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02/06/2016

La pression monte

C'est une entreprise américaine, mais pas sur que cela explique tout. Pour le salarié, c'était en tout cas une surprise. Dans le cadre d'un licenciement pour insuffisance professionnelle, ou défaut de résultats ou résultats insuffisants, le salarié se voit reprocher de ne pas s'être suffisamment occupé de ses compétences. L'entreprise mettant en ligne des ressources formatives multiples et demandant aux salariés de s'inscrire régulièrement dans des programmes de développement, elle constate que le salarié n'a pas fait la démarche. Pas d'auto-diagnostic sur les compétences à développer, pas d'inscription aux cursus proposés. Le manager ? son rôle n'est pas de prescrire mais de vérifier si les salariés se forment régulièrement, de les inciter à le faire si tel n'est pas le cas. Après quelques rappels, et tenant compte de résultats non probants (qui demeurent malgré tout le motif principal de la rupture), l'entreprise décide de prononcer le licenciement, la passivité du salarié quant à son développement professionnel venant à l'appui du manque de performance. 

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Gérard BOGO - "O" PRESSION

Pour ceux qui s'en tiennent aux slogans publicitaires qui accompagnent la réforme (on est passé d'une obligation de payer à une obligation de former) ou à une lecture formelle du droit (l'employeur doit s'occuper du développement de compétences à travers les entretiens professionnels), cette affaire rappellera les fondamentaux : le contrat de travail est fait d'engagements, et donc de responsabilités, réciproques. A l'entreprise de fournir les moyens, au salarié de s'en saisir. Seul le salarié pouvant décider de se former effectivement, l'entreprise n'est tenue qu'à une obligation de moyens. Si ces moyens sont mis en oeuvre, la responsabilité change d'épaules et passe sur celles du salarié. Dans un pays où la culture de la décision descendante et de la hiérarchie pyramidale est fortement ancrée, cela laisse augurer d'autres surprises. 

30/05/2016

Hybride

Question récurrente posée par les participants à la Web Conférence organisée par MyConnecting sur le compte personnel de formation : que répondre aux représentants du personnel, et aux salariés, qui considèrent que le CPF est un droit personnel et que l'entreprise n'a pas à s'y intéresser, voire ne peut faire de propositions ? la réponse tient en un mot, même si ce n'est pas forcément celui que l'on va utiliser pour communiquer : HYBRIDE. La principale caractéristique du CPF est qu'il peut être mis en oeuvre soit pour des projets strictement personnels, à charge pour le salarié d'effectuer toutes les démarches et de trouver la disponibilité pour se former, soit pour des projets partagés avec l'entreprise, ce qui peut alors justifier que la formation soit suivie pendant le temps de travail, avec un abonnement de l'entreprise ou encore avec des engagements sur la prise en compte des compétences. Le CPF est un Janus aux deux visages. 

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Et contrairement à ce qu'affirme le CNEFOP dans son rapport et que certains reprennent complaisamment, peu importe la nature de la formation et notamment qu'elle corresponde à une obligation règlementaire ou non. Dès lors que la certification est éligible et que le salarié dispose des heures nécessaires, le financement par l'OPCA est automatique, du moins tant qu'il a des disponibilités financières. Si l'entreprise ne peut jamais imposer l'usage du CPF, il revient au salarié d'apprécier à quelles conditions il donne suite ou non à la proposition de l'employeur. Pas de difficulté particulière pour les entreprises donc qui souhaitent être productives. Citons le cas de cette entreprise de 13 000 salariés dans laquelle un accord a été conclu qui prévoit un abondement systématique de 50 % par l'entreprise lorsque le projet du salarié s'inscrit dans la politique de l'entreprise et aboutit à une certification figurant dans ses priorités (outre le fait que la formation aura lieu pendant le temps de travail). Faire reconnaître le caractère hybride du CPF, c'est donc contribuer, un peu, à le débrider. 

08/11/2015

Ah, les amis !

Et oui, les amis ! ceux qui ne donnent pas toujours de nouvelles, et à qui vous n'en donnez pas plus. Mais qui sont toujours présents, et qui ressurgissent parfois, à des moments qui sont toujours, forcément, des bons moments. Que ferait-on sans ces amis, qui vous accompagnent, et que vous accompagnez, au-delà des rencontres et des instants partagés ? comme dirait Alain Souchon, on resterait au ras des pâquerettes. Heureusement, donc, ils sont là. Et prêts à alimenter ce blog si son auteur ne met pas suffisamment de coeur à l'ouvrage. C'est ainsi que l'ami Denimal, philippe pour le prénom, sociologue et consultant pour la fonction et Tintin-Tournesol pour le surnom, vous livre ses pertinentes réflexions sur les classifications et la rémunération et au passage sur la prise en compte des compétences dans les systèmes de classification. 


Et oui, cela dure 52 minutes, mais en moins d'une heure, vous avez la quintessence de la réflexion sur le sujet et la mise à disposition d'une expertise rare. Et en plus, le bougre, il parle clairement et non seulement on comprend tous les mots, mais en plus on comprend le sens des mots mis ensemble. Voilà les vrais amis, ceux qui, lorsque vous les écoutez, vous donnent l'impression d'être plus intelligent qu'avant, et quand ils s'arrêtent, et bien vous constatez que c'est pas du flan et ils vous manquent déjà  ! C'est pas beau les amis ?  

29/09/2015

Comme une légère crispation...

Terminé les séances de présentation, d'information, de prise en main de la réforme, fini le temps du "De quoi s'agit-il ?", "Comment ça marche ?", "Quelles sont les nouveautés ?" . Terminé donc le temps du  débat sur les finalités, du regard critique sur la réforme, du commentaire et des propositions à la pelle pour dire ce qu'il aurait fallu faire, pourquoi et comment. Bienvenue dans le temps de la prise de décision, des choix, des arbitrages et de la responsabilité. Et là, les choses se compliquent. Car la caractéristique majeure de la loi du 5 mai 2014 est malgré tout d'être une loi de liberté : liberté de définir le contenu des entretiens professionnels, de savoir à qui on les confie, de mettre en oeuvre ou pas le CPF, de définir son investissement formation, de décider de contractualiser ou pas sa relation avec l'OPCA, de redéfinir son calendrier et ses modalités de travail avec les IRP (Loi Rebsamen du 17 août). Bref, la notice de montage n'est pas fournie avec le mobilier et comme chacun sait, le montage d'un meuble Ikea est LE test de l'harmonie dans le couple. Du coup, la tentation de faire la peau au consultant affleure parfois...

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Mais pourquoi s'en prendre au formateur (la question se pose moins dans les actions de conseil, puisque la prise en compte du contexte permet d'aller plus loin dans l'accompagnement de la décision) ? parce qu'il vous liste les possibles mais ne vous dit pas ce qu'il faut faire, parce qu'il vous pousse à questionner vos pratiques antérieures, parce qu'il vous indique que ce que vous faisiez de longe date et vous apprêtiez à continuer à faire n'a strictement aucune valeur ajoutée (comptabiliser le 1 % ou les salaires dans l'investissement formation par exemple). Bref, parce qu'il vous bouscule sans vous fournir clé en main la solution. Lorsque l'on se donne comme objectif de faire apprendre la cuisine sans fournir de recette, il faut assumer le risque d'être désigné comme le responsable de la difficulté à réaliser un plat abouti. Comme dirait Brel, les risques du métier...et en même temps le plaisir retrouvé de quelques viriles entrées en mêlée qui pourraient bien s'avérer, au final, plutôt salutaires. 

27/04/2015

Eh ben, ça va pas être facile...

J'étais en train de préparer une intervention demandée par une Fédération sportive. L'objet ? éviter que les clubs, qui n'ont pas grand chose à voir avec les clubs de football, ne se mettent en situation délicate vis à vis des organismes sociaux et du fisc, ne fassent pas trop preuve de créativité à la mode sudiste dans la gestion des (faibles) rémunérations en vigueur dans le domaine et respectent leurs obligations sociales. Tracer les limites, rappeler qu'il y a un arbitre, qu'il peut siffler, donner des cartons rouges ou jaunes, que l'intérêt collectif exclut qu'il y ait des pratiques douteuses, bref, éviter de faire la morale mais fixer des lignes de conduite et puis aider techniquement à faire tout ce qui peut entrer dans le cadre de la légalité. Tout cela auprès de bénévoles, de vieux de la vieille, de pas mal à qui "on ne la fait pas". J'en étais là, quand j'ai entendu cette histoire de taxis. 

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Près de 40 000 euros de notes de taxis, les codes filés au gamin, la voiture de fonction avec chauffeur en prime, et la Président de l'INA qui concède "une maladresse". Petit sondage auprès rapide auprès de DRH, eux ils appellent ça une faute lourde avec licenciement immédiat. Je n'ai pas encore interrogé les responsables RSE pour savoir ce qu'exige l'éthique dans un tel cas. J'ai juste pensé que si l'affaire trainait quelques temps en Une de l'actualité, il allait quand même falloir que je revisite sacrément mes argumentaires. Sinon, je sens que je vais faire rigoler les Présidents de club. A moins que, quitte à surfer sur l'actualité, je leur demande s'ils connaissent ce charmant oiseau noir qui peuple villes et campagnes et que l'on appelle le corbeau. 

23/01/2015

Regards croisés

Les processus d'évaluation fleurissent comme les champignons après l'orage. Cette généralisation est à la fois celle du management par objectif, du dialogue hiérarchisé et de la normalisation des comportements. Mais pour les juges, l'évaluation ainsi que la fixation d'objectifs constituent des droits des salariés qui garantissent un minimum de transparence et de bonne foi dans la gestion des ressources humaines. L'extension du domaine de l'entretien d'appréciation génère mécaniquement une prolifération des techniques de réalisation de l'entretien et par ricochet l'extension des contentieux qui amène les juges à se prononcer sur un sujet qu'ils connaissent peu. Ils ont déjà eu l'occasion, toutefois, d'acter que l'entretien annuel était un droit du salarié et qu'il devait être informé de ce que l'on attend de lui, tandis que l'entreprise a l'obligation de vérifier que les objectifs fixés sont cohérents avec les moyens dont dispose le salarié, parmi lesquels son niveau de compétence. On soit également depuis le 19 décembre 2014 et une décision de la Cour d'appel de Versailles, que l'entreprise peut légitimement demander au salarié de s'autoévaluer pour préparer un entretien qui repose sur une évaluation croisée. 

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Autoportrait

L'évaluation croisée est en effet plus signifiante que le passage en revue un peu mécanique et formelle de l'ensemble des activités du salarié. Dans un autre domaine, le formateur en apprend plus en s'autoévaluant et en comparant avec les évaluations des stagiaires qu'en se contentant de recenser ces dernières. Bien sur, comme dans toute évaluation existe le risque de ne pas se reconnaître dans le portrait que les autres font de vous. Mais c'est un risque moindre par rapport à celui d'avoir des évaluations qui, bonnes ou mauvaises, ne vous apprennent rien. Reste à passer  à l'étape suivante et à demander aux managers d'auto-évaluer leur management avant de  confronter cette évaluation à celle qu'en font les managés. 

22/10/2014

Les nouveaux amis

Sandrine travaille depuis 20 ans comme assistante commerciale. Elle connaît tout le monde ou presque dans l'entreprise. Elle y a des amis, des connaissances et elle croise aussi des gens qui ne lui parlent jamais. La vie normale. Elle a plus que fait le tour de sa fonction et décide de postuler sur un emploi d'assistante ressources humaines. Elle est retenue et prend ses fonctions. Elle travaille sur tous le périmètre des ressources humaines, elle a accès à toutes les informations, y compris les plus confidentielles comme les salaires, elle participe à tous les projets. Elle se régale. Prise par ses nouvelles activités, un peu stressée par le changement, désireuse d'être à la hauteur, elle qui n'a pas toujours confiance en ses capacités, elle s'investit pleinement. Du coup, elle ne remarque pas au début les petits changements, les attitudes, les comportements. Certains lui parlent moins, d'autres ne l'évitent pas, pas encore, mais sont plus distants, et le mot ami ne lui vient plus aussi spontanément. 

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Ah par contre, elle en a des nouveaux amis. Des personnes qui ne lui parlaient jamais et qui la tutoient, des aussi anciens qu'elles qui la découvrent, des plus récents qui viennent lui demander conseil. Bref, en quelques semaines quasiment toutes les relations ont été revisitées. Quelques exceptions bien sur, mais pas tant que ça. Et un persistant sentiment un peu étrange : celui de tout redécouvrir de cette entreprise qu'elle a l'impression de connaître depuis toujours. Un nouveau monde en quelque sorte, avec de nouveaux amis. Jusqu'au prochain changement de fonction ? 

16/09/2014

Le meilleur est avenir

C'est donc entendu, le code du travail devient un bréviaire managerial en indiquant quand, comment et pourquoi employeurs et salariés doivent prendre le temps de se parler. La loi du 5 mars 2014 n'échappe pas au mouvement qui prévoit un nouvel entretien obligatoire, sous la forme d'un "entretien professionnel". L'appellation n'est pas très heureuse, puisqu'un entretien professionnel, au format très différent, avait déjà été créé en 2004. Mais pourquoi donc un nouvel entretien ? pour parler d'avenir et c'est là que les difficultés commencent. 

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Aborder dans un entretien le travail effectué, l'atteinte des objectifs, les moyens d'accompagnement nécessaires, rien de plus simple. L'activité est un support objectif sur lequel on peut s'entendre. Mais devoir envisager avec chaque salarié les perspectives d'évolution de l'emploi occupé à deux ans et les perspectives d'évolution du salarié à la même échéance, c'est une autre paire de manche. On pourra toujours essayer de nourrir l'entretien avec la politique de formation, de mobilité, l'utilisation envisageable du Compte personnel de formation ou encore recueillir les souhaits des salariés. Mais il faudra bien parler d'avenir, sans que chaque manager ne le peigne à ses couleurs, sans que chaque perspective ne prenne forme d'un engagement et sans que les scénarios envisagés ne constituent des limites à l'invention de l'avenir. Autant dire que ce n'est pas gagné, même si le meilleur est toujours avenir. 

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26/08/2014

C'est pas du management

Tous ceux qui parlent de l'entreprise France et confondent une nation avec une société commerciale qui n'aurait comme horizon que sa situation d'endettement, son PIB, sa compétitivité, son niveau d'investissement et l'état de ses comptes doivent être déçus. Tout ceux qui pensent que les ministres sont des  forces de vente et le Président de la République le Dircom, doivent revoir leur langage. La Gouvernance de la France, ce n'est pas du management. 

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François Hollande en vélo (le scooter ayant été repéré),

à la recherche d'un miracle

Car en management, on a jamais vu un dirigeant virer l'ensemble du personnel pour gérer un licenciement et deux démissions, et encore moins en réembaucher les trois quarts, après leur avoir fait sentir qui est le maître. De telles pratiques de management seraient jugées ringardes, ridicules et inefficaces. Ce qui est bien la preuve que ce dont il est question ici, c'est de politique et pas de management. 

20/05/2014

Au secours le droit !

Mon gamin, quand il doit se tirer d'un mauvais pétrin, il lui arrive d'appeler Mickey à la rescousse. Lequel, avec son tourniquet et son maxi-outil mystère, arrive sans tarder et lui permet inévitablement de retourner la situation. On ne compte plus les Responsables Formation qui souhaiteraient avoir un Mickey, et il m'arrive de faire office de..., à disposition pour expliquer aux dirigeants de l'entreprise qu'il faut maintenir le budget formation. Et pour ce faire, le droit est souvent sommé de fournir les arguments qui feront éclore l'ancestrale peur du gendarme afin que les dirigeants tétanisés ne referment pas trop brutalement le carnet de chèque. Et l'affaire Renault, hein, le défaut d'adaptation qui conduit à la faute inexcusable, on peut pas identifier un risque pénal sur la non adaptation des salariés à leurs activités ? et je suscite invariablement la déception, j'en suis bien conscient, lorsque j'explique que la formation n'est jamais qu'un contentieux très accessoire aux enjeux financiers très faibles et au risque pénal quasi-nul. Dans ce domaine, le gendarme n'est pas très terrifiant. 

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Jansson Stegner - The Rosebush

Mais plus fondamentalement, si l'on en arrive à l'argument juridique, c'est un constat d'échec qu'il faut dresser. Echec à démontrer que la formation peut accompagner les projets, les individus, les équipes, les changements, qu'elle peut insuffler de l'innovation, générer de la créativité, garantir les processus, créer du confort de travail, développer la performance, passer des messages, créer une culture d'entreprise, distribuer de la reconnaissance, alimenter le dialogue social, être source de profits, et bien d'autres usages encore. Et tout ceci, il ne suffit pas de le dire ou de l'écrire, il faut le faire toucher du doigt par des projets, des actions réussies, des promoteurs internes, de la réussite d'autrui mise en valeur. Bref, il s'agit de faire véritablement son métier de responsable formation, et ce retour (pour ceux qui l'avaient perdu) aux fondamentaux de la profession est sans doute un des plus appréciables impacts de la réforme de la formation. 

08/01/2014

Un entretien à tiroirs

Débutons le passage en revue du projet de loi sur la formation professionnelle par le nouvel Entretien Professionnel. Une lecture rapide pourrait persuader certains qu'on ne fait que reprendre de l'ancien et que l'on créé une nouvelle obligation procédurale qui imposera aux entreprises de rajouter trois cases à leurs supports d'entretiens annuels et que tout cela sera un peu formel et vite bâclé. Ceux-là pourraient bien avoir un réveil brutal, car il n'existe qu'un lointain rapport entre l'entretien professionnel version 2003/2004 et celui qui nous est proposé aujourd'hui. Mais pour s'en rendre compte, il faut en ouvrir tous les tiroirs.

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Femme tiroirs - Igor Morski

En premier lieu, l'objectif de l'entretien (qui est obligatoire pour toutes les entreprises quels que soit leur taille et leur secteur d'activité) est de passer en revue les perspectives d'évolution professionnelle, notamment en terme de qualification et d'emploi, ce qui en fait clairement un entretien RH et non un entretien managerial. L'ANI exclue d'ailleurs que cet entretien soit confondu avec l'entretien d'appréciation ou entretien annuel. Premier problème : comment réaliser quantitativement ces entretiens avec la ligne RH ?

En second lieu, tous les six ans l'entreprise doit à l'occasion de l'entretien vérifier que le salarié a :

- suivi au moins une action de formation ;

- bénéficié d'une progression, salariale ou professionnelle ;

- acquis des éléments de certification, par la formation ou la VAE.

Il est prévu que si deux sur trois de ces critères ne sont pas remplis, les entreprises de 50 salariés et plus devront abonder le compte personnel de formation de 100 heures avec le financement associé. Ce qui impose, compte tenu du faible nombre de salariés qui obtiennent des diplômes, un droit à la formation tous les six ans et un droit à l'évolution salariale (qui ne saurait être la seule augmentation des minimas conventionnels ou du SMIC) pour tous. Avec une sanction à la clé. Et si pour les petites entreprises la sanction n'est pas définie par la loi, nul doute que le juge ne pourra qu'attribuer des dommages et intérêts à tout salarié qui n'aurait pas bénéficié des entretiens et suivi des formations et bénéficié d'une évolution salariale. 

Et l'on peut faire confiance au juge pour trouver dans ces nouvelles dispositions, un point d'appui pour ouvrir encore de nouveaux tiroirs.

Ceux qui se sont empressés de constater que l'ANI ne changeait rien fondamentalement en matière de formation, feraient peut être bien de remettre l'ouvrage sur le métier et de travailler les textes plutôt que d'exposer leurs préjugés.

 

23/09/2013

Le changement, c'est maintenant

Je pensai que le schéma avait disparu de la circulation après sa publication dans le Canard Enchaîné qui rapportait les méthodes de formation des managers d'un grand groupe. Le changement était présenté comme un deuil qu'une communication adaptée fera passer d'un déni à l'adhésion. L'ineptie d'un tel schéma comme mode explicatif des comportements aurait pu sauter aux yeux de chacun sans effort. Que nenni ! voilà qu'il ressurgit dans les supports de formation des managers d'un autre grand groupe.

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C'est le schéma avec lequel vous avez toujours raison, clé sans doute de son succès. Jugez-vous même : vous annoncez un changement à un salarié, or le nouveau projet, la nouvelle organisation est une ineptie. Il vous exprime son opposition. C'est le déni de la première étape du deuil. Ensuite, devant votre sourire narquois de celui qui sait  à quoi s'en tenir, il se mettra en colère. Et vous penserez : "Etape 2". Devant l'absence totale de prise en compte de son opinion, il déprimera "étape 3". Puis, lassé de se battre contre des moulins, il capitulera "Etape 4". Et vous aurez managé le changement de main de maître. Cela s'appelle la prophétie autoréalisatrice, mais il n'est pas besoin d'être prophète pour se dire que se dire que si l'on se met à manager le deuil, il ne faut pas s'étonner que les gens se tuent au travail.

26/08/2013

Etre de savoir

Marronnier de l’été, le thème de la connexion maintenue pendant les vacances fait le tour des journaux et télés. Chronique d’une psychanalyste, il faut au moins ça, sur une radio expliquant que l’incapacité à rompre totalement avec son job tenait à la fois à des facteurs psychologiques, la peur du vide, du face à face avec soi-même et avec ses désirs, et à des facteurs sociaux, la pression au travail et la crise. Soit la peur et l’angoisse, les deux mamelles du psychologue. Rien sur le rapport à la technologie, la rupture des  frontières traditionnelles dans la vie postmoderne et encore moins sur le plaisir, puisque pour certains c’est au travail que cela se passe. Mais passons. Ce qui retenait l’attention, c’est que la chronique s’appelait « savoir-être ». Il faut déjà subir le jargon pseudo-pédagogique dans le milieu, si en plus il se banalise…

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Savoir être deux

Savoir être n’est finalement que la reprise d’une vieille formule, lorsqu’il s’agissait « d’apprendre à vivre », avec les mêmes présupposés du savoir qui précède l’être et du comportement qu’il importe de normer. Pas besoin d’y réfléchir très longtemps pour juger de la prétention de celui qui voudrait  apprendre à être à autrui. Il est vrai qu’il est plus facile de tenter de manager les savoir être que les êtres de savoir que nous sommes.  Quant à admettre que la plupart des savoirs sont inconscients et incorporés, autant vouloir nier deux siècles de scientisme. Et voilà pourquoi, hélas, on en a certainement pas fini avec la tarte à la crème frelatée du savoir être.

16/04/2013

Transparence

En ces temps de transparence patrimoniale, de déboutonnage des élus pour vérifier leur consistance matérielle, de droit de savoir et de confusion entre personne publique et privée, les juges nous rappellent que la transparence, cela ne concerne pas que nos édiles. En donnant raison à un salarié qui contestait son licenciement pour faute grave au motif qu'il avait écrit aux membres du Conseil d'administration un courrier mettant en cause les pratiques de la direction, la Cour de cassation réaffirme un principe bien établi : un salarié du secteur privé n'a pas de droit de réserve et dispose au contraire d'une liberté d'expression dont il n'abuse qu'en cas d'injures, de diffamations ou de volonté de dénigrement. Mais une expression critique en des termes non fautifs ne peut être reprochée au salarié. Voilà une transparence qui risque de susciter bien des apparitions aux yeux des actionnaires qui ne sont souvent éclairés que par la direction générale.

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Les cadres de direction devraient se souvenir, outre que les salariés n'ont pas de droit de réserve mais une liberté d'expression, que la loyauté due par le salarié s'exerce à l'endroit de l'entreprise, considérée dans son exhaustivité et qu'elle n'est pas une obligation d'allégeance aux personnes.

Et la Cour de cassation en profite pour, dans la même décision, rappeller une autre évidence : un salarié ne peut être cadre dirigeant dès lors qu'il est soumis à un contrôle de ses horaires. Là aussi, question de cohérence, en toute transparence.

Cass. soc 27 mars 2013.pdf

10/04/2013

Ils n'en veulent plus

Il en reste plein qui en veulent. La majorité peut être. Mais il y en a de plus en plus qui n'en veulent plus. Il n'en veut plus ce dirigeant qui demande à reprendre une fonction d'expertise, elle n'en veut plus cette directrice administrative qui devient consultante, elle n'en veut plus cette responsable ressources humaines qui reprend un poste d'adjointe, ils n'en veulent plus tous ces managers épuisés. Epuisés par quoi et qui ne veulent plus de quoi ? manager. Ils n'ont pas peur des objectifs, de la pression économique, de leur travail, de la technique, des challenges, des défis. Ils sont laminés par la relation manageriale, par le rapport à autrui, par les discussions permanentes, par le concours Lépine de l'autre manière de faire qui est toujours meilleure que celle proposée, par la contestation érigée en mode de relation, par le fait de passer pour le grand Satan représentant de la direction, par l'écoute des problèmes personnels déballés à toute occasion et que l'on se verra reprocher de prendre en compte, ou pas, selon les cas, bref les fatigués de l'encadrement, les mortifiés de l'animation d'équipe, les écoeurés de la concertation, les dézingués du collectif. Pour eux, l'enfer c'est les autres.

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Photo : Sarahfisthole

Certes, on pourrait trouver la réciproque : les révoltés de l'arbitraire managerial, les excédés du petit chef vraiment petit, les lassés de l'incompétent qui les dirige, les désespérés de l'imbécile qui nie leur intelligence, les blasés d'être managés par des promoteurs d'eux-mêmes avant que d'être des promoteurs de l'activité, et tous les démotivés, retirés, absents, découragés, déboussolés ou désorientés par leur hiérarchie. Pour eux aussi l'enfer c'est les autres. Au total, jamais la relation à l'autre n'aura été si problématique, conflictuelle, compliquée, ingérable. Le problème, c'est qu'elle demeure aussi une source de satisfaction, car si l'enfer c'est les autres, le paradis aussi.

27/03/2013

Arroseur arrosé

Licencié pour faute grave, pour cause de harcèlement de ses collaborateurs, un manager conteste son licenciement au motif qu'il était lui-même harcelé. La Cour de cassation reconnaît le double harcèlement et en tire une double conclusion : le licenciement du harceleur est justifié, les faits de harcèlement des collaborateurs étant établis, mais étant lui même harcelé il ne peut être considéré comme ayant commis une faute grave. Il bénéficiera donc d'une indemnité de licenciement et de préavis. Si le salarié se trouve protégé par la faute initiale de l'employeur, il n'en est pas moins mouillé par son comportement, ce qui arrive lorsque la vague est plus haute que la protection.

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Cette version moderne de la première comédie cinématographique, le film l'arroseur arrosé de Louis Lumière, est malheureusement moins comique. Mais elle nous livre deux enseignements. La première est que l'entreprise qui envisage de reprocher une faute à un salarié doit toujours balayer devant sa porte et se demander si elle-même est au dessus de tout soupçon. La seconde est qu'un salarié, même subordonné, demeure responsable de ses actes, surtout lorsqu'ils constituent des délits, le harcèlement faisant l'objet de sanctions pénales.  Les juges évitent ainsi de justifier le harcèlement en cascade tout en démontrant qu'il n'est pas impossible d'être à la fois coupable et victime.

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17/03/2013

Des mots pour le dire

Ce petit bonhomme d'à peine plus de deux ans prononce parfois des mots que je ne lui connais pas, que nous n'avons pas forcément prononcé devant lui, qui viennent d'on ne sait où, d'on ne sait qui. Lorsque je lui fais une demande qu'il ne comprend pas ou pour laquelle il n'a pas de réponse, il me regarde et dit : "Je sais pas" et espère que ces mots se transforment en question et lui apportent la réponse. Et lorsqu'un évènement ou une situation l'effraie, il vient tout aussi spontanément dire : "J'ai peur". Et commence à se rassurer en le disant. J'aime ces phrases qui vont de manière directe et simple à ce qui est pensé ou ressenti.

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Mais je me dis que ce que spontanément un enfant exprime pour faire face à des situations qu'il ne maîtrise pas, fait rarement partie du vocabulaire professionnel. J'ai peu de souvenirs de salariés rencontrés dans les organisations qui m'aient dit très librement qu'ils ne savaient pas et encore moins qui aient exprimé une peur face à une situation, une demande ou une activité. Est-ce à dire que l'ignorance et la crainte n'existent pas au travail ? il suffit de regarder autour de soi. Reste donc la censure personnelle, la perte de contact avec ses pensées et ses émotions, et la pièce de théâtre que l'on joue avec plus ou moins de bonheur. Il est vrai que pour pouvoir librement s'exprimer, il faut être en confiance. Souhaitons qu'elle ne vienne pas à manquer à  ce petit bonhomme, qu'il puisse ainsi préserver les mots pour le dire.

01/02/2013

De l'exécution et de ses avantages

Il existe peut être des responsables ressources humaines naïfs, tout est possible, mais ce n'est clairement pas la majorité. D'ailleurs on vieillit souvent vite dans ce métier qui use. Il existe peut être des responsables ressources humaines qui pensent que lorsque la direction a décidé qu'ils avaient fait leur temps, il y avait toujours matière à discuter. Tout est possible. Mais la grande majorité des responsables ressources humaines savent que lorsque c'est terminé, il n'y a plus à discuter, sauf des conditions de départ. Ils ont en général pratiqué cela eux-mêmes, avec professionnalisme. Ils pourraient donc partir sans heurt, connaissant la règle du jeu. Et bien non, manifestement ce n'est pas suffisant et l'exécution est nécessaire.

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Yue Minjun - L'exécution

Elle peut prendre des formes différentes : le bureau fermé et le matériel inaccessible, un rendez-vous hâtif, la signification de la décision et au revoir. Ou bien le sempiternel : "Bon vous savez comment cela se passe, pour vous c'est terminé, rentrez chez vous, aucun mail, aucun contact avec vos collaborateurs". Cela pour s'en tenir aux formes les plus convenables. Pourquoi s'acharner ainsi, avec ceux qui sont les mieux placés pour accepter la loi qu'ils ont fait régner ? Par mesquinerie pour briser l'individu avant son départ ? Pour lancer un avertissement à son successeur ? Pour montrer aux salariés que cela peut concerner n'importe qui, et donc tout le monde ? à titre d'exemple ? pourquoi vouer aux gémonies celle ou celui que hier encore on traitait quasiment comme un ami ? Par goût du pouvoir et plaisir de ses abus ? ou tout simplement pour l'exemplarité de la peine ? Tant pis pour celui qui part, en quelque sorte, il aura joué son rôle auprès de ceux qui restent. Une manière de rester en fonction jusqu'au bout après tout.

NB : les peintures de Yue Minjun sont actuellement visibles à la Fondation Cartier.

30/01/2013

Corseté

Le responsable de la gestion des compétences est enthousiaste, et cela fait plaisir à voir. Il me présente le résultat de plus d'un an de travail. Des fiches dans lesquelles, pour tous les métiers d'opérateurs, les activités, les process, les principales difficultés, les solutions à apporter, sont recensés. Un véritable guide de tous les modes opératoires du système de production. Si jamais je n'étais pas convaincu, il en rajoute un peu : "Vous vous rendez compte, pour tous les opérateurs, il y a là les manières de faire, les bonnes pratiques, les standards, tout est formalisé et à la disposition de tous. Tout le monde va s'en trouver sécurisé et on va réduire le stress". Je me force à acquieser, mais la conviction n'y est pas, un petit quelque chose qui me chiffonne, quoi ? un sentiment d'enfermement et de contrainte, comme du corsetage.

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Frida Kahlo - La colonne brisée - 1944

Un peu plus tard, je retrouverai, par hasard bien sur, ce texte :

"Le gestionnaire assume la tâche de compiler toutes les connaissances et le savoir-faire traditionnel, lesquels, dans le passé, appartenaient aux travailleurs ; de classer, d'indexer et de réduire ces connaissances à un ensemble de règles, de lois et de formules qui constitueront un apport immense pour les travailleurs dans l'exécution quotidienne de leur tâche". Ces mots ne sont pas ceux d'un manager, d'un ingénieur qualité ou d'un  développeur des compétences. Mais de quelqu'un qui fut le précurseur de tout cela, Frederick W. Taylor qui l'écrivit en 1911, soit il y a un siècle. Réduire la compétence à des modes opératoires normalisés, le rêve de tout ingénieur de production, c'est à la fois sécuriser l'opérateur, car il dispose d'une référence explicite pour agir, et le déposséder de sa compétence et de son métier. Tout comme le corset sécurise la colonne brisée et entrave le moindre de vos gestes et en vous maintenant en vie, vous fait souffrir. Voilà sans doute ce qui m'empêche toujours de partager l'enthousiasme de mon interlocuteur de bonne volonté.

13/11/2012

Inatteignable vs inexcusable

Après avoir fait le tour de l'entreprise, entendu des salariés et leurs représentants, debreifing avec le DRH :

- Vous aurez à répondre à la question des objectifs. Quelle crédibilité pour le management par objectifs lorsque les salariés les plus performants ne parviennent qu'à 60 % de ce qui leur est demandé ?

- Oh mais j'ai la réponse si la question vient en comité d'entreprise. Les primes sur objectif ne sont pas liées à l'atteinte de 100 % et l'enveloppe sera totalement distribuée. Et aucun salarié, bien évidemment, ne sera sanctionné pour défaut d'atteinte des objectifs.

- Je ne doute pas que vous ayez des réponses pour toutes les questions. Simplement pourquoi fixer des objectifs inatteignables qui discréditent votre manière de manager la performance ?

- Vous savez bien comment c'est : si l'on veut obtenir 60, il faut demander 100. Si je demandais 60 je n'aurai que 40.

- Réfléchissez quand même aux effets d'une prescription impossible, d'objectifs aussi fuyants que l'horizon et d'un système basé sur la défiance qui est un véritable boomerang. Le sentiment est très fort chez les salariés d'une barre mise trop haut.

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Peut être que la décision de la Cour de cassation du 8 novembre dernier aidera le DRH dans sa réflexion. Un salarié victime d'un infarctus demande à ce que soit reconnue une faute inexcusable de son employeur qui l'a soumis à une surchage de travail. L'entreprise répond que le salarié était apte médicalement et qu'aucune alerte sur un risque d'infarctus ne lui a été signalée. Ce faisant elle commet une erreur totale : ce n'est pas la santé du salarié qu'elle doit gérer, mais son travail et l'impact de celui-ci sur la santé. Ce qui est radicalement différent. En l'occurence, les juges ont retenu qu'en fixant des objectifs inatteignables, en surchargeant le salarié et en le faisant travailler dans un climat de pression permanente, l'entreprise a bien généré sciemment un risque qu'elle n'a pas prévenu, ce qui caractérise la faute inexcusable. Le DRH pourra toujours considérer qu'à exiger que l'on demande 60 lorsque le possible est de 60, les juges feraient de piètres managers. Ce qui risque de ne pas changer grand chose s'il devait avoir à faire à eux.

Cass Soc 8 novembre 2012 - Faute inexcusable.pdf