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13/09/2011

Obéissance fautive

L'obéissance est souvent perçue comme l'aliénation de sa liberté au profit d'une sécurité : elle constitue une adhésion qui devrait trouver sa récompense. L'obéissance déresponsabilise. Elle fait porter sur le donneur d'ordre le poids de la décision dont se trouve libéré l'exécutant. Ceci est peut être une vision que l'on peut avoir de l'obéissance. Ce n'est pas celle du juge, pour qui obéir est une décision pleine et entière dont la responsabilité se trouve chez son auteur et non chez celui qui l'a suscitée. Obéir est un choix et il vaut mieux ne pas l'oublier.

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Obéissance - André Helluin - 2010

Un responsable commercial demande à une assistante commerciale de lui communiquer ses codes d'accès pour accéder aux fichiers clients. La charte informatique de l'entreprise proscrit toute transmission des codes personnels. L'assistante les communique pourtant, estimant qu'agir sur ordre est un impératif ou que le demandeur peut avoir accès aux informations. Double erreur que le juge sanctionne sévèrement d'une faute grave (Cass. soc., 5 juillet 2011). Le salarié ne peut se réfugier derrière l'excuse de hiérarchie : responsable de lui-même, il a le devoir et l'obligation de refuser la demande illicite. Pas facile ? sans doute mais le salarié ne peut ni refuser de choisir ni d'exercer sa responsabilité. On ne renonce pas par la soumission à son statut de sujet. Le juge paraît sévère, il est en l'occurence un grand humaniste.

12/09/2011

N'évacuez pas, travaillez !

Dans le flot d'images et de commentaires consacrés au 11 septembre, deux témoignages. Le premier, d'un salarié d'une société financière qui travaillait dans la Tour Sud. Le premier avion d'American Airlines vient de s'écraser sur la Tour Nord. Les personnels commencent à évacuer la Tour Sud effrayés par le choc et l'incendie. Mais rapidement la consigne arrive : restez à vos postes de travail, nous ne sommes pas concernés, le problème concerne la Tour Nord. Hésitation et puis l'ouverture des bourses dans cinq minutes, on s'installe et on travaille. Des centaines de personnes seront victimes de cette consigne.

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Site du World Trade Center - Juillet 2011

L'emprisonnement dans le routinier, l'incapacité à penser l'évènement qui survient sans avoir été imaginé, la paupérisation de l'imagination même par l'enfermement dans les codes du  quotidien. Une vision unilatérale et simpliste du monde qui participe à la destruction et dont on peut se demander si elle n'en est pas une des causes. A cet effet, la thèse des bons et des méchants, du diable et des héros permettra d'éluder tout questionnement. Et l'on redonnera la parole aux architectes qui construiront plus haut, plus fort, comme avant, en mieux.

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Le second témoignage est celui de William Langewiesche, journaliste à Vanity Fair. Un des rares journalistes a avoir eu accès au site de Ground Zero. Il était interrogé par Faustine Vincent :

Vous écrivez que la catastrophe a fait voler en éclat les hiérarchies sociales. En quoi?
C’était un chaos à la fois physique, politique, technique et social. Face à l’urgence, les hiérarchies sociales n’importaient plus, tout le monde se foutait de qui était le patron. Les gens avaient pris le pouvoir par la pratique: les petits ingénieurs, les ouvriers, les pompiers, les policiers... Pour eux c’était une vaste libération personnelle. Comme en temps de guerre, parce qu’il n’y avait plus les mêmes règles.

Vous avez dit avoir découvert la «quintessence américaine» à travers vos reportages à Ground Zero. Quelle est-elle?
Le manque de hiérarchie et la liberté de laisser les gens avoir de la puissance selon leurs capacités et non leurs diplômes. C’est l’ancien idéal des Etats-Unis. Le «self made man», en quelque sorte. Je crois que si le World Trade Center était en France, on n’aurait pas vu ça. Parce que la France étouffe sous la hiérarchie des diplômes.

Pourquoi «l’ancien idéal» des Etats-Unis? Ce n’est plus le cas?
Ça existe toujours un peu dans les affaires, dans la Silicon Valley, mais sinon, de moins en moins. Le pays et la société vieillissent, et quand les structures sont en place, elles deviennent dominantes.

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Les avions continuent à passer au-dessus de Manhattan. Est-ce le signe que l'Amérique est plus forte parce qu'elle sait ce qu'est la peur et que l'on est plus fort lorsque l'on en a fait l'expérience ? ou bien est-ce que la routine, et ses réflexes mortifères, ont repris le dessus et que le 11 septembre est devenu un fantasme, un acte d'emblée déréalisé ?

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Ciel bleu sur Wall Street, immeubles noirs et puissants, drapeau haut en couleur, nul ne sait ce jour si l'Amérique est vieillissante ou si elle sera capable demain, s'il le faut, d'évacuer et donc d'agir, plutôt que de continuer à travailler, en spectateur de la mort qui vient.

13/05/2010

Ombre et lumière

En ce jour d'ascension, une chronique consacrée à Joseph de Cupertino, dont Blaise Cendrars raconte l'histoire dans Le lotissement du ciel. Né au début du XVIIème siècle, ce saint est à la fois le patron des aviateurs et des candidats aux examens. Pourquoi ? confi très jeune en béatitude, contemplatif et méditatif, Joseph était un apprenti prêtre très moyen. Mais il se présenta à la prêtrise au sein d'une promotion très brillante, à tel point que l'évêque après avoir entendu plusieurs candidats déclara que tous seraient admis tant le niveau était élevé. Et voici comment Joseph devint prêtre et par la suite patron des candidats anxieux ou mal préparés aux examens. Pour les aviateurs, l'affaire est plus surprenante : au cours d'une procession, Joseph s'éleva soudainement dans les airs et lévita quelques instants. Le phénomène se répéta plusieurs fois par la suite.

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Saint Joseph de Cupertino

L'histoire serait belle si elle n'avait une suite. Le Pape de l'époque, Innocent X, trouva que Joseph suscitait beaucoup d'intérêt et commençait à attirer les foules. Un peu trop. On envoya l'inquisition qui n'obtint pas de résultat : la bonne foi de Joseph et sa sincérité n'étaient pas feintes. Le Pape choisit l'éloignement, puis le bannissemnet, l'interdiction de communiquer et la quasi-réclusion. Le changement de pape ne modifia guère le régime de Joseph qui lévita toutefois une dernière fois quelques semaines avant sa mort en célébrant la messe. Les fidèles étaient là, méritant leur nom. La hiérarchie elle, considérait bien évidemment que celui qui attire la lumière ne peut que lui faire de l'ombre. Après sa mort, on le béatifia puis le canonisa pour la plus grande gloire de l'église et, surtout, de ses dirigeants  : d'un mort on ne risque plus rien. Heureusement, il s'agit d'une histoire ancienne.

02/12/2008

Consommer à mort

Le magasin Wal-Mart organisait des soldes à New-York. Ouverture des portes à 5 heures du matin. La foule attend depuis la veille, parfois en sac de couchage. L'heure d'ouverture des portes était également la dernière heure de l'employé qui en était chargé. Piétiné par les 2000 personnes massés devant la porte, il est mort. La direction du magasin a voulu fermer, mais les consommateurs avides ont réclamé leur du : ils attendaient depuis la veille, ce n'est pas un mort qui allait les arrêter. Qui est horrifié par l'histoire se souviendra qu'au stade du Heysel le 29 mai 1985 un match de football s'est joué alors que 39 personnes ont trouvé la mort dans le stade quelques instants auparavant, également piétinés. Show must go on.

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Pieds marbrés

On pourrait bien évidemment s'interroger sur la course au pouvoir d'achat et à la consommation et se demander s'il ne s'agit pas de consommer mieux et autrement plutôt que davantage. On pourrait s'interroger également sur cette frénésie de la consommation qui fait que l'on oublie toute dignité. Les entreprises qui travaillent sur les valeurs pourront pour leur part en conclure qu'il s'agit moins d'identifier les valeurs qui sont les siennes que de les hiérarchiser : toutes les valeurs ne se valent pas et le sens est donné par l'ordre des valeurs plutôt que par leur accumulation.