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25/08/2016

LOI TRAVAIL : LES REGLES SANS LA CULTURE

La loi Travail fait le choix d’élargir les champs ouverts à la négociation collective et tente de donner la priorité aux négociations locales plutôt qu’aux négociations nationales et centralisées. Beaucoup y ont vu, à travers l’inversion de la hiérarchie des normes, une atteinte à l’unicité de la République, la rupture de l’égalité entre les salariés relevant d’une même convention collective, l’incitation à pratiquer le dumping social pour sauvegarder sa compétitivité voire améliorer ses bénéfices. Ces arguments ne peuvent être écartés d’une simple chiquenaude, mais ils demeurent malgré tout mal fondés. Concernant l’atomisation du droit, il faut soit être très naïf soit méconnaître les réalités sociales pour penser que tous les salariés sont aujourd’hui soumis au même droit du travail. Selon la taille des entreprises et leur secteur d’activité, les différences sont sans doute plus importantes que les éléments communs. Le statut conventionnel des salariés des entreprises du CAC40 a peu à voir avec celui des TPE/PME et le salarié d’un commerce de détail alimentaire n’est pas vraiment soumis au même droit que celui de l’animation socio-culturelle, de la Banque ou de la chimie. Avec plus de 400 conventions collectives différentes actives, l’atomisation du droit du travail a déjà eu lieu. Quand au dumping social, il résulte sans doute bien plus de l’organisation des structures juridiques, de la sous-traitance et des délocalisations que des possibilités nouvelles ouvertes à la négociation collective qui, à la différence des solutions précédentes, nécessitent d’obtenir un accord majoritaire avec les organisations syndicales.

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Et si l’on veut bien en revenir aux sources de l’Europe, à savoir la démocratie athénienne, c’était une démocratie de proximité. Il ne manque pas de penseurs d’ailleurs pour estimer que plus son cadre d’exercice est large et moins la démocratie est parfaite. S’il fallait illustrer, on pourrait comparer le fonctionnement démocratique de l’Union Européenne et celui d’une municipalité par exemple.

Le véritable point qui, à mon sens, fait problème n’est donc pas tant la nouveauté des règles qui font davantage confiance au local, c’est le rapport entre l’intention posée par ces règles et la réalité des relations sociales dans notre pays. Lorsque l’on rencontre régulièrement des employeurs dont l’objectif est de n’avoir aucun syndicat, voire d’éliminer ceux qui existent, des DRH qui voient en tout syndiqué un dangereux agitateur politique, des syndicalistes qui font procès d’intention systématique à toute proposition de l’employeur et l’on pourrait rallonger la liste, on se dit que le pari de la négociation décentralisée et généralisée n’est pas gagné et qu’il ne suffit pas de changer les textes pour faire évoluer les mentalités, même si l’objectif de la loi est d’y contribuer. Et lorsque l’on constate que le MEDEF, principale confédération patronale, est fortement tenté de jouer le jeu du lobbying politique plutôt que celui de la négociation sociale, on se dit que cette loi vient soit trop tard soit trop tôt mais qu’en tout état de cause elle est à l’heure de sa publication peu en phase avec la réalité sociale. Mais le plus probable reste encore que nous n’ayons pas l’occasion d’apprécier si le pari est gagné ou perdu, car l’élection présidentielle qui se profile risque d’être l’occasion d’un nouveau chambouletout et quelque chose nous dit que le dialogue social n’en sortira pas forcément gagnant.

22/08/2016

Retour

La culture européenne, et particulièrement les présocratiques et Nietzsche, ont inventé l'éternel retour. Les aborigènes, quelques temps auparavant, avaient inventé le boomerang.

 

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22/05/2016

Regarder vers le Sud

La France est-elle un pays du Sud ? un pays latin assurément, mais soumis à tellement d'influences qu'il en devient un hybride rétif à la généralisation. En complément de la chronique précédente consacrée à l'emploi non salarié, un petit schéma illisible mais que vous pourrez retrouver ICI. Cela vous permettra de constater que le travail indépendant, ce n'est pas un modèle anglo-saxon (les Etats-Unis sont un des pays où il est le moins développé, le Royaume-Uni a un taux inférieur à la moyenne européenne...) mais plutôt un modèle...sudiste : l'Espagne, le Portugal, l'Italie, la Grèce, la Turquie sont les pays qui connaissent les plus forts taux de travailleurs non salariés. Pourquoi ? pour des raisons économiques et culturelles. Economiques : c'est la révolution industrielle qui a généralisé le salariat, et elle a eu lieu dans les pays anglo-saxons, s'exportant peu dans le Sud qui n'a pas, on le sait, une main d'oeuvre très industrieuse. 

 

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Culturelle : si tout le Sud n'est pas proudhonien et ne considère pas unanimement que le salariat c'est l'esclavage, la logique de  l'honneur, comme dirait d'Iribarne, conduit plus directement qu'ailleurs à refuser les ordres sauf ceux que l'on se donne à soi-même. En ce sens, militer contre la conception dogmatique de l'URSSAF selon laquelle il ne saurait y avoir de modèle social autre que basé sur le salariat, ce n'est pas se livrer pieds et poings liés au modèle anglo-saxon, c'est au contraire retrouver le caractère du Sud. 

25/01/2015

Un vent du Sud

S'il se confirme que la Grèce fait confiance à Syriza pour former un Gouvernement, cela constituera une première en Europe qu'une formation issue de la gauche radicale soit en position majoritaire à elle seule. Pas vraiment un hasard si cela se produit au Sud, dans un pays où le modèle anglo-saxon de l'homo economicus n'a jamais tenu lieu d'horizon. Alors pour le coup, un petit clin d'oeil de la part du Grec (au sens d'universel) qui aurait bien aimé chanter pour le pays de ses parents quelque chose de ce genre : 


29/12/2014

Souvenirs, souvenirs

C'est en forgeant que l'on devient forgeron et en rangeant que l'on devient rongeur, mais non, que l'on devient nostalgique. Parce que c'est l'occasion pour certains oubliés de reparaître au risque de vous faire douter de votre passé. Parmi les surgissants, le premier bouquin publié sur la formation, dont j'avais à la fois rédigé le contenu et composé la couverture. L'éditeur de l'époque, le CARIF Midi-Pyrénées bénéficiait de subsides provenant de l'Europe et plus particulièrement du Programme Intégré Méditerranéen (PIM) qui oeuvrait à l'intégration des pays de l'Europe du Sud dans ce qui était encore la Communauté Economique Européenne. Et il n'avait pas fallu me forcer beaucoup pour rédiger cet ouvrage consacré à la Formation Professionnelle en Espagne, ce qui me permit d'ailleurs quelques virées à Barcelone...pour chercher de la documentation bien évidemment. 

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C'est en hommage à ces échappées Barcelonaises que j'avais choisi une oeuvre de Miro pour illustrer cette Espagne colorée qui n'en avait pas terminé avec la movida. Car nous étions en 1990, en juin précisément lorsque sorti l'ouvrage qui présentait l'Espagne, son organisation, son système éducatif, la formation professionnelle initiale et la formation continue. Et tant qu'à verser dans la nostalgie, 1990 c'est aussi l'année de sortie de ce beau film à la poésie surannée, porté par un Jean Rochefort exceptionnel. Je crois n'avoir jamais manqué d'y penser lorsque je vais chez la coiffeuse. 


28/05/2014

L'Europe sans socle

Au départ, l'affaire paraissait simple : les partenaires sociaux avaient fait du socle de compétences la priorité du Compte personnel de formation (CPF). Dans ce socle, il y avait les savoirs de base, la maîtrise des outils informatiques et bureautiques, la maîtrise d'une langue étrangère, la capacité à apprendre et la capacité à travailler collectivement. Et puis les députés ont décidé qu'il y aurait un droit à l'absence, salaire maintenu par l'entreprise sans qu'elle soit remboursée, sur les formation relevant du socle de compétences. Ce qui a conduit à se demander si le socle de compétences n'allait pas se réduire aux actions de lutte contre l'illettrisme. Finalement, peut être pas, le socle devrait retrouver de l'ampleur, sauf toutefois les langues, au moment où l'Europe ne sait plus très bien quelle langue elle parle. 

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Gustave Moreau - Jupiter et Europe

Il n'est pas anodin que les langues ne soient jamais considérées comme une priorité mais comme des formations de confort, de pure consommation et d'intérêt personnel. Pourtant, que ce soit au plan économique ou social, c'est bien par là que l'on devrait commencer. Parler la langue de l'autre, avoir accès à sa culture et à ses pratiques, accéder à l'information diverse, sortir de soi pour s'ouvrir à des mondes nouveaux, tout ce qui a manqué à l'Europe ce week-end, sauf peut être, comme d'habitude, au Sud. Voilà ce que pourrait être un socle sans les langues d'ailleurs, une Europe sans le Sud, c'est à dire pas vraiment l'Europe. 

06/10/2013

Mobile

Lors d'une manifestation publique, la semaine dernière, un des intervenants en tribune soupira que les choses iraient tout de même mieux, en France, si les salariés étaient mobiles, comme dans les autres pays d'Europe. Un murmure d'approbation sembla parcourir la salle. A moins que ce ne fut de la réprobation, car il s'agit évidemment d'une énorme sottise. Si l'on s'en tient aux chiffres de l'INSEE, la France est un des pays d'Europe où la mobilité est la plus forte. Chaque année, 2 % des salariés changent de région pour raisons professionnelles. C'est peu direz-vous. Oui mais en Allemagne c'est 1,3 % et en Espagne 0,8 %. La faible mobilité est donc loin d'être l'apanage des Français. 

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Mobile - Immobile

A l'heure où il est question de former davantage les demandeurs d'emploi, il ne faudrait pas perdre de vue cette réalité : si plus de 20 % des salariés changent d'entreprise chaque année, seuls 2 % donc changent de région. Ce qui signifie que la mobilité s'exerce très principalement dans un même périmètre géographique. Au moment de définir des priorités de formation, il sera peut être bon de se rappeler que l'on change plus facilement de secteur professionnel que de bassin d'emploi et que c'est évidemment d'autant plus vrai que le niveau de revenu est peu élevé. Ce qui laisse à penser que, la formation étant un moyen, c'est moins l'amélioration du fonctionnement du système qui doit être le premier objectif, que la prise en compte des bons paramètres pour les questions que la formation est censée résoudre.

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01/10/2013

Géométrie variable et paroles verbales

Ces derniers mois, il n'était question que de l'Allemagne : modèle économique, modèle de pays réformateur, modèle pour les petits boulots sous-payés, euh non, ça on l'a pas évoqué. Mais pour le reste donc, la voie était toute tracée, et il n'a pas manqué de responsables politiques ou économiques pour nous dire tout le bien qu'ils pensaient de la politique de Merkel et plus encore des réformes engagées par le socialiste, le mot était prononcé avec gourmandise, Schröder. Mais là, tout d'un coup, plus rien. Sur le débat relatif au temps de travail, le modèle n'est plus allemand. D'autant que la Cour constitutionnelle allemande, à l'inverse de notre Conseil, est très vigilante sur les dérogations au travail dominical au nom de la protection des activités religieuses, sociales et familiales. Mais si la girouette de l'exemplarité à tourné, c'est sans doute la faute au vent.

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Philippe Ramette - L'hésitation métaphysique (incitation à la dérive) - 2012

Cet oubli soudain de l'Allemagne aura, peut être,  un mérite. Rappeler que ces comparaisons hâtives et moralisatrices qui sont au raisonnement ce que la saucisse à hot-dog est à la saucisse, à savoir un très lointain dérivé, dissimulent très mal que leur seul objectif est de venir au soutien d'une idéologie que l'on ose affirmer trop clairement. Bref, comme l'on dit dans le Sud, ces prétendus raisonnements, ce sont avant tout des paroles verbales. Il faudra peut être le rappeler au prochain qui nous fait le couplet sur l'Allemagne, dans laquelle le travail du dimanche est interdit, sauf de manière limitée pendant huit dimanches par an. Soit exactement ce que demandent les syndicats taxés de conservatisme en France.

22/07/2013

Exclusion-Inclusion

Je pense avoir découvert l'inclusion avec les porte-clés et leurs publicités insérées au coeur de ronds, carrés, coeurs, ovales de plastique transparents.

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On m'a ensuite offert une boîte de jeu dénommée PLASTIC 2000 qui permettait de réaliser soi-même ses inclusions. Je ne pense pas en avoir réalisé une seule, mais la boîte me fascinait. Pourtant, inclure c'était enfermer, emprisonner, immobiliser, et je préférais de loin l'exclusion, mère de toute les libertés. Je retrouvai bien plus tard cette opposition dans les inclusions de Damien Hirst.

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Damien Hirst - Saint-Sébastien - 2007

Entre temps, j'avais constaté dans un autre domaine, que l'on utilisait l'exclusion lorsque l'on se proposait d'inclure. Ainsi, tous les contrats de travail dont l'objectif est l'inclusion de jeunes  (apprentissage, professionnalisation) ou de personnes en difficulté (contrat initiative-emploi, contrat d'accès à l'emploi, contrat unique d'insertion) commencent par exclure leurs bénéficiaires du droit commun pour mieux les inclure. Curieuse logique que celle qui consiste à tenter de ramener vers le droit commun en commençant par y déroger. Technique des petits pas me dit-on. Contradiction fondamentale est ma réponse. Apparemment, l'avocat général près la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) partage mon avis. Il vient de considérer que la loi française qui exclut du calcul des effectifs de l'entreprise les salariés en contrat d'insertion était contraire à la directive européenne  qui garantit le droit à la représentation des salariés. En effet, lorsque l'employeur a une activité qui le conduit à recourir massivement aux contrats en insertion, il peut ne pas avoir à mettre en place de représentation du personnel. Les salariés de l'association marseillaise à l'origine de l'affaire sont plus de 120 et pour autant n'ont pas de comité d'entreprise. Si la CJUE suit les conclusions de son avocat général, il va falloir sérieusement recompter...et inclure.

20/01/2013

Sacré Carlos !

L'association RACINE vient d'être placée en liquidation judiciaire, sans que cela n'ait l'air de beaucoup émouvoir la DGEFP, signe que le Ministère du Travail estime que l'association a fait son temps où, ce qui revient au même, qu'il est temps de la rappeler à la raison financière. RACINE est une association dont l'objet est la promotion et la gestion de certains programmes européens pour la formation. Il faudra dorénavant faire sans. Et cela me rappelle, au milieu des années 90, que RACINE, structure d'assistance technique du FSE pour la France, m'avait permis de monter un partenariat entre une association de formation de non ou mal voyants de Toulouse avec des structures homologues en Espagne et au Portugal.

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A Lisbonne, le directeur de la structure partenaire, Carlos, nous attendait à l'aéroport. Il était aveugle de naissance. Il avait deux adjoints qui n'y voyaient pas plus que lui. Par chance, le chauffeur était un jeune tout à fait voyant. Par malchance, c'était un fou du volant qui conduisait dans Lisbonne comme un pilote de rallye lors de la dernière spéciale. Nous avons ainsi avalé les plus petites rues de Lisbonne, et nous n'étions pas là depuis plus d'une heure que nous avions l'impression de jouer dans un film. Enfin arriva le but, en haut de l'Alfama, la voiture stoppa et Carlos nous demanda de le suivre. Lorsque nous fûmes en position sur le Belvédère, l'aveugle de naissance nous dit : "Vous avez ici, sous vos yeux, la plus belle vue de Lisbonne. J'ai voulu commencer par ça pour que nous ne ratiez pas ce qui est une des plus douces visions du monde".

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Tous autant que nous étions, somme restés estomaqués par cet aveugle, Carlos,  au yeux définitivement clos qui souriait en nous montrant du bras l'imprenable panorama qui s'offrait à nous. Ensuite, nous sommes allés manger des poissons grillés, toujours face à la mer. Car pour Carlos, il était important de voir tout ce qui lui paraissait important de nous montrer. Après avoir vu la ville blanche depuis les hauteurs  avec le Tage comme ligne d'horizon, notre regard ne pouvait qu'être préparé à distinguer les difficultés avec lesquelles chacun des aveugles ou mal-voyants membres de l'association portugaise qui nous accueillait, tentait de trouver sa place dans la société post-moderne. Tout cela, c'est RACINE qui l'a rendu possible. Dorénavant, c'est véritablement du passé et les occasions de découvrir d'autres Carlos seront plus rares.

23/11/2012

A las cinco de la tarde

Las cinco de la tarde, c'est l'heure à laquelle Ignacio Sanchez Mejias, torero sévillan, se fit encorner le 11 juillet 1934 dans les arènes de Manzanares. Il mourra deux jours plus tard. Federico Garcia Lorca a écrit pour son ami un chant qui lie à jamais l'infini tristesse et la beauté de la vie, l'une et l'autre ne pouvant que difficilement se regarder dans tout leur éclat. Il se pourrait que dimanche, peu après cinq heures, l'Espagne ressemble à ce torero fatigué dont toutes les victoires ne faisaient qu'annoncer la défaite.

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Dimanche, le Conseil Européen entérinera sans doute, avec son budget 2014-2020, que l'Europe s'est déplacée à l'Est et que le Sud doit se débrouiller avec lui-même. Au même moment, les élections anticipées en Catalogne donneront sans doute une vaste majorité, sans qu'il soit nécessaire de recompter les bulletins, aux partis indépendantistes qui poseront sans délai la question d'un référendum pour l'autodétermination de la Catalogne. Il n'est pas certain que ceux qui prônent la transition vers un fédéralisme faisant plus de place à l'autonomie dans une Espagne préservée soient entendus. Si tel était le cas, le torero usé ressemblerait à Don Quijote, courbé sur Rocinante, sa triste jument. Oui, il risque bien d'être cinco de la tarde pour l'Espagne ce dimanche. Sauf si le chant des gitans peut encore constituer une raison de se rassembler. Peut être, en Espagne, faudrait-il réécouter Vicente Pradal, accompagné ici pour chanter une partie du Llanto, de son fils au piano et de sa fille, la belle Paloma, à la voix. Pour ne pas croire au destin et faire mentir les horloges.


21/09/2012

Du bon usage du droit

Le CEDEFOP vient de publier une étude sur les clauses de dédit formation dans les 27 pays de l'Union Européenne, les 3 candidats à l'adhésion (Turquie, Croatie, Macédoine) et les 3 pays de l'AELE (Islande, Liechtenstein, Norvège). Premier constat, les clauses de dédit formation existent dans 27 des 33 pays, avec des régulations légales ou conventionnelles, preuve que la question de la charge finale de l'investissement formation a été posée quasiment partout. Deuxième constat, l'auteur du rapport adopte comme présupposé non discutable, en tout cas très peu discuté, que les clauses de dédit formation c'est bon pour tout le monde. Pour l'entreprise qui sécurise son investissement et pour le salarié qui se trouve ainsi responsabilisé et prend conscience de l'effort de l'entreprise. Après la CNIL, voici donc de nouveau un expert qui suppute l'absence de conscience du salarié, cet irresponsable qu'il convient de discipliner un peu en le menaçant d'avoir à payer lui-même sa formation pour qu'il prenne enfin en considération l'effort que fait l'entreprise. Mais surtout, le rapport répète ad nauseam que la contrainte juridique résultant de la clause de dédit formation, que l'auteur encourage à appliquer pour toutes les formations y compris de courte durée, est une excellente manière de développer la formation professionnelle et d'impliquer plus fortement le salarié. Voici donc le droit dans sa version punitive promu outil pertinent de management. Ajoutée à une clause d'exclusivité, de mobilité, de confidentialité, de non-concurrence et de rémunération largement variable, la clause de dédit-formation achèvera de corseter le salarié qui dès lors n'aura plus qu'à filer droit. Pas de doute qu'ainsi entravé, sa motivation s'en trouvera renforcée.

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Nobuyoshi Araki -  2012

Il n'est pas exclu que le droit puisse être un outil de management pertinent. Encore faudrait-il l'utiliser dans sa version positive : donner des repères clairs pour l'action, fixer des cadres, identifier les marges de manoeuvre  de chacun, donner de la légitimité à ses pratiques, s'ouvrir des espaces de liberté, identifier des solutions possibles. Mais force est de constater que c'est quasi-exlusivement pour sa capacité à sanctionner que l'on recours au droit, transformant les juristes en gestionnaires de risques et non en producteurs de valeur ajoutée. Nos gouvernants ne sont d'ailleurs pas en reste qui ont multiplié les obligations de négocier sous peine de sanctions : seniors, égalité professionnelle, pénibilité et bientôt contrats de génération, ce qui témoigne d'une certaine continuité culturelle en dépit des alternances politiques. Pour les mesures qui récompensent les comportements vertueux, on est prié d'attendre encore un peu. On terminera sur un paradoxe à propos de la clause de dédit formation : la formation est censée apporter de l'autonomie au salarié, donc de la liberté et de la responsabilité. N'est-il pas contradictoire de vouloir ficeler ceux que l'on tente de rendre plus autonomes ?

Clauses de dédit formation - CEDEFOP.pdf

A l'attention toute particulière de l'expert du CEDEFOP, une deuxième photographie d'Araki pour lui permettre de méditer sur le rapport que l'entrave peut entretenir avec le plaisir.

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06/08/2012

Welcome in Vienna (2)

Pendant que l'Europe se suicide, comme Stefan Sweig et Walter Benjamin, les bateaux de migrants accostent devant la statue de la Liberté à New-York. Frerry, le protagoniste principal de la première partie, perd la vie en tentant de porter secours à une rescapée de Berger-Belsen qui, muette, se noyait sans que quiconque ne lui vienne en aide. C'est que lorsqu'on a vu le diable, tout comme Moïse après avoir vu Dieu sur le Mont Sinaï, on ne peut plus parler.

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Dès lors nous suivons Freddy, juif viennois lui aussi, qui débarque sur ce qui n'est guère une terre promise mais un lieu d'exil et de passage. Pour la plupart des migrants, ce sera Ellis Island, la quarantaine, l'accueil suspicieux et la difficile immersion dans le nouveau monde. Pour le migrant, tout est à rebâtir et les repères anciens constituent des handicaps plus que des points d'appuis. Dans un monde différent, avec un statut différent et des codes inconnus, ce que l'on était n'est qu'un fardeau dont il faut se défaire pour pouvoir être de nouveau.

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Si vous n'avez pas vu le film, procurez-vous le livre d'Alain Garrigue "Le Cirque de Dieu" où les humains, comme les plantes, reçoivent leur part d'eau et de fumier pour grandir. Vous y verrez New-York, les juifs errants, la vie et la survie et le golem qui certains jours revêt le visage du destin. Vous y verrez aussi, utile contribution au débat actuel sur les conditions de naturalisation, des juifs allemands qui récitent Walt Whitman et sont traités comme des métèques pouilleux par les américains.

Et pour savoir ce qui s'est achevé là, ce qui s'est perdu à jamais, il suffit de lire "Le monde d'hier, souvenir d'un européen" de Stefan Sweig. On y côtoie les derniers représentants de cette mittleuropa qui fut liquidée par le terreau dans lequel elle avait grandi. L'eau et le fumier. Demain troisième partie.

Ah qui apaisera ces enfants fébriles ?

Qui justifiera ces explorations sans repos ?

Qui dira le secret de la terre impassible ?

01/07/2012

Viva España !

Après le Conseil Européen ou l'habileté italienne s'est imposée à la puissance allemande, voici l'Espagne championne d'Europe, pour la deuxième fois, après avoir été entre ces deux succès championne du Monde. Et l'avenir ne serait pas au Sud ?

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Cuando la vida no es caliente, no es la vida.

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07/02/2012

Pas touche les congés !

La Cour de Justice des Communautés Européennes poursuit son travail d'harmonisation des droits des salariés au niveau européen. N'en déplaise à ceux qui ne voient dans l'Europe qu'une machine bureaucratique dont la boussole est constituée par la concurrence, le libre-échange et les marchés financiers, il se trouve quelques juges à  Luxembourg pour rappeler que l'Europe ce sont aussi des règles et garanties en matière sociale qui doivent bénéficier à tous les européens. Dans une affaire jugée le 24 janvier dernier (CJUE, aff. 282/10, Dominguez), la Cour rappelle que tout salarié doit bénéficier de 4 semaines de congés payés par an, et que ce droit n'est pas conditionné, dans les textes européens, par le fait d'avoir travaillé. Impossible donc de proratiser les congés payés d'un salarié qui, pendant la période de référence, a eu un congé maladie. Vous rentrez de congé ? prenez vos congés !

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Robert Doisneau - Congés payés

C'est déjà la CJUE qui avait rappelé que les congés maladie ne pouvaient faire perdre des jours de congés payés acquis et qu'il fallait les reporter au-delà de la période de maladie. Voici une nouvelle étape : les congés payés ne sont pas la contrepartie du travail mais un droit inaliénable auquel doit avoir accès tout salarié, quand bien même n'aurait-il pas travaillé. Il va donc falloir reparamétrer les logiciels de gestion de la paie et arrêter de proratiser les congés payés des salariés malades. Au passage, ceux qui persistent à proratiser les jours de RTT des salariés en forfait jour lorsqu'ils sont malades et que la Cour de cassation avait déjà rappelé à l'ordre, trouveront ici l'illustration que le droit a repos peut être indépendant du travail. Ce n'était pas ainsi que l'on raisonnait jusque-là, il va falloir s'y habituer.

29/01/2012

A bicyclette

Saluons le retour du froid par une proposition de loi sympathique signée Philippe Goujon (UMP), président du groupe "Pour le développement de l'usage du vélo". La mesure s'inscrit dans le cadre du Plan national vélo, et oui on ne vous dit pas tout, on vous cache même l'essentiel. Outre des incitations pour les entreprises à mettre à disposition des salariés des vélos gratuits, le Plan national vélo, copié lui sur la Belgique et non pas sur l'Allemagne, propose la création, mais si, d'une niche fiscale pour les cyclistes : une indemnité kilométrique pour les salariés qui se rendent à vélo au travail, exonérée d'impôt et de charges sociales. Et payée par l'entreprise. Mieux que la défiscalisation des heures de travail supplémentaires, celle des heures de trajets supplémentaires, le vélo étant tout de même plus lent que les transports motorisés, surtout pour ceux qui manquent un peu d'entraînement. Juste un regret toutefois : que l'argent soit considéré une fois de plus comme l'exclusif facteur de la motivation. Alors que l'on aurait quand même pu évoquer les autres avantages de la circulation à bicyclette.

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"- Vous êtes sérieux avec vos histoires de bicyclettes ?

- Tout à fait...

- Et passer une chronique sur la bicyclette alors que l'on annonce la TVA sociale, vous trouvez ça logique ?

- Oui, parce que je ne suis pas très calé en économie. Quand l'Espagne à un SMIC à 748 euros et 20 % de taux de chômage, la Grèce un SMIC à 862 euros et qu'elle est en faillite et que le Luxembourg a un SMIC à 1 750 euros avec un triple A et le plus fort pouvoir d'achat d'Europe, je me dis que la question de la compétitivité ne se joue pas sur 2 % d'allègements de charges sur le travail. Surtout que dans le Plan national vélo il y a une autre mesure : elle concerne les services de réparation de bicyclettes, il est proposé d'instaurer une TVA réduite pour favoriser le développement de cette activité. Alors du coup, l'augmentation de 1,6 % de la TVA, je comprends pas non plus. C'est pour ça que j'en parle pas."

Sur ce, bon lundi.

15/01/2012

Comme la lune

On connaît l'histoire du sage qui montre la lune au fou, lequel regarde le doigt et non la lune. C'est une dérive classique du management par objectif qui transforme l'indicateur en finalité et fait perdre le sens de l'action. C'est ainsi que  dès l'école la note obtenue se substitue à sa signification, que tout chose est évaluée à l'aune du "J'aime" ou "J'aime pas" et que dès lors que les stagiaires sont contents le formateur dort tranquille. C'est cette culture largement répandue qui a sans doute permis l'infantilisation générale de tout un chacun qui, il y a encore quelques mois, pensait que le triple A était une sous-catégorie d'andouillette et qui aujourd'hui s'affole de n'avoir que deux A+. Car la note ce n'est jamais que le doigt, la lune se cachant dans le pourquoi de la note.

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La lune

Or, que nous dit l'agence de déclassement ? pas que la dette est trop importante ou le déficit insupportable ou qu'il y a une crainte quelconque que la France ne paie pas ses dettes. Elle n'entonne même pas le refrain que la vie à crédit c'est terminé comme le proclament partout ceux qui en ont allègrement profité. Non, elle nous explique que l'écart entre les pays européens est trop important et que tout le monde s'en fout, à tort. Elle reproche en quelque sorte d'avoir abandonné la puissante logique intégratrice qui avait permis à l'Espagne, au Portugal et à la Grèce de faire de prodigieux bonds en avant lorsque ces trois pays, ne l'oublions pas, sortirent de dictatures pas si lointaines. Elle reproche de ne pas avoir poursuivi ce que fit Jacques Delors pour l'Europe dans les années 80. Elle valide finalement l'avis de ceux qui pensaient qu'il fallait encore approfondir l'Europe avant de l'élargir et renvoie dos à dos ceux qui ne voient en Europe qu'un marché et ceux qui ne voient pas d'Europe. Le paradoxe, au-delà de la facilité qui consiste à vilipender le noteur qui n'a jamais que l'importance que l'on veut bien lui accorder, c'est que pour rattraper la note tous les diafoirus ne voient que les sangsues et la purge alors que le  remède est dans la construction d'une véritable Europe sociale, c'est à dire une harmonisation par le haut. Encore faudrait-il arrêter de se regarder le doigt.

02/01/2012

25 ANS

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En 1987

Gorbatchev publie « La Pérestroïka »

Le mur de Berlin commence à se fissurer

La movida espagnole enflamme l’Europe, elle a encore l’Atlantique à traverser pour renverser Pinochet,

Primo Levi s’échappe définitivement des camps

Nous sommes 5 milliards de terriens

Les super héros déprimés de Watchmen courent après leur jeunesse

Les All-Blacks sont champions du monde de rugby en battant la France en finale à Auckland

Le silicone n’est pas le passage obligé de la beauté

Je profite du ralentissement de la rotation de la Terre et du rallongement d’une seconde de l’année 1987 pour créer le Cabinet Willems Consultant qui fêtera ses 25 ans cette année.

29/12/2011

Histoire courte

La cathédrâle de Sienne est un chef d'oeuvre du gothique italien du 13ème siècle, bâti sur une première cathédrâle romane datant du siècle précédent. Mélange des genres, des architectures, des inspirations. Le Nord et sa rigueur, le Sud et son élégance, le mariage d'une Europe qui vit déjà au sein des baronnies féodales dispersées : les frontières politiques n'arrêtaient déjà pas le commerce des idées (pour se souvenir que commerce ne signifie pas que marchand et qu'il est des êtres d'un commerce agréable). Tout voyage en Europe donne des occasions de le constater : la Mosquée de Cordoue est une cathédrâle aujourd'hui, alors que la Mosquée d'Istanbul a longtemps été la cathédrâle Sainte-Sophie. Pour qui veut bien regarder, l'européanisation ne date pas d'hier et les turcs, entre autres, y ont leur place.

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Qui aurait un doute à propos des Turcs, pourrait visiter la Cathédrâle de Venise et ses somptueuses mosaïques, ou bien, toujours à Sienne, admirer la Maesta de Duccio, synthèse de l'art gothique et de l'art byzantin. L'Europe est une terre à l'intérieur de laquelle les idées, les hommes, les arts, les marchandises aussi, ont toujours circulé. Croire que cela ne daterait que de quelques années et pire encore penser que l'avenir doit se trouver dans le rétablissement des frontières, c'est vraiment avoir l'histoire courte.

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Duccio - Maesta - 1311

08/12/2011

Européen de France

C'est à Paris que cela se passe, salle Pleyel. Une cantatrice italienne, Cécilia Bartoli, chante un opéra écrit par un allemand, Haendel, en langue anglaise et présenté pour la première fois à Covent Garden. Elle est accompagnée d'un orchestre Suisse dirigé par un chef singulier au prénom espagnol, Diego Fasolis. Le thème, les déboires de Sémélé victime de l'amour de Zeus et de l'exaltation qui en résulte, met en scène des dieux Grecs. En une soirée, toute l'Europe est offerte dans ce qu'elle a de meilleur.

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Gustave Moreau - Zeus et Sémélé - 1895

Le couple franco-allemand ? foutaise. L'Europe à deux vitesses ? pourquoi pas à trois ou quatre, c'est à dire plus d'Europe. L'Europe dans ce qu'elle a de meilleur ce n'est ni l'Europe sans les nations, ni un peu d'Europe par dessus les nations. Ce sont des nations singulières qui font le choix, ou plutôt le confirment, de s'inscrire dans une histoire commune. C'est la suite de Voltaire et Diderot conseillers des princes de l'Est, c'est la suite des mouvements de population qui ont façonné l'Europe, des Wisigoths installés à Toulouse en passant par les Espagnols en Flandres, c'est la confirmation que le chemin de l'universel passe par le singulier. On peut trouver du sens à la nation en étant internationaliste. Parole d'un européen de France : si vous n'y croyez pas, courez écouter Sémélé.