Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

22/09/2012

La corrida, ce sous-ensemble

Comme on sait qu'il n'y a pas de vide juridique, on en conclu que le droit dispose toujours d'une réponse pour toutes les questions qui lui sont posées. Tel est bien le cas. Ainsi le Conseil constitutionnel a du trancher la question de la légalité de la corrida, notamment en ce qu'elle échappe à la qualification pénale d'actes de barbarie sur les animaux. Au-delà de considérations sur la possibilité pour le législateur de moduler les règles en fonction des situations, le Conseil constitutionnel valide le raisonnement des aficionados, lequel est souvent mal compris. Les juges font valoir que la corrida peut être pratiquée dans les régions où existe une tradition locale et une culture taurine. Ce qui scandalise ceux qui traduisent cette position par le fait que la pratique pourrait justifier le droit et au final que le droit coutumier l'emporterait sur le droit construit. La pratique, même la plus contestable, dicterait ainsi sa loi interdisant tout progrès. Ce n'est évidemment pas de cela qu'il s'agit. La référence à la culture taurine a une dimension beaucoup plus large, que l'on peut illustrer par les peintures de Catherine Huppey qui n'a pourtant jamais assisté à une corrida.

combat 2.jpg_595.jpg

Catherine Huppey - Combat 2

Par leur décision, les magistrats (que l'on renonce à désigner par le terme de "Sages" que les jounalistes emploient par facilité et que rien ne justifie) rappellent que pour pouvoir exister, la corrida ne doit être qu'une partie d'un ensemble bien plus vaste. La culture taurine c'est la présence du taureau dans l'histoire, dans les traditions, dans l'économie, dans les moeurs et au final dans la vie des populations. C'est l'élevage,  les manifestations autres que la corrida (abrivados, courses, encierros...), une littérature, une gastronomie car l'on mange du taureau, un mode de vie, une imprégnation des fêtes et traditions populaires, les ferias, et au final un élément de l'identité locale. En ce sens, il n'est pas contradictoire, au contraire, de défendre la présence de l'Ours dans les Pyrénées et le maintien des corridas dans les terres du Sud. C'est ce message que délivre le juge, dans le langage qui est le sien. C'est dire si le Président du Crac (Comité radicalement anti-corrida) est loin du sujet lorsqu'il estime que cette décision consacre la dictature tauromachique puisqu'un petite nombre impose sa loi au plus grand nombre. Le juge lui a exactement expliqué le contraire, encore faut-il prendre la peine d'entendre ce qu'il dit.

03/03/2011

La beauté du geste

La décision de la Cour de cassation du 16 février 2011 m'a brutalement ramené au début des années 90, lorsque je fus saisi par un salarié d'un litige l'opposant à son employeur. L'affaire était la suivante : salarié d'un CFA, l'homme était en arrêt maladie depuis deux ans et venait d'être licencié. Lors de son arrêt maladie, il avait été élu conseiller prud'hommal, ce dont l'entreprise aurait du être informée par une notification du greffe, mais en l'occurence suite à un changement d'adresse elle n'avait pas reçu le courrier. Lors de l'entretien préalable, le salarié n'avait pas fait état de sa qualité de salarié protégé. Et il avait ensuite attaqué le licenciement en nullité pour violation du statut protecteur. L'entreprise faisait valoir que la charge de la preuve du statut pesait sur le salarié et qu'il n'avait pas fait état de sa qualité. L'employeur avait gagné devant les prud'hommes et la Cour d'appel. L'affaire était en cassation lorsqu'au détour d'une rencontre, le conseiller masqué me transmet le dossier et me demande mon avis. Défendu par le cabinet Lyon-Caen, l'employeur a des arguments solides. Et la morale de son côté. Pour autant, il me semble que le contentieux peut se gagner techniquement. J'argumente sur le caractère d'ordre public du statut, la publicité de l'élection qui est organisée par la loi et ne peut être mise à la charge du salarié, lequel ne peut supporter le risque d'une défaillance de l'information de l'entreprise. Bingo, la Cour de cassation retient l'argumentation et pour la première fois admet que le salarié n'a pas à faire état de sa qualité. Et notre conseiller silencieux de percevoir trois années de salaire de dédommagement (soit la totalité des salaires jusqu'à la fin du mandat de conseiller prud'hommal). Nouvelle preuve que la morale et le droit ne se recouvrent qu'imparfaitement et que l'on peut sacrifier l'éthique à la beauté du geste, comme le banderillero peut aimer le taureau qu'il affronte.

DSCF7446.JPG

Catherine Huppey - Sans titre -

Dans sa décision du 16 février 2011, la Cour de cassation renouvelle, quasiment dans les mêmes termes, son analyse. Un salarié élu conseiller prud'hommal ne fait pas état de sa qualité à son employeur lors de son entretien préalable au licenciement. Mauvaise foi et déloyauté argumente l'entreprise. En vain, il n'y a pas tromperie assure la Cour de cassation et le silence ne vaut pas mensonge par omission. Le salarié obtiendra gain de cause. La morale n'y trouve pas son compte, mais on en voudra pas plus à l'avocat qu'au banderillero.

Arrêt16Fevrier2011.pdf

25/08/2009

Le myope voyant

Lucien Clergue présente à Arles, à l’Abbaye de Montmajour dans le cadre des Rencontres de la Photographie, qu’il a fondées il y a 40 ans, des photos de corrida et de nus superposées à des peintures, souvent religieuses. La double exposition du film n’aboutit pas à la fusion des images, comme le ferait l’informatique, mais à une image unique porteuse de ses propres émotions, références et lumières. Une photo est-elle autre chose que de la lumière projetée et le regard du photographe une manière personnelle d’éclairer le monde ?

lucienclergue701Lachutedel'ange.jpg
Lucien Clergue - La chute des anges

Lucien Clergue est myope. Très myope. Il porte de lourdes et peu esthétiques lunettes. Il y voit donc mal. Voilà pourquoi il nous aide à voir et nous dévoile.

Jocaste ensorcelée - Passion de St Martin.jpg
Jocaste ensorcelée                        La passion de Saint-Martin

L’invitation de Lucien Clergue, au-delà de la promenade esthétique, corporelle et fantasmatique à laquelle il nous convie avec ses photos en devient plus profonde : utiliser nos limites pour bousculer nos limites, faire de nos handicaps des atouts ou encore refuser de subir pour mieux s’approprier. Le plaisir, avec Lucien Clergue, est aussi pédagogique.

15/04/2009

Double je

L'atelier du Pont Vaillant au coeur du village de Sorèze, au pied de la Montagne noire. Une façade vitrée laisse deviner quelques peintures et dessins affichés dans l'atelier. Le passant hésite puis pousse la porte. L'accueil est aussi chaleureux que le temps est froid et humide. Au visiteur inconnu il est proposé de partager le thé en famille. Pendant que l'eau chauffe, le regard se pose sur les toiles, les dessins, les esquisses, les croquis utilisant mille techniques : huile, cire, fusain, pastels...les styles eux-mêmes sont différents. La confrontation directe avec les oeuvres de Catherine Huppey provoque les sens : douceur des peintures sur le temps qui passe, mouvement des dessins préparatoires à une série consacrée aux mythes. Mais la confrontation la plus étonnante est celle de l'artiste avec ses dessins. Calme, douce, sereine, d'une humilité naturelle confondante, Catherine Huppey présente son parcours et son travail. Au sein de  l'atelier la vie est plus lente, le temps un concept tout relatif et pourtant, ceci :

catherineHuppey.jpg
Catherine Huppey - Dans l'arène

Est-il nécessaire de préciser que Catherine Huppey n'aime pas la corrida ? Mais à découvrir le taureau entravé, on souhaiterait assister à la corrida que constitue l'acte de dessiner.
huppey57.jpg_595.jpg
Catherine Huppey - Taureau entravé

Il est souvent fait référence au "Je est un autre" de Rimbaud. Si la formule appelle différentes interprétations, (de l'impossibilité de se connaître vraiment soi-même à la nécessaire schizophrénie qui nous habite en tant qu'êtres doués de possibilités inverses) elle peut éclairer les oeuvres présentées ici. Après coup, on se demande quel recruteur aurait osé confier à Catherine Huppey en la voyant et en lui parlant la réalisation d'une série d'oeuvres consacrées à la corrida. Et une fois de plus, on constatera que recruter est bien un métier impossible.