organisme de formation ? et pourquoi le jeune veut-il un diplôme sinon parce que c’est la meilleure garantie pour l’accès à l’emploi et le sésame indispensable dans bien des politiques de recrutement. Si rigidité il y a, c’est peut être bien dans les pratiques de recrutement et de gestion des ressources humaines et non dans l’offre de formation qui n’est qu’une conséquence et non une cause. Réunissez des jeunes et des familles pour leur demander où va leur choix entre une formation diplômante et une formation qualifiante.

Les contrats de professionnalisation mettent en cause quatre acteurs : l’acheteur (l’entreprise), le consommateur (le jeune), le payeur (l’OPCA) et le prestataire (l’organisme de formation). Faire croire que le vendeur mène le jeu alors que les décisions principales relèvent de l’acheteur, du consommateur et du payeur est peut être un défaut d’analyse. On aimerait qu’il ne s’agisse pas d’une escroquerie intellectuelle.

27/04/2009

L'administration des jeunes

Le plan pour l'emploi des jeunes annoncé vendredi 24 avril par le chef de l'Etat est de facture classique : des exonérations de charge et des primes à l'embauche pour les entreprises, des contrats associant emploi et formation pour les jeunes. Soit en gros ce que l'on fait depuis le début des années 80 et la création des contrats de qualification et d'adaptation. Les gouvernements passent, les mêmes idées restent et surtout les mêmes a priori, au nombre de trois au moins.

Le premier est dans la segmentation bureaucratique des individus pour les gérer : l'administration connait les jeunes, de 16 à 25 ans, puis les seniors de 45 à 60 ans (ou 70 ans on ne sait plus très bien), entre les deux se trouvent les adultes, finalement peu nombreux.  L'administration n’a de cesse de segmenter. Dès lors que le droit se fragmente, on perd le droit commun, et chacun est renvoyé à sa situation ou catégorie. La meilleure loi est celle qui peut concerner tout le monde. On rappellera juste que dans le code du travail l'âge est un critère discriminatoire.

Le deuxième a priori se déduit du premier. En France le jeune n'est pas vraiment adulte : bien que majeur depuis ses 18 ans, il se voit proposer des contrats rémunérés en dessous du SMIC, n'a pas le droit au RMI ni au RSA. Des jeunes à droits réduits sommés de considérer qu'ils doivent payer le prix de leur intégration, comme si tel n'était pas le cas toutes les études montrant que le niveau de vie moyen des jeunes aujourd'hui est inférieur à celui de leurs parents et grands parents dont ils paient les retraites.

 

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Petrus Christus - Portrait d'une jeune fille - vers 1460

Le troisième a priori est que, finalement, la formation importe peu. Dans le plan gouvernemental, les contrats d'apprentissage et de professionnalisation sont clairement des contrats qui allègent le coût du travail. On décide ainsi d'augmenter le nombre d'apprentis par des incitations financières à l'embauche sans se poser la question des places d'apprentissage en CFA, des moyens de les financer, des filières de formation pertinentes, des processus d'orientation des jeunes en question. Bref, du quantitatif traditionnel qui, une fois de plus, cède aux démons du politique : les statistiques du chômage et les échéances électorales.