21/03/2011
Que cent fleurs fleurissent !
En ce jour de printemps, retour sur les 5ème Trophées du DIF, organisés par DEMOS le jeudi 17 mars 2011. Depuis cinq ans, les Trophées récompensent des entreprises qui ont conduit des politiques volontaristes en matière de DIF. Cette année, les lauréats ont été distingués notamment pour les efforts conduits pour rendre la formation accessible à ceux de leurs salariés qui se forment le moins et surtout pour avoir mis en place dans le cadre du DIF des formation sur les savoirs de base ou savoirs fondamentaux. C'était d'ailleurs une des caractéristiques du cru 2011 : la proportion importante d'entreprises ayant réalisé dans le cadre du DIF des actions d'alphabétisation, de lutte contre l'illettrisme, de maîtrise des connaissances de base. L'accès à la lecture et à l'écriture est un jaillissement printanier que l'on peut saluer par les Cattleya chères à Proust.
Après sept ans d'existence, le DIF continue à se développer lentement. Mais surtout, à se développer en prenant des formes extrêmement différentes selon les entreprises : ici le DIF sert aux savoirs de bases, là il s'est substitué au plan de formation, ailleurs il est géré sous forme d'offre individualisée, dans une autre entreprise il est décidé collectivement par les salariés, dans une autre encore il conduit à négocier une partie de la formation avec les organisations syndicales, etc. Bref, la beauté du DIF, comme celle des orchidées, réside dans l'extraordinaire variété et diversité des modalités de mise en oeuvre. Certes, il est des entreprises sans projet dans ce domaine, certes il est aussi des entreprises qui s'opposent farouchement à toute possibilité pour le salarié de prendre des initiatives, en formation comme dans d'autres domaines. Après tout peu importe. Ce qui compte, c'est que les expériences se créent, se multiplient, se diffusent, soient connues, et qu'au final la pollenisation produise ses effets. Que cent fleurs fleurissent !
00:05 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dif, trophées du dif, demos, printemps, orchidées, cattleya, proust, formation, savoirs de base, illettrisme, alphabétisation
19/03/2011
Chronique de week-end : l'énigme de la tempête
Peu d'oeuvres ont suscité autant d'interrogations, de recherches, de commentaires, d'hyphothèses, d'approximation. Et peu d'oeuvres ont montré une telle résistance aux assauts de l'interprétation. La tempête de Giorgione n'est pas prête de livrer ses secrets, ni même de nous annoncer qu'elle n'en recèle guère.
Quel sens donner à cette peinture : Tableau alchimique présentant l'eau, l'air, la terre et le feu ? allégorie de la condition humaine après l'expulsion du paradis d'Adam et Eve ? représentation archétypique de l'homme et de la femme, du guerrier et de la mère, de la puissance et de la charité ? panthéisme forcené dans lesquels les sujets ne sont que l'expression de forces qui les dépassent ? scène de genre à laquelle on prête trop et qui ne fait que rendre l'atmosphère sereine et le potentiel orageux de la passion amoureuse ? accumulation de symboles phalliques (la lance, les colonnes, le caleçon bombé, le jaillissement de l'éclair...) mis en regard d'éléments plus féminins (la source d'eau, la maternité, le sein,...) dans une de ces oppositions duales dont l'Occident a le goût ? simple exercice de style ? amusement du peintre qui se réjouit déjà des siècles d'interrogation qu'il va susciter ? synthèse absolue de l'histoire de la peinture jusque là ?
Giorgione - La Tempête - 1507
Le propre du tableau énigmatique et que plus vous le cotoyez, plus il vous est familier, plus la compréhension que vous en avez agit sur vous, et plus il apparaît évident que la seule résolution qui soit est de nature poétique. Ce qui signifie que le sens du tableau est autant dans le bleu des tempêtueux nuages que dans la pose nonchalante du jeune homme ou le regard inquiet et serein de la jeune femme. Ce regard paradoxal tourné vers celui qui regarde le tableau en est sans doute la clé. Le tableau est un collage, divinement assemblé. Toutes les contradictions de la vie y sont présentes et cessent de s'opposer. Elles composent une unité dont l'harmonie nous charme sans relâche. De la poésie pure, c'est-à-dire de la vérité : "La poésie est le réel absolu, plus il y a de poésie, plus il y a de vérité" (Novalis). Giorgione a donc peint en 1507 ce que Novalis écrira près de trois siècles plus tard. Rien d'étonnant donc à ce que la Tempête appartienne au genre des "poesie", genre créé par Giorgione lui-même. Il n'y a donc qu'un moyen de percer l'énigme : placez la Tempête en face de votre lit et laissez vous porter par le rêve en souriant.
14:53 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture, tempête, giorgione, novalis, poésie, littérature, énigme
18/03/2011
Utopie désirable
Frédéric Charles est un journaliste Suisse qui vit depuis trente ans au Japon. Correspondant de Radio France et divers autres medias, il est très connu en Suisse, sous son véritable nom qui est Georges Baumgartner, et depuis peu un peu partout ailleurs, sous son pseudo de journaliste qui est donc Frédéric Charles. Il se préparait à intervenir au Grand Journal de Canal plus. Et puis la question de Denisot : "Mais Frédéric, pourquoi restez-vous au Japon ?". La réponse fuse: "parce que pour moi c'est le pays de l'utopie du désirable".
Les utopistes a en croire leurs comptenteurs, ont la tête dans les étoiles, des théories pour compagnes et le rêve comme horizon. Bien sur. Et il y aurait de l’autre côté les réalistes, qui connaissent la mesure des choses, à qui on ne la fait pas, qui ont les deux pieds sur terre (pratique non ?) et qui professent sentencieusement, avec la conviction de celui qui est du bon côté du manche. Ils ne remarquent pas, les réalistes, qu’ils sont souvent un peu grincheux et aigris, que leur manière de rappeler régulièrement qu’il ne faut pas demander l’impossible sent l’impuissance et la capitulation, que la réalité est un mur auquel se cognent surtout ceux qui y croient. La défiance leur tient lieu de conviction et l’humanisme est un luxe de riche au ventre plein. Pas une utopie à la mode de ce tableau de Tarbell dans lequel le jeu des regards trace un espace de connivence utopique entre les personnages et entre eux et nous.
Emdund Charles Tarbelle - Au verger - 1891
Les réalistes ont quitté le Japon. Ils savent que catastrophe il y aura. Partout et toujours. Repli. Sur soi évidemment. leur dernier mot ?
Frédéric Charles n’a pas quitté le Japon. Il n’est pas réaliste. Pourtant il décrit ce que vivent les Japonais. Il décrypte leur silence, leur calme, leur peur qu’ils tiennent en lisière. Lorsqu’il ne s’agit plus de gestes sans importance, lorsqu’il s’agit de prendre véritablement position, lorsqu’il s’agit de s’engager, pas de surprise les utopistes sont toujours là, les réalistes ont déserté. Au nom du principe de réalité. On sait avec qui on souhaiterait être ami. Et on comprend au passage que le vrai professionnel vit personnellement un peu au-delà de sa compétence. Merci monsieur Frédéric Charles.
00:44 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : japon, de chalvron, utopie, compétence, formation, management, ressources humaines
17/03/2011
Lâchez nous les émotions !
Louise Bourgeois psychologisait à outrance ses œuvres, alourdissant son travail mais rendant bien compte de la psychologisation permanente et totale de tout évènement qui nous guette. Si vous en doutez, penchons nous sur la redoutable trilogie qui apparaît dès que notre système émotif se trouve bousculé, je veux parler de l’émotion légitime, de la cellule psychologique et du travail de deuil.
En premier lieu « la cellule psychologique », la trop bien nommée. La cellule peut être une unité de base, elle peut également être un lieu d’enfermement. Si tel est le cas, on peut toujours supposer qu’il s’agit de livrer à cette cellule le traumatisme pour qu’il y soit enfermé et laisse les traumatisés vivre tranquillement. Mais si tel n’est pas le cas, on craindra que ce ne soit le traumatisé lui-même qui soit enfermé dans la cellule où il sera psychologiquement maintenu, pris dans la toile.
Louise Bourgeois - Araignée à la Tate Modern
En second lieu « l’émotion légitime ». Lorsque l’évènement suscite une émotion légitime, il est donc acquis que l’émotion est la bonne réaction, qu’elle est autorisée voire encouragée. Et que l’illégitime, c’est celui qui ne ressent rien et dans la foulée celui qui voudrait que l’on puisse aussi faire jouer la raison. Petite musique entendue récemment, où il faudrait surtout ne pas réfléchir au nucléaire à s'adonner sans retenue à la compassion.
En troisième lieu « Faire le deuil ». Signe d’une société mortifère (dans laquelle selon Michel Serres, le mot le plus régulièrement prononcé dans les journaux télévisés est « cadavre »), le deuil envahit l’espace et le droit lui-même n’y échappe pas. Ainsi, le procès n’est plus un moment d’expression de l’Etat de droit, et donc de confrontation des comportements à la règle, mais une catharsis, indispensable condition pour « faire le deuil », auxquelles les victimes ont droit. Et pendant l’instance, on guettera davantage si le coupable fait amende honorable et, summum de la tragédie judiciaire, s’il est capable de compassion, plutôt que de vérifier si les faits sont rigoureusement établis.
Commentant l’Etranger, Camus disait : «Dans notre société tout homme qui ne pleure pas à l'enterrement de sa mère risque d'être condamné à mort.». Nous y sommes.
Et puis franchement, la symbolique de l'araignée, c'est lourd non ?
00:09 Publié dans DES IDEES COMME CA | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : louise bourgeois, araignée, émotion, camus, littérature, procès, droit, michel serres, nucléaire, compassion
16/03/2011
La science de l'art
Le droit est-il une science ou un art ? la même question pourrait être posée au chirurgien ou au médecin et la réponse serait sans doute un peu des deux dans une proportion qui reste à établir et qui varie peut être suivant les jours.
Lorsque Buffon écrit, au 18ème siècle, l'histoire naturelle de l'homme, il fait à la fois oeuvre scientifique et artistique avec de sublimes illustrations. Art et science non seulement ne sont pas incompatibles mais se marient agréablement.
Buffon - Histoire naturelle de l'homme
Lorsque l'administration délivrera, avant la fin de l'année, les agréments aux nouveaux OPCA et procèdera à l'extension des accords qui les ont créés, elle fera sans doute oeuvre scientifique en vérifiant la conformité des accords aux dispositions légales et règlementaires. Mais toute appréciation comporte sa part de création et le travail d'analyse ne pourra prétendre à la stricte scientificité. Il révèlera également la manière dont l'administration conçoit les OPCA et plus largement le rôle de la gestion paritaire dans la gouvernance de la formation. Si ce travail n'est pas totalement scientifique, sera-t-il donc en partie artistique ? on le souhaite vivement, même si les premiers indices mis en évidence dans la chronique réalisée avec Jean-Marie Luttringer pour l'AEF, ne vont pas totalement en ce sens. Peut être après avoir approché l'homme avec Buffon, l'administration pourrait-elle s'inspirer de Tocqueville avant de rendre ses décisions. Si vous voulez savoir pourquoi, la réponse est dans la cinquième chronique du cycle "La Fabrique des OPCA".
12:34 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : opca, buffon, tocqueville, agrément, extension, droit, droit du travail, droit de la formation
15/03/2011
Le podium du développement des compétences
Selon l'Université de Princeton, il n'y a pas photo. Après enquête, étude, théorisation, formalisation et validation, le couperet est tombé : le développement des compétences s'effectue à 70 % par l'activité et l'expérience, à 20 % par de l'accompagnement ou de la mise à disposition de ressources et à 10 % seulement par la formation "formelle". Sur le podium du développement des compétences, l'activité l'emporte donc haut la main.
L'entreprise qui travaille sur ses besoins de formation concentre son énergie et ses efforts sur 10 % des moyens qui permettent les acquisitions des compétences. Ce modèle du 70-20-10 a plusieurs mérites. Dans un pays comme la France qui sacralise la formation, ramener les processus formels à un peu d'humilité est plutôt une bonne chose, tout comme rappeler qu'il n'y a pas d'un côté le vil travail qui déclasse et de l'autre la noble formation qui éduque. C'est également un modèle qui invite les services formation à se préoccuper des apprentissages informels et surtout à s'intéresser au travail réel et à sa dimension qualifiante ou non. Car en effet, tous les postes de travail ne permettent pas cette formation "on the job" et ne laissent guère de place aux 70 %. Enfin, ce modèle permet aux individus de gérer eux-mêmes une partie de leur professionnalisation, à hauteur de l'engagement mis dans chacune des activités. Car le carburant du 70-20-10 demeure l'engagement personnel.
Un podium engagé
Mais il serait dommage d'envisager ces trois formes de professionnalisation comme des modalités distinctes les unes des autres, voire qui se concurrencent. Tout l'intérêt réside dans leur articulation. Et plus particulièrement, dans le rôle que peut jouer la formation pour favoriser les apprentissages informels. Une formation qui serait moins recette et un peu plus méthode. De la méthode, de l'activité, du coaching, il en a fallu a Tommie Smith pour mener à bien son projet de devenir champion olympique du 200 m à Mexico. Et de l'engagement, celui de toute une vie qui bascula à cet instant en un geste qui fait un homme.
00:46 Publié dans PEDAGOGIES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tommie smith, 70-20-10, université de princeton, podium, ressources humaines, formation, éducation, pédagogie
14/03/2011
Le juge sinusoïdal
Edgar Faure, en bon centriste, a établi de manière définitive que ce n'est pas la girouette qui tourne mais le vent. Un vent d'Autan puissant a du souffler sur la Cour de cassation qui vient de modifier de manière spectaculaire sa position en matière de modification du contrat de travail. Jusqu'alors, le juge considérait que toute décision de l'employeur ayant un impact sur la rémunération (montant ou mode de calcul) supposait l'accord du salarié. Et notamment, le juge imposait que les objectifs, lorsqu'ils déterminaient une part de rémunération variable, soient fixés par accord entre l'employeur et le salarié, ce qui n'était pas nécessairement le cas lorsque les objectifs n'étaient utilisés que pour manager la performance, sans entrer dans la base de calcul de la rémunération.
Saisie par un salarié dont l'entreprise a révisé unilatéralement les objectifs qui servent à calculer sa rémunération, la Cour d'appel de Grenoble applique la jurisprudence de la Cour de cassation. A tort lui dit celle-ci qui établit une nouvelle règle : les objectifs relevant par principe du pouvoir de direction, ils sont fixés unilatéralement même lorsqu'ils impactent la rémunération. Les seules conditions sont d'informer le salarié en début de période de réalisation des objectifs et de fixer des objectifs réalistes. Tant pis pour la COur d'appel qui a raisonné de manière linéaire, alors que, branchée sur courant alternatif, la Cour de cassation produit des raisonnements en forme de sinusoïde.
On ne peut trouver meilleur exemple pour illustrer que le juge décide absolument ce qu'il veut, et qu'ensuite il construit le raisonnement qui lui permet de justifier sa décision. En l'espèce, la décision aurait pu être exactement inverse avec la même rigueur juridique. Rappel que le droit n'est pas une science exacte mais de la littérature, qu'aucun contentieux n'est jamais gagné, et donc perdu, d'avance et qu'il faut parfois un certain flegme pour accueillir certaines décisions, lequel flegme est plus facile à pratiquer pour le commentateur que pour les parties concernées. Bonne semaine à tous.
09:09 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : rémunération variable, objectifs, contrat de travail, droit, droit du travail, ressources humaines, jurisprudence, cour de cassation
12/03/2011
Chronique de week-end : l'énigme, ou le rêve, de Vénus
Chronique du week-end consacré à un tableau audacieux du XVIème siècle dans lequel explicite et inconscient, onirisme et réalisme, explicite et suggestif se mêlent en géniaux entrelacs.
L'oeuvre a donné lieu à de nombreux commentaires, trop souvent très classiques, comme celui de Panofski qui voit dans la Vénus du Titien l'image de la tendresse et de la douceur matrimoniale. Allant un peu plus loin, Daniel Arasse voit que le tableau n'est pas une scène se déroulant dans un palais vénitien mais une présentation sur fond noir, pour la mise en valeur de la nudité, d'une fière Vénus se manuélisant, selon le terme charmant de l'époque, tandis que les servantes s'affairent, comme il convient. Plus érotique que Panofski, Arasse souligne bien la hardiesse de la représentation mais surtout la force du tableau et de Vénus, qui s'expose et regarde à la fois. L'interprétation d'Arasse ne satisfait toutefois pas totalement (voir extrait et résumé de deux analyses du tableau ci-dessous). Que peut-on voir dans la Vénus d'Urbino ?
Titien - La Vénus d'Urbino - 1538
Une jeune femme qui se clitorise comme l'on dit alors (lorsque Titien peint le tableau Montaigne a cinq ans et n'a pas encore introduit dans la langue française le vocable "masturbation"), est-ce véritablement un scandale au XVIème siècle ? Oui pour l'Eglise même si elle n'est pas le pêché majeur. Selon Arasse, elle est même recommandée pour avoir des enfants ce qui renforcerait l'hypothèse d'une scène située dans un contexte de mariage. Toutefois, l'interdit religieux n'est pas douteux. Dès lors, le tableau peut prendre une autre signification. La scène du second plan n'est pas du même ordre que la présence de la Vénus à l'avant du tableau, l'improbable "rideau" noir en atteste comme Arasse l'explique. Mais il ne s'agit pas que d'un effet pictural et l'explication d'Arasse à ce sujet paraît faible. Il semble plus évident que le noir du rideau renvoie à la plongée nocturne dans le sommeil et que la scène au second plan est le rêve de Vénus. Le rêve qu'en mettant les mains en des lieux interdits elle transgresse avec plaisir et volupté les règles sociales. Et ce ne sont pas deux servantes qui s'affairent mais une petite fille qui plonge ses mains avec l'avide curiosité de l'enfance dans le coffre des merveilles. La servante debout, dont la jupe rouge figure l'ordre et la loi, remonte sa manche pour administrer la correction méritée au regard de la morale. Vénus a été surprise en son enfance et punie pour sa curiosité. Quelle revanche de s'offrir librement au plaisir en notre présence et pour le notre.
09:14 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : vénus, titien, peinture, énigme, week-end, arasse, montaigne
11/03/2011
Confidentialomanie
La confidentialomanie est une pathologie dont on peut constater les progrès permanents, ne serait-ce qu’en comptant les confidentialopathes. Comment les repérer ? vous avez les kleptomanes de la confidence qui débutent leurs phrases par : « Je vais te dire quelques chose, mais c’est confidentiel… » et leurs cousins qui ponctuent leur révélation d’un : « ce que je t’ai dis est confidentiel ». Ceux-là sont inoffensifs. Il y a ceux qui ont leur petit tampon rouge « CONFIDENTIEL » qu’ils utilisent jusqu’à risquer la tendinite. Pas un courrier, pas un mail, pas un document, qui ne soit estampillé. Ceux-là ont le regard suspicieux, mais moins que ceux qui ne disent rien, ne tamponnent rien mais trouvent suspecte toute personne qui approche la photocopieuse, laisse trainer des clés USB sur son bureau ou s’exprime volontiers au téléphone. Leur mutisme s’accompagne d’une angoisse diffuse qui les précède.
Et puis, et ce sont les plus dangereux, il y a ceux qui prennent la confidentialité véritablement au sérieux et deviennent des professionnels du secret. Lorsqu’ils travaillent aux ressources humaines, ils commencent par inclure des clauses de confidentialité dans tous les contrats de travail, ils se transforment en douanier américain pour enquêter sur les stagiaires qui pourraient être des espions voire pire, ils interdisent toute diffusion de documents dès lors qu’un logo de l’entreprise y figure, serait-ce par inadvertance et ils sculptent ensuite une gigantesque langue de bois dont ils usent avec tout le monde, par principe, mais plus encore avec les représentants du personnel. Toute phrase prononcée doit être COM-MU-NI-CANTE, c'est-à-dire n’avoir qu’un lointain rapport avec la réalité réelle et tout à voir avec la réalité fantasmée dans laquelle ils vivent. Déroger à ces règles d’or, c’est déjà être déloyal. Ils connaissent les règles sur le bout de leur code, savent lire vos mails en toute légalité (on ne parle pas ici de déontologie, ni de morale, ni d’éthique), vérifient les listings téléphoniques, et multiplient les moyens de contrôle. La circulation électronique de l’information est à la fois leur univers et leur cauchemar, les réseaux sociaux sont sataniques et les blogs syndicaux traqués sans répit. Bref, ils sont submergés de travail à proportion de leur paranoïa. Mais pendant ce temps, personne n’a répondu à la question de départ : qu’est-ce qui est véritablement confidentiel dans une entreprise ?
12:52 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : confidentialité, entreprise, management, ressources humaines, protection, communication, information
10/03/2011
Si proche étranger
L'histoire se passe dans un village d'une vallée ariègeoise. Un habitant du cru me parle d'un de ses concitoyens qui a mal tourné en se mariant avec une étrangère. Diable ! et de quel continent ? du village voisin qui est à cinq kilomètres. Il est vrai que quelques années plus tard, dans un autre village au coeur d'une plaine ouverte, il fut débattu en Conseil municipal de l'accueil d'enfants étrangers à la cantine de l'école. D'où venaient donc ces enfants sans cantine ? du village d'à côté. L'avocat des salariés licenciés dans l'affaire jugée le 2 mars dernier par la Cour de cassation venait peut être d'un des villages, car il contesta le licenciement de ses clients au motif que la lettre de licenciement avait été signée par un intérimaire recruté pour assister le DRH. Pour l'avocat, cet assistant était un étranger à l'entreprise et ne pouvait décider des licenciements. L'étranger a beau être proche, il n'en reste pas moins étranger.
La Cour de cassation balaie l'argument et l'affirme clairement : un intérimaire n'est pas étranger à l'entreprise dans laquelle il effectue sa mission. On peut donc être différent sans être étranger, merci au Tribunal de cette précision. Et la Cour écarte avec la même autorité le second argument de l'avocat : l'intérimaire n'avait pas de délégation de pouvoir écrite. Elle rappelle que son contrat de mission portant sur l'assistance du DRH, sa qualification incluait le pouvoir de licencier. Voilà qui invite les entreprises à se souvenir que la qualification contractuelle est la première manière de définir le périmètre de la mission d'un salarié, ou d'un intérimaire donc, et son champ de responsabilité. Et pour ces deux rappels, on félicitera le Juge de n'être pas étranger à ce qui se passe dans un monde qui n'est pas le sien.
10:17 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jurisprudence, étranger, intérim, travail temporaire, licenciement, droit du travail, droit, drh, ressources humaines
09/03/2011
La transmission, c'est bon pour les voitures
Débat sur l'éducation comme on peut en trouver sur les radios et TV assez régulièrement. Affrontement classique entre "républicains et pédagogistes" selon la dénomination valorisante pour eux et péjorative pour les autres de ceux qui prétendent que c'est en restant ce qu'elle était il y a cent ans que l'école progressera. Intervention d'une enseignante. Pas en lettres, on l'espère, car elle répète à plusieurs reprises le même mot pour parler de son métier : "la transmission". Transmettre son savoir, telle est sa définition de l'enseignant. Celui qui sait et qui a la grandeur de transférer son savoir à ceux qui ont l'immense bonheur de l'écouter (et qui l'admirent secrètement, c'est en tout cas ce qu'on peut lire dans le regard d'envie de l'enseignante). Pour ma part, j'y verrai une motivation négative basée exclusivement sur l'ego et très peu sur le service rendu. En d'autres termes, la transmission c'est bon pour les voitures ou l'industrie, pas pour l'enseignement.
On connait la phrase d'Aristophane que certains, oubliant qu'il aimait les citations clandestines, attribuent à Montaigne : "Eduquer ce n'est pas remplir un vase, c'est allumer un feu".
L'opération, vous en conviendrez, est plus délicate. Pour le vase, il suffit qu'il ne déborde pas, pour le feu, il faut à la fois le faire vivre, l'organiser, le contenir et lui permettre de s'exprimer tout en le contemplant et en s'y réchauffant. Pas gagné l'affaire. Mais si la transmission a sa beauté, son esthétique demeure calibrée, prévue et donc prévisible, ordonnée, mécanique. La créativité n'habite plus la machine une fois passée sa création. Le feu au contraire ne se déploie jamais à l'identique, n'a jamais la même force ni la même chaleur, et il vous réserve quasiment toujours des surprises.
Finalement, en vantant l'autorité, l'enseignante qui pensait s'opposer aux tenants de l'école traditionnelle, nourrissait leur moulin. La transmission maintient l'enseignant au centre et fait dépendre de lui l'accès au savoir. Allumer un feu, c'est mettre les étudiants en situation d'apprentissage, les accompagner, les autonomiser et au final leur apprendre à se passer de vous en vous retirant progressivement du centre. Soit à peu près l'inverse de la transmission. Allumez le feu !
00:05 Publié dans HISTOIRES DE CONSULTANT, PEDAGOGIES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : enseignement, éducation, pédagogie, formation, montaigne, aristophane, transmission, photo
08/03/2011
La base est d'accord !
Laurence Parisot déclare dans le magazine ELLE qu'elle est favorable à un congé paternité obligatoire pour lutter contre les discriminations et donner une dimension plus égalitaire à l'accueil d'un enfant. Ce congé serait, dans un premier temps, plus court que celui des femmes, puis de même durée. Xavier Bertrand, opposé à la création d'un Ministère des droits de femmes qui est une autre proposition de la Présidente du MEDEF, a exprimé une position de principe favorable sur ce congé paternité obligatoire.
Réflexe de consultant, lorsqu'une question est posée par les dirigeants, il faut aller voir ce qu'en pense la base. Après consultation, il en ressort que la base est d'accord !
Au-delà de l'intérêt de la mesure, saluons la méthode. Plutôt que de créer des sanctions, des contraintes ou des obligations, il est proposé de modifier les comportements et les mentalités en créant un nouveau droit, à l'absence qui plus est. Pour celle qui a si régulièrement et violemment vilipendé les 35 heures, voilà qui est singulier et méritait d'être salué comme il se doit. Pour la peine, l'interview intégrale de Laurence Parisot à qui l'on souhaitera de n'être pas novatrice que dans ses propositions mais également dans ses actes. Ce sur quoi la base est également d'accord !
00:39 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : laurence parisot, xavier bertrand, elle, congé paternité, medef, égalité professionnelle, discrimination
07/03/2011
Boxer la vie
Premier dimanche de mars. Fête des grands-mères, heure du thé, soleil doux, promenade bucolique. Un peu de monde devant l'Olympia. Pas terrible la moyenne d'âge, ça me rajeunit (un peu). Le concert lui, rajeunit tout le monde. Bernard Lavilliers, 65 ans aux fraises, fait un tabac. Musiciens formule 1, musiques tropicales, et d'heureux mélanges :métissage des musiques, des langues, des musiciens, des instruments, des influences. Pour ceux qui persistent à paranoïser sur l'identité, voici un exemple de vie métissée puissamment vivante. Pendant deux heures, démonstration que la chanson ouvrière n'est pas réservée à Ferrat et qu'elle peut être rock, que l'idéologie nous manque et qu'elle vaut mieux qu'un faux bon sens grossier, que l'on peut être sur le devant de la scène et partager, que l'on est heureux lorsque l'on a pas peur et que l'on s'engage.
Et puis cette impression qui s'impose au fil du concert : assez rapidement en fait et qui ne fait que se conforter. La démarche sur scène, la manière de se balancer, les influences brésiliennes et africaines, la référence à Baden Powell (le guitariste brésilien, pas le scout), la manière de chanter Pigalle la blanche en blanc et noir comme Nougaro chantait Amstrong, et puis surtout, la boxe. Le corps un peu courbé du boxeur, le poing toujours prêt, à parer ou à donner, le regard aux aguets, à l'affut, chez ces deux là, l'oeil écoute, le corps écoute.
Plutôt que de s'indigner avec Stéphane Hessel, on conseillera d'écouter Lavilliers et d'avoir l'attitude du boxeur. Boxe, boxe la vie, boxe, boxe c'est lundi et boxe les autres jours aussi.
00:13 Publié dans DES IDEES COMME CA | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : lavilliers, hessel, musique, nougaro, boxe, politique
05/03/2011
Chronique du week-end : l'énigme des women
Pour cette chronique de week-end ensoleillé, un triangle d'or : la Hollande, l'Espagne, New-York.
Car Willem de Kooning est un New-yorkais de Hollande, convaincu que les femmes sont des paysages et se souvenant corporellement que l'Espagne, comme la mer du Nord, s'est répandue dans les terres basses qui furent son premier horizon.
Les Women de Willem De Kooning sont des Vénus, directement issues de la Vénus de Lespugue et de toutes les Vénus ultérieures, mais qui n'aurait pas été taillée dans l'ivoire, plutôt pétrie dans la glaise, dans l'argile, dans la terre primordiale gorgée de mer originelle. Si Courbet dévoilà l'origine du monde, De Kooning nous offre à la fois l'origine et l'avenir. La toile inondée de couleurs, de gestes et d'eau livre une figure dont la rapidité d'exécution ne doit pas tromper sur l'immémoriale élaboration. Réminiscence : dans les plats pays, sur les étendues d'eau, les nuages sont longs à se former mais défilent rapidement car rien ne saurait obstruer l'horizon. Le vent est maître des lieux, que l'on honore en couvrant le paysage de moulins. Le vent, le mouvement, le passage rapide du temps, et l''éternel retour de tout ceci habitent les vénus de De Kooning.
Willem De Kooning - Woman I - 1950-1952
Solidement installée dans l'herbe grasse des Polders, les pieds dans la mer, telle une momie irriguée de vie et d'énergie, la Woman I révèle brutalement que donner la vie c'est également donner la mort et que l'opposition entre femme-vie-mère et homme-mort-guerrier est un défaut d'imagination, une paresse de l'esprit. Comme le dit Sollers : "Le monde appartient aux femmes. C'est à dire à la mort. Là dessus tout le monde ment". Pas De Kooning dont les doux yeux bleus ont une sauvage lucidité. Imaginez un instant le corps à corps avec la toile qui rendit possible cette Woman. Fermez les yeux et vous verrez la raison des bourgeois commerçants du Nord s'accoupler violemment avec la pasionaria espagnole. Les hollandais et les espagnols furent des marins. Les plus belles villes de ces pays sont des ports. Ici, il faut se souvenir que c'est à New-York que sont apparues les Women. L'eau venue de toujours et qui s'en ira partout.
12:06 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : de kooning, peinture, sollers, new-york, hollande, espagne, venus
04/03/2011
Comme des jumeaux
Les jumeaux, s'il faut en croire Daniel Pennac, se fabriquent dans les lits du même nom. En adepte des King Size, il faudra que je m'en souvienne le jour où...Mai 68 a-t-il mis à disposition des partenaires sociaux des lits jumeaux pour qu'ils enfantent à échéance rapprochée les Commissions paritaires nationales pour l'emploi (CPNE créés en 1969) et les FAF devenus OPCA (accord de 1970 qui étend les compétences des CPNE à la formation) ? Instances paritaires oeuvrant pour la formation professionnelle, les CPNE et les OPCA ont de multiples points communs. Pourtant, tout les sépare. Comme les jumeaux, l'accent peut être mis sur leurs ressemblances ou leurs dissemblances selon le dessein que l'on poursuit. Mais la gémellité ne fait pas plus de doute que celle de Castor et Pollux.
Ray Caesar - Castor et Pollux
Dans la quatrième chronique de la Fabrique des OPCA, réalisée pour l'AEF avec Jean-Marie Luttringer, est abordée la question des relations, parfois sereines et complices, parfois orageuses et tumultueuses, entre les CPNE et les OPCA. Et vous pourrez constater que des jumeaux de 40 ans continuent parfois à se questionner sur leur place respective. Bonne lecture, et si quelqu'un dispose d'une bonne adresse avec des lits jumeaux...
00:05 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : opca, cpne, formation, réforme, jumeaux, pennac, paritarisme
03/03/2011
La beauté du geste
La décision de la Cour de cassation du 16 février 2011 m'a brutalement ramené au début des années 90, lorsque je fus saisi par un salarié d'un litige l'opposant à son employeur. L'affaire était la suivante : salarié d'un CFA, l'homme était en arrêt maladie depuis deux ans et venait d'être licencié. Lors de son arrêt maladie, il avait été élu conseiller prud'hommal, ce dont l'entreprise aurait du être informée par une notification du greffe, mais en l'occurence suite à un changement d'adresse elle n'avait pas reçu le courrier. Lors de l'entretien préalable, le salarié n'avait pas fait état de sa qualité de salarié protégé. Et il avait ensuite attaqué le licenciement en nullité pour violation du statut protecteur. L'entreprise faisait valoir que la charge de la preuve du statut pesait sur le salarié et qu'il n'avait pas fait état de sa qualité. L'employeur avait gagné devant les prud'hommes et la Cour d'appel. L'affaire était en cassation lorsqu'au détour d'une rencontre, le conseiller masqué me transmet le dossier et me demande mon avis. Défendu par le cabinet Lyon-Caen, l'employeur a des arguments solides. Et la morale de son côté. Pour autant, il me semble que le contentieux peut se gagner techniquement. J'argumente sur le caractère d'ordre public du statut, la publicité de l'élection qui est organisée par la loi et ne peut être mise à la charge du salarié, lequel ne peut supporter le risque d'une défaillance de l'information de l'entreprise. Bingo, la Cour de cassation retient l'argumentation et pour la première fois admet que le salarié n'a pas à faire état de sa qualité. Et notre conseiller silencieux de percevoir trois années de salaire de dédommagement (soit la totalité des salaires jusqu'à la fin du mandat de conseiller prud'hommal). Nouvelle preuve que la morale et le droit ne se recouvrent qu'imparfaitement et que l'on peut sacrifier l'éthique à la beauté du geste, comme le banderillero peut aimer le taureau qu'il affronte.
Catherine Huppey - Sans titre -
Dans sa décision du 16 février 2011, la Cour de cassation renouvelle, quasiment dans les mêmes termes, son analyse. Un salarié élu conseiller prud'hommal ne fait pas état de sa qualité à son employeur lors de son entretien préalable au licenciement. Mauvaise foi et déloyauté argumente l'entreprise. En vain, il n'y a pas tromperie assure la Cour de cassation et le silence ne vaut pas mensonge par omission. Le salarié obtiendra gain de cause. La morale n'y trouve pas son compte, mais on en voudra pas plus à l'avocat qu'au banderillero.
00:05 Publié dans DROIT DU TRAVAIL, HISTOIRES DE CONSULTANT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : salarié protégé, corrida, taureau, catherine huppey, jurisprudence, droit, droit du travail, prud'hommes, licenciement
02/03/2011
Une Fée pour le dialogue social
S’il y en a qui ne chôment pas, en cette période difficile pour l’emploi, ce sont les partenaires sociaux. Pas moins de 7 négociations interprofessionnelles sont en cours ou seront lancées lors de ce premier semestre, et pas sur des thèmes faciles, que l’on en juge : l’emploi des jeunes, l’assurance chômage, les retraites complémentaires, la gouvernance des organismes paritaires et le financement du paritarisme, le dialogue social et les IRP, le bilan d’étape professionnel et le financement de la protection sociale. Si le programme est vague, heu...pardon vaste (sacré Martine !), il faut bien reconnaître qu'après deux mois, les résultats sont maigres puisque le seul accord véritablement en vue porte sur la convention d’assurance chômage, reconduite quasiment en l’état. Et sont annoncées pour le second semestre des négociations sur l’emploi et la sécurisation des parcours professionnels, la qualité de vie au travail et l’emploi des seniors. Diable !
Raoul Dufy - La Fée Electricité - 1937
Pourtant, cela patine au point que Gérard Larcher, fort de son statut de Président du Sénat ce qui est autrement plus stable que la fonction de Ministre, parle de « dialogue social adolescent ». Et ajoute que le mode même de travail, sous forme de réunion au siège du MEDEF et d’amendement par les syndicats d’un projet de texte patronal, démontre l’immaturité du système (pour Gérard Larcher, on sent bien que la qualité d’adolescent est surtout marque de faiblesses).
Reste à trouver une méthode de travail différente, puisque même la loi n’est plus faite sur la base d'un texte du Gouvernement mais de celui d’une commission. Alors à quand les commissions d’élaboration de textes en amont des phases de négociation ? lorsque cette question sera résolue, une dernière demeurera : où se réunir pour négocier puisqu’il n’est pas symboliquement pertinent de se rendre systématiquement au siège d’une des organisations professionnelles. Le concours est ouvert pour déterminer ce qui pourrait être le lieu de la négociation collective. Pour ma part, je vote pour la hall du musée d’art moderne dans lequel est installée la Fée électricité. Réalisée par Raoul Dufy à la demande d’EDF pour montrer, notamment, le rôle social joué par la lumière électrique, peut être cette fée penchée sur les négociateurs serait-elle propice à susciter l’étincelle de créativité qui fait les bons accords.
00:05 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dufy, musée, art moderne, négociation, partenaires sociaux, agenda social, larcher, sénat, medef, assurance chômage, retraites
01/03/2011
Il pleut sur l'arroseur
Semée au début des années 80, l'individualisation des relations de travail a prospéré aussi rapidement qu'un plant d'OGM dans la plaine alluvionaire de la Garonne. Objectifs individuels, augmentations individuelles, missions spécifiques, entretiens individuels, droit individuel à la formation, négociations individuelles des départs, compétences individuelles...le collectif a peu à peu disparu du paysage, sous couvert d'une reconnaissance de l'individu placé au centre. Au centre de quoi ? assez souvent de la gestion de situations que l'organisation ne sait plus traiter et qu'elle renvoie vers le dernier maillon, le salarié, dont on s'étonne ensuite qu'il puisse être faible. Le droit du travail n'a pas échappé, pourquoi l'aurait-il fait ?, à ce mouvement. La promotion du contrat de travail et sa capacité de résistance à la règle collective en est la marque. Les juges viennent d'en administrer une nouvelle preuve, qui pourrait bien faire des thuriféraires du management individualisé des arroseurs arrosés.
Par deux décisions rendues le 19 janvier 2011 (Cass. soc., 1 ; Cass. soc., 2), la Cour de cassation vient de condamner pour discrimination syndicale des entreprises qui n'avaient pas organisé d'entretien individuel pour des représentants du personnel et, pour l'un d'entre eux, avaient réduit son accès à la formation. De technique manageriale, l'entretien individuel devient ainsi un droit pour le salarié, même pour celui qui n'exerce pas d'activité du fait de ses mandats. De quoi parler ? de ses compétences, de sa capacité à reprendre une activité, de sa situation comparée au sein de l'entreprise, de sa carrière, etc. Pas de son mandat ni de sa performance. Mais il reste de quoi faire. Gérard-Lyon Caen avait écrit il y a quelques années un opuscule intitulé "Le droit du travail, une technique réversible". Il y démontrait le passage d'un droit protecteur du salarié à une technique de management. Et bien voilà que le juge se met à faire exactement l'inverse.
11:44 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : entretien individuel, management, ressources humaines, formation, lyon-caen, droit du travail, discrimination, syndicat
28/02/2011
Une bourde réparée
Les bourdes ne sont pas réservées aux ministres. Les parlementaires prennent également leur part. Calme ton excitation lecteur, ce blog n'est pas le Canard enchaîné et ce qui suit ne devrait pas générer une dissolution de l'Assemblée avant la fin de la semaine. Mais de quoi s'agit-il ? lors du vote de la loi du 24 novembre 2009, les députés ont voté l'article L. 6323-17 du Code du travail qui prévoit que le salarié doit bénéficier du droit au DIF en cas de licenciement, sauf en cas de faute lourde. Conclusion, la faute grave ouvre droit au DIF. Mais comme la demande doit être présentée pendant le préavis et qu'en cas de faute grave le salarié est privé de préavis, se posait un problème pratique déjà relevé sur ce blog. La bourde des députés n'avait toutefois rien d'insurmontable, comme le prouve une réponse des services du Ministère du travail à une parlementaire.
Une députée s'étant en effet émue du piètre travail de ses collègues, l'administration la rassura. Dans une réponse publiée le 1er février 2011, le Ministère du travail préconise ce qui semblait de bon sens : en cas de licenciement pour faute grave, l'employeur doit laisser au salarié un temps identique au préavis dont il aurait bénéficié en l'absence de faute grave, pour utiliser son droit au DIF. Cette solution est la plus conforme à la volonté du législateur, si maladroitement exprimée.
Reste un dernier problème pratique que l'administration n'aborde pas : celui du certificat de travail. Il suffira d'indiquer que les droits au DIF sont mentionnés sous réserve d'une demande de DIF pendant le délai imparti.
Et voilà le problème réglé, pas de quoi demander la démission du rédacteur de l'article, ni du conseiller qui a tenu la plume, sauf à vérifier où ils avaient passé leurs vacances de la Toussaint.
00:17 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : dif, formation, question parlementaire, bourde, démission, dissolution, assemblée, ministre
27/02/2011
Chronique de week-end : l'énigme de Gilles
Chronique de week-end consacrée à l'énigme d'un des tableaux que l'histoire de l'art retient comme l'un des plus mystérieux qui soit.
Que regarde le Gilles de Watteau ? que vous dit l'oeil de l'âne ? pourquoi les quatre personnages ont-ils tous une expression différente ? d'où vient cette profondeur de Gilles dont le visage tout entier a la qualité du sourire de la Joconde ? Si vous passez par le Louvre, oubliez la Joconde, mais visitez la Belle Ferronière puis dirigez-vous vers le Gilles, vous ne serez pas dérangé. Le tableau exprime tout l'art du 18ème siècle et des Lumières : de la peinture, du théâtre, de la philosophie, du roman, tout ceci est présent dans ce tableau tragique et joueur, profond et léger, lumineux et obscur. Ce tableau qui réunit tous les contraires en un éclat de génie bouleversant.
Antoine Watteau - Gilles - 1718
Gilles est un crucifié, il en a la lucidité. Gilles est un clandestin. Il s'habille de blanc, paraît au premier plan, capte toute la lumière, s'offre à vous et pourtant vous ne le voyez pas, ne le percevez pas, ne savez rien de lui. Pas de roman social et familial chez Gilles. Une présence absence qui lui offre toute liberté. Que lui diriez-vous si, croisant son chemin, il vous apparaissait dans son costume à la fois trop grand et trop court ? le corps lourd, les mains épaisses laissent un visage hébété. Pourtant, au léger, sourire, vous vous demandez si le Gilles ne se fout pas de vous. Et vous avez bien raison. Vous vous trouvez devant un hybride, c'est-à-dire littéralement un monstre. Et l'on ne cause guère au monstre. Passez votre chemin, voici le Gilles qui exprime toute la folie des hommes et n'en laisse rien paraître. Gilles, mon frère, mon ami, mon double, mon meurtrier.
10:41 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : peinture, énigme, watteau, gilles, week-end, chronique