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03/03/2016

S comme....SECURISATION

Si tu es prêt à sacrifier un peu de liberté pour te sentir en sécurité,

tu ne mérites ni l’une ni l’autre (Thomas Jefferson)

La formule « parcours professionnels sécurisés » est un oxymore, comme l’est la flexisécurité dont elle procède. Moins littéraire que l’obscure clarté des étoiles de Corneille, le silence assourdissant de Camus ou les splendeurs invisibles de Rimbaud, la formule n’en conserve pas moins sa contradiction. Sauf à ne pouvoir la concevoir que linéaire et ascendante sur le modèle de la «carrière», la notion de parcours inclut nécessairement la possibilité de prendre des orientations différentes, d’avoir à faire des choix, éventuellement même de prendre de fausses routes et ne peut donc exclure totalement la possibilité de se perdre.

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Apprentissage des choix rapides

Par nature, le parcours ne renvoie pas à la sécurité mais davantage à la liberté et aux risques inhérents. Sécuriser les parcours cela reviendrait-il à le programmer entièrement puis à le confier à un GPS de l’emploi et de la formation qui nous en indiquerait toutes les étapes ? Cette vision-là n’est ni réaliste ni opératoire. Le parcours professionnel est une construction permanente qui évolue au gré des évolutions de l’individu lui-même et de son environnement. Une arabesque, une ligne droite, une ligne brisée, ou tout à la fois. Le principal n’est pas là, il est dans le plaisir de jouer avec le taureau.

09/02/2016

L comme....LIBERTE

N’attends rien, désire tout (Raoul Vaneigem)

 

 Apprendre une recette ou apprendre à faire la cuisine ?

La formation recette est celle qui apprend à sélectionner les ingrédients, livre les secrets de la préparation, fournit les temps de cuisson, donne les variantes possibles et enseigne la reproduction. Elle séduit par l'immédiateté de son résultat. Elle est montrable et valorise celui qui apprend. Toutefois, à la troisième invitation, le convive peut se lasser et le cuisinier aussi. Il faut d'autres recettes. La formation, à terme, crée donc la dépendance et non l'autonomie. Elle fournit les poissons, mais n’apprend pas à pêcher. Vite, encore un poisson !

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La formation qui apprend la cuisine prend son temps. Elle parle des mets : légumes, condiments, viandes, poissons, coquillages, agrumes, arômes, piments, épices, herbes...Elle parle des méthodes : cuissons, macérations, émulsions, saisies, marinades...Elle parle de mélanges : assortiments, goûts, saveurs, correspondances, oppositions, mariages. Elle vous livre les conditions de la production, vous ouvre les voies et chemins, vous outille pour l'aventure mais ne vous tient pas la main et refuse de vous inviter à reproduire. Elle a, comme le cuisinier, l'exigence de la création. Le goût de l'autonomie et de la liberté. Elle ne garantit pas la satisfaction immédiate de l'invité mais organise les conditions de la surprise.

Mais foin d'oppositions : pour libérer tous les possibles, la formation prendra soin d'apprendre la cuisine tout en suggérant quelques recettes. Bon appétit !

16/03/2015

Mets la tête, Manuel !

Travailler avec les Compagnons, c'est faire une nouvelle fois l'expérience que l'exercice d'un art manuel c'est l'exact inverse que la stupide opposition entre le manuel et l'intellectuel. La tête commande la main comme la main guide la réflexion. La définition même de la compétence ce n'est pas de segmenter (comme l'horrible dissection en savoir, savoir-faire et savoir être nous le propose), mais d'associer, de combiner, d'agréger pour devenir une femme ou un homme de métier. 

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Travail manuel

Cela nous ramène à la formule de Rabelais : "Science sans conscience n'est que ruine de l'âme". La technique est un fabuleux outil de liberté, mais laisse entière la question de l'usage que l'on en fait, de la manière dont elle nous met en relation avec la matière, l'environnement et les autres. Parce que le rapport à son métier c'est toujours une marque du rapport à autrui...et du rapport à soi. Ils font réfléchir les manuels !

24/02/2015

L'ombre d'un doute

Les auteurs de la réforme de la formation professionnelle avaient-ils conscience, en orientant l'intégralité des dispositifs légaux vers la certification, de toutes les conséquences qui en résultaient ? on peut en douter tant le raisonnement en terme de "formation" demeure présent dans les esprits alors que le système a déjà basculé vers la certification. On peut en juger au désarroi parfois affiché par des partenaires sociaux lorsqu'ils constatent que, sur le CPF par exemple, toute formation à laquelle est associée une des certifications éligibles doit être financée sans que l'OPCA n'ait à se prononcer sur le parcours. Il faut pourtant louer cette liberté des parcours et lutter contre leur normalisation qui consisterait à réintroduire des durées, des contenus, des programmes standardisés. Osons le dire, il est temps de faire confiance à l'offre et aux personnes et de ne pas  asphyxier le système en le bridant par volonté de vouloir totalement le maîtriser. Mais sur ce point, j'ai comme l'ombre d'un doute. 

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L'exemple du socle de compétences n'est pas pour rassurer : nous avions un référentiel, avec lequel il était possible de travailler, voilà que l'on nous annonce des formations types, des organismes labellisés, une certification. Et au passage quelques mois de plus avant d'entrer dans l'opérationnel. Tout encadrer, tout normaliser, tout prévoir, tout organiser, tout contrôler. tout décider, on ne peut pas dire que l'on soit sur le modèle de la confiance. Ni même sur le modèle pédagogique annoncé : celui de permettre aux acteurs de se saisir pleinement de ce qui est mis à leur disposition pour en faire le meilleur usage possible. Car réduire le champ de décision d'autrui n'a jamais été la meilleure manière de le responsabiliser. 

11/01/2015

Pas si facile d'être Charlie...

J’aimerai bien être Charlie

mais pour être Charlie, il faut

prendre des risques

des vrais

aimer la liberté plus que tout

tous les jours

avoir le courage de perdre

tout

oser, même si parfois c’est à côté de la plaque

savoir dire non

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faire usage de ses talents, sans réserve

ne pas céder

ne pas se prendre pour un héros

avoir quelques principes

s’y tenir

ne pas être sérieux

travailler  beaucoup

se foutre des honneurs

résister comme un bon vin résiste au temps

être combatif

ne pas en faire un fromage

savoir précisément ce sur quoi il ne faut jamais transiger

et sur cela ne jamais transiger

pas si facile d’être Charlie

J’aimerai bien être Charlie

Mais c’est pas gagné

Souhaitons que tous ceux qui le sont aujourd’hui

Ne retourneront pas dans leur bulle demain

07/01/2015

Bernard Maris et tous les autres...

En 1987, j'ai débuté mon activité de consultant grâce à un contrat passé avec l'Université de Toulouse. Collaborant avec le Centre de Recherche et d'Information sur le Droit à la Formation, j'avais également l'occasion de travailler avec le service de la formation continue. Il était placé sous la responsabilité d'un jeune maître de conférences en économie qui s'appelait Bernard Maris. La formation continue, c'était encore, à cette époque, une affaire de militants qui s'intéressaient à la formation continue parce qu'ils avaient la culture de l'éducation populaire, le souci de l'émancipation individuelle, le culte de la liberté et de l'autonomie. Très loin de l'image absurde de l'intellectuel enfermé dans le monde des idées et coupé du réel, confiné dans la caverne de Platon, de véritables humanistes qui ne dessinaient pas le bonheur d'autrui mais souhaitait que chacun puisse acquérir les moyens de tracer son propre destin. 

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Au milieu des mandarins qui  parlaient à des statuts plus qu'à des personnes, c'est peu dire que Bernard Maris avec sa tête de citron andalou gorgé de soleil et ce permanent sourire un peu de traviole, ne rentrait pas tout à fait dans le cadre. Du coup, on trouvait normal qu'il s'occupe de formation, le truc des loosers et des gauchistes, de ceux qui s'égarent dans la carrière. Surtout quand on explique, dans le saint des saints de l'économie mathématisée, que les théories économiques sont de vastes fumisteries. Bernard Maris, comme tous les autres, il aimait la liberté, et comme un vrai intellectuel et pas un raisonneur de pacotille, la liberté concrète, celle que l'on pratique tous les jours, y compris, sans que ce soit une fin en soi, mais comme une évidence et de manière naturelle, en engageant sa vie. Parce que la liberté de tous, dépendra toujours de la capacité de quelques uns à dire non. 

02/10/2014

Pas des pantins

La Cour de cassation poursuit son oeuvre humaniste, celle qui consiste à rappeler que la subordination n'est pas la soumission et qu'elle ne saurait créer, comme le pensent certains, un rapport de nature à priver le salarié de toute volonté, ce qui fait bien rigoler ceux qui ont eu un tantinet l'occasion de manager. Revenant sur des positions antérieures plus restrictives, les juges viennent en effet de décider que dès lors qu'il n'y avait pas de fraude ou vice du consentement, il est possible de conclure une rupture conventionnelle avec un salarié qui est en arrêt pour accident du travail. 

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Les juges actent ainsi la liberté de chacun, sauf à démontrer que l'employeur aurait usé de moyens déloyaux. On peut se réjouir de voir consacrer ce principe d'égalité des volontés à priori et de contrôle d'une fraude éventuelle, plutôt que de penser à l'inverse que le salarié est un pantin manipulé sauf si l'on démontre qu'il est exceptionnellement libre de décider ce qu'il veut. Par contre, on conseillera comme toujours aux individus ainsi dotés de l'autonomie de la volonté de prendre la mesure de la liberté qui leur est reconnue et partant de la responsabilité qui va avec. 

Cour cassation Rupture conventionnelle.pdf

 

25/08/2014

66 fois à l'Ouest

 Alors, à l"Ouest, c'était comment ?

 

C'était 5 000 kms de grands espaces (moins 100 kms de merde dans le parc  Yosémite, qui ressemblaient à des routes des Alpes)

C'était 5 000 fois : "Putain, c'est grandiose"

C'était 5 000 arrêts pour prendre une photo

C'était 5 000 arrêts pour "Have a breath"

C'était 5 000 titres sur la playlist,

C'était la voix d'Amy Winehouse dans la Death Valley

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C'était la forêt de Brocéliande redécouverte dans la Giants Forest du Sequoia Park

C'était la Jellies experience

C'était les petits déjeuners chez les homos de Castro

C'était Skate qui chantait des chansons d"amour dans la maison bleue de San Francisco

C'était le tipi de Mario, l"aventurier solitaire, au bord du freeway

C'était  les bagnoles de flic sirènes hurlantes sur le sable de Venice Beach

C'était le coyote surgit de nulle part sur la Badwater road

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C'était 590 dollars la consultation à l"hôpital avec 15 % de réduction si vous payez tout de suite

C'était Led Zeppelin en concert lors du celebration day (on TV !) un soir à Fresno

C'était l'Irlande et l'Ecosse retrouvées un matin à Pacific Grove

C'était 5 000 fois  "Hello, how are you today ?", "Fine and you ?" et 5 000 réponses différentes

C'était du business à tous les coins de rue, et dans les villes carrées découpées en blocs, il y a un paquet de coins de rue

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C'était ce jeune réceptionniste qui avait le même sourire à l"hôtel et à la caisse du supermarché où il travaillait aussi

C'était Bashung, Blondie, Springsteen, Bowie, Franck Zappa, The Clash, Lavilliers, The Pretenders, Moon Martin all along the road

C'était la bibliothèque d'Henry Miller dont on solde les derniers titres à Big Sur, ce dont il se foutrait  éperdument (mais il serait bien content de voir de jeunes curieuses girondes continuer à venir rôder par ici)

C'était l'Attorney de Ferguson qui compte les arrestations de manifestants en différenciant les blancs et les noirs

C'était l'envie de sortir de la route 66 pour prendre des chemins de traverse, et les prendre effectivement

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C'était 2001 Odyssée de l'espace à fonds dans le casque en déboulant en hélicoptère au dessus du Grand Canyon

C'était la voix d"Agnès Jaoui et les guitares flamencas dans ces coins où tous les noms sont espagnols

C'était le soufflé aux artichauts de Gloria la philippine qui avait épousé Bill le pétrolier

C'était les Pick-up rouges

 C'était les photos de camions : camion-citerne, camion-bois, camion-benne, camion-remorque, camion-palette, camion-camion (et le triple camion-camions !), camion-nacelle, camion-pelle, camion-toupie, camion-grue, camion-voitures, camion-bétaillère, camion-pompier, camion-donald duck, camion-balayeuse, camion-pompe, camion-ciment, camion-travaux et le sublime camion-cochon, envoyées  par mail chaque jour au petit bonhomme de 3 ans

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C'était la génération 68 regroupée sur des bateaux-maisons à Sausalito

C'était la pluie qui nous accueille dans le désert le plus chaud du monde

C'était les caddies, les sacs et les kilos de crasse accumulés par des homeless hagards

C'était des vins dégueulasses dégustés comme des grands crus à la Napa Valley

C'était les vibrations de la toile de Rothko au Lacma, et aussi Tanguy, De Kooning et les 13 Picasso

C'était le guide Navajo qui draguait deux jeunes filles dans l'Antelope Canyon, et il avait bien raison car une des deux était sacrément  jolie (je n'ai jamais su qui était la plus valorisée des filles dans un duo moche/jolie)

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C'était l'édition originale américaine du Surréalisme et la peinture d"André Breton publiée par Brentano en 1945 à New-York et dénichée chez un bouquiniste de Berkeley

C'était la mer grise, la lumière jaune qui troue et illumine la brume, les sirènes des bateaux et l"infini pacifique à Point Lobos

C’était le pompiste qui regardait avec jubilation le bombardement de Gaza sur une chaîne israëlienne, vissé à sa caisse, en me disant qu’il fallait faire souvent tac-tac si l’on voulait qu’une femme soit heureuse, et que lui c’était trois fois par jour

C'était les invraisemblables roches colorées de red moutains, comme chez le marchand de couleurs

C'était le plaisir de toucher les contemporains d'Héraclite, je veux parler des Sequoias géants

C'était les villes qui ressemblaient à des banlieues de villes américaines

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C’était les récits hallucinés de Dan Fante et de Joan Diddion, sauf que ce n’était pas des hallucinations

C'était "Je ne pense pas, je suis trop extrême"

C'était le dollar gagné à Las Vegas (45 joués)

C'était les taureaux noirs, comme en camargue

C'était la Pacific One qui ne s'est jamais appelée comme ça

C'était tous ces gens qui se foutent du mauvais goût dès lors qu’ils peuvent sortir de l"ordinaire

C'était la lecture du livre du temps, en regardant les rocs qui entourent le lac Powell

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C'était Kelly Risk, nouvellement promue Ranger qui voulait la jouer sympa mais demandait à être appelée Ranger Risk

C'était les bouquinistes de bord de route, dans des maisons de bois,  chez lesquels je trouvai des livres sur les outsiders de l"art

C'était un parfum des années 70 qui était peut être dans ma tête, mais qui est peut être aussi dans l"Ouest

C'était los murales de Mission dont les couleurs défient le brouillard frisquet de Frisco et l'espagnol à tous les coins de rue

C'était les innombrables singularités qui ridiculisent les généralités (sauf celle-ci)

C'était les drags queens du Cirque du Soleil

C'était l'entertainment partout où on voulait, mais on voulait pas tellement

C'était cette ville fantôme où les fantômes vendaient des T-shirts, des magnets et des cartes postales

C'était l'odeur des pins et des eucalyptus qui portait le désir de marcher sans fin, et nous marchions

C'était l'impression d"être chez un avocat ou un notaire alors que nous étions à l'hôpital ou dans une pharmacie

C'était les miles trains, plus longs que l"horizon mais moins rapides que nous

C'était le pacifique qui passait de tous les gris à tous les bleus, l'arizona qui passait de tous les rouges à tous les jaunes

C'était du kodachrome et du technicolor

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C'était pas du Ronsard, c'était de l"Amerloque

C'était quand les distances ne comptaient pas

C'était des nuits de grands espaces

C'était à l'Ouest

C'est l'infini plaisir d'avoir partagé tout cela

et c'est l'envie de recommencer

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17/05/2014

Breton en Normandie

L'homme propose et dispose.

Il ne tient qu'à lui de s'appartenir tout entier. 

André Breton

 

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20/01/2014

Les irresponsables ne sont pas ceux que l'on croit

C'était il y a bien longtemps. On m'avait rasé la tête, mis un béret rouge, enfermé pour un an et plongé dans un univers crapuleux, au sens premier du terme. Pour en sortir au plus vite, j'avais opté pour le refus frontal, le seul possible en certaines circonstances. Et je m'étais retrouvé un soir dans une froide nuit de décembre à hurler non, alors que deux cent poitrines gueulaient oui, à la question de savoir si j'étais fier d'être là et d'aller sauter depuis les avions. A partir de là, l'affrontement fût effectivement un peu plus frontal. Et je me retrouvai notamment convoqué par un capitaine, qui après les traditionnelles insultes (de chien rouge à intellectuel en passant par lavette et autres joyeusetés), m'expliqua qu'ici il n'était pas question de liberté individuelle, que sous l'uniforme j'appartenais à la Nation et devait abdiquer toute volonté propre de la même manière, je l'entends encore, que le ventre des femmes enceintes ne leur appartenait pas. C'était il y a quasiment 30 ans mais c'est manifestement reparti. 

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Alors que l'Assemblée nationale examine des dispositions qui garantissent et reconnaissent l'avortement comme le droit de celles qui portent le processus de création de la vie, de l'interrompre si les conditions d'une survenance dans de bonnes conditions ne sont pas remplies, voilà que l'on vient nous expliquer que la liberté individuelle n'a nulle place ici et que Dieu, la nature ou l'enfant à naître doivent s'imposer à la liberté de conscience, et donc à la responsabilité, de la femme. Mais la vraie liberté, est une responsabilité, et celle de donner la vie, une des plus grandes, ne peut que résulter d'un choix. Qu'une société veuille enlever ce droit de choisir, comme en Espagne, revient en fait  et en droit à vouloir une société d'irresponsables. 

Et le rapport avec la formation ? dans une société d'irresponsables, la formation n'est plus éducation mais uniquement prescription. Alors que dans une société d'individus libres, elle est un apprentissage de la responsabilité. 

14/01/2014

Les listes entrent en lice (le CPF 2)

Pour ceux qui n'auraient pas compris que le Compte personnel de formation n'a qu'un lointain rapport avec le DIF, le projet de loi sur la formation est particulièrement éclairant. Alors qu'en matière de DIF chaque entreprise était libre de définir sa politique de formation et de décider dans quels domaines le DIF pouvait s'exercer, pour le CPF les formations accessibles seront fixées à l'extérieur de l'entreprise et devront remplir une double condition : d'une part aboutir à un titre RNCP, un Certificat de qualification professionnelle, une certification figurant sur l'inventaire supplémentaire aux titres établi par la CNCP (inexistant à ce jour), entrer dans les formations relatives au socle de compétences (à définir par décret) ou faire partie des formations qualifiantes régionales, et d'autre part figurer sur une liste établie nationalement par le CPNEFP (comité paritaire national de l'emploi et de la formation professionnelle) ou par une CPNE ou par un CPREFP (le même au niveau régional). Bref, point de CPF hors des listes. Moi je n'y peux rien, les listes ça m'évoque irrémédiablement la complainte du progrès.


Alors de deux choses l'une. Soit le malthusianisme l'emporte (ou la crainte d'une explosion des demandes) et l'on fait des listes resserrées, fermées, limitatives, pleines de restrictions pour des tas de bonnes raisons qui se transformeront inévitablement en mauvaises : ne pas livrer le CPF au marché, ne pas accroître la pression financière sur le système, ne pas encourager les pratiques de consommation pure de formation,...bref tout ce qui revêtira les oripeaux de la bonne conscience pour en fait tuer le dispositif dans l'oeuf, ou bien on fait confiance, on ouvre largement, on permet le choix, on encourage l'initiative, on est volontariste, et on se dit qu'il sera toujours temps de resserrer les priorités ultérieurement si le succès est au rendez-vous. Pour ce qui me concerne, à la complainte du progrès (ceux qui voudraient bien mais qui ne peuvent point) j'ai toujours tendance à préférer la liberté, c'est à dire la responsabilité.

18/12/2013

Action collective

Il n'y a pas que la formation professionnelle qui connaisse son big-bang. La prévoyance est également en train de connaître le sien avec la décision du Conseil Constitutionnel en date du 13 juin dernier, qui interdit les clauses de désignation dans les accords collectifs. Par clause de désignation, on entend possibilité pour une convention collective de rendre obligatoire l'adhésion et la cotisation de toutes les entreprises d'un même secteur à un organisme de régime complémentaire de santé. Pour le Conseil Constitutionnel, la possibilité de choix et la possibilité de concurrence doivent prévaloir sur l'obligation. C'est oublier un peu vite qu'il est des secteurs ou l'action n'est efficace que lorsqu'elle est collective.

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Dans une remarquable tribune publiée par l'AEF, Jacques Barthélémy explicite pourquoi sous couvert de libre concurrence, on fait prévaloir les intérêts particuliers, dont on sait que la somme n'a jamais constitué l'intérêt général, sur les intérêts bien compris des entreprises et des salariés. L'exemple donné du secteur de la boulangerie est parfaitement éclairant. Et le parallèle avec la formation pourrait être frappant : moins de mécanisme collectifs et plus de renvoi vers le libre choix de chacun, il n'est pas certain au final que ces "chacun"ne soient pas perdants.

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28/11/2013

Suivons le loup

La décision était attendue après les conclusions de l'avocat général, mais c'est évidemment la motivation qui retient l'attention. Dans un nouveau jugement sur l'affaire Baby-Loup, la Cour d'appel de renvoi, après l'annulation du licenciement par la Cour de cassation, valide la décision des Prud'hommes et confirme que la crèche pouvait licencier la salariée refusant de quitter le voile. Dans des commentaires un peu rapides, les journalistes en ont conclu que la Cour d'Appel s'opposait à la Cour de Cassation. Il se peut que ce soit l'inverse, et que les juges du fond aient au contraire suivi scrupuleusement les prescriptions de la Cour de Cassation. Celle-ci avait considéré qu'un règlement intérieur dans une crèche privée ne peut porter interdiction générale de signes religieux sans dire en quoi cette interdiction est liée à la nature de l'activité exercée.

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Crédit Photo : Dandylan

Du coup, la Cour d'Appel de Paris a pris soin, cette fois-ci, d'argumenter en détail. Si le licenciement est justifié c'est pour deux raisons : parce que l'activité s'adresse à des enfants dont les représentations en construction peuvent être influencées et parce que le règlement intérieur ne vise que ces activités et n'édicte pas une interdiction générale. Moyennant quoi, la Cour d'Appel rejoint la Cour de cassation : il n'est pas possible d'interdire d'une manière générale le voile mais uniquement en fonction de la nature de l'activité exercée. Et dans leur motivation, les juges indiquent que l'interdiction ne peut s'appliquer aux activités de la crèche dirigées vers les adultes. Ce qui devrait, comme dans les précédents jugements, relativiser les jugements qui crient au triomphe de la laïcité ou à la défaite de la liberté, et qui devraient comme l'ont fait les juges, moins s'emporter et se pencher un peu plus sur la loi.

CA PARIS - Baby-Loup.pdf

17/10/2013

Un salarié, ça peut l'ouvrir sans démissionner

Ce qui caractérise le mieux la vraie liberté est son juste usage, et l'abus qu'on en fait. Cette phrase de Lichtenberg a manifestement inspiré les juges de la Cour de cassation. Appelée à se prononcer sur le courrier envoyé par trois cadres supérieurs aux administrateurs de la société pour mettre en cause la gestion de leur PDG qui avait motivé le licenciement de l'un d'entre eux, la Cour de cassation a estimé que le salarié n'avait fait qu'user de sa liberté d'expression. Même si le courrier constituait une mise en cause des choix et méthodes du PDG, en l'absence d'injure, de dénigrement ou de diffamation, il ne saurait constituer un motif de licenciement et n'est qu'une modalité de mise en oeuvre de la liberté d'expression.

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Dans une formule que les journalistes ne se lassent jamais de reprendre, Chevènement avait déclaré qu'un Ministre ça ferme sa gueule ou ça démissionne. Pour beaucoup de dirigeants, il en irait de même pour les salariés : content ou parti, soumis à l'autorité ou démis. A ceux-là, la décision des juges paraîtra incompréhensible. Par contre, elle semblera logique à ceux qui font une différence entre la subordination et la soumission.

COUR DE CASSATION - Liberté d'expression - cadre dirigeant.pdf

Et au passage les juges délivrent une deuxième leçon : lorsque l'on positionne un salarié comme cadre dirigeant, on évite de le soumettre à un horaire, de le faire badger et de préciser dans son contrat qu'il ne peut refuser les heures supplémentaires, ça fait beaucoup trop d'incohérences pour un seul homme.

23/05/2013

Salud Giuseppe

On ne fait pas l'amour, c'est lui qui nous fait

(André Hardellet)

 


09/05/2013

A l'Ouest

Homme libre, toujours tu chériras la mer

 

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01/04/2013

Il est libre Max

Son père était allemand et peintre, et très vite l'Allemagne, son père la peinture devinrent trop peu pour Max Ernst. Il quitta son pays de naissance, pour faire de chaque lieu son pays nouveau :  Paris, l'Italie, puis New-York, l'Europe, Paris encore, la Touraine enfin qui nous vaut cet exceptionnel jardin de la France (voir ici).

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La peinture aussi, c'était trop peu. Il inventa le frottage, que tous les enfants (au moins ceux du monde d'avant) on reproduit en plaçant une pièce de monnaie sous une feuille de papier, puis le décalcomanie, le grattage, multiplia les collages,  entrepris de sculpter,  s'essaya à toutes les techniques en bricoleur de l'art et du quotidien.

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Max Ernst - Pléiades

Il participa à Dada, au Surréalisme, réalisa des décors de théâtre, illustra des livres, raconta des histoires, créa un personnage, Loplop, mi-homme mi-oiseau, comme Max Ernst était mi-peintre, mi-poète, mi-inventeur et quelques autres mi encore.

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Max Ernst - Napoléon dans le désert - 1941

Il assembla et utilisa toutes les techniques, faisant naître des mondes oniriques que d'autres avant lui avaient visités, comme en témoignent  les dessins de Bosch et de Bruegel également présentés en ce mois de mars à l'Albertina, dans un de ces hasards objectifs qui enchantent le monde.

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Max Ernst - Tentation de Saint-Antoine

Cette capacité créatrice de Max Ernst, suppose de s'affranchir des cadres et catégories, de travailler en tous sens et d'associer sans cesse ce qui ne paraît pas naturellement s'assembler. Hier, lors de la visite de l'exposition d'Hundertwasser, découverte de cette phrase : "Notre illettrisme n'est pas notre difficulté à lire ou à écrire, c'est notre incapacité à créer". Hundertwasser se méfiait de la ligne droite comme de la peste, de ce qui segmente et sépare comme du choléra et il inventa une architecture de la rondeur, de la vie dans et hors des maisons et de la mise en harmonie de l'habitat et de la nature. Il abhorrait les règlements d'urbanisme et invitait chacun à peindre sa maison à son goût et à pouvoir la modifier sans architecte (l'architecture ne sera de l'art que lorsqu'elle sera autorisée à tous et non réservée aux architectes).

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Hundertwasser - Village thermal

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Hundertwasser - La forêt à spirales

A quoi bon l'art s'il ne nous permet pas de développer un regard neuf sur l'alentour et s'il ne nous conduit pas à déshiniber nos capacités créatrices. Toute l'histoire de l'art ne devrait pas se regarder comme l'histoire d'hommes et de femmes d'exceptions, mais au contraire comme un encouragement à ce que chacun fasse entendre sa voix personnelle. Bien loin du Panthéon des grands hommes, un appel lancé à tous les créateurs anonymes, les bricoleurs du quotidien, les inventeurs du dimanche et de tous les autres jours de la semaine, les enthousiastes de la nouveauté et de l'appropriation du monde par la créativité.

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Schmoll - Plan de la machine à faire les crêpes

Et les commissaires de l'exposition avaient bien compris le message qui ont placé quelques occasion de créativité sur le parcours. Comme Max, pour nous encourager.

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Big brother is shooting you !

20/03/2013

Le loup n'y était pas

On le voyait venir de loin (voir ici) : lorsque l'on mélange le droit, la morale, la religion, la laïcité et divers autres ingrédients, dont les fantasmes ou obsessions pour ceux qui n'ont de vision que raciale ou ethnique de la société, on va droit dans le mur. C'est ce que la Cour de cassation vient de rappeler en tranchant le conflit de la crèche Baby-Loup. Pour les magistrats, une entreprise privée ne peut imposer de manière générale à ses salariés un principe général de laïcité. Elle doit s'en tenir aux dispositions du Code du travail qui permettent de restreindre les libertés individuelles, dont la liberté religieuse fait partie, uniquement pour des raisons liées à la nature de l'activité. Soulignons que le juge ne répond pas à la question de savoir si le travail avec des enfants justifie ou non une telle interdiction. Il  constate que la clause du règlement intérieur en vertu de laquelle la salariée a été licenciée était formulée de manière générale et imprécise et donc nulle, d'où la nullité corrélative du licenciement.

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Jean-Louis Forain - Femme au loup

Et déjà l'on voit Manuel Valls regretter la décision de la Cour de cassation au nom de la laïcité et l'extrême droite vilipender ces juges de gauche qui se couchent devant l'islamisme symbolisé par le voile. Si jamais les uns et les autres venaient à retrouver un peu de sérénité, ils pourraient peut être constater que le jugement rendu par la Cour de cassation a propos du voile est de même nature que ceux déjà rendus à propos de piercings, de moustaches ou de boucles d'oreille. Mais pour cela, il faudrait juste faire du droit.

Cass. Soc. 19 mars 2013.pdf

Communiqué Cour de cassation.pdf

12/02/2013

Prométhéen !

C'est peu de dire que la démission du Pape est un moment de pur bonheur. Non pas parce que Benoît XVI quitte la fonction, on ne peut souhaiter le départ d'un Pape qui écrit aussi bien sur l'eros, le corps et l'âme (c'est ici), mais parce que cet acte est une bouquet d'ambivalences et de subtilités. Tout d'abord, il est amusant de percevoir l'embarras de ceux qui pensent que le Pape doit se soumettre à Dieu et aliène sa personne à la fonction et en même temps font leur le dogme de l'infaillibilité pontificale. Pour eux, le geste est une contradiction insoluble. Ensuite, on peut sourire également de l'humilité contenue dans le geste, celui qui renonce aux honneurs et se retire, mais aussi le formidable orgueil dont il est porteur : j'ai regardé Dieu dans les yeux, et j'ai choisi de reprendre ma liberté !

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Heinrich Fueger - Prométhée offrant le feu aux hommes

Et s'agissant de liberté, il est désormais impossible  à quiconque d'expliquer que sa démission a été refusée. On pourra lui répondre en rigolant que même Dieu ne peut rien devant celui qui veut vraiment démissionner. Mais le plus important est sans doute la démonstration que la volonté peut faire son lit de la nature, ou de ce qui se prétend tel. Toute la tradition, sinon la règle canonique, s'opposeait à la démission du Pape. Et pourtant, son geste, celui qui met la liberté de l'homme avant  l'ordre établi, s'impose. S'il avait voulu fournir un argument en faveur du mariage entre personne de même sexe, le Pape n'aurait pu trouver meilleure démonstration. Benoît XVI démissionnant, c'est Prométhée qui offre le feu aux hommes et sa bénédiction à tous les affranchis. Amen !

17/12/2012

Courageux découragement

Il y en a eu un. Mais comme c'était le premier, il pouvait s'agir d'un cas isolé. Et puis il y en eût un second. Et un troisième. Et quelques autres encore. Pas un raz de marée. Pas un mouvement profond. Non, juste une somme de cas individuels qui sont peut être le signe que quelque chose se passe. Quels cas ? des salariés dont le statut, la rémunération et les fonctions sont plutôt enviables. Et qui décident de quitter leur entreprise alors que personne ne les y pousse, encourage ou contraint. Ils n'ont pas d'autre job en vue. Ils sont conscients de la difficulté du marché du travail, et pourtant ils choisissent de partir, non sans appréhension mais avec une pleine détermination. 

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Félix Labisse - Société de découragement - 1969

Pourquoi partir ? parce qu'il n'est plus possible de cautionner ce que propose l'organisation. Parce que les logiques de fonctionnement qui se mettent en place conduisent inévitablement à perdre le sens de l'activité, parce que la gouvernance créé les conditions de la perte d'efficacité au nom de la rationnalité, parce que le contrôle central, les reporting sans fin, les indicateurs dignes du gossplan et l'absence totale de considération de l'individu deviennent insupportables. Parce qu'il ne s'agit pas de se poser en  contestataire d'un système mais de mettre dans la balance ses valeurs personnelles et de dire "plus pour moi". Parce que l'on refuse de faire semblant encore et encore et que l'on ne souhaite pas s'installer dans un placard, fût-il pourvu de quelques dorures.  Parce qu'au final, et paradoxalement, on se sent mieux sans la sécurité, même si tout cela n'est pas toujours évident à vivre, et que l'on prend plaisir à la liberté. Et constater que même en période de difficultsé, avec les risques que cela comporte, il y a encore beaucoup de choix qui sont faits en faveur de la liberté contre la sécurité, c'est une sacrée bonne nouvelle.