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13/10/2014

L'étau financier

Il y a les spécialistes du refroidissement qui viennent systématiquement gâcher l'enthousiasme. Ceux qui guettent la nouveauté comme on attend l'hiver : en maugréant et en tremblant, frigorifiés avant même que les frimas ne les saisissent. Tous les oiseaux de mauvaise augure, bien mal nommés car tout tient du plomb en eux et bien peu de l'aérien. Et bien il y a des chances pour que tous ceux-là se rengorgent de nouveau à propos du Compte Personnel de Formation puisque chaque annonce de difficultés éventuelles est accueillie le sourire aux lèvres sur l'air du : "Je vous l'avais bien dit". Sur ce blog, la tendance est plutôt de se lancer à l'aventure le coeur léger et l'appétit ouvert, sans se soucier au moment de prendre l'élan de savoir ce que sera la chute. 

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Prenons toutefois le risque de nourrir les sceptiques de goût et de profession en revenant sur le compte personnel de formation. Au vu des travaux conduits dans les branches qui ont oeuvré sur la question, et des choix déjà effectués par le COPANEF en la matière, on sait que les premières listes devraient être plutôt larges. Mais on constate également que, saisissant la possibilité qui leur est offerte de fixer des plafonds de financement, certains OPCA s'orientent vers le plafonnement très bas des formations n'entrant pas dans les priorités de la branche,  les formations qui y trouvent place bénéficiant de financements plus élevés. Ce faisant, le droit du salarié sera donc très différent selon son secteur d'activité et la mobilité interbranches ne s'en trouvera pas renforcée. Or, on sait que la mobilité professionnelle est bien plus importante que la mobilité géographique et qu'en matière d'employabilité, c'est la première qu'il faut soutenir. Ce phénomène n'ira qu'en s'accentuant lorsque les demandes de CPF s'avèreront plus importantes que les financements et que la régulation financière assurera le pilotage du dispositif. On s'apercevra alors que tout le fastidieux travail sur les listes ne sert pas à grand chose si au final les OPCA décident que les formations de leurs branches seront financées au coût réel, tandis que les autres auront un plafond à moins de 10 euros, ce qui de fait cessera d'être un plafond pour devenir un barème. Et l'on découvrira après coup, la belle surprise, que la régulation financière sera le véritable outil de pilotage du dispositif et que les listes de formation éligibles auront bien moins orienté que les taux financiers. Faut-il vraiment s'en étonner ? 

24/06/2011

Faire face

Comme le torero se présente face au taureau, le danseur de flamenco ouvre sa poitrine comme un défi à tous les dangers. Pour les deux, il s'agit moins de ne pas avoir peur que de décider d'aller au-delà de cette peur.

Nous avions exprimé, avec Jean-Marie Luttringer, le souhait que les partenaires sociaux n'aient pas peur de prendre des positions qui n'étaient pas celles de l'administration, notamment telles qu'exprimées dans le "Questions/Réponses" relatif à la réforme des OPCA. Il fallut dépasser le temps de la stupeur pour que vienne celui de la réaction. Par un communiqué daté du 17  juin, le CPNFP conteste les positions prises par la DGEFP et réaffirme l'existence d'un champ de négociation autonome sur la formation. Jeudi 23 juin, les partenaires sociaux envisagent de saisir le Conseil d'Etat sur la légalité de textes qui n'ont pas été présentés au Conseil National de la Formation Professionnelle Tout au Long de la Vie (CNFPTLV). Dans les négociations en cours, des dispositions relatives à Conseils d'administration territoriaux ou sectoriels paritaires, à des ressources purement conventionnelles, à des sections professionnelles ayant autorité (sous le contrôle du Conseil d'administration, bien évidemment) sur les politiques de branche, sont maintenues contre l'avis de l'administration. Un petit air de flamenco sonne aux oreilles.

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Cristina Hoyos et Antonio Gades

Ne pas avoir peur de l'épreuve de force, être capable de faire une entrée en mêlée musclée si cela s'avère nécessaire, est le meilleur moyen de ne pas perdre le match avant de l'avoir joué, surtout lorsque l'adversaire joue également le rôle d'arbitre. Car là est bien le problème de fond. Lorsque l'arbitraire et l'autoritarisme tiennent lieu de méthode de Gouvernement, tout va bien lorsque tout le monde se couche et se soumet. Mais il suffit que quelqu'uns se relèvent et l'on voit alors rapidement combien le Roi est nu. Encore faut-il avoir la volonté de faire face. On ne peut que se féliciter que les partenaires sociaux l'aient eu.

Délibération CPNFP du 17 juin 2011.pdf

02/03/2011

Une Fée pour le dialogue social

S’il y en a qui ne chôment pas, en cette période difficile pour l’emploi, ce sont les partenaires sociaux. Pas moins de 7 négociations interprofessionnelles sont en cours ou seront lancées lors de ce premier semestre, et pas sur des thèmes faciles, que l’on en juge :  l’emploi  des jeunes, l’assurance chômage, les retraites complémentaires, la gouvernance des organismes paritaires et le financement du paritarisme, le dialogue social et les IRP, le bilan d’étape professionnel et le financement de la protection sociale. Si le programme est vague, heu...pardon vaste (sacré Martine !), il faut bien reconnaître qu'après deux mois, les résultats sont maigres puisque le seul accord véritablement en vue porte sur la convention d’assurance chômage, reconduite quasiment en l’état. Et  sont annoncées pour le second semestre des négociations sur  l’emploi et la sécurisation des parcours professionnels, la qualité de vie au travail et l’emploi des seniors. Diable !

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Raoul Dufy - La Fée Electricité - 1937

Pourtant, cela patine au point que Gérard Larcher, fort de son statut de Président du Sénat ce qui est autrement plus stable que la fonction de Ministre, parle de « dialogue social adolescent ». Et ajoute  que le mode même de travail, sous forme de réunion au siège du MEDEF et d’amendement par les syndicats d’un projet de texte  patronal, démontre l’immaturité du système (pour Gérard Larcher, on sent bien que la qualité d’adolescent est surtout marque de faiblesses).

Reste à trouver une méthode de travail différente, puisque même la loi n’est plus faite sur la base d'un texte du Gouvernement mais de celui d’une commission. Alors à quand les commissions d’élaboration de textes en amont des phases de négociation ? lorsque cette question sera résolue, une dernière demeurera : où se réunir pour négocier puisqu’il n’est pas symboliquement pertinent de se rendre systématiquement au siège d’une des organisations professionnelles. Le concours est ouvert pour déterminer ce qui pourrait être le lieu de la négociation collective. Pour ma part, je vote pour la hall du musée d’art moderne dans lequel est installée la Fée électricité. Réalisée par Raoul Dufy à la demande d’EDF pour montrer, notamment, le rôle social joué par la lumière électrique, peut être cette fée penchée sur les négociateurs serait-elle propice à susciter  l’étincelle de créativité qui fait les bons accords.

11/11/2010

Armistice ?

Assuré d'être confirmé dans sa fonction de Premier Ministre, François Fillon a eu le souci de montrer qu'il pouvait parfaitement incarner lui-même le "virage social", dont on ne sait très bien d'ailleurs en quoi il pourrait consister. Il s'est ainsi prononcé pour une meilleure articulation entre la démocratie politique et la démocratie sociale. Louable intention, même si les vieux réflexes ne seront pas perdus en un jour. Après avoir garanti que les partenaires sociaux auraient un rôle plus important à jouer à l'avenir, l'ex et futur Premier Ministre a rappelé qu'en tout état de cause, il revenait au politique d'avoir le dernier mot. Il ne s'agit après tout que d'une perpétuation de la phrase d'André Laignel qui avait fait scandale en 1981 : "Vous avez politiquement tort car vous êtes juridiquement minoritaire" (s'adressant à l'opposition à l'Assemblée). Il a toujours été difficile pour tous les gouvernants de considérer que leur légitimité n'était pas nécessairement universelle et qu'avoir gagné un vote ne garantissait pas d'avoir politiquement raison sur tous les sujets. Mais en ce jour d'armistice souhaitons que le dialogue entre les représentants politiques et les partenaires sociaux s'oriente vers l'apaisement pour le profit de tous.

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Elisabeth-Louise VIGEE-LE BRUN - La paix ramenant l'abondance - 1780

Nous pourrons rapidement vérifier, dans le domaine de la formation professionnelle, si l'armistice est durable. Tous les OPCA perdent leur agrément à la fin de l'année 2011 et des négociations doivent s'engager, certaines ayant déjà abouti, pour recomposer le paysage des OPCA. Pour guider cette négociation, l'Etat a fixé des règles précises dans la loi du 24 novembre 2009 et le décret du 22 septembre 2010. Toutefois, des espaces de négociation demeurent et doivent permettre à la créativité des partenaires sociaux de s'exprimer, tout en s'appropriant la redéfinition des missions et des modalités de fonctionnement des OPCA. Ce n'est guère par l'autorité, voire  l'autoritarisme que l'on produit de l'implication, mais au contraire en responsabilisant. Dans un premier temps, la balle est dans le camp des partenaires sociaux. A eux de prendre l'initiative de négocier en utilisant tous les espaces disponibles. Ensuite nous jugerons sur pièce de la position de l'Etat. Dans l'attente, voici la chronique rédigée pour l'AEF avec Jean-Marie Luttringer qui fait le point sur les limites et marges de manoeuvre pour les négociations sur les OPCA.

Limites et autonomie contractuelle de la négociation OPCA.pdf

30/04/2010

Et la lutte continue

Il est de nobles combats. Que l'on est fier de mener et que l'on serait prêt à reprendre demain. Des combats qui nous grandissent, qui établissent notre capacité de résistance, notre refus de subir et notre volonté d'assumer les risques inhérents à la lutte menée. Des combats qui ont du sens et qui ouvrent des chemins. Des combats souhaitables mêmes, tant l'évitement de l'affrontement est parfois pire que la violence. Et le premier de ces combats est souvent à livrer avec soi-même, tel Jacob luttant avec l'ange.

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Delacroix - Lutte de Jacob avec l'ange

Et puis il est des combats plus douteux. Soit dans la manière dont ils sont conduits, soit simplement par leur finalité. Des combats stériles qui n'ont aucune issue positive et dont toutes les parties seront les victimes. Des combats d'arrière-garde, des combats de coqs, des combats d'ego et toutes autres sortes de conflits dont le seul mérite, comme les coups de marteau, réside dans leur fin. On peut parfois, comme Wolfgang Paalen, parer ces combats de mille couleurs sans changer leur nature.
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Wolfgang Paalen - Combat de princes saturniens (III)

Le combat, on n'ose dire la guérilla, que l'Etat mène aux partenaires sociaux quant à la gouvernance du système de formation professionnelle n'a que peu de vertus. La dernière illustration en date se trouve dans le projet de décret concernant les OPCA. On trouvera ci-dessous une analyse réalisée pour l'AEF avec Jean-Marie Luttringer qui explique pourquoi non seulement le combat est vain mais également regrettable du point de vue des bénéficiaires finaux de la formation. Et si vous souhaitez mettre à profit le week-end pour admirer un combat qui en vaille la peine, souvenez-vous que le tableau de Delacroix vous attend dans l'église Saint-Sulpice, à Paris.


18/07/2008

Pénibilité : double échec

Les négociations sur la pénibilité ont pris fin après trois années de discussions (peut-on vraiment parler de négociations ?) et il s'agit d'un double échec.

Le premier échec porte sur le fond et se déduit tout simplement des chiffres suivants portant sur la probabilité de décès entre 35 et 65 ans (source CNAMTS - 2005) :

Cadres et professions libérales 13%
Agriculteurs exploitants 15,5%
Professions intermédiaires 17%
Artisans, commerçants 18,5%
Employés 23%
Ouvriers 26%

 En d'autres termes, les retraites par répartition consacrent une inégalité devant la durée de vie : plus le niveau de profession est élevé et plus on est à même de profiter de la retraite. Le moyen de rétablir l'égalité est soit de prendre en compte la pénibilité du métier (c'est donc raté) soit de passer par une retraite qui supprime l'âge de la retraite et prend en compte une durée de cotisation  identique pour tous (40 ans par exemple, soit une retraite à 56 ans pour celui qui a commencé à travailler à 16 ans contre une retraite à 65 ans pour celui qui a commencé à travailler à 25 ans).

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Le second échec est celui du dialogue social : si toute négociation n'est pas condamnée à se conclure par un accord, ne pas arriver à acter au bout de trois ans de travaux un relevé de conclusions qui reprennent les points qui recueillent l'assentiment de tous ou au moins les positions respectives des parties, ce qui est une des règles de base de la négociation loyalement conduite, pour remettre intégralement le sujet dans les mains de l'Etat, constitue en ces temps de jacobinisme échevelé une défaite tactique et morale des partenaires sociaux pris dans leur ensemble.

 

18/06/2008

La liberté est un combat

Le principe est pourtant consacré dans l'article 1 du nouveau code du travail : le Gouvernement s'impose avant toute réforme dans le champ des relations de travail, de l'emploi et de la formation professionnelle d'engager une concertation avec les partenaires sociaux. Ceux-ci font ensuite connaître au Gouvernement leur intention de négocier, ou pas, et en cas de négociation le délai nécessaire pour la mener à bien.

Jamais la démocratie sociale n'avait été affirmée avec autant de force. Priorité à la négociation, le Gouvernement et le Parlement conservant ensuite, bien évidemment leur rôle.

Mais ce scénario raisonnable n'est pas exactement celui qui se joue dans la négociation sur la réforme de la formation professionnelle, preuve que laisser la liberté de négociation aux partenaires sociaux est plus facile à écrire qu'à mettre en oeuvre. Pour ces derniers, l'autonomie de la négociation est un combat.

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Magritte - Au seuil de la liberté
 
 
Le contournement des textes a commencé avec la nomination d'un groupe quadripartite (Etat, Régions, Organisations patronales, Organisations syndicales) qui n'est pas exactement la concertation organisée par l'article 1 du Code du travail qui prévoit que le Gouvernement doit présenter un document d'orientation avec son diagnostic, ses objectifs et ses options. Comme l'a rappellé mardi 17 juin le représentant du MEDEF, un travail en groupe quadripartite ne saurait se substituer à une véritable négociation et aboutir à des conclusions ayant vocation à être reprises par ladite négociation.
 
Ce même jour, Laurent Wauquiez a déclaré réfléchir à une loi qui viendrait préalablement fixer le cadre de la négociation ou bien à la définition, toujours préalable, de ce qui relève de la loi et ce qui relève de la négociation. Or en matière de formation professionnelle, la compétence des partenaires sociaux n'est pas bordée par celle du législateur. Les champs de compétence sont les mêmes, ce n'est que la nature de la règle produite qui diffère.
 
Notre tradition jacobine a manifestement la vie dure. Nos gouvernants pourraient toutefois se souvenir que lorsque l'accord a précédé la loi (en 1970, en 1982-82, en 1991, en 2003), les résultats sur les dispositifs de formation ont été bien meilleurs que lorsque la loi est intervenue préalablement à la négociation (en 1993 par exemple).  
 
Le respect de l'autonomie des partenaires sociaux est décidément un exercice  périlleux et leur liberté se trouve bien surveillée. Conduire l'autre à l'autonomie, et s'en réjouir, n'est-ce pourtant pas l'ambition de la formation et plus largement de l'éducation ?