17/12/2013
Big-bang ?
Comme disent les agences de promotion immobilière, c'est un accord en voie de futur achèvement qui a été finalisé le 14 décembre dernier. Le déroulement de la négociation ne plaidait pas pour un texte de grande qualité sur la forme : du surplace pendant quasiment trois mois pour un sprint final de deux jours n'est pas la meilleure manière de travailler techniquement. Pour autant, le texte a potentiellement une dimension révolutionnaire, au sens littéral de modification fondamentale des principes structurant un système. Car c'est la première fois en 40 ans que l'on fait le pari que c'est par les obligations sociales, et non fiscales, que l'on dynamisera la formation. Reste deux conditions pour que cette promesse de révolution aboutisse à un véritable big-bang.
La première tient aux futurs signataires de l'accord. Le précédent pari, celui d'une négociation sur la formation dans toutes les entreprises avec le DIF, a été perdu notamment faute d'implication des signataires dans la mise en oeuvre du dispositif. La base sommée de se débrouiller seule n'en a rien fait. Gare à ne pas reproduire le même schéma.
La seconde tient au contenu de la loi à venir. Si l'Etat tire toutes les conséquences de la défiscalisation de la formation, au profit d'une obligation de contribution sociale versée aux OPCA et pouvant être assortie de régimes conventionnels ou optionnels, alors on pourra parler de révolution. Mais il faudra pour cela sortir de l'approche fiscale, pour ne pas dire fiscaliste, de la formation, supprimer l'imputabilité qui n'a plus d'intérêt, la déclaration fiscale, la bureaucratisation de la formation et laisser la responsabilité sociale s'exercer pleinement, au besoin en l'accompagnant. De ce point de vue, la partie du projet de loi consacré au contrôle de la formation qui étend à des contrats de droit privé des sanctions administratives de taxation du chiffre d'affaires laisse très sceptique quant à la capacité du Ministère du travail à véritablement changer de paradigme.
C'est donc à la manière dont ceux qui se sont réjouis de la conclusion de la négociation mouilleront la chemise que l'on pourra juger s'il s'agit d'une véritable révolution ou pas. Le plus dur reste à venir.
15:20 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : formation, ani, négociation, révolution, big-bang, réforme, éducation, travail, emploi, politique, sapin
15/10/2011
Révolution !
Il n'est de révolution sans des signes annonciateurs. Ils furent nombreux depuis 1992 et la première jurisprudence de la Cour de cassation sur l'obligation d'adaptation. Le contentieux en matière de formation professionnelle étant peu abondant, il fallut parfois attendre plusieurs années pour parfaire la contruction. Mais on savait depuis l'arrêt du 30 mars 2010 qu'il ne manquait plus qu'une occasion. Elle est survenue et à permis à la Cour de cassation de franchir le dernier pas dans l'affirmation du principe qu'aucun salarié ne peut être privé de formation. Il n'est donc pas incompatible d'avancer pas à pas pour réaliser une révolution qui ne saurait se résumer au grand soir comme certains ont du mal à l'admettre.
Max Ernst - La révolution la nuit
Par une décision en date du 28 septembre 2011 que l'on peut qualifier d'historique, la Cour de cassation pose en principe que tout salarié doit avoir accès à la formation professionnelle, même s'il est compétent dans son emploi et que celui-ci n'évolue pas. L'entreprise ne peut donc s'en tenir à un strict adéquationnisme et limiter sa gestion des compétences, et de la formation, à celles qui sont utiles dans le cadre de la fonction. Et d'une manière plus générale, aucun salarié ne doit être laissé à l'écart des processus de gestion des compétences et de la formation, quel que soit l'emploi qu'il occupe.
Dorénavant, l'absence de formation professionnelle pendant une longue durée est donc sanctionnable. Plutôt que de rechercher vainement du côté des incitations financières, comme le préconisait hasardeusement l'Institut Montaigne, un moyen de développer la formation, voilà une obligation sociale qui n'a pas fini de faire parler d'elle.
COUR DE CASSATION 28 SEPTEMBRE 2011.pdf
Note : La confirmation n'a pas tardée, dans un arrêt du 5 octobre 2011, la Cour de cassation condamne un employeur et écarte l'argument selon lequel le salarié n'aurait pas été demandeur de formation. L'obligation de gérer les compétences pèse bien sur l'entreprise (voir l'arrêt ici). En ce sens, ces décisions rendent plus difficile le refus par l'entreprise des demandes de formation, notamment dans le cadre du DIF, dès lors qu'elles ne sont pas déraisonnables, alors que l'absence de demande de la part du salarié ne saurait délier l'employeur de ses obligations.
11:39 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : formation, cour de cassation, droit, droit social, révolution, économie, éducation, ressources humaines
16/05/2011
Corps intermédiaires
« Il n'est permis à personne d'inspirer aux citoyens un intérêt intermédiaire, de les séparer de la chose publique par un esprit de coopération ». Ainsi débute la loi Le Chapelier du 14 juin 1791. Ainsi débute l’inversion des valeurs qui conduit à rendre illégale la corporation et péjoratif le corporatisme. Elle vient de loin la méfiance des jacobins de tout poil contre les corps intermédiaires. De la défiance envers l’Eglise et son curé qui s’interpose entre Dieu et les fidèles. De l’utopie du peuple souverain qui n’admettrait d’autres intermédiaires que ses mandants. De la réduction de la démocratie à sa version politique. Certes la loi Le Chapelier fut abrogée en 1864. Mais les idées qui la soutenaient n’ont pas disparu.
La communauté n’a pas bonne presse qui dérive en communautarisme, nom donné au nouveau corporatisme ; le pouvoir n’accepte guère de contradiction en laquelle il voit une remise en cause de sa légitimité ; le droit formel, identique pour tous et non appliqué, est préféré aux droits autoproduits et régulateurs au nom de sa supposé universalité, opposée au particularisme des droits négociés. Ainsi se paie au prix le plus fort la recherche frénétique d’une égalité absolue qui reste de façade et favorise les inégalités les plus absurdes pour ne pas avoir à en reconnaître de moins grandes au motif qu'elles seraient officielles.
Rembrandt - La Guilde des Drapiers
Faut-il en vouloir à Le Chapelier. Oui et Non. Non s’il s’agissait d’en faire l’unique fossoyeur des corps intermédiaires. Oui pour ne pas avoir vu qu’en les supprimant il perpétuait au sein de la République l’absolutisme monarchique qui n’en demandait pas tant, créant ainsi les bases de ce que l’on appelle aujourd’hui la dérive monarchique de nos institutions.
00:52 Publié dans DES IDEES COMME CA | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : le chapelier, corporatisme, rembrandt, peinture, démocratie, politique, révolution, monarchie
09/04/2010
Révolution manquée
L'occasion était belle de rompre avec la logique des statuts et le corporatisme du diplôme. Deux affaires étaient proposées à la Cour de cassation en ce mois de mars printanier : dans la première affaire, un salarié revendiquait le même salaire qu'un salarié plus diplômé et de ce fait mieux rémunéré alors qu'ils effectuaient le même travail ; dans la seconde un ingénieur demandait un salaire équivalent à celui d'un autre ingénieur ayant un diplôme de même niveau. Par deux fois, les juges diplômés de la Cour de cassation ont été incapables de sortir de leurs repères et d'offrir une véritable portée au principe "A travail égal, salaire égal". Pour la révolution, on attendra.
00:28 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : egalité de traitement, travail égal, salaire égal, rémunération, droit du travail, max ernst, révolution, jurisprudence, juges