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28/09/2012

Droit d'expression (2)

Qui s'oppose à une réorganisation est aussitôt taxé d'être résistant au changement, accroché au passé, incapable d'évoluer ou de s'adapter. Ce discours bien connu voudrait faire croire que toute nouveauté est une bonne nouvelle et que le status quo n'est pas la préservation du bien mais le refus du meilleur. Il est pourtant des réorganisations qui sont des catastrophes, des évolutions qui sont des régressions et des nouveautés qui sentent davantage le moisi que le passé. C'est sans doute ce que pensait ce cadre de direction qui a diffusé un tract annonçant la constitution d'un syndicat et dans lequel il était écrit que « l’angoisse, le stress, la méfiance et les incertitudes des uns et des autres, et ce face aux rumeurs et autres restructurations tant sournoises qu’hasardeuses, nous ont conduits à la création d’un syndicat autonome d’entreprise ». C'en était trop pour son employeur qui le licencie pour manquement à l'obligation de loyauté, estimant que ces critiques émises par quelqu'un qui a participé à l'élaboration du projet ne pouvaient que viser à déstabiliser et décrédibiliser la direction. La Cour d'appel a validé le licenciement. Pas la Cour de cassation qui trouve là une nouvelle occasion de rappeler que tous les salariés, sans exclusive pour les cadres de direction, bénéficient d'un droit à l'expression.

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Dazibao en Chine avant leur interdiction en 1979

Les juges rappellent aux employeurs qui auraient tendance à penser que tout salarié a une obligation de confidentialité ou est soumis à un devoir de réserve, que le principe est inverse : tout salarié jouit d'un droit d'expression. Le principe est donc la liberté. Et la seule limite est de ne pas abuser de cette liberté. Pas d'insultes donc, ni de diffamation ou de dénigrement. En l'occurence, la Cour de cassation a estimé qu'il n'y avait rien de tout cela dans les termes utilisés. Ceux qui liront la décision, publiée ci-dessous, constateront que si "sournois" est une injure pour le juge toulousain (Cour d'appel de Toulouse), il n'en est rien pour le juge parisien (Cour de cassation). Je vous laisse le soin d'en tirer les conclusions.

Cour_de_cassation_civile_Chambre_sociale_3_juillet_2012.pdf

27/09/2012

Droit d'expression (1)

La méthode utilisée par la CPAM de Moselle pour traiter la question des risques psychosociaux, dans un contexte de fusion de caisses, de réorganisation, d'évolution des métiers et des comportements des assurés, n'est pas la plus fréquente. Des salariés volontaires ont été formés à la méthode d'identification des risques mise au point par l'ANACT et ce sont eux qui ont été interviewer leurs collègues, avant que les résultats de ce travail d'enquête ne soit traduit en plan d'action par des groupes de travail. Cette démarche participative est rare : le plus souvent, l'analyse des risques est un travail d'expert auxquels les salariés sont associés, ou pas, mais remettre ainsi le coeur du travail d'enquête dans les mains des salariés demeure peu usité. Sans doute en partie par crainte de perdre la maîtrise du processus, nouvelle vérification que le salarié est souvent managé à la manière dont Yves Montand transportait les flacons de nitroglycérine dans le Salaire de la Peur : en serrant les fesses pour qu'il ne se passe rien.

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Pour originale qu'elle soit, la méthode ne fait que redécouvrir ce que la loi Auroux du 4 août 1982, dont nous venons de fêter les 30 ans, avait souhaité promouvoir. Le droit d'expression directe et collective des salariés. Toujours présent dans le code du travail (articles L. 2281-1 et suivants), il l'est beaucoup moins dans les pratiques. Qui met en place des groupes de travail régulièrement dans l'année pour que les salariés puissent s'exprimer sur leurs conditions de travail ? qui organise des modalités spécifiques de ce droit pour que l'encadrement n'en soit pas privé ? qui se préoccupe de recueillir les avis et propositions des salariés sur les conditions et l'organisation du travail ? C'est pourtant une obligation depuis 30 ans. Nouvelle preuve que plutôt que de voter des textes nouveaux sur les risques psychosociaux, la pénibilité ou le harcèlement, si l'on appliquait les textes existant on arriverait sans doute à un meilleur résutat.

03/08/2011

Flag

Aux Etats-Unis, on aime le drapeau. Et toute occasion de le montrer est bonne, et même lorsqu'il n'y a pas d'occasion, on le sort quand même.

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Manhattan

On peut noter d'ailleurs, combien la Stars Banner est fréquemment accompagnée d'un autre drapeau. L'identité américaine est suffisamment forte et solide pour pouvoir être multiple sans que cela ne lui cause d'insupportables maux de têtes ou ne suscite de violentes poussées d'urticaires.

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Brooklyn

Et si les américains sont fiers de leur drapeau, ils sont encore plus attaché à la liberté et admettent, en  vertu de l'article 1er de leur constitution, qu'il puisse être brûlé par qui ne supporte ni les étoiles ni les raies horizontales (qui grossissent comme chacun sait). 

En France, on a créé le délit d'outrage au drapeau par un décret du 21 juillet 2010, suite à la publication par la FNAC d'une photo jugée insupportable, au point que les deux salariés organisateurs du concours ont été licenciés pour faute grave. La photo en question était celle-ci :

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Comme pour toute oeuvre artistique,  elle peut être discutée pour son esthétique et pour son message. Mais au nom de la liberté d'expression, son existence même ne saurait poser problème. C'est ce que vient de rappeler le Conseil d'Etat, saisi par la Ligue des Droits de l'Homme, d'un recours en annulation du décret du 21 juillet. Si le décret n'est pas annulé, sa portée est largement réduite, pour le moins. Selon le Conseil d'Etat : "ce texte n'a pas pour objet de réprimer les actes de cette nature qui reposeraient sur la volonté de communiquer, par cet acte, des idées politiques ou philosophiques ou feraient oeuvre de création artistique, sauf à ce que ce mode d'expression ne puisse, sous le contrôle du juge pénal, être regardé comme une oeuvre de l'esprit ".

Voilà le pouvoir pris, une nouvelle fois, en flagrant délit d'usage du droit pour de mauvaises raisons, politiciennes, ce qui dessert à la fois la cause politique et la place du droit dans une société démocratique. Et par là même occasion de bons arguments pour les salariés de la FNAC si l'idée leur prenait de contester leur licenciement.