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10/02/2013

Année du serpent, année des femmes ?

Nous voici donc entrés dans l'année du Serpent. Une année symbolique, puisque zodiacale. Il ne vous aura pas échappé que, à tout endroit du monde, le calendrier en vigueur est celui de Grégoire XIII, en accord avec le Soleil. Nous sommes donc rythmés par un temps papiste, et si vous en doutez, essayez de faire une transaction financière en n'importe quel endroit du monde sans qu'elle soit datée selon la norme pontificale. Vous aurez ainsi l'illustration que le temps est à la fois convention et argent. Mais laissons ces préoccupations temporelles et revenons au Serpent qui, en Occident, entretien une relation fascinée, et fascinante....avec les femmes.

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Chranach - Eve et le serpent

Eve bien sur, la première à avoir dialogué avec le Serpent qui, dans l'histoire, s'en tire plutôt bien puisque c'est sur la femme, et non son inspirateur, que repose le pêché originel. Mais Eve était-elle vraiment la première ? avant la Bible, les Egyptiens avaient déjà donné toute sa place au Serpent, comme en témoigne cet extraordinaire costume de Cléopâtre qui mourra d'une piqure au sein. Ambivalence des relations de pouvoir, de séduction et de sexe.

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Theda Bara dans le rôle de Cléopâtre

S'il existe des charmeurs de Serpent, qui souvent entretiennent une relation de dressage mécanique avec l'animal ravalé au rang d'attraction ou de marionnette, il faut convenir que les charmeuses de Serpent nous font entrer dans une monde d'une autre dimension.

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Henri Rousseau - La charmeuse de Serpents

Et là où l'homme établit une relation très monovalente, le mystère n'est jamais absent lorsque s'ouvre un dialogue entre femme et serpent.

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Piero di Cosimo - Simoneta Vespucci

Et que dire de la Gorgone dont on peut se demander si c'est sa chevelure, son regard ou son cri qui stupéfie et pétrifie. Lorsque femme et serpent font cause commune, le regard en deviendrait ainsi insoutenable.

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Le Caravage - Medusa

Qui est un peu féru de psychologie ferait sans doute remarquer que les peintres et écrivains qui ont ainsi exacerbé les relations entre les femmes et les serpents étaient des hommes, bien empêtrés dans le symbolique phallique que constitue le reptile. Et que finalement tout cela est bien occidental et judéo-chrétien, alors que le nouvel an est chinois. A ceux-là offrons ce masque chamanique, pendant masculin de la Gorgone où les cinq serpents surgissent d'un énigmatique sourire avant de vous regarder fixement. Bonne année serpentine !

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14/07/2011

Innocence d'Eve

Les  fait sont simples et relativement fréquents : un salarié demande à être licencié pour réaliser un projet personnel, en l'occurence la création d'une entreprise. L'employeur qui est en difficultés procède au licenciement pour motif économique à la demande du salarié...et se retrouve devant le Conseil des Prud'hommes pour licenciement injustifié. Il fait valoir que le salarié était demandeur et ne peut contester ce qu'il souhaitait. La Cour de cassation ne retient pas l'argument : en droit peu importe qui demande, c'est celui qui a le pouvoir de décision qui est responsable. Voilà ainsi dédouanée, juridiquement, Eve qui propose et condamné sans réserve Adam qui dispose.

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Claude-Marie Dubufe - Adam et Eve  - 1827

De cette histoire, qui n'est pas une fable, on tirera deux morales. La première est que l'initiative n'est pas une catégorie pertinente en droit. Ce qui importe c'est la décision. L'acte juridique résulte d'une volonté, unilatérale ou conjointe, mais la demande est insuffisante à le caractériser. Ainsi, si le DIF comporte au profit du salarié un droit d'initiative qui rend légitime toute demande et ouvre un espace de négociation, ce qui caractérise le DIF est l'accord des parties pour sa mise en oeuvre et non le fait qu'il soit à l'initiative du salarié, qui d'ailleurs ne saurait être exclusive de celle de l'employeur. La deuxième morale est que la bonne ou la mauvaise foi du salarié importe peu : il revient à celui qui a le pouvoir de décision de porter seul la responsabilité de cette décision. Qu'Eve ait conseillé ou non de manger la pomme, c'est de la décision d'Adam de la croquer que résulte l'expulsion du paradis. Eve est innocente, on vous l'avait bien dit, la Cour de cassation confirme.

Cass. 6 juillet 2011.pdf

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Claude-Marie Dubufe - Le paradis perdu - 1827

12/02/2011

Chronique du week-end : l'énigme du jardin sans tête

Nouvelle chronique de week-end consacrée à un des plus célèbres tableau de Max Ernst. L'oeuvre est charmante, les couleurs douces, le titre inhabituellement illustratif chez Max Ernst et les conclusions sont vite tirées : un collage d'après une Vénus de Cabanel, la femme paysage, la carte du tendre de la Touraine, la fertilité du jardin et de la femme, le nu voilé/dévoilé, le succès du tableau, outre sa facture et les talents de coloriste de Max Ernst, est aussi du à sa lisibilité.

Oui sauf que  tout cela est trop évident, trop "en rapport" et rend peu compte du trouble que suscite le tableau. D'aucuns se hâtent d'attribuer à la charge érotique du tableau, la légère perturbation qui vient suggérer que tant de cohérence est suspecte. Certains se hasardent à évoquer, mais à propos de la technique des collages seulement, la Femme 100 têtes parue en 1929. Nous sommes ici en 1962, Max Ernst à 71 ans. Un enfant de son âge a plus d'un tour dans son sac. Exit Cabanel (pour vous en assurer, voyez ici) et par la même occasion la femme enceinte, ceinte par le fleuve et la terre matricielle. Laissons ce lourd fourbi aux exégètes en peine.

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Max Ernst - Le jardin de la France - 1962

Prenons comme point de départ, l'ile de la Cité à Paris et sa rue de la femme sans tête (aujourd'hui rue Le Regrattier). L'ile Saint-Louis ou le sexe de Paris, enserré dans les cuisses de la Seine. Lorsqu'il composa la Femme 100 têtes, dans laquelle l'eau est très présente, Max Ernst connaissait cette symbolique de l'Ile, évoquée par Breton dans Nadja (1928). La femme de la Loire, qui vous est présentée sans tête, sous sa robe d'eau avait un corps, nu. La bande de terre et les bandes d'eau figurent l'Observatoire des amoureux de Man Ray. Max Ernst aime peindre en référence à ses amis et au jeune homme qu'il est resté.

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Man Ray - L'observatoire des amoureux

La Loire est un fameux observatoire pour les oiseaux qui s'invitent régulièrement dans les toiles de Max Ernst. Et si vous prenez le temps d'observer l'eau, les oiseaux, les nuages, vous ne serez pas surpris, bien au contraire, de l'apparition d'une femme nue, prise dans les courants contradictoires du désir du peintre, de vous, de moi et d'elle. Voici le passage des oiseaux muets comme la femme sans tête.

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L'ardeur de l'été fut confiée à des oiseaux muets

Reste le serpent. Max Ernst s'amuse à en faire un bas soulignant la cuisse qui vers vous s'avance. L'érotisme du serpent et la tentation sont des appeaux aux mille éclats derrière lesquels se dissimule Eve. Eve la seule qui nous reste. Eve que Max Ernst fait jaillir de l'eau, de la terre et du ciel, Eve qu'il n'a cessé de peindre et qu'il a déposée au coeur même du jardin, là où jaillit l'origine du monde. Comme la lettre volée d'Edgar Poe, Eve se dévoile et nul ne la voit. Magicien des oiseaux et de l'eau, Max Ernst nous livre la plus belle des clandestinités amoureuses, celle qui s'affiche au grand jour sans qu'on ne la voit.

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Max Ernst - Eve, la seule qui nous reste - 1925

31/12/2009

Et pour finir l'année ? Eve bien sur...

L'année 2009 s'est ouverte sur une chronique illustrée par Max Ernst (voir chronique du 1er janvier 2009). Elle invitait, malgré un contexte récessif et dépressif, à ne pas céder au repli mais au contraire à aller de l'avant : VAMOS était la première des injonctions qui prennent parfois place dans ces chroniques, et qui sont moins des marques d'autorité que des invitations lancées à qui voudra bien les saisir. Mais comment pouvait-on se refuser à l'Eve de Max Ernst, girafe au long cou et à l'oiseau dans les cheveux ?

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Max Ernst - Eve, la seule qui nous reste

Comment clore l'année 2009 ? avec Eve bien sur, qui permet un double salut. A Alain Garrigue, dont la belle maturité apaisée est à la fois accomplissement et promesses, et à l'Espagne qui va présider l'Union Européenne, ce dont je vous reparlerai dès demain et qui justifie que l'année se termine comme elle avait commencée, par une invitation à aller de l'avant : VAMOS SIEMPRE !
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Alain Garrigue - Eve, bien sur - 1998

01/01/2009

Grève, rêve, ève

L’année 2009 sera riche, nous dit-on….en conflits sociaux. La grève menace, et le mois de janvier sera musclé en ce domaine avec comme point d'orgue le jeudi 29 janvier déclaré première journée de grande grève interprofessionnelle. Que ne vivons-nous d’ailleurs comme une menace dans une France dépressive avant que d’être récessive ? la mondialisation n’est pas une ouverture vers le monde mais un danger, l’Europe n’est pas un espace agrandi mais une dissolution de l’identité, l’Etat n’est pas celui qui favorise l’autonomie mais celui qui doit agir pour nous et ne le fait pas, l’économie est folle, les valeurs et les institutions aux abonnés absents, la morosité partout, la peur rode…bref dans un tel contexte le désir peut être grand de déclarer, comme Philippe Sollers : « Vive la vie privée et bonne nuit ». Seuls refuges, le rêve et l’amour ?

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Max Ernst - Eve, la seule qui nous reste -  1925

Le repli n'est jamais une bonne réponse, et en même temps les bonnes résolutions ne suffiront pas. Pour les dépasser, revenons à Max Ernst. Tandis qu’il peignait, une nuit, il posa sa feuille sur le plancher et frotta son envers. Ce premier frottage il l’intitula « Eve, la seule qui nous reste ». Retenons que ce qui nous reste n’est pas un point d’arrivée mais un point de départ, que ce premier frottage fut le début d’une longue période d’invention et de créativité et que pour qui sait regarder, il n’est pas contestable qu’Eve porte un oiseau dans ses cheveux. Pour 2009, que souhaiter d’autre que son envol ? Alors au lieu de bonnes résolutions, plutôt un mot d'ordre : VAMOS !