09/08/2014
La peinture aux anges
Dans la ville du cinéma, des séries TV, de l'entertainment et des paillettes, dans la ville sans fin qui n'a pas de centre, au détour de ces rues qui ressemblent à des rues de banlieues de villes américaines, il est possible de rencontrer d'incroyables peintures. Au Lacma tout d'abord, qui présentait cet été une magnifique exposition intitulée "De Van Gogh à Kandiinsky" et montrait comment l'Europe existait bien avant qu'elle ne devienne un marché commun. Mais c'est la collection permanente qui procura malgré tout les plus fortes sensations.
De Kooning - Montauk Highway - 1958
Difficile de trouver un peintre qui mette autant de vitesse, d'énergie, de mouvement, de rapidité et de force dans une peinture. Le grand hollandais discret était en cela un vrai américain. Tout le corps tourné vers l'action et une seule réponse aux sempiternelles questions humaines : peins !
Rothko - White center - 1957
Avec Rothko, c'est différent. On entre littéralement dans la toile qui vous absorbe physiquement, mentalement, musicalement, corporellement. S'obstinant à vouloir peindre ce qui n'existe pas, l'âme humaine, Rothko ne pouvait qu'échouer. Mais c'est aussi celui qui a le mieux réussi.
André Masson - Le vertige du héros
Masson, c'est l'enfance de l'art. Le théâtre grec, les rêves d'ailleurs, la fulgurance, l'immédiateté, l'air de l'eau, la nature et la culture entremêlés, l'eros triomphant, sont dans sa palette. Comme toujours, et quelle que puisse être l'âpreté du thème traité, Masson lance ses couleurs sur la toile comme un hymne permanent à la joie de vivre. Et pour terminer d'étourdir celui qui regarde, il y a cette salle aux 13 Picasso qui témoignent de l'impossible créativité du génie espagnol.
Après le Lacma, on peut se rendre au-dessus des Hills de Beverly, au Getty Center et à son incroyable musée. Que faire de sa fortune acquise avec des bidons de pétrole ? acheter des oeuvres d'art, faire construire un musée entouré de terrasses sur les flancs de Los Angeles et en livrer l'accès au public (l'entrée est gratuite). Et donner l'occasion aux angelinos, et aux autres, d'admirer la peinture flamboyante de Gustave Moreau, mais aussi de Watteau, Fragonard, Goya, Tiepolo, Gauguin, Van Gogh, Cézanne, Manet et d'autres.
Gustave Moreau - Automne - 1872
Dans le Getty Museum, pas de peinture moderne. Les peintres sont ceux d'autrefois. Seule la partie consacrée à la photo fait une place aux modernes et aux contemporains. Une manière de s'ouvrir à d'autres formes de créativité.
08:15 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : los ángeles, peinture, art, picasso, de kooning, rothko, photo
31/07/2012
Faire abstraction
C'est en Angleterre, lors d'une visite à la National Gallery, qu'est véritablement né mon goût pour la peinture abstraite. Pourquoi ? parce qu'à côté d'une toile, il y avait un petit panneau qui expliquait que la peinture abstraite se regardait comme de la musique s'écoute. Grâce à cette clé, j'ai pu entrer dans quelques toiles et puis beaucoup d'autres. Du coup, lorsque j'ai découvert que les musiciens parlaient de la "couleur" d'un orchestre pour traduire sa manière de jouer, cela ne m'a qu'a moitié surpris. La musique est par nature une abstraction et il n'est guère surprenant que la vibration des couleurs lui soit familière. Et cette vibration est, au moins pour les oeuvres majeures, un chemin qui mène vers la lumière. Illustration avec quelques unes des oeuvres de la magnifique collection de l'Institute of Art de Chicago.
Dans cette peinture de la Vallée d'Aoste par Turner, le panthéisme doit sa puissance à la fusion lumineuse des trois éléments : l'air, la terre et l'eau. Sous le paysage toujours présent, l'abstraction lyrique pointe les poils de sa brosse.
Dans le chef d'oeuvre de Seurat, Un dimanche à la Grande Jatte, le pointillisme est, avant l'heure, une pixelisation de l'image ramenée à des points de lumière qui composent la scène. Si l'on s'éloigne, zoom arrière, l'image gagne en netteté et les petits points disparaissent. Si l'on se rapproche, zoom avant, la toile n'est qu'une infinité de touches, comme le corps humain se réduit à des atomes selon la distance à laquelle on l'observe.
Cette décomposition de la lumière, Cézanne, ici avec Les baigneuses, et Matisse, avec son Géranium, y travaillèrent toute leur vie. Avec joie souvent, obstination toujours, acharnement fréquemment.
Puis vint le temps de la radicalité. Celui où le mouvement devait l'emporter définitivement sur le motif et la couleur se tenir toute entière devant vous. Non pas comme une décomposition progressive mais au contraire comme un ensemble cohérent. Comment en peignant avec cette vitesse et cette énergie De Kooning parvient-il à une composition totalement cohérente, équilibrée et fascinante ? ici ce n'est plus la musique de chambre de Matisse, mais une symphonie proche de Turner. Vous avez devant vous, en musique, l'histoire du XXème siècle qui vous est présentée.
Difficile de faire mieux en matière de déconstruction/reconstruction. Ce n'est pas un hasard si c'est un hollandais passé par Paris qui y parvint à New-York, à l'image de la French Théory qui traversa l'Atlantique et marqua profondément la recherche et la pensée américaine en sciences humaines. Dès lors, il fallait repasser par la technique pour essayer d'aller au-delà. Ce que fit Gerard Richter (dont on peut apprécier le travail à Beaubourg cet été) en retravaillant la matière et la lumière, toujours.
Mais celui qui parvient sans doute à aller le plus loin, jusqu'à y laisser sa vie même, ce fût Rothko dont les oeuvres sont des sirènes : le sourd ne risque rien, mais gare à celui qui entend la musique qui l'absorbera dans la toile. Car il n'aura ensuite de cesse de retrouver cette extase et fera projet de s'installer un jour au centre de la Chapelle Rothko, à Houston, pour écouter encore et toujours les sirènes. De tout le reste, il aura fait abstraction.
06:17 Publié dans TABLEAUX PARLANT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture, musique, abstraction, chicago, institute of art, turner, matisse, de kooning, cezanne, richter, beaubourg, rothko
05/03/2011
Chronique du week-end : l'énigme des women
Pour cette chronique de week-end ensoleillé, un triangle d'or : la Hollande, l'Espagne, New-York.
Car Willem de Kooning est un New-yorkais de Hollande, convaincu que les femmes sont des paysages et se souvenant corporellement que l'Espagne, comme la mer du Nord, s'est répandue dans les terres basses qui furent son premier horizon.
Les Women de Willem De Kooning sont des Vénus, directement issues de la Vénus de Lespugue et de toutes les Vénus ultérieures, mais qui n'aurait pas été taillée dans l'ivoire, plutôt pétrie dans la glaise, dans l'argile, dans la terre primordiale gorgée de mer originelle. Si Courbet dévoilà l'origine du monde, De Kooning nous offre à la fois l'origine et l'avenir. La toile inondée de couleurs, de gestes et d'eau livre une figure dont la rapidité d'exécution ne doit pas tromper sur l'immémoriale élaboration. Réminiscence : dans les plats pays, sur les étendues d'eau, les nuages sont longs à se former mais défilent rapidement car rien ne saurait obstruer l'horizon. Le vent est maître des lieux, que l'on honore en couvrant le paysage de moulins. Le vent, le mouvement, le passage rapide du temps, et l''éternel retour de tout ceci habitent les vénus de De Kooning.
Willem De Kooning - Woman I - 1950-1952
Solidement installée dans l'herbe grasse des Polders, les pieds dans la mer, telle une momie irriguée de vie et d'énergie, la Woman I révèle brutalement que donner la vie c'est également donner la mort et que l'opposition entre femme-vie-mère et homme-mort-guerrier est un défaut d'imagination, une paresse de l'esprit. Comme le dit Sollers : "Le monde appartient aux femmes. C'est à dire à la mort. Là dessus tout le monde ment". Pas De Kooning dont les doux yeux bleus ont une sauvage lucidité. Imaginez un instant le corps à corps avec la toile qui rendit possible cette Woman. Fermez les yeux et vous verrez la raison des bourgeois commerçants du Nord s'accoupler violemment avec la pasionaria espagnole. Les hollandais et les espagnols furent des marins. Les plus belles villes de ces pays sont des ports. Ici, il faut se souvenir que c'est à New-York que sont apparues les Women. L'eau venue de toujours et qui s'en ira partout.
12:06 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : de kooning, peinture, sollers, new-york, hollande, espagne, venus
04/02/2010
Mobilité
Un peu de matière posée sur une toile. Des lignes de couleurs qui s'entrecroisent. Des tâches, des superpositions, des coulées, des traces, l'empreinte d'une brosse large ou fine, du relief, du grattage, la toile nue, la toile recouverte, deux, dix, quinze vingt couches, l'invisible sous le visible. Au final, le mouvement du peintre, la résonnance de la peinture, l'harmonie des couleurs, l'équilibre de l'ensemble. La peinture abstraite brouille nos repères et critères. Qu'est-ce qui distingue le chef d'oeuvre de la croûte ? Pourquoi cet assemblage ci nous paraît-il miraculeux et fait vibrer nos sens alors que tel autre n'est au mieux qu'une louable initiative personnelle qui ne créé aucun écho au-delà de son créateur ? Pourquoi l'essentiel d'un côté et le purement formel de l'autre ? Trop simple de renvoyer au goût personnel, tous les goûts ne se valent pas et le relativisme, ici comme ailleurs, trouve sa limite. Il y a bien une hiérarchie des valeurs.
11:06 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : france télécom, mobilité, fonctionnaires, de kooning, peinture, turn-over
26/11/2009
ANDAMOS !
Les recruteurs ont de bien curieuses méthodes et ce qui est plus curieux encore est que ces méthodes passent pour évidentes et ne fassent guère l'objet de questionnements. Il est pourtant étonnant que l'on s'ingénie à poser des questions à profusion, à réaliser des tests de personnalité, à solliciter graphologues et numérologues quant il ne s'agit pas d'astrologues, mais que l'on s'en tienne à recevoir des candidats...assis. François Roustang, psychanalyste auteur notamment de 'Il suffit d'un geste", demandait à ses patients d'effectuer un geste les représentant, pour cela, il les plaçait souvent en état d'hypnose. Un geste pour de longs discours. Peut être le geste rêvé par la jeune fille que dévoile son amant en dit-il plus long qu'un long entretien.
00:26 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : recrutement, test, questionnaire, personnalité, roustang, de kooning
10/11/2009
Egalité professionnelle : la parole aux peintres
Le Ministre du travail annonce une nouvelle loi sur l'égalité professionnelle. Gageons que, quel que soit son contenu, ses résultats seront comparables à ceux des lois précédentes. Pourquoi ? parce que les rapports de travail ne pourront véritablement être modifiés que lorsque les relations privés, entre les hommes et les femmes, auront eux même évolués. Zapatero est sans doute le seul dirigeant européen à l'avoir compris et affirmé. Pas de transformation des rapports de travail si l'équilibre quotidien établi entre hommes et femmes n'est pas bousculé.
05:03 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : picasso, wyeth, de kooning, darcos, égalité professionnelle, zapatero
04/11/2009
Invariant dynamique
Le correcteur d’orthographe refuse avec obstination le terme d’adéquationisme. Il accepte pourtant l’aquabonisme de Gainsbourg et Birkin, preuve qu’il a du goût. Persévérons tout de même. Qu’est-ce que l’adéquationisme : la résolution d’un problème, ou sa mesure, sous forme d’instantané et sans dimension temporelle.
En matière de recrutement, il s’agira par exemple de rechercher le meilleur candidat par rapport à un profil de poste préétabli. En matière de formation il s’agira de rechercher l’écart entre les compétences requises pour un emploi et les compétences du titulaire de la fonction. En matière de GPEC il s’agira de rechercher un scénario pour l’avenir et d’organiser ses actions pour anticiper sur cette prévision. Dans tous les cas, on fige ou tente de figer le point à atteindre pour tracer un chemin ou stabiliser un objectif. C’est oublier un peu vite que la vie est mouvement et que tout ce que nous figeons devient donc immédiatement une abstraction. Et en matière d'abstraction, seule la peinture est dynamique.
Introduire du dynamisme dans le diagnostic n'est sans doute pas aisé, mais pourtant essentiel : le scénario dessiné est plus certainement improbable que probable, les compétences requises demain seront autres, cet emploi à pouvoir ne restera pas dans sa configuration initiale, la personne recrutée aura envie de nouveaux horizons,... L’horizon justement n’est pas une frontière établie mais une limite qui n’a de cesse de reculer lorsque l’on avance. Un invariant dynamique en somme. N’oublions pas que tels sont les emplois et les organisations….et les femmes et les hommes. Cher invariant dynamique, bonne journée.
09:13 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : de kooning, management, compétence, gpec, recrutement, peinture