14/10/2011
La belle europe
Mais quelle mouche a donc piqué les juges du fond ? après le Tribunal d'Orléans qui vient de considérer que le Code du travail ne respectait pas les textes européens et ne devait pas s'appliquer en matière de désignation des représentants syndicaux (c'est ici), voilà le tribunal de Marseille qui donne tort au Conseil Constitutionnel. Celui-ci avait jugé que l'exclusion des contrats liés à la politique de l'emploi (contrat d'apprentissage, contrat de professionnalisation, contrat unique d'insertion...) pour le calcul des seuils d'effectif était conforme à la Constitution. Les juges marseillais eux considèrent que cette exclusion prive les salariés du bénéfice de directives européennes qui doivent profiter à tous les travailleurs et que par conséquent elle ne peut trouver application. Plutôt que l'Europe libérale régulièrement stipendiée, le juge sait aller chercher la belle europe sociale garante des droits des salariés. Martial Raysse apprécierait.
Martial Raysse - L'enlèvement d'Europe - 1936
L'argument des juges est solide : dans l'association en cause dans le litige, il y a plus de 100 salariés, mais sans les contraits aidés, le chiffre retombe en dessous de 50, ce qui les prive de Comité d'entreprise, des garanties en matière d'information et de consultation, des garanties en cas de licenciement, etc. Or des directives européennes garantissent les droits des salariés en ce domaine. Il n'est donc pas possible, serait-ce dans l'objectif de favoriser l'emploi, d'adopter des mesures dérogatoires qui aboutissent à priver les salariés des garanties offertes par le droit social européen.
Les juristes français connaissent en général assez mal le droit européen, en tous les cas insuffisamment, l'auteur de ce blog en premier lieu. Mais cette lacune semble se combler puisque, de plus en plus fréquemment, la norme européenne est sollicitée pour écarter une loi française moins favorable. L'Europe garantirait donc des droits sociaux supérieurs à ceux qui existent en France ? ce n'est pas ce que l'on nous dit, mais c'est pourtant ce que les juges, jour après jour, s'efforcent de démontrer. Nous ne sommes sans doute pas, dans ce domaine, au bout de nos suprises.
00:00 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : effectif, droit du travail, europe, droit, ressources humaines, martial raysse, droit européen, marseille
28/08/2008
Le salarié et son double
Après plusieurs tentatives, précédemment censurées par le Conseil constitutionnel, le Gouvernement est parvenu à faire voter par l'Assemblée un texte sur la comptabilisation des salariés mis à disposition dans l'effectif de l'entreprise d'accueil. Depuis plusieurs années, la jurisprudence de la Cour de cassation impose la prise en compte dans l'effectif de l'entreprise des salariés mis à disposition (hors intérim dont la prise est compte est spécifiquement prévue par la loi) dès lors qu'ils sont intégrés de manière étroite et permanente à la communauté de travail (Cass. soc., 28 février 2007). Il en résulte que ces salariés sont électeurs, et éventuellement éligibles, à la fois chez leur employeur et dans l'entreprise dans laquelle ils effectuent leur activité, en quelque sorte, et comme les intérimaires mais qui eux sont dépourvus du droit de vote chez l'utilisateur, ce sont des salariés qui comptent double.
Angelus lucis - L'homme double - 1584, Kassel
La loi sur le temps de travail et la démocratie sociale vient modifier la jurisprudence de la Cour de cassation en deux points : d'une part les conditions de prise en compte des salariés mis à disposition sont précisées et d'autre part ils ne pourront être électeurs et/ou éligibles simultanément dans deux entreprises.
Sur le premier point, les salariés mis à disposition sont électeurs s'ils sont présent dans les locaux de l'entreprise utilisatrices et y travaillent depuis au moins un an. Pour être éligibles en tant que délégué du personnel, l'éligibilité en tant que membre du CE n'étant pas possible, il faut une présence continue de deux ans.
Sur le second point, le salarié mis à disposition doit choisir s'il exerce son droit de vote et d'éligibilité dans l'entreprise qui l'emploie ou dans l'entreprise utilisatrice. C'en est donc terminé du salarié mis à disposition double électeur. On notera tout de même qu'un salarié peut être élu en tant que délégué du personnel chez l'utilisateur et en tant que membre du CE dans l'entreprise qui l'emploie. Un demi-double en quelque sorte.
09:31 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : effectif, élections, conseil constitutionnel, mise à disposition, éligibilité, droit