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04/03/2012

Intelligence

Dans tous les pays, sous tous les régimes, les peuples sont plus intelligents que leurs gouvernants. Michel Serres, parmi d’autres, ne cesse de le répéter sans être entendu.

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Car dans tous les pays, sous tous les régimes, les dirigeants pensent qu’ils sont plus intelligents que le peuple.

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Et le pire c’est que dans tous les pays, sous tous les régimes, une majorité du peuple continue à croire à cette fable.

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17/03/2011

Lâchez nous les émotions !

Louise Bourgeois psychologisait à outrance ses œuvres, alourdissant son travail mais rendant bien compte de la psychologisation permanente et totale de tout évènement qui nous guette. Si vous en doutez, penchons nous sur la redoutable trilogie qui apparaît dès que notre système émotif se trouve bousculé, je veux parler de l’émotion légitime, de la cellule psychologique et du travail de deuil.

 En premier lieu « la cellule psychologique », la trop bien nommée. La cellule peut être une unité de base, elle peut également être un lieu d’enfermement. Si tel est le cas, on peut toujours supposer qu’il s’agit de livrer à cette cellule le traumatisme pour qu’il y soit enfermé et laisse les traumatisés vivre tranquillement. Mais si tel n’est pas le cas, on craindra que ce ne soit le traumatisé lui-même qui soit enfermé dans la cellule où il sera psychologiquement maintenu, pris dans la toile.

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Louise Bourgeois - Araignée à la Tate Modern

En second lieu « l’émotion légitime ». Lorsque l’évènement suscite une émotion légitime, il est donc acquis que l’émotion est la bonne réaction, qu’elle est autorisée voire encouragée. Et que l’illégitime, c’est celui qui ne ressent rien et dans la foulée celui qui voudrait que l’on puisse aussi faire jouer la raison. Petite musique entendue récemment, où il faudrait surtout ne pas réfléchir au nucléaire à s'adonner sans retenue à la compassion.

 En troisième lieu « Faire le deuil ». Signe d’une société mortifère (dans laquelle selon Michel Serres, le mot le plus régulièrement prononcé dans les journaux télévisés est « cadavre »), le deuil envahit l’espace et le droit lui-même n’y échappe pas. Ainsi, le procès n’est plus un moment d’expression de l’Etat de droit, et donc de confrontation des comportements à la règle, mais une catharsis, indispensable condition pour  « faire le deuil », auxquelles les victimes ont droit. Et pendant l’instance, on guettera davantage si le coupable fait amende honorable et, summum de la tragédie judiciaire, s’il est capable de compassion, plutôt que de vérifier si les faits sont rigoureusement établis.

 Commentant l’Etranger, Camus disait : «Dans notre société tout homme qui ne pleure pas à l'enterrement de sa mère risque d'être condamné à mort.». Nous y sommes.

 Et puis franchement, la symbolique de l'araignée, c'est lourd non ?

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07/09/2010

Force tranquille

Basquiat encore. Dans le cadre de l'exposition à Bale est présenté un film où l'on voit Basquiat peindre. Surprise : les gestes ne sont pas frénétiques, le bras est sûr, la main n'hésite pas, elle prend son temps. Les mouvements les plus rapides sont exécutés lentement, dans une apparente décontraction, avec la facilité de celui qui n'a pas besoin du plan de ville pour trouver son chemin. Comme Picasso, Basquiat ne cherche pas, il trouve, à son rythme. Tout ceci avait lieu au début des années 80 à New-York. On ne peut s'empêcher de penser qu'au même moment la force tranquille en France était incarnée par Mitterrand dans un paysage de terroir, de clocher, de province, de notable et d'enracinement un peu étriqué. Mais cela avait rassuré, c'était fait pour. Près de trente ans plus tard, avec Sarkozy, rien n'a changé : la seule forme de modernité dans la référence est que le paysage ressemble à un  fonds d'écran windows. C'est peu.

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Pourtant, la véritable force tranquille, elle n'est pas dans ces paysages datés et passéistes. Elle s'incarne dans un mouvement multiculturel, polyphonique et polyglotte. Elle s'incarne dans New-York. Comme disait Michel Serres, contrairement à ce qu'ils pensent, nos gouvernants ont toujours un temps de retard sur le peuple.

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29/12/2009

VOYAGES A VENIR

A près de 80 ans, Michel Serres, que les honneurs multiples n'ont pas alourdi, garde la vivacité, le plaisir, la malice et la pétillance qui l'ont toujours caractérisé. Il conserve également cette plus rare foi dans la jeunesse avec la conviction que chaque génération a ses propres combats à mener et qu'elles ne sont pas concurrentes entre elles. Pas de conflit de générations avec Michel Serres, mais des témoins qui se transmettent sous forme de "voilà ce que je peux vous léguer, et je le fais avec plaisir non pour que vous y soyez fidèle en le statufiant, mais pour l'usage que vous jugerez bon". Mais plutôt que de le faire parler, donnons lui la parole :

"L'intelligence n'est pas de savoir axiomatiquement comment on déduit... Pour Montaigne, ce n'était plus "tête bien pleine", la diffusion de l'imprimerie détrônait cette mémorisation des voyages d'Ulysse, des contes..., qui servaient de supports aux connaissances de l'époque. Déjà Montaigne ne trouvait plus de sens à mémoriser une bibliothèque potentiellement illimitée. Mais sur Internet, faut-il encore une "tête bien faite"? Peut-être "surfera" mieux "pied bien démerdard". Voilà la définition de l'intelligence d'aujourd'hui. Celui qui courra le mieux avec ses deux pieds ne sera pas forcément polytechnicien agrégé de philosophie; ceux-là auront la tête trop lourde pour se débrouiller là-dedans... Par conséquent, il y aura des chances nouvelles pour des gens que l'ancien monde traitait de débiles. C'est un nouveau départ avec des chances également réparties.

L'homme se promènera dans le volume de l'information comme il se promène dans les forêts et les montagnes, pour explorer le monde physique. Jusqu'ici, le savoir était un lieu d'apprentissage de la déduction, de l'induction, de la mémoire. Il devient aujourd'hui un lieu de promenade. Cela n'est jamais arrivé."

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Watteau - L'embarquement pour Cythère

Cette invitation au voyage, dans la joie et le plaisir des sens, est celle que Watteau peignit avec la part de mystère qui habille ses toiles. L'invitation au voyage mérite d'être renouvelée, ce que fit Michel Serres encore, lors d'un récent passage à Toulouse, en ces termes : "Je pense que les mutations sont telles que l'avenir immédiat n'appartient pas aux grandes institutions mais aux initiatives individuelles mêmes minuscules mais toujours proche des individus. Il faut que chacun prenne conscience de cette nécessaire reconfiguration et se l'approprie. C'est à ce niveau-là que la mayonnaise doit prendre. Après seulement, dans un second temps, viendra le temps des institutions. J'aimerais avoir 18 ans et la jeunesse pour avoir devant moi le temps d'entreprendre, pour participer à cette grande mutation et la voir lever. On n'est pas qu'à l'aube de la deuxième décennie du vingt et unième siècle mais à l'aube de quelque chose.".  Entre le coucher de l'année en cours et le lever de l'année nouvelle, l'heure bleue, interstice temporel, permet de mieux apprécier la parole de Michel Serres.

06/03/2009

La culture des arbres

Il y a maintenant plus de quinze ans, Michel Authier, avec l'aide notamment du philosophe Michel Serres, inventait les arbres de connaissance et donnait naissance à une nouvelle cartographie des compétences sous forme d'arbre. Le premier logiciel de gestion de la compétence basé sur ces principes, baptisé Ginkgo du nom de la plus vieille espèce d'arbre connue, permet aux entreprises d'avoir une visualisation graphique de leur capital de compétences sous forme d'arbre.

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Exemple de représentation graphique des compétences


Cet outil peut avoir de multiples applications, notamment lorsqu'il est utilisé en pleine interactivité avec les salariés qui peuvent se positionner par rapport aux compétences utilisées ou utilisables dans l'entreprise. Il peut également intervenir dans la constitution d'équipes, l'identification des compétences clés et critiques, etc.

On peut trouver un intérêt particulier à cette représentation dans la définition de la culture d'entreprise à partir de la logique suivante : les compétences partagées par au moins 80 % des salariés constituent la culture de base de l'entreprise, les compétences partagées par 20 à 60 % des salariés constituent les cultures métiers de l'entreprise et les compétences partagées par moins de 20 % des salariés relèvent de l'expertise. Ce diagnostic ouvre de multiples applications : souhaite-t-on développer la culture commune ? des cultures fortes par domaines, secteurs ou métiers ? des expertises individuelles ? la réponse est, notamment, dans vos plans de formation. L'arbre des compétences, c'est l'arbre de vie de l'entreprise.

 

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Klimt - L'arbre de vie

Les partenaires sociaux viennent de définir, dans l'ANI du 7 janvier 2009, le socle de compétences du salarié : capacité à travailler en groupe, maîtrise des outils informatiques et bureautiques, maîtrise d'une langue étrangère. Ils invitent les branches professionnelles à compléter ce socle en fonction des métiers. L'occasion peut être pour une entreprise de savoir si sa culture commune est fondée sur des méthodes, des techniques ou, soyons fou, des valeurs. Posons donc la question : quelles sont les compétences partagées par les membres de votre organisation ? pour y répondre, tous à vos arbres !

17/07/2008

Mémoire externe

Lors d'une conférence prononcée à Lille, Michel Serres défendait l'idée suivante : l'imprimerie a tué la culture orale et partant a supprimé le besoin de mémoire. Après l'invention de l'imprimerie, il suffisait  de savoir dans quel livre trouver l'information. Mais les bibliothèques étant ce qu'elles étaient, l'homme de science devait toutefois emmagasiner une information qui ne lui était pas accessible de manière permanente. Aujourd'hui, les stockages de données, leur mise à disposition permanente sur la toile, constituent une mémoire externe qui rend superflue notre mémoire interne. Plus que jamais se trouve vérifié le mot de Montaigne qui "préfère une tête bien faite à une tête bien pleine".

 

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Dali - Persistance de la mémoire - 1931 
 

 ll est admis que le stock de connaissances disponible aura doublé dans cinq ans. Pour revenir à une des thématiques de ce blog, le droit du travail, il devient impossible de se fier à un code ou manuel qui a plus de six mois : l'information en ligne actualisée en temps réel est indispensable pour travailler correctement. Le rythme de production est tel que toute mémorisation de l'information perd de son sens. Pour autant peut -on dire que nos modèles pédagogiques ont suivi cette évolution et sont passés d'une mémorisation des connaissances à une capacité à traiter l'information, à la dominer, à l'utiliser, à la comprendre, à la commenter voire à la contester ? Il ne me semble pas que tel soit le cas. Il y a pourtant urgence. Pour revenir à Michel Serres sa conclusion est que nous n'avons pas le choix : "puisque nous avons le savoir et les technologies devant nous, nous sommes condamnés à devenir inventifs et intelligents". Il y a pire destin.

Quant à la mémoire, il reste une catégorie de textes pour l'exercer, et continuer à apprendre par coeur : la poésie.