10/04/2013
Ils n'en veulent plus
Il en reste plein qui en veulent. La majorité peut être. Mais il y en a de plus en plus qui n'en veulent plus. Il n'en veut plus ce dirigeant qui demande à reprendre une fonction d'expertise, elle n'en veut plus cette directrice administrative qui devient consultante, elle n'en veut plus cette responsable ressources humaines qui reprend un poste d'adjointe, ils n'en veulent plus tous ces managers épuisés. Epuisés par quoi et qui ne veulent plus de quoi ? manager. Ils n'ont pas peur des objectifs, de la pression économique, de leur travail, de la technique, des challenges, des défis. Ils sont laminés par la relation manageriale, par le rapport à autrui, par les discussions permanentes, par le concours Lépine de l'autre manière de faire qui est toujours meilleure que celle proposée, par la contestation érigée en mode de relation, par le fait de passer pour le grand Satan représentant de la direction, par l'écoute des problèmes personnels déballés à toute occasion et que l'on se verra reprocher de prendre en compte, ou pas, selon les cas, bref les fatigués de l'encadrement, les mortifiés de l'animation d'équipe, les écoeurés de la concertation, les dézingués du collectif. Pour eux, l'enfer c'est les autres.
Photo : Sarahfisthole
Certes, on pourrait trouver la réciproque : les révoltés de l'arbitraire managerial, les excédés du petit chef vraiment petit, les lassés de l'incompétent qui les dirige, les désespérés de l'imbécile qui nie leur intelligence, les blasés d'être managés par des promoteurs d'eux-mêmes avant que d'être des promoteurs de l'activité, et tous les démotivés, retirés, absents, découragés, déboussolés ou désorientés par leur hiérarchie. Pour eux aussi l'enfer c'est les autres. Au total, jamais la relation à l'autre n'aura été si problématique, conflictuelle, compliquée, ingérable. Le problème, c'est qu'elle demeure aussi une source de satisfaction, car si l'enfer c'est les autres, le paradis aussi.
00:09 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : management, ressources humaines, emploi, travail, économie, sartre, enfer, paradis
31/01/2013
L'exceptionnel au quotidien
Tous les avocats le savent : l’affaire qu’ils sont en train de traiter avec ce client qui leur raconte sa vie avec force détails est, pour eux, une parmi tant d’autres, mais pour le client c’est la seule. Tous les acteurs de théâtre le constatent : pour ceux qui sont venus voir le spectacle le soir où il a été un peu moins bien maîtrisé, c’est un jugement global qui sera porté (c’est mauvais) et non une appréciation relative (ce soir, ce n’était pas le soir). Les cuisiniers aussi en font l’expérience quotidienne : le service est un ordinaire qui doit se transformer en extraordinaire pour celui qui s’offre une fois l’an un repas d'exception et s’en réjouit des mois à l’avance, ou pire encore pour celui qui, en consommateur blasé de l'exceptionnel, veut toujours plus et mieux et a depuis longtemps oublié la bienveillance. D’un côté des attentes sans limite ou presque, de l’autre côté un quotidien qui menace de basculer à tout moment dans le routinier.
Restaurant de Jean-François Piège
Comment satisfaire cette perpétuelle envie d’exceptionnel, en sachant que l'on ne peut l’être tous les jours. Assez naturellement si l’on aime ce que l’on fait, si l’on est curieux de ceux à qui l’on rend service et si l’on arrive à préserver une part de jeu dans l’activité. Ces trois ingrédients, et quelques autres dans l'assiette, sont bien présents chez Jean-François Piège. Mais il n'est pas surprenant que dans les organisations où l'un d'eux vient à manquer, il ne reste bien souvent que la souffrance ou la violence face à des exigences sans mesure. L'Enfer c'est les autres disait Sartre, qui n'aurait pas du oublier de préciser que c'est aussi le Paradis.
00:14 Publié dans HISTOIRES DE CONSULTANT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cuisine, piège, restaurant, quotidien, travail, souffrance, plaisir, enfer, paradis, activité
22/07/2012
Paradis
L'été s'installe enfin, le soleil ralentit les pas et le temps,les ombres disparaissent jusqu'à la fin de journée et avec elles la crise, la dette et autres joyeusetés qui les accompagnent ; bref, c'est le paradis. Et l'on apprend ce jour, que les paradis ne manquent pas sur terre. Ils ont même proliféré depuis la fin de la seconde guerre mondiale pour, paraît-il, maintenir la suprématie des banques londoniennes malgré la chute de l'Empire britannique. Selon un ancien économiste de chez Mc Kinsey, autrement dit un repenti ces paradis fiscaux abriteraient environ 25.000 milliards d'euros d'actifs financiers qui échappent à toute imposition (on ne compte pas les actifs immobiliers ni les dépôts en or et autres métaux monétaires). Rappelons que le budget de la France est de 366 milliards d'euros, et donc très loin du paradis.
Germain Vandersteen - Oiseau de Paradis
Pour nous gâcher le paradis, il y avait déjà eu, la veille, cette effarante nouvelle : l'agence Moody's a dégradé la note des hôpitaux publics français. Vous avez bien lu : les hopitaux publics, qui relèvent de la politique de santé nationale et du choix que fait une nation d'y consacrer une partie de ses ressources, font l'objet d'une notation à l'instar d'entreprises cotées dont la notation a pour objet l'information des actionnaires. Ici, on se demande bien quelle est la finalité d'une telle notation, si ce n'est de tenter de nous chasser du paradis. Heureusement que c'est l'été et que nos pensées vagabondent, car sinon l'on trouverait que tout ceci ne nous annonce pas le paradis.
20:06 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : paradis, économie, paradis fiscaux, oiseau, vandersteen, peinture, art, hôpitaux, notation
28/12/2011
Paradis
Dans le Duomo de Florence, la cathédrâle Santa Maria de Fiore, se trouve un tableau de Domenico de Michelino représentant Dante. A sa droite l'Enfer, à sa gauche sa ville natale, Florence, et au fond les neuf cercles qui permettent d'accéder au Paradis. Dante tient en main la Divine Comédie.
Domenico de Michelino - Dante - 1465
Il est frappant que l'association la plus fréquente, lorsqu'il est question de Dante, soit l'Enfer. Et que le langage courant n'ait conservé d'expressions qu'à ce sujet : "C'est l'Enfer de Dante", "c'est Dantesque !". Rien à propos du Paradis, qui est pourtantl l'aboutissement de l'ouvrage qui se déploie en un long chemin, celui de l'expérience intérieure, vers le Paradis. Mais le goût du malheur conduit à s'arrêter à la première étape du chemin, l'Enfer. Le Paradis ? on verra plus tard, c'est à dire jamais. Dante nous permet donc de comprendre pourquoi il convient de se méfier de tous ceux qui nous promettent le Paradis plus tard, ce qui permet de justifier l'Enfer tout de suite, et pourquoi les journaux télévisés, par exemple, s'attachent méthodiquement à nous détailler l'Enfer au quotidien. Le Paradis ? allons vous plaisantez. Et personne ne s'attache davantage au titre de l'ouvrage "La Divine Comédie", initialement raccourci en la seule "Comédie". Amen.
10:35 Publié dans FRAGMENTS | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : florence, dante, enfer, paradis, politique, actualité, comédie
14/07/2011
Innocence d'Eve
Les fait sont simples et relativement fréquents : un salarié demande à être licencié pour réaliser un projet personnel, en l'occurence la création d'une entreprise. L'employeur qui est en difficultés procède au licenciement pour motif économique à la demande du salarié...et se retrouve devant le Conseil des Prud'hommes pour licenciement injustifié. Il fait valoir que le salarié était demandeur et ne peut contester ce qu'il souhaitait. La Cour de cassation ne retient pas l'argument : en droit peu importe qui demande, c'est celui qui a le pouvoir de décision qui est responsable. Voilà ainsi dédouanée, juridiquement, Eve qui propose et condamné sans réserve Adam qui dispose.
Claude-Marie Dubufe - Adam et Eve - 1827
De cette histoire, qui n'est pas une fable, on tirera deux morales. La première est que l'initiative n'est pas une catégorie pertinente en droit. Ce qui importe c'est la décision. L'acte juridique résulte d'une volonté, unilatérale ou conjointe, mais la demande est insuffisante à le caractériser. Ainsi, si le DIF comporte au profit du salarié un droit d'initiative qui rend légitime toute demande et ouvre un espace de négociation, ce qui caractérise le DIF est l'accord des parties pour sa mise en oeuvre et non le fait qu'il soit à l'initiative du salarié, qui d'ailleurs ne saurait être exclusive de celle de l'employeur. La deuxième morale est que la bonne ou la mauvaise foi du salarié importe peu : il revient à celui qui a le pouvoir de décision de porter seul la responsabilité de cette décision. Qu'Eve ait conseillé ou non de manger la pomme, c'est de la décision d'Adam de la croquer que résulte l'expulsion du paradis. Eve est innocente, on vous l'avait bien dit, la Cour de cassation confirme.
Claude-Marie Dubufe - Le paradis perdu - 1827
09:14 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : eve, adam, peinture, paradis, dif, licenciement, droit, droit du travail, dubufe