22/12/2011
Fête du personnel
C'est le premier du genre, sans doute pas le dernier. Il s'agit d'un message, écrit en gros, en bas du mail de mon interlocuteur, qui dit ceci : "En application de l'accord vie privée vie professionnelle, mes mails envoyés le soir ou le week-end n'appellent pas de réponse immédiate". Voilà une traduction de la lutte contre l'évaporation des frontières entre la vie personnelle et la vie professionnelle. La lutte n'est pourtant pas simple, car s'il y a du professionnel dans la vie personnelle, il y a également du personnel dans la vie professionnelle, l'individu ne se résumant jamais exclusivement à sa qualité de salarié.
Vu sous l'angle juridique, la mention règle une question, mais en pose une autre. Ce qui est réglé par la mention du "non urgent", c'est que l'envoi d'un mail ne saurait valoir interpellation et prescription de la part de l'entreprise. Que le salarié reçoive un mail pendant le week-end auquel il répondra lundi n'est pas un problème juridique. C'en est un si le mail arrive sans cette réserve puisqu'il prouve la sollicitation de l'employeur sur un temps non travaillé. Le salarié n'a donc pas à rester en veille et le mail n'attente pas à son repos.
Sentinelle devant une banque de la Havane - Décembre 1962
Par contre, que dire de l'envoi du mail sur des plages qui, normalement ne devraient pas être travaillées ? qu'il n'est juridiquement possible que pour des salariés qui disposent d'une liberté d'organisation de leur temps de travail. Donc les salariés en forfait jours et les cadres dirigeants. Pour les autres, un tel envoi constaterait un travail en dehors des plages rémunérées. Travail volontaire pourrait arguer l'entreprise ? ce serait oublier que l'arroseur peut parfois être l'arrosé. Disposant du droit et de la possibilité technique de lire les mails des collaborateurs, l'entreprise ne peut considérer qu'elle n'est pas au courant des mails qui s'échangent à des horaires indus. Et elle devrait le gérer. Seuls les salariés dotés d'une autonomie sur l'organisation de leur temps sont donc susceptibles d'avoir recours à la formule. Non sans limite puisqu'il faut rappeler que si le forfait jour peut inclure une partie de la soirée, ce même forfait n'est pas un forfait nuit ni un forfait week-end. La tentative était méritoire, pas certain qu'elle constitue une garantie juridique absolue, au contraire. Juste le rappel que le droit est souvent inopérant lorsqu'il ne correspond pas à la réalité.
NB : Cette chronique qui essaie d'insinuer habilement qu'aujourd'hui est date de jour de fête n'appelle aucun témoignage de félicitation immédiat.
16:50 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : anniversaire, cette année-là, décembre, cuba, vie privée, vie professionnelle, temps de travail, durée du travail, travail, mail
22/07/2011
Chapitre 2 Qui illustre les méritoires efforts du droit pour préserver la possibilité de schizophrénie du salarié
Au début des années 80, les lois Auroux consacrent le salarié citoyen dans l’entreprise. Au début des années 90 l’air du temps est à l’entreprise citoyenne et le salarié citoyen disparaît peu à peu. Se pose de nouveau la question des libertés publiques dans l’entreprise.
Un rapport sur ce sujet, rédigé par le Professeur Gérard Lyon-Caen en 1992 ouvre la voie à une loi du 31 décembre de la même année qui prévoit qu’une entreprise ne peut, lors d’une procédure de recrutement ou d’évaluation, poser que des questions qui ont un rapport direct et nécessaire avec l’emploi occupé ou proposé (C. trav., art. L. 1221-6 et L. 1222-2). Le salarié au travail et le salarié dans sa vie personnelle doivent donc être disjoints, l'un ayant le droit de demeurer étranger à l'autre. Autrement dit, le comportement personnel ne nous dit rien du comportement professionnel qui seul peut être évalué. Le droit à la schizophrénie est ainsi établi, le salarié n'étant pas une totalité indivise au comportement monolithique. Exit donc les tests de personnalité généraux et les enquêtes de moralité.
Exit d'une manière plus générale, les processus d’appréciation des personnes, renvoyés vers le bilan de compétences et ses protections. L’entreprise ne peut évaluer que les compétences dont elle se sert ou dont elle a besoin. Toute évaluation doit donc, pour être valide, être contextualisée.
Une autre manière de dire que l’on n’évalue pas les individus mais leur travail ou leur capacité à l’exercer.
Ce droit garanti pour le salarié de pouvoir être autre au travail que dans sa vie personnelle subit aujourd’hui les assauts des réseaux sociaux et autres Web 2.0, qui fragilisent, pour ne pas dire font voler en éclat, la frontière entre vie professionnelle et vie personnelle.
13:35 Publié dans DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : formation, compétence, schizophrénie, évaluation, vie personnelle, vie professionnelle, droit