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22/11/2010

Diable !

L'affaire à fait le tour des medias ce week-end : le licenciement pour faute grave de salariées pour des propos échangés sur Facebook à propos de leur manager. Rappelons tout de même que tout ceci se passe au sein d'un service ressources humaines et qu'il s'agit d'une cadre chargée du recrutement qui appelle quasiment au harcèlement moral de la DRH par ses collègues. Suffit-il d'assortir l'appel de smileys et ricanements pour que l'on soit dans la petite plaisanterie de machine à café sans importance ? tel n'est pas l'avis du Conseil des prud'hommes de Boulogne-Billancourt qui considère, après un départage toutefois, que les propos sont graves et sanctionnables. Les salariées plaidaient le caractère privé de l'échange, tenu un samedi soir sur une page Facebook dite "privée". Mais le juge constate que la page en question est accessible aux amis des amis, en d'autres termes à tout le monde puisque l'ami Facebook on  commence par l'admettre comme ami avant de le connaître. Et les salariés consternés de découvrir que leur comportement enfantin n'est pas assorti de l'enfantine irresponsabilité qui devrait aller avec. Pan sur les fesses des "adulescents" peut conscients qui ont oublié que  sur le net Facebook s'écrit souvent Face de bouc, visage du diable qu'il ne faut donc pas s'étonner de voir surgir.

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Clovis Trouille - L'adoration du bouc

Et voilà qui nous ramène à la seconde affaire qui a fait le tour des medias ce week-end, les déclarations du pape sur le préservatif. Ici, point besoin d'un long discours pour voir surgir le diable, il suffit de s'en remettre aux talents du dessinateur Schot. Bon lundi  à tous.

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Schot - Benoît XVI

20/11/2010

Et que le siècle te soit doux

Vendredi à 16h11 un petit d'hommes est devenu présent à lui même, présent aux autres et présent au monde.

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André Masson - Eclosion V - 1956

A peine était-il extrait de l'univers originel, que son regard furetait. Les yeux, étonnamment matures, allaient de tous côtés, il était urgent de prendre la mesure du nouveau monde. Que ce surgissement animal demeure et que tous les animaux en toi trouvent à s'exprimer.

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André Masson -Esprits animaux - 1957

Et que le comportement de furet demeure également. Qu'il te soit loisible de fureter dans les rues, dans les villes, dans les bibliothèques, sous les jupes des filles, dans tout lieu improbable et au final où bon te semblera, dans un foisonnant plaisir.

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André Masson - Formes jubilantes - 1958

Pour ton édification nous te livrerons la légende indienne : deux loups vivent en toi, l'un méchant l'autre bon. Et il s'affrontent. Le vainqueur est celui que tu nourris. A toi de choisir le loup qui, avec toi, tracera ton chemin.

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André Masson - La femme multipliée - 1957

Tu connais déjà la légende juive : à chaque naissance une âme est envoyée habiter un corps. Cette âme immémoriale possède toute connaissance. Mais comme il serait insupportable de vivre en pleine connaissance, un ange passe quelques secondes après la naissance et voile un instant les yeux de l'enfant, le replongeant dans l'innocence. J'ai vu ton regard, mais je n'ai pas vu l'ange.

Que le siècle qui s'offre à toi te soit doux Ioannes.

19/11/2010

S'ils le veulent bien

C'est un des articles les plus fameux du Code civil, vieux de plus de deux siècles. Il s'agit de l'article 1134 qui affirme solennellement que "Les conventions légalements formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites". Autrement dit, les conventions qui respectent la loi méritent d'être élevées à la dignité de la loi. Sans oublier jamais qui les a faites reines. Cette conception du contrat, individuel ou collectif, n'a guère évolué depuis 1804. La loi toute puissante concède au conventionnel d'occuper le terrain que l'on accepte de lui céder, moyennant la redevance permanente de la déférence. Et gare à qui voudrait s'affranchir des limites du champ dans lequel il convient de brouter avec bonne humeur : la loi veille et elle ne plaisante guère.

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La déférence est souvent présente chez les négociateurs d'accords collectifs de travail soit par recherche du confort de l'abri légal, soit par crainte de la transgression, soit par tactique pour négocier a minima, soit par conception hiérarchique des rapports entre la loi et l'accord. Bref, les bonnes, et surtout les mauvaises, raisons ne manquent pas laisser à la négociation une place seconde. En cette période où vont s'ouvrir des négociations sur la formation professionnelle au niveau des branches, il serait souhaitable que les partenaires sociaux affirment cette autonomie et, pour paraphraser Reine Malouin, qu'ils la prennent et n'attendent pas qu'on la leur donne. La chronique réalisée avec Jean-Marie Luttringer pour l'AEF indique comment la négociation de branche pourrait être un espace d'autonomie et d'innovation, si les négociateurs le veulent bien.

La négociation de branche sur la formation professionnelle.pdf

18/11/2010

Les gitanes et l'alternance

Lorsque Goya peint la Maja nue, à la fin du XVIIIème siècle, il honore une commande. Il ne peint ni une allégorie, ni une image mythique et certainement pas LA femme. Il peint une femme, corporellement présente, dont la brosse rend tous les détails de la peau en lui ajoutant, puisque telle est la vocation de la peinture, de la lumière. La gitane est bien réelle et pourtant elle ne pèse guère sur le canapé qui la reçoit : elle est un rai lumineux incarné.

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Goya - La Maja nue - 1800

Lorsque Goya, toujours à l'initiative du même commanditaire, peint la Maja vêtue, il n'habille pas la Maja nue, il peint autrement sa nudité, qui n'est pas moins provocatrice pour ne plus l'être si directement. Les deux toiles étaient commandées pour aller ensemble. La Maja vêtue cachait la Maja nue avant que de s'exposer à ses côtés. On peut préférer l'une ou l'autre, il n'y a nulle hiérarchie entre elles, chaque tableau mettant en valeur l'autre et les deux s'en trouvant rehaussés.

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Goya - La Maja vêtue - 1802

Le Président de la République et le nouveau Ministre du Travail souhaitent développer la formation par alternance. On ne peut que se féliciter de l'initiative. L'alternance offre des situations pédagogiques diversifiées qui permettent de mieux assurer le développement de compétences. Le passage du milieu éducatif au milieu du travail ouvre de plus larges espaces d'apprentissage qu'un milieu endogène. Encore faut-il ne pas établir de hiérarchie. On s'inquiète un peu lorsque Xavier Bertrand déclare que l'alternance permet de mieux apprendre un métier ou qu'elle est le moyen prioritaire de lutte contre le chômage. Elle est avant tout un dialogue entre l'apprentissage en milieu éducatif et l'apprentissage au travail. Sans rapport de hiérarchie entre les deux. Il serait temps de mettre fin à la duplicité de certains qui ne voient pour les uns que temps perdu à se couper des réalités dans les enseignements scolaires et pour les autres que vil travail normé et abrutisssant dans l'entreprise. L'alternance, c'est le moyen de permettre à deux mondes qui vivent dans le confort de leur ignorance réciproque de dialoguer , à l'instar des Maja de Goya, pour le plus grand profit de ceux à qui elle est destinée.

17/11/2010

La formation contre la professionnalisation

Lorsque le système de formation continue s'est construit, au début des années 70, il s'agissait d'accompagner les salariés dans leur développement professionnel et de fournir aux entreprises les compétences dont elles avaient besoin. Des objectifs moins affichés, mais non moins importants, étaient également visés, dont celui de faire évoluer, grace au développement de la pédagogie pour adultes, les pratiques de formation initiale. Pédagogie par objectif, approche par les compétences, individualisation, formations modulaires, e-learning, autant de méthodes de formation qui démontrent que l'objectif a été en partie atteint. En partie seulement car la règlementation, fiscale notamment, a posé une définition de la formation qui certes est partie du stage en 1971 pour évoluer vers l'action de formation en 1986 et, timidement, vers le parcours de formation à compter de 2003/2004, mais qui fondamentalement n'a guère cassé le schéma de l'action de formation conçue, comme en formation initiale et au théâtre, sur l'unité de temps, de lieu et d'action. Combien de formations sont aujourd'hui produites en dehors de ce traditionnel schéma ?

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Guy Johnson - The Study - 1985

Comme le sait manifestement Guy Johnson,  il existe bien d'autres modes d'apprentissage : l'analyse de pratiques, le retour d'expériences, les communautés de pratiques, les réseaux d'experts, les colloques, le coaching, l'activité tutorée, la mise en situation, etc. Toutes ces actions entrent mal dans la définition formelle de l'action de formation et l'on ne peut pas dire que l'administration du travail ait véritablement encouragé l'innovation en se transformant trop souvent en administration fiscale soucieuse davantage du respect des règles que des résultats obtenus. Le reproche vaut pour la majorité des OPCA qui ne se sont que trop rarement autorisés à braconner pour de bonnes causes ou plutôt, puisqu'ils n'ont pas à être des pirates, à solliciter des lettres de mission pour devenir des corsaires.

De ce fait, la règlementation n'a pas constitué un outil d'innovation pédagogique, mais au contraire un frein au développement professionnel. Il est significatif à cet égard que l'on en soit encore à promouvoir les plans de formation dans les entreprises, alors qu'il faudrait plutôt gérer des plans de développement professionnel dans lesquels la formation ne serait qu'une modalité du développement. Mais la concentration des financements sur le moyen formation a bridé cette évolution qui aurait vu la disparition des services formation au profit de services du développement professionnel. Gageons que les premiers secteurs professionnels qui s'affranchiront du cadre règlementaire pour se doter des moyens de financer des actions non imputables mais d'un intérêt certain pour la professionnalisation des salariés, ouvriront une brèche dans laquelle on se bousculera pour s'engouffrer. Il ne sera que temps.

16/11/2010

Le bagage lent de l'esprit

C'est ainsi que Michel Leiris, dans "Glossaire, j'y serre mes gloses", définit le langage. La première publication du "Glossaire..." est accompagnée d'une explication : "le sens usuel et étymologique d'un mot ne peuvent rien nous apprendre sur nous mêmes, puisqu'ils représentent la fraction collective du langage, celle qui a été faite pour tous et non pour chacun de nous. En disséquant les mots que nous aimons sans nous soucier de suivre ni l'étymologie, ni la signification admise, nous découvrons leurs vertus les plus cachées et les ramifications secrètes qui se propagent à travers tout le langage(...) alors le langage se transforme en oracle et nous avons là (si ténu qu'il soit) un fil pour nous guider, dans la Babel de notre esprit".

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J.W Godward - Oracle de Delphes - 1899

Parmi les définitions des mots donnés par Leiris, relevons :

SAVEUR - C'est la douceur des laves ; LEVRES - On les lit comme des livres ; UNITE - Nudité : nid de l'éternité ; EMMERDANT - Le mal de mer et le mal de dent ; AVENTURE - Les mâtures aveugles sont avides de vent  ; et pour nos amis juristes CLOISON - Le cloître ou la prison, une loi ; UNIFORMITE - Inutile monotonie de la norme figée.

Alice dirait qu'il n'est pas en notre pouvoir de faire dire aux mots autre chose que ce qu'ils veulent dire. Et pourtant si. Quelques exemples pour montrer que l'usage courant n'est pas l'usage juridique et que cette dissociation peut être source d'incompréhension.

REPOS : en langage usuel, immobilité, sommeil, quiétude. En droit du travail, temps pendant lequel on ne travaille pas (mais qui peut être un temps actif, éveillé ou de stress...ou de formation). Ainsi est on en repos pendant les deux heures de transports  qui nous ramènent à domicile.

TEMPS DE TRAVAIL EFFECTIF : en langage usuel, temps pendant lequel on travaille effectivement. En droit du travail, temps pendant lequel on se tient à la disposition de l'employeur. Ainsi peut-on être au placard en travail effectif ou dormir pendant du travail effectif (veilleur de nuit).

PLANS DE DEPART VOLONTAIRES : en langage usuel il s'agit d'un oxymore. Comment programmer des départs s'ils sont volontaires ? en droit du travail, proposition de départs négociés excluant les licenciements.

Il n' est pas étonnant  dès lors que le droit soit incompréhensible à qui l'aborde avec les définitions usuelles. Pas étonnant non plus que le débat juridique porte souvent sur ce que les mots veulent dire. Et comme le sens des mots n'est jamais qu'une synthèse de signification multiples et évolutives, la discussion demeure non seulement possible mais également souhaitable. Car les pays dans lesquels les mots ont le même sens pour tous est inévitablement une dictature.

Pour terminer sur une note plus légère : FIANCEE - Au fil des ans défi lancé.

 

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Elle fait au miroir de l'abîme sa toilette étrange de fiancée

15/11/2010

Vive la complexité !

Tout dans l'image invite à la rêverie : la mer, le sommeil, la langueur infinie de la fin d'après-midi, la douceur des couleurs. La géométrie des formes est invraisemblable : table ronde, angles droits, mer ourlée, courbes du corps, lignes horizontales du paysage, lignes verticales de la véranda. Le dégradé des couleurs est une féérie hasardeuse, comme souvent les fééries : bleu de la mer et de l'automobile, vert des arbres et de l'herbe, jaune orangé du pré et corps moiré qui fait pénétrer le soleil dans l'image. Et puis l'histoire ou plutôt les histoires. La jeune femme attend-elle celui que l'automobile annonce ? fait-elle repos au contraire après une conduite à vive allure sur les routes sinueuses de la côté ? son corps de sportive anglo-saxonne emprunte une toute orientale lascivité : où sommes-nous véritablement ? ici, on peut penser à Paul Morand, Paul Bowles ou se croire dans une BD de Loustal. Je tiens cette image pour l'équivalent de la tempête de Giorgione. Un chef d'oeuvre.

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Saul Leiter - Lanesville

Pour produire cette merveille, Saul Leiter a appuyé sur le bouton d'une boîte photographique. L'appareil photo est une machine complexe qui peut s'utiliser très simplement et livrer d'admirables résultats. Certes, l'on peut faire des utilisations sophistiquées et il existe des experts. Mais l'appareil est accessible à tous, quelle que soit la complexité interne.

On a beaucoup reproché au système de formation professionnelle sa complexité. En mélangeant tout. Qu'un système soit complexe, la belle affaire. Comment ne le serait-il pas alors qu'il se propose d'éduquer, d'intégrer, de reclasser, de promouvoir, de professionnaliser, d'accompagner, de réinsérer, de développer ou encore de qualifier des millions d'individus avec des moyens nécessairement diversifiés  et en sollicitant le concours d'acteurs multiples. Que le système soit complexe est consubstantiel à sa nature et après tout c'est l'affaire des professionnels que de veiller à ce que seules les complexités nécessaires se développent. Par contre, comme l'appareil photo, le système doit être simple pour l'utilisateur. C'est au professionnel qu'il appartient de se débrouiller avec la complexité et il faillirait à sa tâche s'il la reportait sur ceux pour le compte desquels il travaille. Tout l'effort des acteurs doit tendre non pas à partager sa technicité avec les bénéficiaires, objectif absurde, mais à favoriser la prise de décision autonome. A l'aune de ce critère, nous aurons progressé lorsque les entreprises et les salariés ne seront plus encombrés d'informations institutionnelles, juridiques ou jargonnantes (et souvent les trois à la fois) pour leur expliquer tous les dispositifs de formation mais lorsqu'on les informera à partir de leurs propres préoccupations et à partir de solutions clés en main. Ouvrir la boîte noire, ce n'est utile que lorsqu'elle ne marche plus ou en cas d'accident. Le reste du temps, il faut juste s'en servir en appuyant sur le bouton.

13/11/2010

A la rue

Intermède du week-end. L'automne prend ses couleurs d'hiver, la pluie s'invite,  les manifs se sont taries, est-ce une raison pour tirer la couette et oublier la rue et ses surprises ?

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Aux cinq coins

Oser et faire du bruit
Tout est couleur mouvement explosion lumière
La vie fleurit aux fenêtres du soleil
Qui se font dans ma bouche
Je suis mûr
Et Je tombe translucide dans la rue

Tu parles, mon vieux
Je ne sais pas ouvrir les yeux?
Bouche d'or
La poésie est en jeu

Blaise Cendrars

12/11/2010

Droit braconnier

Le braconnier a rarement bonne image. Il faut dire que le chasseur d'ivoire qui décime les éléphants, le traqueur de fourrures rares, le marchand d'espèces protégées ne sont guère plus fréquentables que recommandables. Foin du braconnage organisé donc. Mais il est d'autres types de braconniers. Historiquement, le braconnier  chasse illégalement sur les terres du seigneur. Il est donc celui qui n'accepte pas l'ordre établi. Rappelons que le privilège de chasse fut aboli le 4 août 1789 avant d'être rétabli en 1844. Le braconnier chasse sans titre et à ce titre il connaît la forêt, la nature, les espèces, les animaux, mieux que personne. Mais surtout, il s'écarte des chemins forestiers, des routes de campagne, il défriche de nouveaux espaces, ouvre de nouvelles voies, emprunte des passages détournés dans lesquels nul n'ose s'aventurer et créé une nouvelle géométrie des forêts qui ne sont pas sa propriété mais qui constituent son domaine et son terrain de jeu. Comme le rêve est une fenêtre ouverte sur l'inconscient, le braconnage est un rêve à l'invisible réalité.

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Marie-Laure Messir - Bulle nocturne

Mais si le braconnier est celui qui s'affranchit des règles, que peut signifier l'oxymore droit braconnnier ? tout simplement que l'innovation, en droit comme en d'autres domaines, peut passer par la transgression et qu'il est parfois nécessaire d'aller aux limites de la règle pour la faire évoluer. Qui ne s'autorise à sortir des allées forestières ne connaîtra jamais la forêt. Qui s'applique à appliquer le droit en devient au mieux le serviteur, au pire l'esclave. Penser la règle, c'est souvent penser contre la règle, c'est à dire confronter le droit aux autres sources de décision, de pouvoir, de régulation, de légitimité. La règle de droit réduite à elle même, c'est le chemin des promeneurs du dimanche qui tiennent leur chien en laisse et considèrent avec méfiance tout champignon. Le braconnier c'est celui qui s'autorise à entrer dans le bois, à vivre avec les arbres et tous les habitants de la forêt et à apprendre à connaître animaux et champignons plutôt que de s'en défier. Bref, une autre manière d'exprimer le très juste "Que juriste, pas juriste". Mais à quoi reconnaîtra-t-on les bons braconniers et ceux qui ne sont toujours pas fréquentables ? car si chacun s'institue braconnier n'est-ce pas la fin de l'Etat de droit ? proposons quelques critères : le braconnier fréquentable ne nie pas la loi, il la connaît très bien, il ne la conteste pas globalement mais seulement en certains de ses effets, il est soucieux des conséquences de ses actes, et il agit artisanalement. Et peut être un dernier critère : le braconnier indéfendable est celui qui méprise ou menace le garde-chasse, le  plus fréquentable braconnier n'est pas l'ennemi du garde-chasse, car il sait ce qu'il a en commun avec lui. Car on peut à la fois aimer le garde-chasse et le braconnage, n'est-ce pas Constance ?

11/11/2010

Armistice ?

Assuré d'être confirmé dans sa fonction de Premier Ministre, François Fillon a eu le souci de montrer qu'il pouvait parfaitement incarner lui-même le "virage social", dont on ne sait très bien d'ailleurs en quoi il pourrait consister. Il s'est ainsi prononcé pour une meilleure articulation entre la démocratie politique et la démocratie sociale. Louable intention, même si les vieux réflexes ne seront pas perdus en un jour. Après avoir garanti que les partenaires sociaux auraient un rôle plus important à jouer à l'avenir, l'ex et futur Premier Ministre a rappelé qu'en tout état de cause, il revenait au politique d'avoir le dernier mot. Il ne s'agit après tout que d'une perpétuation de la phrase d'André Laignel qui avait fait scandale en 1981 : "Vous avez politiquement tort car vous êtes juridiquement minoritaire" (s'adressant à l'opposition à l'Assemblée). Il a toujours été difficile pour tous les gouvernants de considérer que leur légitimité n'était pas nécessairement universelle et qu'avoir gagné un vote ne garantissait pas d'avoir politiquement raison sur tous les sujets. Mais en ce jour d'armistice souhaitons que le dialogue entre les représentants politiques et les partenaires sociaux s'oriente vers l'apaisement pour le profit de tous.

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Elisabeth-Louise VIGEE-LE BRUN - La paix ramenant l'abondance - 1780

Nous pourrons rapidement vérifier, dans le domaine de la formation professionnelle, si l'armistice est durable. Tous les OPCA perdent leur agrément à la fin de l'année 2011 et des négociations doivent s'engager, certaines ayant déjà abouti, pour recomposer le paysage des OPCA. Pour guider cette négociation, l'Etat a fixé des règles précises dans la loi du 24 novembre 2009 et le décret du 22 septembre 2010. Toutefois, des espaces de négociation demeurent et doivent permettre à la créativité des partenaires sociaux de s'exprimer, tout en s'appropriant la redéfinition des missions et des modalités de fonctionnement des OPCA. Ce n'est guère par l'autorité, voire  l'autoritarisme que l'on produit de l'implication, mais au contraire en responsabilisant. Dans un premier temps, la balle est dans le camp des partenaires sociaux. A eux de prendre l'initiative de négocier en utilisant tous les espaces disponibles. Ensuite nous jugerons sur pièce de la position de l'Etat. Dans l'attente, voici la chronique rédigée pour l'AEF avec Jean-Marie Luttringer qui fait le point sur les limites et marges de manoeuvre pour les négociations sur les OPCA.

Limites et autonomie contractuelle de la négociation OPCA.pdf

10/11/2010

Assurés, pas assistés

Lundi, je concluais la chronique en écrivant qu’en matière de recul du collectif on n’avait pas tout vu. Il n’aura pas fallu longtemps. Reprenant une proposition de David Cameron qui souhaite que les chômeurs effectuent un travail d’intérêt général en contrepartie de leur indemnisation, plusieurs voix s’élèvent pour que la même mesure s’applique en France. Le Figaro en fait un article et trouve trace de cette proposition dans le programme de Nicolas Sarkozy. Qu’attend-on alors pour demander une contrepartie à ceux qui reçoivent des revenus du système social ?  l’oisiveté n’est-elle pas mère de tous les vices ?

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La dérive qui pointe sous cette question vient de loin. Mais commençons par le début. Le régime d’assurance chômage n’est pas un régime d’assistance chômage. Tout demandeur d’emploi doit son indemnisation aux cotisations qui ont été versées à l’occasion de son travail. Il s’agit donc d’un droit et non d’une aumône. Certes lorsque le salarié bascule en allocation de solidarité en fin de droit celle-ci est payée par l’impôt. La belle affaire : pour être y prétendre, il faut avoir travaillé 5 ans dans les dix dernières années. Et à cette occasion avoir payé des impôts qui ont financé, notamment, l’allocation de solidarité de demandeurs d’emploi. Chacun son tour en quelque sorte, c’est ce que l’on appelle la solidarité. Et, faut-il le rappeler, les indemnités d’assurance chômage sont assujetties à impôt. En somme, demander un travail en contrepartie de l’assurance chômage, c’est comme demander de travailler pendant les congés payés.

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La  véritable perversion du raisonnement est de faire un lien direct entre les risques couverts par les régimes sociaux au sens large, et la contribution de chacun. Sur ce principe, il faudrait refuser l’accès aux services publics à ceux qui ne paient pas d’impôt. Et ceux qui paient des impôts sans jamais aller à l’hôpital ou scolariser des enfants à l’Education nationale pourraient demander remboursement d’une partie de leur imposition au nom d’un nouveau bouclier fiscal qui voudrait que chacun ne finance que ce dont il profite et que chacun ne profite que de ce qu’il finance.  Allons encore plus loin, la même dérive est à l’œuvre lorsque l’on veut facturer au promeneur égaré le coût de l’hélicoptère qui le récupère en montagne. A quand la facture des pompiers sollicités en cas d’incendie parce qu’on a imprudemment mal réparé l’électricité ?  Autant dire qu’à ce stade, il n’y aurait plus guère de société.

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Mais ne perdons pas espoir, Benoist Apparu s’est prononcé contre l’application du  travail d’intérêt général. Sursaut moral ? conscience civique ? pas du tout, simplement « organiser trente heures de travail mensuelles pour deux ou trois millions de chômeurs c’est trop compliqué ». Sur ce coup là, perdu !

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09/11/2010

Au Loup !

L'affaire Baby Loup revient à la une des medias avec, hier, l'audience devant le Conseil des Prud'hommes de Mantes-La-Jolie. Rappelons l'affaire : au retour d'un congé parental, une salariée d'une crèche se présente voilée. La directrice lui rappelle le principe de neutralité religieuse inscrit dans le règlement intérieur et lui demande de travailler sans voile. La salariée refuse, elle est licenciée. La Halde est saisie, les prud'hommes également et l'affaire s'emballe. Et cet emballement, comme souvent, nous plonge dans l'idéologie et nous éloigne du droit. S'indignent à l'unission des tenants de la laïcité, des féministes, des xénophobes qui n'acceptent les voiles que pour les femmes dans les Eglises ou devant le Pape, des racistes de tout poil, etc. Curieux assemblage a priori, mais devant la confusion des arguments il ne faut pas s'étonner de la confusion des genres. Et la nouvelle présidente de la Halde, loin de remettre de la rationnalité dans le débat, ce qui est après tout sa fonction,  d'encourager le délire argumentaire en invoquant pour justifier son avis sa propre histoire personnelle. A force de crier au loup, on finit par ne plus s'entendre et par ne plus rien y  comprendre.

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Annabelle Guetatra - Sans titre - 2009

Mais revenons au droit. Que disait l'avis si critiqué de la Halde qui considérait le licenciement illégitime ? trois choses. La première est qu'une entreprise privée n'est soumise à aucune principe de neutralité religieuse. La deuxième est que tout salarié jouit d'une liberté religieuse à condition de ne pas faire de prosélytisme et de ne pas se soustraire à ses obligations contractuelles pour des raisons religieuses. Depuis longtemps, il est admis que le seul port d'un insigne ou vêtement religieux n'est pas en soi du prosélytisme. Et la troisième que tout employeur a la possibilité d'apporter des restrictions aux libertés individuelles pour des raisons objectives et par des décisions proportionnelles. En l'occurence, la crèche Baby Loup n'avait pas à faire figurer la neutralité religieuse dans son règlement intérieur ni à licencier au motif du non respect de cette neutralité que seule la loi pourrait consacrer. Elle devait règler la seule question qui vaille : le port du voile est-il incompatible avec la fonction de directrice adjointe d'une crèche compte tenu de la nature des fonctions correspondantes ? des questions de cette nature, les tribunaux en ont déjà tranché plusieurs : l'opératrice sur un plateau téléphonique ne peut être licenciée pour cause de port du voile, mais la salariée qui s'occupe d'enfants autistes et refuse de se déshabiller pour les surveiller pendant la baignade si. Ce que nous dit le droit, c'est que le problème ne doit pas être posé en terme de religion. Raté. Et le pire est encore peut être à venir quand on entend la présidente de la Halde dire qu'il y a un vide juridique, ce qui n'existe pas, et Manuel Valls proposer une loi pour interdire le voile dans les crèches. A mal poser les questions, il ne faut pas s'étonner que l'on donne de mauvaises réponses et qu'au final on aboutisse à exactement l'inverse que l'objectif recherché.

Pour qui préfère savoir de quoi il est question avant de s'indigner, l'avis de la Halde sur ce sujet :

AvisHalde-ReligionetTravail.pdf

Et un exemple de courrier adressé à un employeur sur une affaire similaire :

Halde-neutralitédansl'entreprise.pdf

08/11/2010

Le collectif, c'est moi

Le droit du travail peine souvent à appréhender le collectif. Bien sur la loi reconnaît les droits collectifs. Mais leur support est souvent le sujet individuel : ainsi le droit à la négociation collective est un droit individuel exercé collectivement. Pourquoi cette personnalisation du droit ? En grande partie parce que le sujet de droit est l'individu, le support du droit le contrat de travail et que le collectif n'atteint jamais ce niveau d'incarnation. La collectivité de travail est protéiforme, mouvante et jamais stabilisée. Comme l'on ne se baigne jamais dans le même fleuve, on n'est jamais, ou très rarement, face au même collectif, alors que l'individu est un sujet stable de droit.

Cette consécration juridique du sujet s'accorde à l'évolution historique des sociétés occidentales. Le XXème siècle a vu l'individu s'extraire du collectif, s'affirmer, s'autonomiser et demander reconnaissance pour lui-même et non pour son groupe d'appartenance. Il en est résulté une personnalisation plus forte des relations et une mise sous tension corrélative plus importante des individus. Peu de domaines ont échappé à ce mouvement, ainsi que nous le confirme Gérard Larcher.

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L'affiche est placardée sous les arcades de la rue de Vaugirard, face à l'entrée du Palais du Luxembourg. Double stupéfaction en la découvrant. Tout d'abord l'expression "coeur de métier" empruntée au langage managerial paraît bien peu appropriée pour le Sénat qui n'est ni une entreprise, ni une organisation composée de professionnels. La fonction élective n'est pas un contrat de travail et le Sénat n'est pas un site de production de ces choses curieuses que l'on appelle les lois. Le mandat sénatorial devrait plutôt être un métier de coeur qu'un coeur de métier, et l'on s'inquiète de cette inversion des valeurs. La deuxième surprise est que si l'on a pas le nez collé sur l'affiche, seuls sont lisibles les mots "Le coeur de métier du Sénat c'est : Gérard Larcher". La photo est d'ailleurs là pour nous le rappeler. Surprise car on pensait l'homme plus humble et plus soucieux de la nature de sa fonction. Et l'on se dit que si même lui en vient à s'auto-promouvoir dans la plus pure langue de bois manageriale, c'est qu'en matière de recul du collectif, on a sans doute pas encore tout vu.

 

06/11/2010

Passage

Intermède dans ce week-end pluvieux pour retrouver l'été indien un temps disparu.

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L'ardeur de l'été fut confiée à des oiseaux muets

 

05/11/2010

Immobiles en mutation

Il est de bon ton de colporter l’image d’une France frileuse, repliée sur elle-même, régulièrement paralysée par des grèves catégorielles (entendez corporatistes), rétive à tout changement, crispée sur ses petits avantages sociaux  et de français nostalgique d’une France de la sécurité sociale, de la carrière à l’ancienneté, de la promotion sociale générationnelle, du développement de la consommation et des temps de loisirs et n’aspirant qu’à l’emploi public protégé. Bref, le cliché d'une France immobile dans un monde qui bouge. Bien évidemment, ceux qui tiennent pareil discours s’excluent de ce tableau peu flatteur qui brosse le portrait d’un pays profondément conservateur.

L’observation, serait-ce avec une petite lorgnette personnelle, suscite rapidement le doute sur la réalité d’un tel diagnostic. Si l’on prend comme point de départ le droit, et pas seulement du travail,  le rythme de changement des règles n’a jamais été aussi élevé que depuis vingt ans. Si l’on considère les technologies et leur utilisation dans la vie professionnelle ou même la vie courante, les évolutions sont considérables et toujours plus rapides.

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The Mutation - Skwak - 2010

Si l’on regarde du côté des entreprises, les organisations matricielles et autres martingales manageriales viennent s’ajouter aux rachats, restructurations, réorganisations qui font que les secteurs stables font exception. Et l’entrée thématique n’est pas moins révélatrice : qui n’a pu observer des évolutions stupéfiantes ne serait-ce que dans les vingt dernières années, dans le domaine de l’agriculture, de la santé, de la production industrielle, de la grande distribution, etc. Et même le marché du travail, que l’on nous décrit si rigide, connait tous les ans 800 000 licenciements, 180 000 ruptures conventionnelles, sans compter les fins de CDD ou de mission d'intérim, tous mouvements qui se traduisent par des changements d'employeur et parfois d'emploi. Selon l'INSEE, 13 % des actifs changent de profession chaque année.

Pour l’immobilisme, on repassera et tout ceci sent le mauvais procès. La question n’est pas celle d’une impossibilité de réformer mais de savoir quelle réforme, pour quel profit et pour quoi faire. Si l’on oublie la question du sens, on peut toujours considérer qu’en choisissant de gagner Londres pour organiser la résistance en 1940, le Général de Gaulle était résistant…au changement.

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André Masson - Résistance - 1943

04/11/2010

La tentation du simplisme

La défaite de Barack Obama, deux ans à peine après sa triomphale élection, n’est qu’une confirmation de trois phénomènes que les organisations connaissent bien.

Le premier est de s’en remettre à un leader, une personnalité pour garantir le changement. Si ce pari n’est déjà pas simple dans une organisation, au niveau d’un Etat il  ne peut être qu’illusion. Tout changement d’ampleur suppose des évolutions fortes dans les différents corps sociaux et un essaimage des mécanismes du changement. Le leader peut semer des germes du changement, tenter de créer les conditions de sa propagation, mais il ne peut jamais le réaliser à lui seul.

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Emmanuelle Fevre

Le second est que la bataille idéologique est la mère des batailles. La répétition de l’argument tend à le rendre évident plus que sa qualité intrinsèque. Comme le mauvais tube que vous vous surprenez à fredonner parce que vous l’avez entendu cent fois à la radio, le discours le plus caricatural ou grossier peut revêtir les couleurs du faux bon sens lorsqu’il est  répété ad nauseam. De ce point de vue, le Tea Party n’est que l’héritier, à son grand effroi, de Lénine.

Le troisième phénomène est qu’en période de crise, le mode panique gagne plus rapidement le cerveau et que dans ce cas tout ce qui peut apparaître comme complexe devient insurmontable. D’où la tentation d’en revenir aux recettes simples, qui ne sont les meilleures qu’avec des cuisiniers d’exception. Si tel n’est pas le cas, la bascule dans le simplisme et le mauvais goût est immédiate.

Un changement qui ne se décrète pas, une idéologie d’autant plus agissante qu’elle ne se présente pas comme telle et une pensée tenue en laisse par la peur, les enseignements des midterms, au-delà des particularismes américains, ne constituent pas vraiment des surprises. Ils pourraient d’ailleurs bien valoir également outre-atlantique, dans ce petit coin du monde qu’est l’Europe.

03/11/2010

Grenelle ou Talleyrand ?

Comme le frigidaire, l'appellation "Grenelle" est  passée dans le langage commun. Faut-il pour autant en faire un usage immodéré ?  après le Grenelle de l'environnement, le Grenelle de la mer, certains ont appelé à un Grenelle de la sécurité urbaine et voici le futur auto désigné premier Ministre qui réclame un Grenelle de la fiscalité. Personne n'a encore proposé un Grenelle des banlieues (il fut en 2007 question d'un Plan Marschall mais l'aide américaine tarde manifestement à venir), le Grenelle des retraites n'a pas eu lieu et les partenaires sociaux peinent à enclencher le Grenelle du dialogue social. Comme dirait De Gaulle, sauter comme un cabri en criant Grenelle, Grenelle, cela ne fait guère avancer les choses. Et peut être faut-il se souvenir de ce que furent les accords de Grenelle : une augmentation du SMIG (ancêtre du SMIC) de 30 %, une hausse des salaires moyens de 10 %, la reconnaissance des syndicats dans l'entreprise, la réduction de la durée du travail, l'assouplissement des conditions d'accès à la retraite, une grande négociation sur l'emploi, l'engagement d'une négociation sur la formation professionnelle qui donnera l'accord de juillet 1970 puis la loi de juillet 1971...Bref, à peu près exactement l'inverse des tendances actuelles, ce qui confirme que plus on utilise le mot et moins on voit la chose.

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Si l'appellation de Grenelle est restée, c'est parce que le Ministère du Travail, lieu des négociations, a son entrée au 127 de la rue de Grenelle. Mais le bâtiment fait l'angle avec la rue Talleyrand. Vous vous souvenez ?  l'ancien  évêque qui nationalisa les biens du clergé. L'Eglise cria à l'apostat. Et pourtant ! en prévoyant que les biens appartenaient à l'Etat, ils furent ensuite transférés aux communes en grande partie,  Talleyrand, certes avec l'aide du Concordat, inventa un nouveau mode locatif dont l'Eglise tire toujours profit : le curé est le seul, ou quasiment, à pouvoir user du lieu, mais la charge de l'entretien revient à la collectivité publique. Voici un nouveau mode d'accord : celui qui conduit à faire exactement le contraire de ce que l'on annonce. Mais vous voyez l'effet si un dirigeant se mettait à réclamer un Talleyrand des retraites ou de la fiscalité !

Pour mémoire, les accords de Grenelle : Accord_de_Grenelle.pdf

02/11/2010

Fidélité indépendante

Pendant 70 ans, André Kertesz a pris des photos, ne s'interrompant que peu de temps avant sa mort, à 90 ans en 1985. Kertesz, juif hongrois, a traversé le siècle. Cette exceptionnelle longévité a fait de lui le référent des plus grands photographes du XXème siècle : Cartier-Bresson, Brassaï, Doisneau, et bien d'autres. Cartier-Bresson dira à Capa : "Quoi que nous ayons fait, Kertesz l'avait fait avant". L'exceptionnel avec Kertesz est qu'il n'est pas catégorisable : portraits, scènes de rues, architectures urbaines, fragments de villes, cheminées parisiennes et new-yorkaise, célébrités, anonymes, images recadrées, corps déformés, esthétisme aux lignes épurées,...Kertesz aura passé sa vie à donner une phénomènale unité à des genres différents.

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De manière étonnante, en se tenant à distance du monde et des villes, en photographiant des ombres, des reflets, en ne jouant pas de proximité avec les gens qu'il photographie, Kertesz fait preuve d'une poésie humaniste rare.

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Le nuage solitaire qui se heurte aux gratte-ciels new-yorkais rend une humanité bouleversante. Comme ce bateau qui emporte tous les souvenirs de toutes les enfances de tous les adultes du monde.

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N'ayant jamais voulu transiger avec ses commanditaires ni trahir son regard, Kertesz connaîtra l'échec commercial et ne sera reconnu que très tardivement. Timide, mélancolique, introverti, Kertesz fait mais ne parle ni ne montre. Pudeur. Mais qui veut voir Kertesz doit le regarder avec Elisabeth.

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Il la rencontre en 1920 à Budapest. Se rend à Paris, se marie, avec une autre, divorce, revient et repart à Paris avec Elisabeth qu'il épouse en 1931 et qu'il ne quittera plus jusqu'à sa mort en 1977.

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Elisabeth qu'il semble ici protéger, avec bienveillance, alors que ce fut sans doute le contraire. Elisabeth dont la mort fut le drame de ses dernières années. Elisabeth qu'il continua à photographier, à travers un buste de verre.

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Buste qu'il posa sur le rebord de sa fenêtre et qu'il photographia longuement, loin de la rigide altérité des twins towers.

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Kertesz était indépendant, et fidèle. Il n'aimait pas être défini comme surréaliste et sans doute l'épithète ne lui convenait guère. Pourtant, il a incarné  à sa manière très personnelle les trois exigences dont André Breton  ne voulut jamais démériter : l'amour, la poésie et la révolte. Preuve qu'il est possible à toute époque, même les plus rudes, d'exister de manière personnelle, c'est à dire en étant présent à soi, présent à l'autre et présent au monde. Vous pouvez faire l'expérience vous même jusqu'au 6 février 2011 au Jeu de Paume.

01/11/2010

La main dans le sac

La réforme des retraites est donc votée et entrera progressivement en oeuvre. Conseiller social du Président Sarkozy, Raymond Soubie fut un des artisans de cette réforme qu'il tenta, sans grand succès, de vendre aux partenaires sociaux. Le vote intervenu, Raymond Soubie annonce qu'il cesse ses fonctions de conseiller et déclare sur Europe 1 qu'il va redevenir ce qu'il a toujours été : un entrepreneur. Il oublie de souligner qu'il a donné un dernier conseil au Président avant de se retirer : celui de le nommer au Conseil Economique et Social en tant que personnalité qualifiée. Il serait démagogique de souligner que les 3 700 euros d'indemnités viendront utilement compléter le niveau de la retraite de celui qui trouve juste et équitable que ceux qui sont entrés les premiers sur le marché du travail cotisent plus longtemps sans pour autant avoir de droits supplémentaires. Et surtout ce serait faire injure à un entrepreneur aux affaires prospères de considérer qu'il a besoin de cette source de revenu complémentaire.

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Alain Garrigue - La main dans le sac - 1998

En l'occurence, ce qui peut choquer et exaspérer en cette affaire, ce n'est évidemment pas le niveau de revenus de Mr Soubie. C'est la désinvolture persistante de nos dirigeants à ne voir jamais en aucun lieu et en aucune manière de conflits d'intérêts dans les cumuls organisés d'avantages considérés comme des dus. Cette candeur dans l'absence de morale est tellement inscrite dans la culture même de la classe dirigeante qu'elle est étonnée que la question lui soit posée. On ne saurait mieux justifier que chacun n'agisse qu'en fonction de ses intérêts propres, sans souci d'exemplarité ni de cohérence. Le souci de l'intérêt général résiste peu à l'épreuve des faits. La main est dans le sac, et elle compte bien y rester.

29/10/2010

Réappropriation du temps

Le pouvoir rétractile du froid s'est encore vérifié, la chute des températures correspondant à la fonte des cortèges de manifestants. La mobilisation collective touche à sa fin. Tout rentre donc dans l'ordre. Nous travaillerons plus longtemps et nous serons bientôt livrés en essence pour pouvoir le faire.

Que faire pour se prérarer à prendre sa retraite plus vieux ?  passer à l'action individuelle. Faire de la réappropriation du temps, du rythme, de son travail, de sa vie, de sa manière de corporer, un objectif en soi. Ne pas subir. Pour ne pas être contraint par les temps sociaux imposés, il faut créer, ou recréer, un temps personnel habitable. Cela commence tout de suite.

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C'est à la portée de tous, nous sommes en  ce domaine nos pires ennemis. Votre corps et votre esprit vous appartiennent. Il ne tient qu'à vous. Et pour vous entraîner, quelle meilleure période qu'un week-end de trois jours avec une heure de plus volée à la grande horloge du temps. Profitez, vivez l'instant. Par définition, nous avons toute la vie devant nous. Et le meilleur est toujours à venir.