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26/08/2014

C'est pas du management

Tous ceux qui parlent de l'entreprise France et confondent une nation avec une société commerciale qui n'aurait comme horizon que sa situation d'endettement, son PIB, sa compétitivité, son niveau d'investissement et l'état de ses comptes doivent être déçus. Tout ceux qui pensent que les ministres sont des  forces de vente et le Président de la République le Dircom, doivent revoir leur langage. La Gouvernance de la France, ce n'est pas du management. 

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François Hollande en vélo (le scooter ayant été repéré),

à la recherche d'un miracle

Car en management, on a jamais vu un dirigeant virer l'ensemble du personnel pour gérer un licenciement et deux démissions, et encore moins en réembaucher les trois quarts, après leur avoir fait sentir qui est le maître. De telles pratiques de management seraient jugées ringardes, ridicules et inefficaces. Ce qui est bien la preuve que ce dont il est question ici, c'est de politique et pas de management. 

27/05/2013

Jeunes et démissionnaires

La DARES vient de publier une analyse des cas de rupture de CDI (les fins de CDD et de missions d’intérim sont exclues) en fonction de l’âge. Une occasion de vérifier que la démission demeure, de très loin, le premier motif de départ de l’entreprise…sauf pour les salariés de 55 ans et plus, pour lesquels les licenciements sont plus nombreux que les démissions et les ruptures conventionnelles bien plus importantes que dans les autres catégories d’âge. Ce qui nous permet deux confirmations : la première c’est que l’assurance-chômage finance bien des préretraites puisque les licenciements de salariés post 55 ans reflètent moins un acharnement soudain des employeurs que la persistance de pratiques de préretraites qui ont la vie dure depuis 40 ans, soit deux générations. La deuxième confirmation c’est que plus on avance en âge et moins on démissionne, d’où des taux de licenciement plus élevés. Ce qui démontre que lorsqu’il y a une rotation rapide du personnel, il y a moins de licenciements. Par contre, dès lors que les départs volontaires sont plus rares, le taux de licenciement augmente.

 

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Les chiffres de la DARES permettent également de constater que les licenciements économiques demeurent, à tous âges, beaucoup moins nombreux que les licenciements pour motif personnel et que chez les moins de 40 ans, la démission et la rupture conventionnelle, soit les départs volontaires, représentent plus de 75 % des cas de rupture.

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Bien sur, les tableaux présentent des moyennes et masquent toujours les cas particuliers. Car il y a au moins un actif de 76 ans qui n’est pas prêt de démissionner ni de prendre sa retraite, c’est Jean-Baptiste Thiérrée. Créateur avec son épouse Victoria Chaplin, du Cirque Invisible, qui se donne à voir au Théâtre du Rond-Point jusqu’au 15 juin prochain, il produit, dans la lignée d’Alexandre Calder qui animait encore son Cirque de bout de fils de fer à plus de soixante ans, un spectacle tout en créativité, inventivité, poésie et sans recours à l’informatique, tout en mécanique et en finesse. Si vous voulez goûter à ce que le monde d’avant produisait de meilleur, courez y vite : voir son visage, c'est rire.

29/04/2013

Un KO attendu

On savait que cela finirait par arriver. Il s'agissait juste de savoir quand. A quel moment un salarié en forfait en jours relevant de la convention SYNTEC ferait juger qu'elle présente des garanties insuffisantes pour permettre d'établir valablement des forfaits en jours. On se disait que, turn-over aidant, il y aurait bien un départ conflictuel qui permettrait au juge de se prononcer, dans un des domaines où le nombre de salariés en forfait en jours est le plus élevé. Mais rien. Pas un contentieux de principe  arrivant jusqu'à la Cour de cassation. Jusqu'à cette affaire de clause de non concurrence et de démission péniblement transformée en prise d'acte par la salariée. Sans demande particulière sur le forfait en jours. Mais, comme le boxeur qui prépare sa gauche depuis longtemps et ne sait plus la retenir dès que l'occasion se présente, le juge releva d'office le moyen qui lui permet d'obtenir le KO que manifestement  il recherchait.

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Georges Bellows - Dempsey et Firpo - 1924

Comme bien d'autres conventions négociées lors de la mise en oeuvre des 35 heures, la convention SYNTEC ne présente en effet que très peu de garanties pour s'assurer que la durée du travail des salariés en forfait en jours n'est pas excessive. Le suivi semestriel auquel se limite l'accord est manifestement insuffisant. Peut être cette décision pèsera-t-elle sur quelques départs dont le coût se trouve renchéri pour les employeurs. Et peut être amènera-t-elle le SYNTEC à réouvrir des négociations sur le sujet pour tenter de sécuriser ce qui peut l'être. Car le coup a été donné de si belle intention qu'on sent bien que le juge a de la réserve !

COUR DE CASSATION 24 avril 2013 - SYNTEC.pdf

17/04/2013

Le parachute et les feuilles mortes

....et chute pour les autres. La Cour de cassation vient de valider les clauses contractuelles dites de "Golden parachute" qui permettent à un dirigeant salarié de démissionner en cas de changement d'actionnaire ou de direction, tout en percevant des indemnités de départ. Dans le cas jugé le 10 avril dernier, la clause a permis à un Directeur commercial de percevoir 820 000 euros d'indemnités après avoir passé 14 mois dans l'entreprise. Ce qui témoigne, on en conviendra, de la valeur travail. Mais la Cour de cassation assortit sa validation de deux conditions : d'une part la clause ne doit pas entraver la possibilité de résilitation unilatérale par chacune des parties, en d'autres termes le licenciement et la démission doivent rester possible hors mise en oeuvre de la clause, et la clause doit être justifiée par les fonctions exercées. On en concluera que tout le monde ne peut être doté d'un parachute.

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Paul-Emile Borduas - Parachutes végétaux - 1947

Si la Cour de ne précise pas la nature des fonctions qui autorisent le recours à une telle clause, on comprend bien qu'il ne peut s'agir que d'un dirigeant. Autrement dit, seuls ceux qui ont les niveaux de salaire les plus élevés peuvent bénéficier d'une garantie d'indemnité en cas de départ volontaire. Pour les autres, il faudra attendre les décisions de la nouvelle direction pour savoir de quoi l'avenir sera fait. Difficile pour les salariés sans parachute, dans l'attente de savoir comment le vent va tourner, de ne pas avoir le sentiment de n'être que des feuilles mortes qui, comme chacun sait, se ramassent à la pelle.

Cass. soc 10 avril 2013 Golden parachute.pdf

12/02/2013

Prométhéen !

C'est peu de dire que la démission du Pape est un moment de pur bonheur. Non pas parce que Benoît XVI quitte la fonction, on ne peut souhaiter le départ d'un Pape qui écrit aussi bien sur l'eros, le corps et l'âme (c'est ici), mais parce que cet acte est une bouquet d'ambivalences et de subtilités. Tout d'abord, il est amusant de percevoir l'embarras de ceux qui pensent que le Pape doit se soumettre à Dieu et aliène sa personne à la fonction et en même temps font leur le dogme de l'infaillibilité pontificale. Pour eux, le geste est une contradiction insoluble. Ensuite, on peut sourire également de l'humilité contenue dans le geste, celui qui renonce aux honneurs et se retire, mais aussi le formidable orgueil dont il est porteur : j'ai regardé Dieu dans les yeux, et j'ai choisi de reprendre ma liberté !

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Heinrich Fueger - Prométhée offrant le feu aux hommes

Et s'agissant de liberté, il est désormais impossible  à quiconque d'expliquer que sa démission a été refusée. On pourra lui répondre en rigolant que même Dieu ne peut rien devant celui qui veut vraiment démissionner. Mais le plus important est sans doute la démonstration que la volonté peut faire son lit de la nature, ou de ce qui se prétend tel. Toute la tradition, sinon la règle canonique, s'opposeait à la démission du Pape. Et pourtant, son geste, celui qui met la liberté de l'homme avant  l'ordre établi, s'impose. S'il avait voulu fournir un argument en faveur du mariage entre personne de même sexe, le Pape n'aurait pu trouver meilleure démonstration. Benoît XVI démissionnant, c'est Prométhée qui offre le feu aux hommes et sa bénédiction à tous les affranchis. Amen !

17/12/2012

Courageux découragement

Il y en a eu un. Mais comme c'était le premier, il pouvait s'agir d'un cas isolé. Et puis il y en eût un second. Et un troisième. Et quelques autres encore. Pas un raz de marée. Pas un mouvement profond. Non, juste une somme de cas individuels qui sont peut être le signe que quelque chose se passe. Quels cas ? des salariés dont le statut, la rémunération et les fonctions sont plutôt enviables. Et qui décident de quitter leur entreprise alors que personne ne les y pousse, encourage ou contraint. Ils n'ont pas d'autre job en vue. Ils sont conscients de la difficulté du marché du travail, et pourtant ils choisissent de partir, non sans appréhension mais avec une pleine détermination. 

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Félix Labisse - Société de découragement - 1969

Pourquoi partir ? parce qu'il n'est plus possible de cautionner ce que propose l'organisation. Parce que les logiques de fonctionnement qui se mettent en place conduisent inévitablement à perdre le sens de l'activité, parce que la gouvernance créé les conditions de la perte d'efficacité au nom de la rationnalité, parce que le contrôle central, les reporting sans fin, les indicateurs dignes du gossplan et l'absence totale de considération de l'individu deviennent insupportables. Parce qu'il ne s'agit pas de se poser en  contestataire d'un système mais de mettre dans la balance ses valeurs personnelles et de dire "plus pour moi". Parce que l'on refuse de faire semblant encore et encore et que l'on ne souhaite pas s'installer dans un placard, fût-il pourvu de quelques dorures.  Parce qu'au final, et paradoxalement, on se sent mieux sans la sécurité, même si tout cela n'est pas toujours évident à vivre, et que l'on prend plaisir à la liberté. Et constater que même en période de difficultsé, avec les risques que cela comporte, il y a encore beaucoup de choix qui sont faits en faveur de la liberté contre la sécurité, c'est une sacrée bonne nouvelle.

25/06/2012

Lucky girl

A tous ceux qui viendront expliquer qu'ils auraient souhaité démissionner mais que  leur démission a été refusée, on pourra dorénavant donner l'exemple d'Axelle Lemaire. Cette jeune franco-canadienne nouvellement élue députée des français de l'étranger pour la zone Europe du Nord a démissionné avant même d'être nommée de son poste de Ministre délégué aux français de l'étranger. Le mot démission s'impose car lorsque le Président de la République vous appelle pour vous nommer Ministre, il vous l'annonce plus qu'il ne demande votre accord. Mais cette fois ci, ce fut non en quelques secondes. Les témoins de la scène n'ont eu comme tout commentaire que cette jolie formule : "Je fais de la politique pour changer la vie des gens, pas pour changer ma vie". La Lucky girl préféra donc sa vie à Londres auprès de sa famille au prestige de la fonction. On aimerait parfois que ce soit ceux qui refusent qui acceptent.

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Rynn Barton - Lucky girl

Un qui a accepté, c'est Thierry Repentin. Spécialiste du logement il n'a pas refusé de devenir le nouveau Ministre de la Formation Professionnelle. Fallait-il un Ministre et aurait-il fallu qu'il soit un spécialiste avéré ? Le Ministère délégué ne s'imposait pas : on aurait pu aller au bout de la logique qui inclut la formation dans des approches plus larges : dialogue social, compétitivité, emploi, régionalisation, formation initiale, etc. Ce qui justifiait que plusieurs Ministères soient compétents. La création d'un Ministère délégué ne doit pas couper la formation de ses finalités, ni de son articulation avec le dialogue social. De ce point de vue, c'est sans doute davantage du fait de ses bonnes relations avec Michel Sapin, plus que par sa connaissance du secteur, que Thierry Repentin a été nommé. Pour le reste, rappelons nous que la fonction de Ministre est une fonction politique et que pour la technique il y a les conseillers. Et qu'il faudra attendre quelques mois pour savoir si le nouveau Ministre est un Lucky boy.

05/12/2011

Le temps de la décision

Le temps est une notion relative, vous venez d'en faire l'expérience avec le week-end passé et la semaine à venir. Si l'on peut toujours conférer une réalité objective à l'alternance des jours et des nuits, le rapport de chacun au temps demeure singulier. Le droit du travail n'ignore pas cette singularité et à ce titre il distingue le temps de l'employeur et celui du salarié. A l'employeur, investi du pouvoir de direction, il n'est guère consenti de temps de réflexion. Toute décision l'engage et comme il est dans sa nature de décider, il fallait réfléchir avant. Quasiment pas de possibilité de rétractation donc : inutile si vous avez expédié une lettre de licenciement le matin d'en expédier une seconde le soir pour annuler la précédente. Votre second courrier serait dépourvu d'effet. Tel n'est pas le cas du salarié pour lequel le temps de décision inclut celui de l'indécision.

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Jean Chanoir - Indécision - 2005

Après une discussion un peu vive avec son employeur, une salariée démissionne et quitte l'entreprise. Avant de se raviser et d'envoyer dans l'après-midi un courrier qui informe tout à la fois son employeur qu'elle est enceinte et qu'elle ne démissionne plus. L'employeur ne veut rien entendre et s'en tient au premier courrier rédigé sur le lieu de travail avant de partir. A tort : la démission sera requalifiée par les juges de licenciement nul du fait de l'état de grossesse.

La rétractation est un droit reconnu au salarié lorsque des circonstances particulières entourent sa première décision. Si l'entreprise refuse cette rétraction donnée très rapidement après la démission, elle sera considérée comme ayant elle la volonté de rompre le contrat. Rien ne sert donc, en cas de démission d'un salarié, de s'empresser d'en  prendre acte  pour éviter toute rétractation. Au contraire, l'empressement de l'entreprise pourrait paraître suspect. Il n'y a, de plus, aucune urgence à accuser réception d'une démission et l'on peut bien prendre une semaine avant de préciser au salarié la date de fin de son préavis, sauf à l'en dispenser. Qui veut sécuriser ses pratiques prendra donc soin de prendre son temps. Conseil de lundi matin.

Cass. soc. 26 Octobre 2011 - Démission rétractée.pdf

10/07/2011

DIF et rupture du contrat de travail

Le droit étant de la littérature, le choix des mots est capital : "Ce qui se conçoit bien, s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément". Il faut bien constater que le législateur ne concevait qu'approximativement le DIF lorsqu'il a voté la loi de 2004 mais également celle de 2009. D'où quelques approximations qui ne facilitent guère sa mise en oeuvre. En matière de rupture du contrat de travail, les parlementaires ont fait le choix de donner la même appellation (portabilité) à l'utilisation du DIF avant la rupture du contrat et à son utilisation postérieurement à la rupture du contrat. C'est une erreur. Dans le premier cas il aurait fallu parler de solde des droits au DIF avant le départ du salarié, puisqu'il ne s'agit pas encore de portabilité mais de faire bénéficier le salarié de la possibilité d'user du DIF avant la fin du contrat. Dans le second cas, il s'agit véritablement de portabilité, que le législateur a fait le choix de préférer à la transférabilité (reprise du crédit par un nouvel employeur).

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Gilbert Garcin - La rupture - 1999

De même, indiquer que le salarié a droit au DIF en cas de faute grave mais qu'il doit présenter sa demande pendant le préavis n'est pas faire preuve d'une grande logique. Enfin, laisser croire que les OPCA paieront systématiquement le DIF portable en même temps que l'on demande à POLE EMPLOI de donner un avis sur la demande laisse songeur.

Sur tous ces sujets, vous trouverez ci-dessous un document de synthèse qui fait le point sur l'utilisation du DIF avant la rupture du contrat de travail ou après celle-ci en fonction des différents cas de rupture. Est également précisé que les entreprises doivent remettre dans tous les cas un certificat mentionnant les heures de DIF portable, même quand le salarié n'a pas droit à la portabilité puisqu'il ne peut appartenir à l'employeur de juger de l'ouverture, ou non, du droit à portabilité. Logique, mais peu évident en pratique pour le salarié qui, non informé sur les conditions mais uniquement sur le crédit, peu penser que son droit est ouvert. Bref, pour tenter d'y voir plus clair, un tableau de synthèse sur la rupture du contrat de travail et le DIF. Bonne lecture.

DIF ET RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL.pdf

06/07/2011

Une proposition

Peut-on suggérer à un salarié de démissionner ? est-ce du chantage, ou une proposition, que de lui recommander de démissionner avant que ne soit engagée à son encontre une procédure de licenciement pour faute grave ?

Lorsque la Cour de cassation veut apprécier la validité d'une volonté, nécessaire ici à la validité de la démission, elle utilise deux critères : le délai de réflexion et la capacité de la personne à prendre la mesure de la situation. Dans une décision datée du 25 mai 2011, la Cour de cassation estime qu'un délai de 5 jours, après avoir reçu la proposition écrite de la part de l'employeur de démissionner, et le fait que le salarié était cadre et avait pu s'informer librement sur les conséquences de la démission, permettait de valider l'expression d'une libre volonté. Le repentir tardif, cinq semaines après avoir démissionné, n'est donc pas valable. La suggestion de l'employeur était  bien une proposition et non du chantage.

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Watteau - La proposition embarassante - 1716

On peut trouver dans cette décision une consécration heureuse : celle qui consiste à penser que la subordination juridique existant dans le contrat de travail ne fait pas du salarié un incapable dépourvu de faculté de jugement, d'autonomie et de responsabilité, tout soumis qu'il serait à l'autorité de l'employeur. Cette consécration du salarié comme personne adulte et responsable, tout en posant des conditions à la validité du consentement, constitue une reconnaissance de la personne du salarié en tant qu'individu et non comme simple sujet.

Mais si tel est le cas, alors on comprend mal pourquoi la Cour de cassation estime que dès lors qu'il y a risque de licenciement, le recours à la rupture conventionnelle doit être écarté du fait d'un contexte litigieux. Que les parties veuillent sortir d'un litige annoncé par un accord plutôt que de se livrer au simulacre du licenciement avec transaction ou au  contentieux pourrait au contraire être considéré comme une manière intelligente de traiter l'affaire. Et les conditions de la protection du salarié sont remplies : délai de réflexion, délai d'homologation et contrôle de la DIRECCTE, possibilité de se faire assiter et recours éventuel en cas de dol. Si les juges étaient logiques, ils n'interdiraient pas à un salarié susceptible de démissionner valablement la possibiltié de conclure un accord de rupture plus respectueux de ses droits.

Cass. soc. 25 mai 2011 - Démission suggérée.pdf

23/06/2011

Quitte ou double

La prise d'acte de la rupture du contrat de travail connaît un succès croissant : harcèlement, modification unilatérale du contrat, non paiement d'heures supplémentaires, ...toute faute de l'employeur peut être propice à un départ du salarié, qui cherchera ensuite à obtenir devant le Conseil des prud'hommes des dommages et intérêt pour licenciement injustifié. La formule peut s'avérer intéressante pour le salarié et certains ne résistent pas à l'envie de tenter leur chance devant le juge. Mais comme au Casino, il est possible de perdre sa mise devant le juge. La prise d'acte est souvent un dangereux quitte ou double.

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Marce Ferrero - Quitte ou double

Le salarié peut certes réaliser la martingale : indemnités pour licenciement injustifié, assurance chômage et divers préjudice (perte de la possibilité d'utiliser le DIF, etc.). Mais il peut aussi perdre gros. La Cour de cassation, dans une décision du 8 juin 2011 vient de condamner un salarié dont la prise d'acte est qualifiée de démission, à indemniser son employeur pour préavis non effectué. Et ce salarié devra en plus rembourser les indemnités d'assurance chômage qui lui ont été versées par provision. Au final, tout cela lui coûtera bien plus cher qu'une démission. Sans doute les juges ont-ils voulu sanctionner à la fois un salarié qu'ils estimaient de mauvaise foi et donner un signal à tous ceux qui seraient tentés par l'aventure : ce n'est pas à tous les coups que l'on gagne.

COUR DE CASSATION8juin2011.docx

17/05/2011

De l'inutilité

Hugo Pratt, le rêveur qui racontait la vie de Corto Maltese, a évoqué quelques souvenirs, mais comment se fier à la mémoire d'un rêveur, dans un livre d'entretiens intitulé : "Le désir d'être inutile". La poésie de la formule ne laissera pas insensibles les nostalgiques du fils de la gitane sévillane et du marin des cornouailles. Le désir d'être inutile peut être une tentation passagère ou plus lancinante qui nous allège et nous libère. Ce désir est une gourmandise.

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Quelques députés ont cédé à la tentation. En déposant un projet de loi pour faire entrer la prise d'acte dans le Code du travail, ils font oeuvre inutile. Que l'on en juge par leur proposition qui propose de qualifier la prise d'acte de démission ou de licenciement selon le cas. En d'autres termes, on créé une modalité de rupture du contrat de travail qui renvoie à deux autres modalités préexistantes. On pourrait ainsi créer le contrat de travail salarié qui serait un contrat conclu soit en CDI soit en CDD. La clarté du droit y gagnerait certainement. Le propre du droit étant de qualifier, définir une catégorie juridique par référence exclusive à deux autres tient du tour de force et surtout de l'incompétence.

A lire le texte toutefois, l'on s'aperçoit qu'il s'agit de limiter cette insupportable liberté du salarié de pouvoir quitter l'entreprise a tout moment en cas de faute de l'employeur. Nos valeureux députés utiles s'emploient à lui compliquer la vie : la charge de la preuve pèse sur lui, le doute ne lui bénéficie pas, transformation systématique de la prise d'acte requalifiée en démission, de démission abusive puisque le salarié devra payer une compensation pour le préavis non effectué, etc. Sur leur lancée les députés se proposent de détricoter le droit du licenciement en permettant à l'employeur de prendre acte de la rupture du contrat, comme  si en ce domaine les deux parties devaient être à égalité. Rappelons à nos députés que ce n'est pas tout à fait par hasard si le licenciement doit être motivé et que la démission n'a pas à l'être. Le temps qu'ils pourraient consacrer à comprendre cette différence serait du temps en moins qu'ils consacareraient à des projets de loi inutiles. Du temps devenu utile, donc.

 Prise d'acte de la rupture.pdf

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Corto Maltese et le temps utile

28/02/2011

Une bourde réparée

Les bourdes ne sont pas réservées aux ministres. Les parlementaires prennent également leur part. Calme ton excitation lecteur, ce blog n'est pas le Canard enchaîné et ce qui suit ne devrait pas générer une dissolution de l'Assemblée avant la fin de la semaine. Mais de quoi s'agit-il ? lors du vote de la loi du 24 novembre 2009, les députés ont voté l'article L. 6323-17 du Code du travail qui prévoit que le salarié doit bénéficier du droit au DIF en cas de licenciement, sauf en cas de faute lourde. Conclusion, la faute grave ouvre droit au DIF. Mais comme la demande doit être présentée pendant le  préavis et qu'en cas de faute grave le salarié est privé de préavis, se posait un problème pratique déjà relevé sur ce blog. La bourde des députés n'avait toutefois rien d'insurmontable, comme le prouve une réponse des services du Ministère du travail à une parlementaire.

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Une députée s'étant en effet émue du piètre travail de ses collègues, l'administration la rassura. Dans une réponse publiée le 1er février 2011, le Ministère du travail préconise ce qui semblait de bon sens : en cas de licenciement pour faute grave, l'employeur doit laisser au salarié un temps identique au préavis dont il aurait bénéficié en l'absence de faute grave, pour utiliser son droit au DIF. Cette solution est la plus conforme à la volonté du législateur, si maladroitement exprimée.

Reste un dernier problème pratique que l'administration n'aborde pas : celui du certificat de travail. Il suffira d'indiquer que les droits au DIF sont mentionnés sous réserve d'une demande de DIF pendant le délai imparti.

Et voilà le problème réglé, pas de quoi demander la démission du rédacteur de l'article, ni du conseiller qui a tenu la plume, sauf à vérifier où ils avaient passé leurs vacances de la Toussaint.

DIF Portabilité faute grave AN Q 01 02 11.pdf

13/12/2010

Le harcèlement ne fait pas de fumée

Les clients s'en grillent une petite, puis une autre. Le patron laisse faire : l'ambiance et le confort de la clientèle n'ont pas de prix, pas même celui de la santé des salariés. Un barman s'en émeut et quitte l'entreprise avant de saisir le Conseil des prud'hommes, demandant la requalification de sa démission en rupture aux torts de l'employeur pour l'avoir exposé au risque de tabagisme passif. L'employeur se défend : un peu de fumée ne peut faire de mal, l'atteinte à la santé est inexistante et d'ailleurs les analyses fournies par le salarié ne montrent qu'un faible taux de nicotine dans le sang. Tout cela n'est donc que prétexte de la part d'un barman indélicat qui saisit grossièrement une occasion de taper juridiquement dans la caisse en partant. Le raisonnement du juge est souvent tortueux à l'instar des volutes de fumées : pour la Cour d'appel, en l'absence d'impact constaté sur la santé du salarié, le hold-up judiciaire n'aura pas lieu. Erreur affirme la Cour de cassation. La seule exposition au risque constitue une faute suffisante pour que le salarié rompe son contrat de travail et demande des dommages et intérêts, qu'il aura d'ailleurs la liberté de convertir en cartouches de cigarettes. Bashung l'avait prédit : vos luttes partent en fumée !

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La rigueur de la Cour suprême n'est que la conséquence de l'obligation de sécurité de résultat, inlassablement affirmée et développée depuis 2002 et les arrêts fondateurs concernant l'amiante. La force de cette jurisprudence donne quelques idées à ses plus fins connaisseurs. Un avocat quitte un cabinet dans lequel un responsable harcèle un de ses collègues. Ce climat de harcèlement l'expose à un risque qui le conduit à démissionner et à réclamer indemnisation du préjudice subi. Après le tabagisme passif, voici donc présenté au juge le harcèlement passif, ou l'altération de la santé par l'exposition aux fumées d'un harcèlement non directement subi. La Cour de cassation fait la leçon de droit à l'avocat : si peut être reconnue dans l'entreprise une organisation du travail harcelante, cela ne signifie pas pour autant que tous les salariés s'en trouvent harcelés par principe. Il est nécessaire d'établir un harcèlement directement subi (Cass. soc., 20 octobre 2010).

Ainsi partirent en fumée les prétentions de l'avocat qui ne put même pas, pour soulager son dépit, s'en griller une au café du coin.

05/07/2010

De l'art de la démission

Le communiqué est sobre, lapidaire : "Les secrétaires d'Etat Alain Joyandet et Christian Blanc ont présenté leur démission du Gouvernement. Le Président de la République et le Premier Ministre ont accepté ces démissions." Il suscite toutefois une double surprise. Non pas celle du départ des secrétaires d'Etat qui, comme d'autres, ont cédé aux facilités du pouvoir. La surprise tient dans les termes du communiqué. Pour tout juriste, ou tout simplement pour qui est soucieux du sens des mots, une démission est un acte unilatéral. Elle ne se présente pas, elle se donne. Et par conséquent, elle n'a pas plus à être accepté que refusée. On en prend acte. Nul ne peut empêcher celui qui veut véritablement démissionner de le faire. Comme le disait Jacques Rigaut, poète dadaiste suicidé en 1929 : "Essayez, si vous le pouvez, d'arrêter un homme qui voyage avec son suicide à la boutonnière". Ainsi, la liberté de démissionner n'est et ne peut être limitée par l'acceptation de l'autre partie car elle deviendrait contractuelle et ne serait plus une démission.

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Mathilde Tixier - Jacques Rigaut
En tant qu'acte unilatéral, la démission est valide dès lors qu'elle a été signifiée et ne peut être reprise. On ne revient pas sur une démission, sauf à conclure un nouvel accord. Ainsi, l'employeur ne peut refuser une démission ni le salarié se rétracter. Et l'on conseille à l'entreprise qui reçoit une démission de ne pas se précipiter pour en accuser réception. Outre que cet accusé n'ajoute rien à l'acte, une réponse hâtive pourrait laisser suggérer que la démission ne résulte pas d'une volonté unilatérale mais a été suscitée par l'employeur. De ce point de vue, le communiqué de l'Elysée a le mérite d'être explicite. Jacques Rigaut aussi aimait bien jouer avec des petits personnages.
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Jacques Rigaut - Photo Man Ray

28/06/2010

La portabilité du DIF en dix questions

C'est en portant Jésus que Christophe fit ses premiesr pas  sur le chemin de la sanctification. Le porteur, qui est aussi un passeur, ne se contente pas de relier une rive à l'autre et de devenir à ce titre le patron des voyageurs, il créé également une relation entre deux mondes. Le monde terrestre et le monde spirituel. On constatera avec plaisir que l'un des plus beaux Saint-Christophe, dont l'iconographie est riche, fut peint par José de Ribera. Le peintre connut pour sa petite taille n'eut donc pas peur d'affronter le géant qui porta le Christ, d'où son nom de Saint.

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José de Ribera - Saint-Christophe - 1637
En récompense de son portage, et pour transformer son doute en foi, Jésus demanda à Saint-Christophe de planter son bâton en terre. Ce dernier s'exécuta et eut la surprise de voir le bout d'arbre sec fleurir. Peut être un tel prodige serait-il nécessaire aujourd'hui pour démêler l'écheveau des questions qui se posent à propos du  DIF et, notamment, de sa portabilité. Pour progresser un peu sur le chemin, non de la sanctification ni du miracle mais plus prosaïquement de l'opérationnalisation de ce droit nouveau, voici livrées pour vous dix questions (et surtout réponses) à propos de la portabilité du DIF. Certaines font débat, ne vous privez pas !

Dix questions sur la portabilité du DIF.pdf

26/04/2010

Le temps ne passe qu'une fois

Une amie enseignante me donna un jour cette étranger définition de l'histoire : "L'histoire c'est quand on ne peut plus rien changer". On peut toujours tenter de réécrire l'histoire, mais rien ne fera que ce qui a été n'ait pas été. On connait la formule épicurienne sur les tombes latines : F NF NS NC. Fui. Non fui. Non sumo. Non curo. Je n'ai pas été. J'ai été. Je ne suis plus. Je n'en ai cure. Un jour sans doute le rocher Percé à force d'effritements aura disparu. Rien ne pourra faire qu'il n'ait pas été.

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Le rocher Percé - Photo Jean-Louis Lebreux

L'inexorable passage du temps vient de rattraper un employeur qui aura désormais un point d'appui pour réfléchir à l'histoire et au droit. Une salariée a été victime de harcèlement. L'employeur prend des mesures pour lui permettre de poursuivre son travail. Le harceleur démissionne. La salariée prend tout de même acte de la rupture de son contrat de travail et quitte l'entreprise en demandant des dommages et intérêts. Refusés par la Cour d'appel, l'employeur ayant mis fin à la situation. Accordés par la Cour de cassation : le harcèlement a eu lieu et s'il a pu avoir lieu c'est que l'entreprise a manqué à son obligation de prévention des risques. Après coup il est trop tard, rien ne peut faire que le harcèlement n'ait pas eu lieu, les mesures prises par l'employeur sont trop tardives (Cass. soc., 3 février 2010). Une raison de plus, s'il en fallait, pour agir ici et maintenant, avant que le rocher ne disparaisse.
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16/02/2010

Menace de rupture

La Cour de cassation a mis à la charge des employeurs, depuis 2002, une obligation de sécurité de résultat. Il en résulte que l'employeur ne doit pas simplement prendre des mesures face à des situations mettant en danger les salariés, il doit y mettre fin lorsqu'elles constituent des menaces sérieuses pour leur santé. Deux arrêts du 3 février 2010 nous donnent une illustration nouvelle de la mise en oeuvre de ce principe. Dans les deux cas il s'agit de salariés qui ont quitté leur entreprise à leur initiative du fait de situations de harcèlement moral et sexuel. Dans le premier cas l'auteur du harcèlement était le directeur, dans le second cas la salariée se plaignait d'une mise à l'écart et de l'interdiction faite à ses collègues de lui parler. Les juges du fond ont débouté les salariés de leur demande de licenciement injustifié et ont considéré qu'il s'agissait de départs volontaires et donc de démissions n'ouvrant aucun droit au salarié. A tort dit la Cour de cassation. L'employeur n'ayant pas mis fin à des situations anormales, et par là-même failli à son obligation de sécurité de résultat, les salariés pouvaient quitter l'entreprise et demander à percevoir des indemnités pour licenciement injustifié. La menace pesant sur la santé du salarié justifie donc son départ.

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Max Ernst - Deux enfants sont menacés par un rossignol - 1924

La conclusion de la Cour de cassation est donc radicale comme l'est la solution qui s'offre au salarié en cas de menace sur sa santé : le manquement de l'employeur a son obligation de sécurité de résultat ouvre droit à un départ aux torts de l'employeur. On retrouve ici la distinction chère aux magistrats entre l'initiative et l'imputabilité. Ce n'est pas celui qui prend l'initiative d'échapper à une situation anormale qui est fautif, mais celui qui a créé, ou laissé perdurer, cette situation. Il s'agit en quelque sorte d'un droit de retrait définitif.

16/03/2009

Repentir tardif

Le délai pour contester un licenciement est passé au mois de juin 2008 de 30 ans à 5 ans. Même si le raccourcissement est spectaculaire, il paraît de peu de portée tant les contentieux interviennent traditionnellement très rapidement après la fin du contrat de travail. Tel n'était pas le cas dans une affaire jugée le 4 février 2009 : trois ans après avoir démissionné, un salarié demande à ce que cette démission soit requalifiée en licenciement aux torts de l'employeur, la démission ayant été causée par le défaut de paiement de commissions. L'employeur fit valoir dans le contentieux que le repentir du salarié était bien tardif. S'il avait vraiment eu des griefs, il les aurait exprimé plus rapidement : la demande devait être jugée comme infondée car tardive et uniquement fondée sur le désir d'obtenir des dommages et intérêts indus.

 

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Miss Tic - Repentir-Rementir

Pour la Cour de cassation, le délai de trois ans ne peut être un argument valable : le juge doit vérifier s'il existait, ou non, des griefs précédant la rupture ou existant au moment de la rupture. Tel était bien le cas en l'espèce, le salarié ayant présenté de nombreuses réclamations, non satisfaites, pour obtenir le paiement de commissions. En présence de réels motifs de litiges existant au moment de la rupture, le juge qui admet leur bien fondé doit procéder à la requalification.

La décision du salarié d'entamer un contentieux, dès lors qu'elle demeure dans les délais de prescription, lui appartient et ne saurait être jugée comme rapide ou lente : à chacun son rythme. Quelques heures peuvent parfois paraître des siècles, admettons qu'en l'espèce ces trois années auront paru bien courtes au salarié.