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13/06/2017

C'EST ÉCRIT OÙ ? (SAISON 2)

J’avais il y a quelques années, brocardé les juristes qui cherchent les textes qui autorisent et, à défaut de les trouver, en concluent que « ce n’est pas possible » ou, plus souvent, que « la prudence recommande de s’abstenir », la meilleure solution pour ne pas avoir les mains sales étant de n’en avoir pas du tout (voir ICI).

Le Conseil d’Etat vient de livrer, en matière de VAE, une nouvelle illustration du principe selon lequel il suffit souvent de se référer à la règle générale pour avoir la solution, sans besoin de la conforter par un texte particulier.

En l’occurrence, un candidat demande à obtenir un diplôme d’expertise-comptable par la voie de la VAE. Le service académique rejette sa demande en l’absence de texte précisant les modalités d’accès à ce diplôme par la VAE. Le candidat, tenace, enjoint le Ministère de prendre ce texte et saisit le Conseil d’Etat à cette fin. Il est débouté, mais c’est une bonne nouvelle pour lui. En effet, le Conseil d’Etat considère que la loi prévoyant l’accès à la VAE pour tous les titres professionnels et un décret ayant fixé les modalités procédurales dans ses grandes lignes, il n’était pas nécessaire d’avoir en supplément un texte spécifique pour le diplôme d’expertise comptable. Là où la loi générale suffit, ne nous égarons pas dans les précisions superfétatoires.

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Et du coup, le candidat aurait mieux fait de critiquer la décision de rejet de sa demande, plutôt que d’enjoindre au Ministère de prendre enfin les textes nécessaires, partageant en cela l’erreur des juristes en perpétuelle recherche de textes spéciaux.

Au-delà de la leçon de droit, on tirera également de cette décision la conséquence que l’intégralité des titres et diplômes inscrits au RNCP sont accessibles par la VAE, sauf texte l’interdisant (en particulier dans le domaine de la défense, de la sécurité ou de la santé). Ce qui signifie, il n’est pas inutile de le rappeler, que toutes les compétences peuvent s’acquérir par d’autres voies que la formation. D’où l’adage : « Tout ce qui s’enseigne peut s’apprendre, tout ce qui peut s’apprendre ne peut pas s’enseigner ».

Conseil d'Etat 7 Juin 2017.pdf

05/01/2017

MAINTENANT, IL Y A MOINS DE SAUCE ET PLUS DE LAPIN

Ah, le temps des showmens ! Le temps des formateurs qui entrent dans la salle de formation comme l’acteur sur la scène. Ces formateurs qui ont travaillé leurs effets, affiné le discours et placé les bons mots aux instants judicieux. Ces formateurs qui lors du tour de table oublient les contextes, les métiers, les objectifs, le professionnel et se concentrent sur les personnalités : lesquels vont être bon public, où sont les positifs, qui est le grincheux de service, puis-je dénicher l’expert qui va se mettre en compétition, le pinailleur qui va m’emmerder et qu’il faudra calmer d’entrée, les effacés que j’irai chercher si besoin ? Concentrée dans l’unité de temps, de lieu et d’action, la formation était une performance dans laquelle il s’agissait de tenir (entendez : assurer la durée prévue, exemple : tu vas tenir trois jours sur ce thème ?) et de faire plaisir (entendez : s’assurer de la satisfaction des participants à avoir passé un bon moment avant de retrouver leur quotidien, exemple : ils étaient contents tes stagiaires ?). Aujourd’hui, le multimodal permet de sortir de la performance scénique pour s’intéresser aux apprentissages. Terminé le formateur central dont l’ego se nourrit du regard des autres, bienvenu le formateur périphérique au service des acquisitions et non plus de lui-même. Ne pas faire de la satisfaction le résultat, mais avoir des résultats et en être satisfait.

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04/01/2017

AVANT, POUR ETRE FORMATEUR IL FALLAIT DU TALENT

C’était l’époque où il ne suffisait pas de venir avec un Powerpoint et de le commenter laborieusement, comme ces profs sans talent qui lisent leur cour aux étudiants. Il fallait faire le show, susciter l’envie d’en savoir plus, emporter les stagiaires, les émerveiller, leur ouvrir largement les portes de la connaissance. Transformer le tableau noir en piste aux étoiles.

Lorsque le talent s’amenuise, les salles de formation se vident, comme les églises dans lesquelles les fidèles se lassent de sermons sans relief, inlassablement répétés.

Ce n’est pas la technologie qui videra les salles de formation, mais le manque de talent.

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07/03/2016

T comme....TRANSMISSION

On ne peut rien enseigner à autrui,

on ne peut que l’aider à le découvrir lui-même (Galilée)

Encore Tchouang-Tseu, et encore Jean-François Billeter pour la traduction de ce petit texte qui explique pourquoi un enseignant ne peut transmettre, juste aider à faire acquérir.

Le duc Houan lisait dans la salle, le charron Pien taillait une roue en bas des marches. Le charron posa son ciseau et son maillet, monta les marches et demanda au duc :

-Puis-je vous demander ce que vous lisez ?

-Les paroles des grands hommes, répondit le duc.

-Sont-ils encore en vie ?

-Non, ils sont morts.

-Alors ce que vous lisez là, ce sont les déjections des Anciens !

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La main trouve et l'esprit répond

-Comment un charron ose-t-il discuter ce que je lis ? répliqua le duc ; si tu as une explication, je te ferai grâce ; sinon, tu mourras !

- J’en juge d’après mon expérience, répondit le charron. Quand je taille une roue et que j’attaque trop doucement, mon coup ne mord pas. Quand j’attaque trop fort, il s’arrête (dans le bois). Entre force et douceur, la main trouve et l’esprit répond. Il y a là un tour que je ne puis transmettre par des mots, de sorte que je n’ai pu le transmettre à mes fils, que mes fils n’ont pu le recevoir de moi et que, passé la septantaine, je suis encore là à tailler des roues malgré mon grand âge. Ce qu’ils ne pouvaient transmettre, les Anciens l’ont emporté dans la mort. Ce ne sont que leurs déjections que vous lisez là.

17/02/2016

P comme....PAUSE

C’est du sport !

Quelle est la différence entre un manager et un entraîneur sportif ? Le premier considère que la performance est au minimum linéaire et si possible croissante, le second base tout son travail sur les cycles de performance et l’évidence qu’aucun sportif ne peut être au top de ses résultats toute l’année.

Parmi les premières décisions de Benjamin Millepied lors de sa prise de fonction de la Direction de la danse à l’Opéra de Paris : revoir les rythmes des entraînements, les temps de pause et la récupération. Pour gagner en exigence et performance (petit ajout d'actualité : il a également supprimé les pauses que certaines divas -précision à toutes fins utiles : diva est transgenre- s'octroyaient en lieu et place des entraînements).

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J’ai cherché vainement dans les supports d’entretien annuel un quelconque calendrier qui identifierait les périodes fortes de l’année, les périodes de récupération, les périodes d’acquisition de ressources, etc.  Salarié linéaire, performance linéaire. Loin, assez loin, de la réalité.

Un entraîneur sportif en conclurait que les salariés sont soit épuisés, et donc peu performants, soit dopés, soit en surrégime, ce qui expliquerait quelques pétages de plombs. Mais un entraîneur sportif ça ne connaît pas vraiment le travail.

11/02/2016

N comme...NORMALISATION

Tout un programme

 Dans le document envoyé aux partenaires sociaux en Juillet 2013 pour leur demander de négocier sur la réforme de la formation professionnelle, Michel Sapin demandait à ce que soit revue la définition de la formation professionnelle pour mieux prendre en compte la formation informelle.

L'ANI du 14 décembre 2013 a traduit cette demande en prévoyant qu'une formation associait des objectifs, une ingénierie pédagogique et une évaluation des résultats. La novation résidait dans la disparition du programme, corset rigide qui impose un parcours commun et préétabli, au profit de la possibilité pour chacun d'avoir un parcours dont les contenus sont aussi variés que les besoins individuels.

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Plus on est creux, plus on résonne

Mais fi de tout ceci dans la loi du 5 mars 2014 et avouons notre échec à persuader les députés qui ont bien voulu nous écouter, mais pas vraiment nous entendre, de l’inanité d’imposer un programme standard à des adultes en formation continue.

Les esprits de nos représentants sont ainsi normés que la formation initiale occupe toute la place et qu’il ne saurait y avoir de formation sans programme. Pire : l’absence de programme serait la démonstration que ce qui est proposé n’est pas de la formation.

A ce stade, ce n’est plus une norme, c’est un dogme…ou la peur du vide.

09/02/2016

L comme....LIBERTE

N’attends rien, désire tout (Raoul Vaneigem)

 

 Apprendre une recette ou apprendre à faire la cuisine ?

La formation recette est celle qui apprend à sélectionner les ingrédients, livre les secrets de la préparation, fournit les temps de cuisson, donne les variantes possibles et enseigne la reproduction. Elle séduit par l'immédiateté de son résultat. Elle est montrable et valorise celui qui apprend. Toutefois, à la troisième invitation, le convive peut se lasser et le cuisinier aussi. Il faut d'autres recettes. La formation, à terme, crée donc la dépendance et non l'autonomie. Elle fournit les poissons, mais n’apprend pas à pêcher. Vite, encore un poisson !

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La formation qui apprend la cuisine prend son temps. Elle parle des mets : légumes, condiments, viandes, poissons, coquillages, agrumes, arômes, piments, épices, herbes...Elle parle des méthodes : cuissons, macérations, émulsions, saisies, marinades...Elle parle de mélanges : assortiments, goûts, saveurs, correspondances, oppositions, mariages. Elle vous livre les conditions de la production, vous ouvre les voies et chemins, vous outille pour l'aventure mais ne vous tient pas la main et refuse de vous inviter à reproduire. Elle a, comme le cuisinier, l'exigence de la création. Le goût de l'autonomie et de la liberté. Elle ne garantit pas la satisfaction immédiate de l'invité mais organise les conditions de la surprise.

Mais foin d'oppositions : pour libérer tous les possibles, la formation prendra soin d'apprendre la cuisine tout en suggérant quelques recettes. Bon appétit !

06/02/2016

J comme...JEU

Je(u) est un autre (Arthur Rimbaud)

Apprendre par le jeu est une évidence…pour les enfants. Les adultes peuvent également être convaincus, mais ils l’assument mal. Le temps où les surréalistes se réunissaient dans les cafés pour ouvrir l’esprit, l’éventail des possibles et la manière de vivre par le jeu est bien lointain. 

Car quand les adultes se tournent vers le jeu, il faut qu’il soit sérieux. Ainsi les économistes ont consacré par des prix Nobel plusieurs tenants de la théorie des jeux, qui rationnalise le ludique. 

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Apprentissage de l'amitié

En formation, terrain pourtant propice, le mot jeu est tellement imprononçable qu’on est allé chercher « game » en s’empressant de lui rajouter un « serious » destiné à éliminer toute équivoque.

Et voilà comment au lieu de développer des pédagogies du jeu pour l’apprentissage, on se retrouve à créer des « serious games ». En oubliant que celui qui renonce à sa part d’enfance renonce à lui même.  Franchement, vous trouvez ça sérieux ?

26/01/2016

E comme....EVALUATION

Le suicide du Minotaure et le tri sélectif

 Enfant de Pasiphaé et d’un magnifique Taureau offert par Poséidon à Minos, le Minotaure fût rapidement relégué dans le labyrinthe de Dédale. Assigné à un rôle de monstre, désocialisé, il se comporte comme tel en dévorant les jeunes gens qui lui sont offerts en sacrifice. Si l’on s’en tient au mythe, Thésée a vaincu ses peurs et ses pulsions en triomphant du Minotaure, image de l’homme surmontant son animalité pour ensuite filer le parfait amour avec Ariane. On notera toute de même que l’affranchissement est ici fondé sur le meurtre.

Mais si l’on veut bien s’écarter un peu de l’histoire officielle, il apparaît assez vite que si le Minotaure ne l’avait pas voulu, jamais Thésée ne serait parvenu à l’abattre. Le Minotaure, ne supportant plus d’être ce que l’on a voulu qu’il soit, s’est libéré de l’assignation au statut de monstre en s’offrant aux coups de Thésée, qu’il aurait pu écraser d’un simple coup de corne. La véritable humanité est dans le suicide du Minotaure, pas chez Thésée.

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Humain, trop humain

Avançons un peu dans le temps. C’est au XIXème siècle que s’exprime sans limite le besoin de classification, de hiérarchisation, d’ordonnancement des espèces, des choses et des hommes. C’est au XIXème siècle également que naît l’école républicaine et son système de notation à 20 degrés, que certains raffinent par l’usage de demi-points voire de quart de points pour établir une échelle à 80 barreaux. A ce niveau, il apparaît clairement qu’un tel système d’évaluation n’a pas pour objectif de permettre à l'élève connaître son niveau et ses compétences, mais uniquement d’être différencié de ses semblables. Autrement dit, il s'agit d'une grande machine à trier les individus et les sélectionner. Et de délivrer des assignations hiérarchisées. Ainsi s’ordonne la troupe des petits Minotaures enfournés dans des cases.

 Dans la plupart des pays européens, l'évaluation s’effectue sur une échelle de quatre à six niveaux. Largement suffisante pour savoir si l'on maîtrise totalement la compétence (ou la connaissance), si on la maîtrise imparfaitement, si on en connaît que les rudiments ou si on ne la maîtrise pas du tout. Ce faisant on compose des groupes d'élèves ce qui ne permet pas des les différencier entre eux. Et alors ? Alors il faudrait sortir du débat hystérisé sur la suppression ou le maintien des notes à l’école pour se poser la question d’une véritable évaluation qui permette à chacun d’identifier ce qu’il maîtrise et ce qu’il doit encore acquérir. C’est à dire faire véritablement de l’évaluation et en finir avec le tri sélectif. Le Minotaure s’en trouvera apaisé.

09/01/2016

C comme...coaching

La vérité n’est pas dans un seul rêve, mais dans beaucoup de rêves

(Pier Paolo Pasolini)

Laissons les coachs à leurs débats pour savoir s’il est nécessaire ou non de psychanalyser le coaché pour faire un bon coaching. Faut-il entrer dans les rêves de la jeune fille, dans beaucoup de ses rêves, pour l’accompagner ? Laissons la question en suspens et remontons un peu le temps.

Nous sommes en 1818, Joseph Jacotot, révolutionnaire exilé devient lecteur à l'Université de Louvain, chargé d'enseigner la littérature française à des étudiants flamands. Il ne parle pas plus le flamand que ses étudiants n’entendent le français.

Pour dénouer la situation, Jacotot déniche une édition bilingue de Télémaque qu'il fait remettre aux étudiants, leur demandant d'apprendre le texte français en s'aidant de la traduction, puis de lire l'ensemble du livre pour être capable d’en faire le récit en français. Cette rédaction servit d’évaluation. Notons au passage qu’évaluer n’est pas refaire ce que l’on a appris mais peut prendre la forme d’une production jamais réalisée (ici, soupir désespéré et scandalisé des étudiants français : mais on ne peut pas avoir en évaluation quelque chose que l’on a jamais fait…).

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Le rêve de la jeune fille qui rêve qu'elle rêve

Le travail de rédaction se révéla d'un niveau comparable à celui d'étudiants français. Joseph Jacotot découvrit ainsi qu'il était possible d'enseigner sans donner d'explications, par un travail de questionnement, de mise en situation, de production. Là où le maître savant explique et déverse son savoir, le maître ignorant questionne et oblige l'élève à s'enseigner lui-même, postulant ainsi l’égalité des intelligences.

Pourquoi faire croire aux parents qu'ils ne peuvent accompagner leur enfant dans la préparation d’un examen s’ils ne connaissent pas eux-mêmes la discipline ? Il suffit de bien vouloir y consacrer du temps et de poser des questions. Il ne s’agira jamais que d’un renversement du « pourquoi ? » enfantin qui place les parents devant leur ignorance mais les pousse souvent à s’instruire pour apporter réponse. Le maître ignorant est celui qui rend l’autre savant en lui demandant de l’enseigner.

 Voilà pourquoi il est possible d’être un grand entraîneur sportif sans avoir été un grand sportif soi-même, ou un excellent coach pour permettre de développer des compétences que l’on ne possède guère.

Sur le sujet, on lira avec profit : Jacques Rancière, Le maître ignorant, 10/18, sept. 2004. 

08/09/2015

Vices privés, vertus publiques...le retour

En fait, ce n'est même pas un retour, c'est une constante aussi collante que le sparadrap du capitaine Haddock. Et sans surprise, c'est l'institution publique qui produit, en toute indépendance (c'est écrit plusieurs fois dans le rapport) une analyse indiquant que l'enseignement supérieur qui ne représente que 3 % du marche de la formation continue, devrait y occuper une place au moins égale à 10 %. On comprend d'ailleurs mal pourquoi ce n'est que 3 % : dès l'introduction, l'attractivité et qualité de l'enseignement supérieur sont loués, tout au long du rapport il nous est garanti que ce sont ces formations là dont les entreprises ont besoin. Pas de bol, elles ne semblent pas partager cet avis, en tout cas cela ne se retrouve pas dans les pratiques d'achat. Une erreur de jugement généralisée sans doute. 

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Mais heureusement, les auteurs du rapport qui vise à établir une stratégie nationale pour l'enseignement supérieur ont une solution : la rente. Il est vrai que lorsqu'on y arrive pas dans un système ouvert, rien ne vaut un système fermé, à son profit bien évidemment. La proposition donc : que sur le 1 % formation continue mis en place par la loi du 5 mars 2014, 0,25 % soit fléchés vers l'enseignement supérieur public (et oui, le privé repassera). Pourquoi ? parce que c'est là que se trouve l'excellence ! laquelle ? nous n'en saurons pas plus. On se souvient encore des Universités se plaignant de ne pas être éligibles de droit au CPF et devant passer par les mêmes procédures que le vulgum pecus. Le raisonnement est le même, fondé sur cette indépassable conviction que l'Université doit bénéficier de privilèges mérités dont il semble si curieux aux universitaires qu'ils doivent être rappelés. Pour qui trouve que j'exagère, je conseille la lecture du rapport, même si on peut préférer les ouvrages de Robin Cook (l'anglais, pas l'américain, évidemment). 

Rapport Stranes.pdf

03/12/2014

Tri sélectif

Et c'est reparti pour une polémique sur les notes à l'école, ce qui confortera les lecteurs de Zemmour dans l'idée que tout fout le camp (sauf Zemmour bien sur) et persuadera ses détracteurs que l'obscurantisme continue de régner. Bref les anathèmes voleront aussi bas que la réflexion ramenée à un pour ou contre plus ou moins tiré de son expérience personnelle. Proposons donc de redire ce qui a déjà été écrit ici : un système de notation qui comporte 20 degrés, et que certains raffinent jusqu'à mettre des demi-points, voire des quarts de points (soit une échelle à 80 barreaux !), n'est clairement pas un système qui a pour objectif de permettre à l'élève de se positionner par rapport à son niveau mais uniquement par rapport aux autres. Autrement dit, il s'agit d'une grande machine à trier les individus, à les sélectionner, objectif qui prime sur tous les autres. 

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Dans la plupart des pays germaniques ou nordiques, l'évaluation se fait sur une échelle de quatre à six niveaux. Largement suffisant pour savoir si l'on maîtrise totalement la compétence (ou la connaissance), si on la maîtrise imparfaitement, si on en connaît que les rudiments ou si on ne la maîtrise pas du tout. Mais dans un tel cas, on compose des groupes d'élèves ce qui ne permet pas des les différencier entre eux. Et alors ? la belle affaire si l'objectif est vraiment de faire de l'évaluation positive par rapport aux contenus et non une évaluation différenciante qui n'a pour objet que de hiérarchiser les individus. Alors effectivement, n'en déplaise aux hargneux, la suppression des notes permettrait peut être de faire vraiment de l'évaluation et de laisser tomber le tri sélectif. 

11/09/2014

Elle a le moral, la masse salariale ?

Soir de rentrée pour les apprentis du Master de Développement des Ressources Humaines de Jean-Emmanuel Ray à la Sorbonne. Tous les intervenants, et oui tous, même le DRH qui a une grève sur les bras, celui qui a un stock de deux cent mails à traiter, celui qui traverse la moitié de la France pour venir, celle qui traverse les frontières pour nous rejoindre. Moi je sors de chez un client au bout de la rue. Tous les étudiants sont là aussi. Pour la première, et ce sera la dernière, les costumes et tailleurs sont de sortie, les cravates pour les 6 garçons sur 26 étudiants, quota en hausse par rapport aux années précédentes. Et débute le rituel : présentation des enseignants qui donnent leur plan de cours, présentation des étudiants qui remettent un CV.

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Echange avec une étudiante pendant ces présentations : 

"Vous travaillez sur quelle mission dans votre entreprise ? 

- la transmission des savoirs...

- parfait, et dans quel contexte ? 

- c'est un projet crucial puisqu'un tiers de la masse salariale part à la retraite dans les cinq ans ?

- excusez-moi j'ai mal compris...

- je disais qu'un tiers de la masse salariale ne sera plus là pour cause de départ à la retraite à court terme".

Ami salarié, sache que les jeunes DRH en devenir t'ont démasqué : masse salariale tu es, masse salariale tu resteras. Une sorte de coût fixe à durée variable. Vivement le mois de février que l'on ait l'occasion d'approfondir le sujet. Quant à constater que les jeunes filles sont redoutables, pas la peine d'en débattre, on le savait déjà.  

03/09/2013

Ricochet

Rentrée des classes sous le signe de l'été indien, qui annonce les lents changements de saison. En matière de rythmes scolaires, par contre, le changement est plutôt rapide. Sur le fond, travailler moins chaque jour et avoir d'autres activités que la classe, il n'y a pédagogiquement rien à redire et il n'était que temps de rompre avec les longues journées dont la linéarité s'accorde mal avec la sinusoïdale concentration humaine. Il est plus difficile de comprendre pourquoi, en maternelle, il faut aussi adopter le rythme nouveau qui impose un lever supplémentaire dans la semaine, alors qu'il ne s'agit pas d'alléger des enseignements mais d'ajouter des activités à d'autres activités. Pas d'autre explication que l'effet ricochet.

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Pierre Haeder -  Ricochet

L'effet ricochet c'est que dans une école primaire, difficile de gérer les différentes classes sur des rythmes non homogènes, et le temps de travail des enseignants avec. Donc, les petits comme les plus grands, et en avant ! le problème avec les ricochets c'est que ça se termine toujours par un plouf. Mais faisons confiance aux intéressés pour franchir allègrement tous ces petits obstacles et foncer droit devant.

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28/08/2013

A bout de souffle

Comme la cigarette qui n'a pas disparu simplement des restos et cafés mais aussi des écrans de cinéma, si tout le monde fume dans un film c'est qu'il a été tourné dans les années 70, l'enseignement magistral est à bout de souffle. Le problème c'est que sous assistance respiratoire, on peut durer encore longtemps à l'état végétatif. Peut être que les Moocs (Massive open online courses) porteront le coup fatal en débranchant la pédagogie grabataire. Il s'agit de filmer un cours et de le mettre en ligne. Tout simplement. A un coût de production quasi-nul.

Les Moocs, c'est le bonheur des étudiants : le cours disponible quand on veut, où on veut. Mieux que le polycop non actualisé ou que les notes prises entre deux rêveries sur les marches de l’amphi bondé et surchauffé parce que le  chauffage c’est du 1er octobre au 1er avril et que c’est trop compliqué de l’éteindre puis de l’allumer et que s’il fait froid en mai, on sortira les pulls. Et puis les Moocs ça laisse le temps de déambuler sur les Champs-Elysées à la recherche de Jean Seberg, et de revoir encore le film si on ne l'y a pas trouvée.

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Avec les Moocs, la parole professorale se diffuse à grande échelle mais surtout elle est enregistrée : l'enseignant ne peut plus dire qu’il ne l’a pas dit et on peut vérifier s’il ne débite pas un truc d’il y a trois ans et si ce qu’il raconte n’a pas pris un coup de vieux, et lui avec.

C’est tellement le bonheur les Moocs que cela permet aux profs de continuer à faire leur cinéma et aux étudiants d’aller à la séance de leur choix. Reste plus qu’à inventer ce que l’on fait en cours à 200 (voire 500) avec tous ceux qui ont déjà vu le film. Ce serait tellement plus simple si le prof c'était Jean Seberg. 

22/05/2013

Ali Gattaz et les 40 milliards

J'en suis resté baba. Doublement baba d'ailleurs. D'abord parce que voir Pierre Gattaz, le candidat donné favori à la présidence du MEDEF, prendre la plume pour signer une tribune dans Le Monde consacrée à la formation professionnelle, c'était rien moins qu'évident. La seconde en lisant la dite tribune. Car, comme d'autres, j'ai du me pincer, relire et rerelire pour être bien sur de n'avoir pas rêvé. Après les fantaisistes 30 milliards de la formation que Sarkozy voulait récupérer, voici que le peut être futur patron des patrons explose toutes les limites en invitant les partenaires sociaux à mieux utiliser les 40 milliards d'euros gérés paritairement. Rappelons que les OPCA en gèrent 6 fois moins (6,5 milliards) et que même en grattant quelques millions dans les dépenses de l'UNEDIC, on reste loin du compte. Décidément, le trésor imaginaire caché dans la grotte secrète n'en fini pas d'alimenter tous les fantasmes. Donnons vite le sésame à chacun pour qu'il puisse aller vérifier qu'en fait de trésor, il faudra repasser.

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Ali Baba au théâtre de la Criée à Marseille

Toutefois, le contenu de la tribune  conduit à absoudre cette approximation. Pour une fois, ne nous est pas servi le couplet sur l'Education nationale qui est incapable de former les bons professionnels dont les entreprises ont besoin. Au contraire, ce discours est dénoncé comme à la fois naïf et irréaliste. Que l'Education nationale donne les fondamentaux et la curiosité de tout (ah, la curiosité de tout, mais comment la faire entrer dans les programmes se demande l'inspecteur général perplexe...) et les entreprises s'occuperont des professionnels. Certes cela ressemble à un Yalta où la coopération est peu présente, mais c'est certainement mille fois mieux qu'une fausse coopération basée sur la méfiance, voire la défiance, réciproque. Et puis concentrée sur les fondamentaux, l'Ecole pourra ainsi garantir que chacun saura lire, écire et compter....au moins jusqu'à 40.

Réformer la formation professionnelle.pdf

19/05/2013

Prendre langues

Le débat suscité par l'introduction de cours en anglais à l'Université est consternant. Consternant de constater que les défenseurs de cours en anglais y voient principalement l'intérêt d'attirer des étudiants étrangers et de mieux préparer les étudiants français au monde des affaires. Consternant de voir que les opposants considèrent que c'est en refusant toute autre langue que le français qu'on le défend le mieux. En ce dimanche pluvieux, il faut beaucoup de sérénité pour résister à l'envie de les noyer tous. Mais il y a peut être mieux à faire : leur rappeler que se tiendra à Toulouse le 26 mai prochain, comme tous les ans depuis 1992, le Forom des langues à l'occasion duquel tous les métèques sont invités à se retrouver place du Capitole.

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Les promoteurs de l'anglais à l'Université pourraient y découvrir que la langue ne se réduit pas à sa dimension communicationnelle et que toute langue est une anthropologie car c'est par le langage que l'homme se construit, se pense et créé. Les défenseurs du français conçu comme seule langue d'enseignement pourraient y découvrir que l'on transmettra davantage de valeurs en enseignant plusieurs langues dès le primaire qu'en réintroduisant, comme si c'était le problème, des cours de morale au collège. Mais pour cela il faudrait que les uns et les autres admettent le postulat du forom des langues : toutes les langues doivent être placées sur un pied d'égalité et dès lors leur apprentissage simultané ne s'en trouve que facilité. Pour apprendre la langue, il vaut mieux prendre langues.

Forom des langues du Monde.pdf

23/01/2013

Petit à petit...

...l'oiseau fait son nid, ou plutôt les pièces du Compte personnel de formation se mettent en place. Après l'ANI du 11 janvier 2013, c'est le projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République (quand on a un Ministère du redressement productif, l'étonnement n'est plus de mise quant à l'emphase des intitulés) qui apporte sa pierre à l'édifice. Le texte prévoit que tout jeune sortant du système éducatif sans diplôme, bénéficie d'une durée complémentaire de formation qualifiante qu'il pourra utiliser selon des modalités à fixer par décret. Comme le Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie (CNFPTLV) en a émis le souhait,  ces heures de formation complémentaires pourraient être portées au crédit du jeune dans son compte personnel de formation. Quant à son financement, il relève à l'évidence de l'Etat puisqu'il s'agit d'un droit à la formation différé.

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Arno Bouchard - Le nid de l'Engoulevent

Le projet de loi reconnaît donc la responsabilité de l'Etat dans l'accès à un premier niveau de qualification. Si le système éducatif n'a pu y pourvoir, un crédit est ouvert pour y accéder par d'autres moyens. Le lien avec le compte personnel de formation permettrait, notamment, de ne pas simplement remettre le jeune dans le système au sein duquel il a échoué (vous n'avez pas aimé la chantilly ? reprenez en un peu pour voir !) mais également de pouvoir différer l'utilisation de ce crédit, toutes les périodes n'étant pas favorables à une reprise d'étude : en ce domaine, l'horloge personnelle et le calendrier des moyens mis à disposition, doivent s'accorder.

Prochain rendez-vous pour le compte personnel : le projet de loi de transposition de l'ANI début mars, sans doute éclairé par les travaux du CNFPTLV. Peut être que le nid sera prêt pour le printemps !

31/05/2012

Le temps des enfants

Tous les enfants, ou presque, s'ennuient en classe. Mais cet ennui n'est guère pris en compte lorsqu'il s'agit de s'attaquer aux fameux rythmes scolaires. En reposant, dès sa nomination, la question de la semaine de 5 jours, Vincent Peillon a réouvert un débat récurrent. En ce domaine, une exigence devrait primer : adopter la solution la plus adaptée sur le plan pédagogique. Or, comme le rappelle Antoine Prost, la capacité d'apprentissage des enfants sur une journée est de 5 heures. Le temps utile maximal est donc de 25 heures par semaine, soit 5 x 5 heures. Mais dans le débat sur la semaine de 4 ou 5 jours, il est surtout question du temps...des parents. Temps de week-end, temps de congés, horaires de  travail, temps de garde, entre autres, sont passés au crible. Et l'on prend en compte également  l'impact éventuel d'une future réforme sur l'activité du secteur du tourisme, sur les coûts de transport, etc. Bref, il y a bien longtemps que la question clé qui est de nature pédagogique s'est effacée derrière les préoccupations des ministres, des profs, des parents, des collectivités locales, etc. Et pendant ce temps, le chahut continue.

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Carl Hertel - Classe pendant une leçon de géographie - 1874

Proposons donc à la Ministre de l'Education populaire (puisqu'il y en a une qui a aussi en charge la Jeunesse et les Sports), de venir en aide à son collègue Ministre de l'Education nationale (il y a donc deux Educations au Gouvernement, vous avez bien lu). Elle pourrait lui proposer le marché suivant : avec les associations du sport, de l'animation et de la culture, elle s'occupe des jeunes après leurs 5 heures de cours. Et le Ministre met à disposition Enseignants et locaux pour l'Education populaire des adultes, ainsi instaurée partout en France gratuitement et près des bénéficiaires, au-delà des 5 heures assurées auprès des enfants. Soit au moins 5 heures par semaine par enseignant pour les adultes. Et à ce moment là, on pourra se poser la question de l'articulation du temps des enfants avec celui des adultes.

Antoine Prost - Temps scolaire.pdf

21/03/2012

Situation (II)

Dans le cadre d'une hypothétique, et néanmoins certaine, réforme de la formation professionnelle, il sera sans doute question de mieux articuler formation initiale et continue. Cet objectif fait partie des 4 qui ont été assigné à la mission conduite par Gérard Larcher pour préparer la dite réforme. Cette idée nouvelle, qui s'inscrit pourtant noblement dans la filiation de Condorcet souhaitant l'instruction à tous les âges de la vie, risque toutefois de s'enferrer dans une impasse. En réalité, l'objectif à poursuivre serait exactement l'inverse  : renforcer la césure entre la formation initiale et la formation continue. Parce que si elles constituent l'envers et l'endroit d'un même continuum, ce n'est ni avec les mêmes personnes, ni avec les mêmes moyens. Et ce serait un erreur de vouloir que l'envers soit l'endroit, ce qui est souvent impossible, notamment chez Romain Laurent.

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Romain Laurent - Human Clock

La formation initiale s'adresse à des jeunes qui ne sont pas en situation de travail. Elle doit leur apporter de la connaissance certes mais également des méthodes, de la capacité à apprendre, de la réflexion. La formation continue s'adresse à des adultes qui sont en situation d'activité ou ont vocation à l'être. Elle doit prendre appui sur les acquis, s'articuler avec les activités et s'insérer dans des moyens diversifiés d'apprentissage. Que certains adultes souhaitent retrouver le système de formation initiale, bien sur. Mais que l'on s'emploie à construire une formation indifférenciée qui ne tienne plus compte de ceux à qui elle s'adresse et ne se préoccupe que d'elle-même et non des situations dans lesquelles se trouvent ceux au service desquels elle se place, constituerait une régression. Publics différents, temps différents, objectifs différents et méthodes différentes : il est plus urgent de conforter les formations initiale et continue dans leur spécificité que de rechercher leur calamiteux rapprochement.