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12/06/2017

Ça me rappelle quelque chose...

Les résultats des élections législatives m'ont rappelé un épisode des dix ans passés à diriger le Master de Ressources Humaines à l'IGS Toulouse. Sélectionnant les intervenants, j'avais composé une équipe très mixte : DRH, consultants, managers, universitaires, syndicalistes...la sociologie se voulait diversifiée pour mixer les expériences et confronter les étudiants à des visions très différentes de sujets identiques. Pour le cours de politique de rémunération, j'avais retenu le Président de l'Université de Toulouse, expert reconnu du domaine, auteur de nombreuses publications et directeur de nombre de recherches dans le domaine. Son intervention fût un fiasco. Il partit fâché jurant de ne pas revenir devant des étudiants qui ne respectaient rien et surtout pas lui. Je me rendis donc auprès de la troupe qui avait mis en fuite le mandarin. Les explications furent rapides : "Je l'ai eu en licence, il nous refait le même cours, il a rien actualisé, il se fout de nous", "Il répète la même chose depuis des années, il répond pas aux questions", "Il nous a expliqué que les intervenants professionnels venaient raconter leur guerre, mais qu'il n'y a qu'un enseignant chercheur qui peut véritablement enseigner", etc. Je ne leur ai pas donné tort. 

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Modèle du statut, si présent en France, contre modèle de la compétence. Le statut est un état, la compétence un mouvement. Le statut confère une légitimité qui ne se discute plus, la compétence est sans cesse remise en question. Dans un monde politique où l'on parlait de prime au sortant, la rétribution statutaire en quelque sorte, voilà que le statut pèse comme un boulet et que les situations paraissant acquises sont défaites en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. La notoriété, le passé glorieux, les triomphes anciens, tout ceci peut au final peser peu de poids dans l'ici et maintenant. Si le statutaire recule, est-ce pour autant le modèle de la compétence qui l'a emporté ? cela, il va falloir attendre un peu pour le savoir, car l'expertise, comme on le sait, ne fait pas la compétence. 

04/10/2016

Centralisme démocratique

Dans le cadre des travaux de refonte du Code du travail (que l'on avait déjà réécrit entièrement en 2008 mais l'on remet l'ouvrage sur le métier tout en proclamant que la stabilité juridique est gage d'efficacité et de sécurité....), la CGT a rédigé une longue note sur sa position en matière de norme sociale et de la place de cette norme dans les politiques d'emploi et de formation. Saluons l'exercice à la fois de formalisation des positions de l'organisation et de transparence. Et venons en au fond. Fidèle à ses positions traditionnelles, la CGT préfère la loi à la négociation et le niveau national au niveau local, ces deux priorités étant censées mieux garantir les droits des salariés. 

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Photo transmise par un militant CGT, le centralisme n'excluant pas l'humour

On pourra, à la lecture du document, mesurer l'écart entre les positions de la CGT et celles de la CFDT, cristallisé lors des débats sur la loi Travail, qui traduit deux approches. L'une jacobine, étatique et revendiquée comme telle, celle de la CGT, et l'autre plus girondine, plus décentralisée,  qui fait le pari du terrain. Pour la CGT, le rapport de force sur le terrain, ou le rapport de négociation si l'on préfère, est plus favorable aux salariés au niveau national car moins soumis à la pression directe de l'employeur, pour la CFDT, il faut prendre le risque de la négociation décentralisée pour trouver des solutions, de l'innovation, de l'adaptation qui ne peut, par nature, résulter d'un niveau trop général.  Rappelons que la France n'a jamais véritablement été Girondine et qu'elle ne prend pas le chemin de l'être si on en croit les programmes présidentiels qui ont été publiés à ce jour.  

CGT Droit du Travail.pdf

 

22/09/2016

Les économistes atterrants

Voilà maintenant plusieurs années que les économistes s'intéressent à la formation professionnelle. Ou plutôt qu'ils ne s'y intéressent pas mais trouvent intéressant qu'on leur demande ce qu'ils en pensent. Parce que les économistes pensent. A tout et sur tout. Et surtout ils pensent. Peu importe qu'ils n'aient réalisé aucun travail sérieux sur le sujet (je parle de la formation continue), jamais approché le milieu autrement que dans les cénacles endogamiques, ne disposent d'aucune grille d'analyse pertinente, n'aient jamais eu l'humilité d'aller y voir par eux-même. Plus ils sont ignorants du sujet, plus ils pontifient. Le dernier en date nous livre un diagnostic dont la profondeur le dispute à la subtilité, mais en France le statut vaut vérité. Personne ne pensera donc que Philippe Aghion se ridiculise à écrire des inepties, ni qu'il ridiculise le Collège de France. C'est tout l'inverse, ce dernier lui vaut brevet de vérité. 

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S'il y a des économistes atterrés, convenons qu'il y a des économistes atterrants lorsque l'on peut lire ceci : 

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Tout ceci ne serait pas bien grave s'il ne s'agissait que de flatter l'ego de celui qui s'exprime. 

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Le problème est que ce sont les mêmes qui inspirent les politiques et qui sont en train de nourrir les programmes politiques qui s'élaborent...quand on a le temps, parce qu'il faut quand même organiser la communication, les meetings, les alliances, les serrages de louches, etc. Pas vraiment le temps de travailler avec tout ça. D'où la tentation de se servir du prêt à penser labellisé. Même si ce sont des âneries. Dans les semaines qui viennent, ce blog reprendra donc les propositions en matière de droit du travail, d'emploi et de formation qui sont formulées dans les programmes, pour vous en livrer une analyse. Ne vous étonnez pas de ne pas trouver les noms des candidats dont les propositions sont commentées. Il ne s'agit ni d'une précaution ni d'un souci de neutralité. Simplement de la considération que notre système présidentiel, dans lequel on élit un roi pour 5 ans, est une perversion démocratique et que donc nous réservons notre bulletin pour les votes d'Assemblée. Et ça commence dès ce week-end. 

30/08/2016

LOI TRAVAIL : POUR LA COHERENCE, ON REPASSERA !

Au motif que chacun doit pouvoir déterminer ses conditions de travail au plus près du terrain et des besoins des entreprises et des salariés, la loi travail permet aux accords d’entreprise de déroger aux accords de branche. On connaît le débat, il a été un des principaux motifs de contestation de la loi.  Et c’est d’ailleurs un vrai débat qui mérite mieux que les procès d’intention, les anathèmes, les présupposés et les rapides accusations de casse du droit du travail. Est-ce que la branche offre un meilleur rapport de forces aux salariés, est-ce qu'elle est le meilleur niveau pour construire le droit et innover, ou est-ce qu’elle est institutionnalisée, phagocytée par les représentants des grandes entreprises qui imposent des conditions destinées à pénaliser les TPE et PME ? est-ce que la négociation d’entreprise est plus près des réalités, plus adaptée, ou plus sujette à l’emprise de l’employeur dans un rapport de forces défavorable ?  L’analyse régulière des accords collectifs,  n’apporte d’ailleurs pas de réponse tranchée à la question. Et l’on rappellera que la CFDT soutenait la loi Travail sur ce point, estimant qu’il était ensuite de la responsabilité des organisations syndicales d’avoir des délégués syndicaux formés et compétents dans les entreprises.

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Choix assumé donc, et pourquoi pas. Sauf que la loi introduit plusieurs biais dans ce principe. D’une part, les accords de branche pourront définir un « ordre public conventionnel » et décider des points sur lesquels il ne sera pas possible de déroger. D’autre part, les accords de groupe peuvent, s’ils le prévoient, primer sur les accords d’entreprise et les accords d’entreprise primer sur les accords d’établissement. Et dans ce cas là, impossible pour les accords de niveau inférieur de faire prévaloir l’adaptation aux réalités locales. Ainsi, un accord de groupe conclu par des organisations syndicales majoritaires au niveau du groupe pourra s’imposer à une entreprise dans laquelle ces mêmes organisations sont minoritaires voire absentes, au mépris de la position des organisations syndicales majoritaires.

Cette loi est finalement à l’image de quasiment toutes les réformes du quinquennat : une idée discutable mais claire au départ, des négociations sans méthode et sans fin pendant lesquelles alternent coups de menton et retournements de veste, et au final un compromis qui créé des complexités supplémentaires. Pour le choc de simplification et la cohérence, on peut repasser.

28/08/2016

LOI TRAVAIL : PARTIS SANS LAISSER DE TRACES

Il va falloir que les politiques qui fustigent à tour de bras l'immobilisme et les avantages acquis (cédons un instant à la démagogie : sauf les leurs) adoptent un nouveau discours. Car les avantages acquis ont bel et bien disparu du code du travail. Dorénavant, lorsqu'un accord collectif sera dénoncé par un employeur, ou lorsqu'un accord collectif viendra à terme, et qu'il sera impossible de conclure un nouvel accord, toutes les dispositions anciennes disparaîtront, sans laisser de trace. Terminé le maintien des avantages acquis à titre individuel qui s'incorporent au contrat de travail, qui constituait soit un frein puissant à la  dénonciation, soit une incitation forte à la conclusion d'un nouvel accord. Autrement dit, tout signataire d'un accord peut s'en libérer unilatéralement sans autre conséquence que la poursuite de l'accord jusqu'au terme du délai prévu pour conclure un accord de substitution, à savoir 15 mois maximum. Seule exception : le montant de la rémunération du salarié doit être maintenu (mais pas nécessairement la structure de son salaire). 

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La suppression du mécanisme des avantages acquis s'ajoute à l'inversion d'un principe : désormais les accords collectifs sont conclus pour une durée déterminée de cinq ans, à l'issue de laquelle ils cessent de produire tout effet. Et ils ne sont à durée indéterminée que si les négociateurs le prévoient expressément. Jusque-là, c'était l'inverse. Comme le disait (presque) naïvement Laurence Parisot lorsqu'elle présidait le MEDEF, tout est précaire, même la vie, pourquoi le droit du travail ne le serait-il pas ? rendons toutefois à la loi sa cohérence : à partir du moment où le champ de la négociation est plus ouvert, le pari est pris que les entreprises auront besoin de négociation sociale et que celles qui arrivent à négocier disposeront de solutions inaccessibles à celles qui auront un dialogue social bloqué.  En version optimiste, c'est un pari sur la responsabilité. Rendez-vous dans quelques mois (années ?) pour savoir s'il s'agissait d'un voeu pieux ou, encore, d'une naïveté. 

26/08/2016

LOI TRAVAIL : LE SOURIRE DES CARIATIDES

Si la hiérarchie des normes a largement fait débat, au point de devenir l'objet central de la contestation de la loi travail, il est un point que les contestataires ont peu mis en avant, car il aurait plutôt correspondu à leurs aspirations. Je veux parler des nouvelles règles de validité des accords collectifs. Même si son entrée en vigueur se fera progressivement (1er janvier 2017 pour tous les sujets liés à la durée du travail, 1er septembre 2019 pour les autres accords), le principe est désormais que la validité d'un accord collectif dans l'entreprise est subordonnée à sa signature par des syndicats représentant la majorité des voix exprimées lors des élections professionnelles (contre 30 % jusqu'alors). Et si les syndicats signataires ne sont pas majoritaires mais atteignent tout de même 30 % des voix, ils pourront solliciter un référendum pour décider de la validation, ou non, du texte. Voici donc une entorse à la démocratie représentative par recours à la démocratie directe. Il pourrait en résulter un vote plus fréquent des salariés sur leurs conditions de travail, et non seulement tous les 4 ans pour l'élection. Un peu comme la Suisse organise des votations régulières, ce qui confirmerait au passage que la démocratie est plus vivace à petite échelle. 

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Le principe majoritaire n'avait pas été adopté en 2008 par crainte de blocage du dialogue social et d'une plus grande difficulté d'atteindre une majorité d'engagement. La loi travail offre donc une alternative : le référendum. Certains y voient un mauvais coup porté aux syndicats, dont la légitimité serait ainsi remise en cause par un contournement minoritaire. L'analyse est un peu rapide car les syndicats eux-mêmes peuvent avoir intérêt à revenir vers la base avant de s'engager. Et c'est peut être avoir une lecture du référendum trop inspiré de son utilisation politique, dans laquelle il n'est jamais répondu à la question posée. Car le référendum n'est jamais si légitime que lorsqu'il est utilisé régulièrement. En tout état de cause, ces règles nouvelles sont de nature à modifier profondément les stratégies de négociation, chacun ayant désormais en tête qu'un vote de la base est toujours possible. D'où le léger sourire des cariatides. 

25/08/2016

LOI TRAVAIL : LES REGLES SANS LA CULTURE

La loi Travail fait le choix d’élargir les champs ouverts à la négociation collective et tente de donner la priorité aux négociations locales plutôt qu’aux négociations nationales et centralisées. Beaucoup y ont vu, à travers l’inversion de la hiérarchie des normes, une atteinte à l’unicité de la République, la rupture de l’égalité entre les salariés relevant d’une même convention collective, l’incitation à pratiquer le dumping social pour sauvegarder sa compétitivité voire améliorer ses bénéfices. Ces arguments ne peuvent être écartés d’une simple chiquenaude, mais ils demeurent malgré tout mal fondés. Concernant l’atomisation du droit, il faut soit être très naïf soit méconnaître les réalités sociales pour penser que tous les salariés sont aujourd’hui soumis au même droit du travail. Selon la taille des entreprises et leur secteur d’activité, les différences sont sans doute plus importantes que les éléments communs. Le statut conventionnel des salariés des entreprises du CAC40 a peu à voir avec celui des TPE/PME et le salarié d’un commerce de détail alimentaire n’est pas vraiment soumis au même droit que celui de l’animation socio-culturelle, de la Banque ou de la chimie. Avec plus de 400 conventions collectives différentes actives, l’atomisation du droit du travail a déjà eu lieu. Quand au dumping social, il résulte sans doute bien plus de l’organisation des structures juridiques, de la sous-traitance et des délocalisations que des possibilités nouvelles ouvertes à la négociation collective qui, à la différence des solutions précédentes, nécessitent d’obtenir un accord majoritaire avec les organisations syndicales.

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Et si l’on veut bien en revenir aux sources de l’Europe, à savoir la démocratie athénienne, c’était une démocratie de proximité. Il ne manque pas de penseurs d’ailleurs pour estimer que plus son cadre d’exercice est large et moins la démocratie est parfaite. S’il fallait illustrer, on pourrait comparer le fonctionnement démocratique de l’Union Européenne et celui d’une municipalité par exemple.

Le véritable point qui, à mon sens, fait problème n’est donc pas tant la nouveauté des règles qui font davantage confiance au local, c’est le rapport entre l’intention posée par ces règles et la réalité des relations sociales dans notre pays. Lorsque l’on rencontre régulièrement des employeurs dont l’objectif est de n’avoir aucun syndicat, voire d’éliminer ceux qui existent, des DRH qui voient en tout syndiqué un dangereux agitateur politique, des syndicalistes qui font procès d’intention systématique à toute proposition de l’employeur et l’on pourrait rallonger la liste, on se dit que le pari de la négociation décentralisée et généralisée n’est pas gagné et qu’il ne suffit pas de changer les textes pour faire évoluer les mentalités, même si l’objectif de la loi est d’y contribuer. Et lorsque l’on constate que le MEDEF, principale confédération patronale, est fortement tenté de jouer le jeu du lobbying politique plutôt que celui de la négociation sociale, on se dit que cette loi vient soit trop tard soit trop tôt mais qu’en tout état de cause elle est à l’heure de sa publication peu en phase avec la réalité sociale. Mais le plus probable reste encore que nous n’ayons pas l’occasion d’apprécier si le pari est gagné ou perdu, car l’élection présidentielle qui se profile risque d’être l’occasion d’un nouveau chambouletout et quelque chose nous dit que le dialogue social n’en sortira pas forcément gagnant.

24/08/2016

LOI TRAVAIL : LIFE IN MOTION

La loi Travail ayant été publiée, il est aujourd'hui possible d'en faire une analyse méthodique, et ce blog va donc s'attacher à partir de ce jour à passer en revue ses dispositions pour tenter d'objectiver leur portée réelle. Mais pour débuter cette série, et tenter de lui donner un peu de sens, commençons par rechercher l'esprit des lois. Quel est le fil conducteur du texte, quels objectifs poursuivaient ses promoteurs, quelle philosophie anime la réforme ? on pourrait le résumer en un mot : ADAPTATION. La loi Travail repose sur le diagnostic, pris comme une évidence mais non démontré factuellement, que le droit du travail favoriserait l'immobilisme, l'ancrage dans le passé, l'incapacité à prendre en compte l'évolution des technologies, des organisations, des modes de productions, de l'économie mondialisée, etc. Toutes les règles de la loi Travail peuvent s'interpréter au regard d'une logique : il faut substituer à un droit du travail structuré, ordonné, hiérarchisé, centralisé, bâti sur une logique de construction accumulative propre aux 30 glorieuses, un droit décentralisé, mouvant, évolutif, temporaire, souple ("agile" dans la novlangue des dirigeants) qui permettrait de s'adapter à un monde évoluant lui même à un rythme toujours plus rapide. 

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Même si la communication sur la loi Travail a été calamiteuse, cette logique permet aux tenants de la loi de bénéficier de toutes les valeurs positives liées au mouvement et de renvoyer les opposants à l'immobilisme, au passéisme, à l'absence de réalisme, en un mot de créer un artificiel débat entre les dynamiques qui veulent faire évoluer le système et ceux qui n'ont comme projet que de maintenir l'existant. Les modernes et les conservateurs, ceux qui vont de l'avant et ceux qui restent tous freins serrés. Ce n'est évidemment pas un hasard si les promoteurs véritables du projet, Valls et Macron, ont en semblable détestation l'idéologie et se réclament du pragmatisme et si le mouvement politique du second s'appelle "En marche" sans que l'on sache véritablement vers quoi. 

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Car si le mouvement ce peut être la grâce de la danse, porté à sa quintessence c'est aussi le cyclone qui détruit les constructions collectives et renvoie à la capacité de chacun de trouver la possibilité de reprendre vie en terrain désolé. Autrement dit, ni le mouvement ni la réforme ne font sens en eux-mêmes. Et l'on peut considérer qu'avoir fait de l'adaptation la valeur cardinale du projet est au fond un aveu que l'on ne maîtrise plus grand chose de l'évolution du monde, que l'on a renoncé à toute volonté dans ce domaine et que l'on circonscrit son action à tenter de mettre en place des moyens de se protéger du cyclone. 

02/08/2016

Les apôtres et les autres

Au Sud de l'Australie, on peut aller à la rencontre des 12 apôtres. Ces pans de falaise découpés par la houle, sculptés par les vents, érodés par l'acidité du sel, déchirés par les tempêtes, promis à une disparition prochaine, lorsque le temps et les éléments auront arasé ces excroissances éphémères. 

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Ephémères car il suffit de se mettre à la véritable échelle du temps. Celle de l'histoire ou celle du temps géologique. Pas facile à l'époque des chaines d'actualités en continue et du robinet permanent de l'information qui sanctifie le présent et abolit toute dimension temporelle. Les douze apôtres nous rappellent que la pensée se déploie dans le temps et qu'elle n'est rien dans l'instant. 

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A la National Gallery de Melbourne, on peut prendre le temps devant un autoportrait aux douze apôtres de Greg Semu. Cette photographie grand format appartient à la série "The last cannibal supper...cause tomorrow we become christians". Elle illustre avec humour la tragédie de l'évangélisation des populations du pacifique et donne un écho particulier aux paroles du Pape François. 

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Tous ceux qui estiment que les migrants devraient abandonner à la frontière leur culture, leurs habitudes, leurs repères et s'assimiler illico-presto, pourraient s'essayer au temps long et se souvenir de la manière dont l'évangélisation a respecté les cultures locales en Amérique, Afrique ou Océanie. Dire cela ce n'est pas égaliser les cultures ni les valeurs. Encore moins établir une quelconque culpabilité, chacun n'est comptable que de ses actes, pas du passé. Mais ce n'est jamais en niant le passé que l'on peut penser, et agir, dans le présent. 

20/07/2016

Toujours plus haut, toujours plus fort

Après l'IGF et l'IGAS qui tentent de faire les poches des OPCA pour trouver 400 millions manquants (ah ben oui, on ne peut pas à la fois faire des cadeaux électoraux et avoir des réserves pour la formation des demandeurs d'emploi), voici la Cour des Comptes qui joue à l'éléphant dans la fabrique de bibelots. Selon les magistrats de la Cour, il serait pertinent, même si un peu complexe, de transférer la collecte des fonds de la formation professionnelle à l'URSSAF. Question d'économie d'échelle et d'efficacité, on connaît les arguments. Le problème c'est que, comme souvent dans ces rapports écrits par ceux qui se font fort de tout comprendre et tout connaître en un rien de temps (bon ok, les consultants font pareil, mais ce n'est pas une raison...), la superficialité guette au coin du rapport. Notamment lorsqu'il est affirmé qu'il n'y a plus de concurrence entre les OPCA pour les collectes légales et conventionnelles (et hop ! oubliée la concurrence entre les interpros pour la collecte légale) ou que l'on peut facilement régler la question des champs conventionnels avec la DSN. Là, ce n'est plus une vision d'en haut, c'est carrément stratosphérique. 

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Dressons une liste non exhaustive : entreprises sans CCN, entreprises n'appliquant pas la bonne CCN, entreprises ayant fait le choix par accord d'une CCN de rattachement, subtile distinction entre la CCN appliquée et la CCN applicable, pour ne pas parler des adhésions historiques d'entreprises à certains OPCA qui ne sont pas les leurs, aux problèmes de frontières dans les rattachements de secteurs à telle ou telle CCN, etc. La Cour des comptes n'identifie même pas le fait que sous couvert de rationaliser une simple opération technique, la collecte, il faudrait revisiter l'ensemble des champs d'application des CCN et tracer des étanchéités entre les secteurs professionnels (avec parfois 3 CCN pour un même code NAF je vous laisse envisager le boulot...). Bref, l'opération ne serait pas simplement "compliquée", elle causerait à l'évidence bien plus de désordre que d'économies. Mais sur le papier, comme toujours, ça marche. 

Et la Cour dans sa grande partialité n'aborde jamais non plus la question de la taxe d'apprentissage, les effets bénéfiques du cumul de qualité OPCA-OCTA, de la simplicité du guichet unique pour les questions de formation et de la nécessité pour les entreprises d'identifier précisément l'interlocuteurs qui reçoit les fonds et rend les services en contrepartie, ce que l'abstraction de la collecte URSSAF ne manquerait pas de masquer. Au final, comme pour beaucoup des projets présentés ces dernières années et qui resteront la marque de ce Gouvernement, une bonne intention et une idée simple...mais erronée qui se traduira au final par plus de complexité. 

Par contre, on ne saurait trop recommander aux OPCA de profiter de l'été, et peut être aussi de l'automne, pour dresser un diagnostic en matière de collecte un peu plus pertinent que celui de la Cour des comptes, de faire des propositions pour améliorer l'existant et pour démontrer que la voie cette amélioration est hautement préférable à un grand chambouletout. 

08/07/2016

Michel et Judith

L'hommage rendu à Michel Rocard ne manquait pas de paradoxes, parmi lesquels la célébration unanime de l'homme du dialogue, de la méthode pacifiée, de la négociation et du compromis. Sauf que c'est le 1er Ministre qui a le plus, et de très loin, utilisé le 49-3, autrement dit le vote sans débat à l'Assemblée qualifié ces temps ci de brutalité, déni de démocratie ou coup de force. Ainsi donc, le chantre de la recherche du consensus serait également le pape de la violence politique ? voilà qui met à jour la confusion entre les moyens et le sens. L'occasion de rappeler l'histoire de Judith, qui ouvrit ce blog il y a 8 ans. 

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Caravage - Judith et Holopherne

Si vous regardez la scène, vous voyez un meurtre, prémédité de surcroît. Si vous racontez l'histoire, vous constatez que Judith ne met nul plaisir, mais beaucoup de détermination, à accomplir le geste qui sauvera la ville de Bulthé. C'est à l'aune des fins poursuivies que l'on juge les moyens employés. La question est donc moins de passer des heures à se demander si le 49-3 est brutal ou non, que d'examiner le fond du texte pour savoir si le projet lui-même  constitue une brutalité ou non. Et même si le texte cède (un peu trop) souvent au mythe selon lequel le droit est le principal ennemi de l'emploi, il instaure au final des champs de négociation plus larges que ceux qui existent aujourd'hui. Pas très loin des idées autogestionnaires portées par Rocard, qui expliquent largement le soutien de la CFDT au texte. Mais il est de tradition en France de débattre beaucoup des moyens et assez peu des fins. 

06/06/2016

Affichage ?

Peut être que vous y comprendrez quelques chose, j'avoue que pour ma part j'oscille entre la stupeur, le doute et la consternation. Pas terrible comme choix, je vous le fais pas dire. Mais c'est tout de même ce que suscite la circulaire de la DGEFP annonçant que les titres du Ministère du Travail sont désormais ouverts à l'apprentissage. Il est vrai qu'une circulaire du 15 mai 2007 avait déjà prévu un dispositif "expérimental" que l'on généraliserait à présent donc.   Qu'est-ce qui cloche la dedans ? le décalage avec les dispositions légales. Le Code du travail prévoit, de longue date, que l'apprentissage doit permettre de préparer un diplôme ou un titre professionnel. Le code de l'Education fait la distinction entre les titres professionnels, tous ceux qui sont inscrits sur demande au RNCP, et les titres professionnels délivrés au nom de l'Etat, qui y sont inscrit de droit. Mais tous sont des titres professionnels. Donc tous sont légalement accessibles par la voie de l'apprentissage.

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Je me souviens avoir rédigé, en 2007, une note pour une fédération professionnelle expliquant pourquoi les CQP enregistrés en tant que titres au RNCP étaient préalables par la voie de l'apprentissage. Sur ce point, les règles n'ont pas changé. 

Dernier motif d'interrogation, en la matière ce n'est pas l'Etat qui décide mais les Conseils régionaux, maîtres de la carte d'apprentissage. Résumons : on annonce comme une nouveauté ce qui est possible depuis des années, et on met en avant une décision de l'Etat qui relève en fait des Conseils régionaux. Affichage ou c'est moi ? 

Circulaire Apprentissage Titres professionnels.pdf

 

03/06/2016

Des textes au double visage

Pas de procès d'intention, c'est un principe et en droit la bonne foi est présumée. Mais force est de constater que les décrets censés mettre en musique les lois novatrices peinent parfois à prolonger l'innovation et s'enlisent dans un conservatisme consternant. Dernière illustration : le projet de décret qui vient préciser les informations sociales à communiquer au comité d'entreprise, suite aux trois réformes de 2013 (loi de sécurisation de l'emploi), 2014 (formation) et 2015 (dialogue social). La réforme n'était pourtant pas mineure : suppression des consultations spécifiques sur la formation, articulation de la formation à la stratégie et à la politique RH, mise en place de la base de données économique et sociale, passage d'une information quantitative à une information qualitative, recentrage sur la politique et les objectifs et moins de place donnée aux moyens. Une révolution. Sauf que...

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Sauf que le projet de décret préparé par le Ministère du Travail reprend quasi mot à mot les dispositions antérieures, sauf que l'occasion d'enfin réformer le bilan social (qui est totalement obsolète sur la partie formation articulée à la règlementation de....1972 !) n'est pas saisie et sauf que toutes les nouveautés en matière d'investissements, d'élargissement du champ de la formation au développement de compétences et du glissement de la formation vers la compétence ne sont en rien prises en compte. Alors conservatisme ? négligence ? réflexion insuffisante dans l'urgence ? incompétence ? je laisse à d'autres le pourquoi et me contente du triste constat de textes incohérents (le projet de décret est en décalage profond avec les dispositions légales) et le travail qui en résulte pour les responsables formation : expliquer aux représentants du personnel qu'il vaut mieux s'inscrire dans les dispositions légales, se détacher de la lettre des textes règlementaires et centrer son action sur les objectifs et les résultats. Pour peu que l'on ait des interlocuteurs qui peinent à quitter le monde ancien de peur de perdre leurs repères, on mesure le service rendu par ces textes indigents. 

ProjetDecretIRP.pdf

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25/05/2016

Un léger déni de réalité

Les chiffres du CPF pour le mois de mai viennent d'être communiqués. Et l'on apprend que 10 000 salariés ont terminé leur parcours depuis janvier 2015. En 16 mois, on aura donc 10 000 formations réalisées contre 700 000 par an avec le DIF. Si comme le dit la communication officielle, le CPF a trouvé sa vitesse de croisière, on mesure le recul. Mais il y a mieux : les parlementaires sont convaincus que les listes du CPF sont contreproductives, mais la loi Travail n'y touche pas au prétexte que cela relève des partenaires sociaux (même si c'est dans la loi, allez comprendre). Quand à ces derniers, les syndicats expliquent toujours qu'ils ne veulent pas des certifications non diplomates et le MEDEF que le système des listes est bon mais qu'il y a trop de certifications du fait des organismes de formation (on rêve). 

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Il suffit de regarder les résultats : dans les 10 premières certifications demandées par les salariés, il y a 9 certifications de l'inventaire +la VAE qui ne relève pas des listes. Autrement dit, les listes de centaines de diplômes soigneusement sélectionnés ne servent strictement à rien : trop longs, inaccessibles, non modulaires, pas ouverts en entrée permanente, pas demandés....Mais on peut continuer l'aveuglement et ce dire que cela ira mieux dans cinq ou dix ans. Alors de deux choses l'une : soit il s'agit d'un déni de réalité de la part de ceux qui pensent qu'il faut sans doute dissoudre le peuple s'il n'est pas de leur avis, soit il y a une volonté délibérée de faire que cela ne marche pas, pour des raisons qui m'échappent. Finalement, il fait école le Président qui déclare que ça va mieux. 

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20/05/2016

Le droit et la littérature

Confronté à Deep Blue, l'ordinateur d'IBM, Kasparov a perdu. Confronté à AlphaGo, l'ordinateur de Google, M. Lee a perdu. Dans le premier cas, la force du calcul, dans le second la puissance du calcul mais également la capacité à adapter ses choix (plutôt qu'à apprendre).  Parallèlement, le déferlement des robots "intelligents", au rang desquels la voiture qui se gare seule et conduit à votre place, renvoie l'individu à ses impuissances face à la technologie. Si ce monde là vous affole, vous effraie, vous ennuie ou vous révolte, offrez vous un petit plaisir : prenez un texte au hasard et soumettez le au traducteur de Google. Vous devriez être rassurés. Car lorsqu'il s'agit de littérature, la machine rend les armes et ses concepteurs n'en peuvent mais. Vainqueur aux échecs et au jeu de Go, quand la machine pourra-t-elle produire un quatrain de cette beauté : 

Nous promenions notre visage

(Nous fûmes deux, je le maintiens)

Sur maints charmes de paysages,

O soeur, y comparant les tiens.

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Francis Picabia - Littérature

Les hommes politiques l'oublient souvent (De Gaulle et Mitterrand le savaient) et d'ailleurs de plus en plus : le droit c'est de la littérature. Aussi, toutes les tentatives de créer de l'automatisme (depuis les peines planchers de Sarkozy jusqu'au barème des indemnités pour licenciement injustifié de Macron et Valls) dans le droit sont vouées à l'échec. Parce que la nature même du droit, son essence, est littéraire. Et que la littérature n'est pas calculable, encore moins lorsqu'elle s'applique aux comportements humains. C'est ce qui rend le métier de juge si complexe et interdit toute perspective de mettre une machine à sa place. Car le jour où il n'y aura plus de pouvoir du juge, aussi irritant soit-il parfois, il n'y aura tout simplement plus de droit. 

12/02/2016

O comme....ORGANISME DE FORMATION

Silence on coule !

 Personne, je dis bien personne, n’a jamais été capable de m’expliquer sérieusement (je ne parle même pas de me convaincre) pourquoi il y aurait trop d’organismes de formation en France et pourquoi ce serait une bonne nouvelle que certains ferment leurs portes.

Les escrocs ? entend-on dire qu’il y a trop de banquiers, d’assureurs, d’entrepreneurs du BTP (liste non exhaustive, évidemment) lorsque l’on apprend qu’il y a quelques véreux dans la profession ?

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Bonjour ? 

La qualité ? doit-on fermer toutes les gargottes au motif qu’elles ne sont pas au guide Michelin, quand bien même elles auraient des clients ? Et en quoi d’ailleurs le nombre de gargottes influerait sur la qualité de la gastronomie dans les trois étoiles ?

Faciliter le choix du consommateur ? J’ai cru comprendre que la concurrence était bénéfique pour le consommateur et que plus un marché était ouvert plus le consommateur en bénéficiait ? J’ai mal compris ?

Alors n’hésitez pas à venir m’expliquer.

02/02/2016

Passage à l'Assemblée

Jean-Patrick Gilles et Gérard Cherpion conduisent la mission d'étude de l'impact de la loi du 5 mars 2014. Dans ce cadre, ils réalisent depuis la semaine dernière des auditions. Cet après-midi, j'ai eu ma demi-heure. Quand on a peu de temps, il faut prendre l'intervalle rapidement. J'ai donc été à l'essentiel avec trois propositions : 

- Adopter enfin une définition de l'action de formation digne de la formation continue et non pas importée de la formation initiale. Des objectifs, un dispositif pédagogique et l'évaluation des résultats, éventuellement par la certification. Mais en finir avec le programme, le contenu, pour concevoir enfin le parcours de formation comme un ensemble de ressources mises à disposition des apprenants, sans nécessairement avoir un contenu préétabli, chacun empruntant le chemin qui lui convient le mieux ;

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- Supprimer les listes du CPF pour rendre l'usage du droit accessible et avoir un vraie dynamique d'accès à la formation. En lieu et place, utiliser les abondements et la modulation des taux de prise en charge pour affirmer des priorités. Mais permettre à chacun d'exercer son droit (quitte à laisser dans certains cas un reste à charge, qui pourrait être assumé par le salarié ou l'entreprise) ;

- Définir le champ des actions possibles avec les financements conventionnels et volontaires. La loi du 5 mars 2014 a créé la possibilité pour les OPCA d'avoir des ressources consacrées au développement de la formation professionnelle continue. Cette affectation générale et imprécise laisse à l'administration tout arbitraire pour décider ce qui ressort ou non des interventions de l'OPCA. Et même si jusqu'à présent la DGEFP a une position plutôt ouverte, il serait bon de sécuriser le périmètre et d'acter que tout ce qui concourt au développement des compétences des salariés peut être financé dans ce cadre, quelle que soit la formation que prennent les actions. 

Soit trois propositions pour accroître le champ des libertés que la loi du 5 mars 2014 a créé. 

Pour les autres constats, tout ou presque est dans la note ci-dessous. Résultat des courses ? lors du vote de la loi portant réforme du code du travail, soit d'ici l'été. 

NOTE SUR L’EVALUATION DE LA LOI DU 5 MARS 2014.pdf

28/01/2016

G comme...GOUVERNANCE

Il y a trois métiers impossibles : éduquer, soigner, gouverner (Freud)

 Et pourtant Freud n’a pas connu la gouvernance du système de formation professionnelle au début des années 2000 !  Il se basait plus simplement sur le fait que certains métiers ne peuvent s’exercer contre ceux auxquels il s’adresse et sans leur adhésion. S’il revenait faire un tour au début du 21ème siècle, Freud pourrait constater que le système de formation professionnelle  est un canard sans tête ou un avion aux multiples pilotes dont l'énergie est tout entière accaparée par la tenue du manche.

Avançons une explication. La formation continue est  le produit de Mai 68 et de la nouvelle société de Chaban-Delmas. Soit le fruit de l'union entre une pensée socio-culturelle marxisante tendant à l'autogestion dans la mouvance des structuralistes et de la French Théory (que des gros mots aujourd’hui, signe des temps), et un courant catho-social fortement marqué par le personnalisme d'Emmanuel Mounier diffusé notamment par la revue Esprit et Témoignage Chrétien. C'est ce couple, moins improbable qu’il n’y paraît car partageant le souci de l’émancipation de l’individu, qui a contribué à créer un système aux acteurs nécessairement multiples car le modèle de référence est celui de l’autonomie et de l’horizontalité et non celui de l’autorité et de la verticalité.

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Le problème est que ce couple est le fruit d'une conjonction historique qui ne s'est plus représentée depuis et qu'il s'est rarement retrouvé en situation de pouvoir faire vivre et dynamiser ce qu'il avait créé.

La majorité de la classe politique française est fortement jacobine et étatique. De la droite bonapartiste à la droite monarcho-républicaine en passant par les communistes et le centralisme démocratique, ou encore la gauche républicaine qui ne jure que par Valmy et l'Etat, il reste bien peu de place pour les tenants d'une pensée plus girondine. Ne cherchons pas ailleurs que dans ce défaut de cohérence entre les fondements du système et la manière dont il fonctionne les raisons de ses limites.

Si l'on veut bien partager ce diagnostic, on en conclura que ce n'est pas en réformant la tuyauterie, les instances de gouvernance ou les procédures de fonctionnement du système que l'on établira une gouvernance efficace. C’est en transférant le pouvoir de décision vers les bénéficiaires, en faisant confiance à leur autonomie et en encourageant les initiatives. Moyennant quoi, un retour en arrière pourrait constituer un formidable bond en avant.

07/12/2015

Un exemple, parmi d'autres

Je dirige un organisme de formation qui travaille dans le secteur de la santé. Mon activité a du sens : professionnaliser tous ceux qui contribuent au bien être d'autrui. J'aime mon travail. Je trouve juste qu'il prend une tournure étrange depuis quelques temps. Tout d'abord, il a fallu que mes programmes soient agréés par un organisme qui ne nous connaît guère, l'OGDPC, mais nous évalue, ou plus exactement évalue les dossiers qu'on lui envoie, lorsqu'il ne les perd pas. Et qui envoie des messages automatiques pour dire qu'il n'a pas les moyens de répondre aux mails qui lui parviennent. 

Après avoir franchi l'habilitation sectorielle, ce qui prend quelques mois tout de même, j'ai du ensuite mettre en place des certifications, sinon mes clients ne pouvaient plus bénéficier des financements issus de leurs cotisations. Pas de problème, j'en ai construit plusieurs. Mais la  CNCP refuse de les examiner si je n'ai pas un parrain. Cela commence à sentir l'Italie.  Les ministères sont aux abonnés absents (on ne peut pas choisir, on ne vous connaît pas...et autres réponses dignes d'un service public), les branches dont je dépends ont soit des conflits paritaires, soit des oppositions syndicales aux certifications non diplomantes, soit des organismes de branche concurrents...soit les trois à la fois.

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Pour les Conseils régionaux, il paraît qu'ils ont autre chose à faire. Moi aussi, il faudrait par exemple que je m'occupe de mes clients, mais il faut quand même que je continue à chercher. Après avoir trouvé et fait inscrire mes certifications à l'inventaire, toujours sur décision d'une commission qui ne connaît que nos dossiers,   il  faut que je fasse le tour des branches professionnelles pour qu'elles prennent mes certifications sur leur liste CPF. Et souhaiter que les décisions paritaires soient  rapides, qu'il n'y aura pas de blocage du dialogue social ou pas d'intérêts concurrents. Puis il faut que je fasse le tour des 13 régions pour avoir également une décision d'inscription sur les listes CPF sinon les demandeurs d'emploi et salariés d'autres branches ne pourront se former à des métiers qui les intéressent. Ou alors j'ai la Rolls, la LNI établie par le COPANEF, mais si j'en juge par la dernière décision, plus de 200 certifications examinées, 9 retenues, c'est pas gagné. Alors je me dis que je pourrai développer des certifications dans le cadre du socle de compétences, mais j'apprends qu'il y a eu 176 candidats et 6 retenus, sans motivation ni explication de la décision, le COPANEF ayant décidé tout seul qu'il avait pouvoir d'habiliter des organismes. Mais je persiste et je vais toujours envoyer mon dossier. 

Et là je viens d'avoir un OPCA en ligne qui m'indique que si je ne suis pas référencé ou certifié, en tant qu'organisme, avant le 1er janvier 2017, je ne serai plus financé. Il paraît que les organismes qui vérifieront mon dossier doivent eux mêmes déposer un dossier pour être référencés comme référenceurs. Je pourrai peut être tenter ma chance...je plaisante, c'est nerveux.  Il me reste donc 2016 pour obtenir une certification, après avoir fait certifier mes programmes, mes formations et mon éligibilité CPF. Je n'ai même pas le temps de me dire que la réforme devait, avec la défiscalisation, nous faire échapper à la bureaucratie et retrouver du sens. Parce que si je ne trouve pas le temps de m'occuper de mes clients, j'échapperai peut être à la bureaucratie de la formation mais ce sera pour mieux me confronter à celle de POLE EMPLOI.

09/08/2015

A never ending story

L'an dernier il y a eu Ferguson, la nuit dernière c'était à Dallas. Et entre temps, quasiment tous les mois, l'annonce qu'un policier blanc a tué un noir. A Philadelphie, au centre de la prison désaffectée construite en forme de panopticum à l'époque où la science devait avoir réponse à tout, un peu comme aujourd'hui en quelque sorte, il y a ce monument qui matérialise la croissance de la population carcérale aux Etats-Unis. 

Plus de 600 % d'emprisonnements supplémentaires entre 1970 et 2010. On doute que pendant cette période la criminalité ait augmenté de 600 %...ou qu'elle ait diminué de la même proportion du fait des emprisonnements. Dans la ville  où fut rédigée et adoptée la Déclaration des Droits ainsi que la Constitution américaine, on peut se référer à Montesquieu : le degré de civilisation d'une société se mesure à son code pénal, plus les peines augmentent et plus les libertés reculent.

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La représentation graphique permet également de constater que les noirs constituent 60 % des prisonniers et seulement 30 % de la population des Etats-Unis. Un panneau invite à se poser la question du pourquoi ? les clivages politiques traditionnels ont leurs réponses toutes faites : à droite on ne voit que responsabilité individuelle (ne commettez pas de crimes et vous n'irez pas en prison, ne défiez pas la police et vous ne serez pas tués, etc.) et à gauche que faillite collective (éducation, milieu social, ségrégation,...tous ces obstacles accumulés qui rendent les minorités plus fragiles face aux comportements délinquants) ou choix de société : vous allez plus facilement en prison pour une barrette de shit que pour une infraction financière.

 

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Mes lunettes personnelles sont celles du droit et de l'histoire. Dans le pays qui a connu plusieurs siècles d'esclavage et qui, malgré la déclaration des droits, a maintenu des lois raciales dans le Sud jusqu'au début des années 70, les parents du jeune homme tué à Dallas sont sans doute nés alors que la ségrégation existait toujours légalement, il y a une certaine fatalité à ce que la couleur désigne celui qui tire et celui qui est tiré. Les contradictions du droit ne sont jamais sans conséquences Un peu comme la déclaration de 1789 proclamait l’égalité en droits de tous les citoyens, pour ne reconnaître le droit de vote aux femmes qu’en 1945. L’histoire laisse des traces profondes et durables dont les individus sont, bien malgré eux, les acteurs dans des rôles qu’ils n’ont pas toujours choisis.