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04/04/2013

Laissez vous haler

Les tableaux de Max Ernst sont souvent sujets à interprétations multiples, quoi de plus naturel  pour un homme qui l'était naturellement. C'est peut être pour cela que les organisateurs ont choisi de faire figurer cette toile sur l'affiche de l'exposition qui lui est consacrée à Vienne.

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Max Ernst - Au premier mot limpide - 1923

Au départ cette peinture était une fresque dans la maison d'Eaubonne que Ernst partageait avec Eluard et sa femme Gala, dont il était l'amant. Faut-il voir dans la main féminine qui guide la mante religieuse la cause de la turgescence des grands artichauts qui se montrent au dessus du mur ? une simple illustration du triolisme et de son fragile équilibre ? ou une oeuvre à l'érotisme plus mystérieux, elle figurait sur le mur de la chambre à coucher d'Eluard et de Gala, dont la clé est dans les secrets du trio ?

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Une fois encore, le hasard nécessaire fournit sa réponse : la pluie tisse les fils qui feront danser ces doigts qui sont en réalité des jambes. Celui qui tient le fil, n'est peut-être pas celle que l'on croit. Comme toujours, il faut aller voir derrière les apparences. Allez, faites comme Max, laissez vous haler.

16/09/2012

Enigme du week-end

Mais que font donc ces gallinacés dans un cimetière ?

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Je leur demanderai bien, mais ils sont déjà partis...

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En fait, ils font comme tout le monde.

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03/03/2012

Enigme du monde d'avant

En 1966, Jean-Luc Godard tourne Masculin/Féminin, avec Chantal Goya et Jean-Pierre Léaud. Aux deux tiers du film, trois cartons apparaissent à la manière de films muets avec ces textes : Ce film pourrait s’appeler/Les enfants de Marx et de Coca-Cola/Comprenne qui voudra.

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Peut-on, comme cette peinture cubaine, en  conclure que si Che Guevara et Marylin avaient eu un enfant, il aurait été Andy Wharol ?

Comprenne qui voudra (un indice : sur la peinture, Marylin a un petit côté Thatcher).

28/05/2011

Chronique de week-end : l'énigme des noces enfantines

L’enfance est un temps long. Eternel. Cette éternité arrive de toujours. Sur ces visages singuliers, peu de marques du temps. Le parchemin du corps est encore vierge, le livre de la vie demeure ouvert. Et pourtant les regards ne trompent pas. Ils disent la manière dont est vécue l’enfance. Ebahi devant le monde tel qu’il va, déjà intégrée à la vie sociale la plus conventionnelle, peu prêt, au contraire, à jouer le jeu théâtral de la société, rebelle devant ces adultes  peu crédibles, ou soucieuse, déjà, de leur plaire. Cet enfant là, venu d’on ne sait où, pétri d’histoire collective et tout entier singulier, cet enfant là ne meurt jamais.

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Il est parfois enfoui, oublié, refoulé, perdu même. En un tel cas, l’adulte est triste, son destin est celui d’un homme sans ombre qui cherche en vain pourquoi sa vie ne lui paraît jamais ressembler à ce qu’il souhaiterait. Etre fidèle à l’enfant que l’on était, ce n’est pas s’immobiliser en une posture définitive, et encore moins faire place à l’infantilisme. C’est laisser la part d’enfance vivre et s’épanouir, lui offrir mouvement et transformation et en faire le catalyseur de nos choix.

Mis en rang et parés pour la noce, ces enfants de 1938, ne savent pas encore que les plus belles amours sont enfantines. Et encore moins, tout séparés que sont ici les filles et les garçons, qu’il faudra accorder le masculin et le féminin  d’un homme avec le féminin et le masculin d’une femme  pour former un couple. Et plus important encore, que toute union est aussi celle de nos enfances. Mais laissons pour l’instant tout cela, aujourd’hui c’est jour de noces. Vive la mariée !

24/04/2011

Chronique de week-end : l'énigme verticale de Van Dongen

On pourrait penser que dans les plats pays du Nord, balayés par des vents froids et persistants, il importe de n'être pas trop grand. D'avoir un centre de gravité plutôt bas. D'échapper aux rafales et bourrasques. Il n'est nul besoin de se hisser sur une haute taille pour voir loin. Et pourtant, c'est au Sud que l'on trouve les trapus et au Nord les grands gaillards. Van Dongen était un grand gaillard. Descendant à Paris, il se lie d'amitié avec Picasso qui arrive de Barcelone. Nord-Sud. Et Van Dongen descend à la verticale. Les couleurs de l'Espagne envahissent ses toiles, plutôt sombres jusque-là.

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Van Dongen - Le doigt sur la joue - 1910

Venu d'un pays sans horizon, Kees Van Dongen s'en est donné un avec les femmes. Qu'il peint comme un fauve, un expressioniste, un amoureux à l'énergie fiévreuse, un peintre. Les femmes du Sud le fascinent, elles ne lui font pas peur, il aime leur liberté, leur indépendance, leur intelligence. Ce qui en fait une exception parmi les hommes, et nous livre une réponse à la question de savoir pourquoi les femmes de Van Dongen nous fascinent.

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En la plaza, femmes à la balustrade - 1911

Le Sud, le géant du Nord y reviendra à plusieurs reprises. Voilà à quoi sert la grande taille : voir les femmes aux balustrades et toiser le soleil. Lorsque Van Dongen s'éloignera de cette boussole, sa vie perdra de sa verticalité et sa peinture également. Mais il aura eu le temps, avant cela, d'approcher le mystère de la Gitane.

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Van Dongen - Gitanes - 1917/1918

La verticalité de Van Dongen, cet axe Nord-Sud, le lien évident entre les Pays-Bas et l'Espagne, n'eurent qu'un temps. Vint ensuite celui des déshonneurs divers, qui ne pourront toutefois effacer qu'à une époque, dressé dans sa superbe verticalité, Van Dongen a trouvé les clés de la plus troublante des énigmes, non pas celle de la femme, mais des femmes.

02/04/2011

Chronique de week-end : l'énigme de l'extase

Pour cette chronique de week-end, retour sur une exposition tenue en début d'année dans la chapelle du Musée d'Art et d'Histoire de Saint-Denis. Ernest Pignon-Ernest y présentait "Extases" ou le mystère des mystiques. Elles se nomment Hildegarde de Bingen, Marie-Madeleine, Angèle de Foligno, Catherine de Sienne, Marie de l'Incarnation, Thérèse d'Avila et Mme Guyon. Elles meurent de ne pas mourir.

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On les dit mystiques et tentant par l'extase d'échapper à leur corps, qui du coup peut s'exposer sans choquer en la Chapelle, puisqu'il s'agit de sortir de ce corps, de se désincarner pour s'incarner en Dieu. C'est du moins ce qu'on leur fait dire. Il vaudrait mieux les écouter. Hildegarde par exemple, qui dit exactement l'inverse : "O homme, tu as en toi le Ciel et la Terre, fais de ce monde un Ciel sur la Terre".

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Mais alors les corps ne seraient pas l'idée, ils seraient bien là, présents, et la chair extatique incarnerait la jouissance du corps en  ces instants d'abandon où le plaisir et la douleur peuvent s'assembler pour porter le corps non pas hors de lui-même mais au plus profond de lui-même. Ne vous y trompez pas, toutes ces femmes regardent vers l'intérieur et ne deviennent universelles qu'en allant au  bout de leur passionnelle singularité.

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Parole de Thérèse : "Ce qui importe avant tout, c'est d'entrer en nous même pour y rester seul avec Dieu". Dieu est un ami, et même plus. Marie de l'incarnation, dans ses prières, appelle Jésus "mon bien aimé".

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Peut-on faire plus incarné que Catherine de Sienne qui affirme : "Tu es ce qui n'est pas. Je suis ce que je suis". Ces femmes là n'ont pas le mysticisme étéré que l'on voudrait leur prêter. Elles sont charnellement et spirituellement présentes à la sensation que leur corps ne fait pas qu'exprimer mais vit pleinement. Ces femmes ont toute connaissance et le revendiquent. Angèle de Foligno : "le premier pas est la connaissance du péché ; par elle, l'âme craint fort d'être damnée en enfer. En ce pas, l'âme pleure amèrement". Corps et âmes donc, bien sur, mais en pleine conscience de l'abandon et du plaisir de la sensation physique de l'amour comme forme ultime de la connaissance.

26/03/2011

Chronique de week-end : l'énigme du hasard

Les surréalistes définissaient le hasard comme la manifestation extérieure d'une nécessité intérieure. Autant dire qu'il ne nous arrive que ce que nous sommes prêt à accueillir. L'état de disponibilité, ou non, dans lequel on se place, est la source naturelle du hasard.

En ce premier week-end de printemps, soleil en bandoulière, la rue nous invite et nous attend. Vous pourrez y croiser Miss Tic.

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Il n'est pas nécessaire de suivre le conseil et de s'assurer contre le hasard, par contre vous pouvez vous demander si ce regard si vite arrivé est le votre ou celui qui se porte sur vous. Belle gambade à tous.

19/03/2011

Chronique de week-end : l'énigme de la tempête

Peu d'oeuvres ont suscité autant d'interrogations, de recherches, de commentaires, d'hyphothèses, d'approximation. Et peu d'oeuvres ont montré une telle résistance aux assauts de l'interprétation. La tempête de Giorgione n'est pas prête de livrer ses secrets, ni même de nous annoncer qu'elle n'en recèle guère.

Quel sens donner à cette peinture  : Tableau alchimique présentant l'eau, l'air, la terre et le feu ? allégorie de la condition humaine après l'expulsion du paradis d'Adam et Eve ? représentation archétypique de l'homme et de la femme, du guerrier et de la mère, de la puissance et de la charité ? panthéisme forcené dans lesquels les sujets ne sont que l'expression de forces qui les dépassent ? scène de genre à laquelle on prête trop et qui ne fait que rendre l'atmosphère sereine et le potentiel orageux de la passion amoureuse ? accumulation de symboles phalliques (la lance, les colonnes, le caleçon bombé, le jaillissement de l'éclair...) mis en regard d'éléments plus féminins (la source d'eau, la maternité, le sein,...) dans une de ces oppositions duales dont l'Occident a le goût ? simple exercice de style ? amusement du peintre qui se réjouit déjà des siècles d'interrogation qu'il va susciter ? synthèse absolue de l'histoire de la peinture jusque là ?

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Giorgione - La Tempête - 1507

Le propre du tableau énigmatique et que plus vous le cotoyez, plus il vous est familier, plus la compréhension que vous en avez agit sur vous, et plus il apparaît évident que la seule résolution qui soit est de nature poétique. Ce qui signifie que le sens du tableau est autant dans le bleu des tempêtueux nuages que dans la pose nonchalante du jeune homme ou le regard inquiet et serein de la jeune femme. Ce regard paradoxal tourné vers celui qui regarde le tableau en est sans doute la clé. Le tableau est un collage, divinement assemblé. Toutes les contradictions de la vie y sont présentes et cessent de s'opposer. Elles composent une unité dont l'harmonie nous charme sans relâche. De la poésie pure, c'est-à-dire de la vérité : "La poésie est le réel absolu, plus il y a de poésie, plus il y a de vérité" (Novalis). Giorgione a donc peint en 1507 ce que Novalis écrira près de trois siècles plus tard. Rien d'étonnant donc à ce que la Tempête appartienne au genre des "poesie", genre créé par Giorgione lui-même. Il n'y a donc qu'un moyen de percer l'énigme : placez la Tempête en face de votre lit et laissez vous porter par le rêve en souriant.

12/03/2011

Chronique de week-end : l'énigme, ou le rêve, de Vénus

Chronique du week-end consacré à un tableau audacieux du XVIème siècle dans lequel explicite et inconscient, onirisme et réalisme, explicite et suggestif se mêlent en géniaux entrelacs.

L'oeuvre a donné lieu à de nombreux commentaires, trop souvent très classiques, comme celui de Panofski qui voit dans la Vénus du Titien l'image  de la tendresse et de la douceur matrimoniale. Allant un peu plus loin, Daniel Arasse voit que le tableau n'est pas une scène se déroulant dans un palais vénitien mais une présentation sur fond noir, pour la mise en valeur de la nudité, d'une fière Vénus se manuélisant, selon le terme charmant de l'époque, tandis que les servantes s'affairent, comme il convient. Plus érotique que Panofski, Arasse souligne bien la hardiesse de la représentation mais surtout la force du tableau et de Vénus, qui s'expose et regarde à la fois. L'interprétation d'Arasse ne satisfait toutefois pas totalement (voir extrait et résumé de deux analyses du tableau ci-dessous). Que peut-on voir dans la Vénus d'Urbino ?

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Titien - La Vénus d'Urbino - 1538

Une jeune femme qui se clitorise comme l'on dit alors (lorsque Titien peint le tableau Montaigne a cinq ans et n'a pas encore introduit dans la langue française le vocable "masturbation"), est-ce véritablement un scandale au XVIème siècle ? Oui pour l'Eglise même si elle n'est pas le pêché majeur. Selon Arasse, elle est même recommandée pour avoir des enfants ce qui renforcerait l'hypothèse d'une scène située dans un contexte de mariage. Toutefois, l'interdit religieux n'est pas douteux. Dès lors, le tableau peut prendre une autre signification. La scène du second plan n'est pas du même ordre que la présence de la Vénus à l'avant du tableau, l'improbable "rideau" noir en atteste comme Arasse l'explique. Mais il ne s'agit pas que d'un effet pictural et l'explication d'Arasse à ce sujet paraît faible. Il semble plus évident que le noir du rideau renvoie à la plongée nocturne dans le sommeil et que la scène au second plan est le rêve de Vénus. Le rêve qu'en mettant les mains en des lieux interdits elle transgresse avec plaisir et volupté les règles sociales. Et ce ne sont pas deux servantes qui s'affairent mais une petite fille qui plonge ses mains avec l'avide curiosité de l'enfance dans le coffre des merveilles. La servante debout, dont la jupe rouge figure l'ordre et la loi, remonte sa manche pour administrer la  correction méritée au regard de la morale. Vénus a été surprise en son enfance et punie pour sa curiosité. Quelle revanche de s'offrir librement au plaisir en notre présence et pour le notre.

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Arasse-La Venus du Titien.pdf

27/02/2011

Chronique de week-end : l'énigme de Gilles

Chronique de week-end consacrée à l'énigme d'un des tableaux que l'histoire de l'art retient comme l'un des plus mystérieux qui soit.

Que regarde le Gilles de Watteau ? que vous dit l'oeil de l'âne ? pourquoi les quatre personnages ont-ils tous une expression différente ? d'où vient cette profondeur de Gilles dont le visage tout entier a la qualité du sourire de la Joconde ? Si vous passez par le Louvre, oubliez la Joconde, mais visitez la Belle Ferronière puis dirigez-vous vers le Gilles, vous ne serez pas dérangé. Le tableau exprime tout l'art du 18ème siècle et des Lumières : de la peinture, du théâtre, de la philosophie, du roman, tout ceci est présent dans ce tableau tragique et joueur, profond et léger, lumineux et obscur. Ce tableau qui réunit tous les contraires en un éclat de génie bouleversant.

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Antoine Watteau - Gilles - 1718

Gilles est un crucifié, il en a la lucidité. Gilles est un clandestin. Il s'habille de blanc, paraît au premier plan, capte toute la lumière, s'offre à vous et pourtant vous ne le voyez pas, ne le percevez pas, ne savez rien de lui. Pas de roman social et familial chez Gilles. Une présence absence qui lui offre toute liberté. Que lui diriez-vous si, croisant son chemin, il vous apparaissait dans son costume à la fois trop grand et trop court ? le corps lourd, les mains épaisses laissent un visage hébété. Pourtant, au léger, sourire, vous vous demandez si le Gilles ne se fout pas de vous. Et vous avez bien raison. Vous vous trouvez devant un hybride, c'est-à-dire littéralement un monstre. Et l'on ne cause guère au monstre. Passez votre chemin, voici le Gilles qui exprime toute la folie des hommes et n'en laisse rien paraître. Gilles, mon frère, mon ami, mon double, mon meurtrier.

19/02/2011

Chronique de week-end : l'énigme de Lady Mrs

Pour cette chronique de week-end, détour par l'Amérique  et par....Paris. En 1881, Edmund Charles Tarbell vient parfaire sa formation de peintre à Paris. Le procès de Mme Bovary, autrement dit Flaubert, s’est tenu en 1857. Sans doute les effluves du procès demeurent-elles, enserrées dans le corset de la société de la fin du 19ème siècle dont tous les lacets n’ont pas été défaits. Tarbell a donc a sa disposition tous les ingrédients pour peindre des portraits de femmes. D’autant qu’en 1882, et encore l’année suivante, il voyage en Italie, passage obligé pour qui veut peindre la féminité corps et âmes, Ingres en savait quelque chose. Peut être Tarbell a-t-il lu Stendhal lors de son séjour parisien.

L’air du temps, les influences, une histoire personnelle ? difficile de dire ce qui guida Tarbell dans le portrait de Mrs John Lawrence. Le degré de conscience de l’artiste sur son œuvre est toujours incertain. Reste qu’elle est là, qu’elle vous regarde et que vous ne savez pas si vous serez à la hauteur de ce regard.

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Edmund Charles Tarbell - Mrs John Lawrence - 1912

Mrs John Lawrence n’a pas de nom, pas de prénom. Tout est emprunté à son époux. Comme l’indique le titre, l’existence sociale de cette femme est déterminée par celle de son mari. Il fallut aller jusqu’à  l’arsenic pour que Mme Bovary devienne Emma. Lady Mrs, puisqu’il nous faut expulser un mari dont nous n’avons cure, n’a guère envie d’arsenic. Car sous l’ennui apparent, malgré la rigidité statuaire et statutaire de la pose, dans ses yeux d’écusette de noireuil, la vie furète et n’a pas dit son dernier mot. La main légère pourrait achever, si nécessaire, de vous rassurer. Cette femme-là méprise les conventions sans haine et se joue des apparences. C’est ce qui vous fascine dans ce portrait. Vous percevez la détermination associée à la légèreté, ce couple parfait qui souvent terrifie les hommes, encore plus lorsqu’il a élu domicile chez une femme qui les séduit. Voici donc l’épreuve qui est la vôtre. Accepter de vous laisser séduire par cette femme et son couple fétiche qu’elle porte en diadème et trouver votre bonheur dans la passion et le goût. Lady Mrs n’est redoutable que si l’on en a peur. Edmund Charles Tarbell savait-il tout ceci ? il nous permet en tout cas de l’apprendre.

12/02/2011

Chronique du week-end : l'énigme du jardin sans tête

Nouvelle chronique de week-end consacrée à un des plus célèbres tableau de Max Ernst. L'oeuvre est charmante, les couleurs douces, le titre inhabituellement illustratif chez Max Ernst et les conclusions sont vite tirées : un collage d'après une Vénus de Cabanel, la femme paysage, la carte du tendre de la Touraine, la fertilité du jardin et de la femme, le nu voilé/dévoilé, le succès du tableau, outre sa facture et les talents de coloriste de Max Ernst, est aussi du à sa lisibilité.

Oui sauf que  tout cela est trop évident, trop "en rapport" et rend peu compte du trouble que suscite le tableau. D'aucuns se hâtent d'attribuer à la charge érotique du tableau, la légère perturbation qui vient suggérer que tant de cohérence est suspecte. Certains se hasardent à évoquer, mais à propos de la technique des collages seulement, la Femme 100 têtes parue en 1929. Nous sommes ici en 1962, Max Ernst à 71 ans. Un enfant de son âge a plus d'un tour dans son sac. Exit Cabanel (pour vous en assurer, voyez ici) et par la même occasion la femme enceinte, ceinte par le fleuve et la terre matricielle. Laissons ce lourd fourbi aux exégètes en peine.

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Max Ernst - Le jardin de la France - 1962

Prenons comme point de départ, l'ile de la Cité à Paris et sa rue de la femme sans tête (aujourd'hui rue Le Regrattier). L'ile Saint-Louis ou le sexe de Paris, enserré dans les cuisses de la Seine. Lorsqu'il composa la Femme 100 têtes, dans laquelle l'eau est très présente, Max Ernst connaissait cette symbolique de l'Ile, évoquée par Breton dans Nadja (1928). La femme de la Loire, qui vous est présentée sans tête, sous sa robe d'eau avait un corps, nu. La bande de terre et les bandes d'eau figurent l'Observatoire des amoureux de Man Ray. Max Ernst aime peindre en référence à ses amis et au jeune homme qu'il est resté.

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Man Ray - L'observatoire des amoureux

La Loire est un fameux observatoire pour les oiseaux qui s'invitent régulièrement dans les toiles de Max Ernst. Et si vous prenez le temps d'observer l'eau, les oiseaux, les nuages, vous ne serez pas surpris, bien au contraire, de l'apparition d'une femme nue, prise dans les courants contradictoires du désir du peintre, de vous, de moi et d'elle. Voici le passage des oiseaux muets comme la femme sans tête.

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L'ardeur de l'été fut confiée à des oiseaux muets

Reste le serpent. Max Ernst s'amuse à en faire un bas soulignant la cuisse qui vers vous s'avance. L'érotisme du serpent et la tentation sont des appeaux aux mille éclats derrière lesquels se dissimule Eve. Eve la seule qui nous reste. Eve que Max Ernst fait jaillir de l'eau, de la terre et du ciel, Eve qu'il n'a cessé de peindre et qu'il a déposée au coeur même du jardin, là où jaillit l'origine du monde. Comme la lettre volée d'Edgar Poe, Eve se dévoile et nul ne la voit. Magicien des oiseaux et de l'eau, Max Ernst nous livre la plus belle des clandestinités amoureuses, celle qui s'affiche au grand jour sans qu'on ne la voit.

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Max Ernst - Eve, la seule qui nous reste - 1925

29/01/2011

Chronique du week-end : l'énigme des femmes d'Ingres

Poursuite des chroniques du week-end en compagnie d'Ingres. Il aurait pu être question, à propos d'Ingres, de la manière dont on devient innovant en allant au bout du clacissisme, autre manière de montrer que c'est par la maîtrise de la technique que l'on parvient à la dépasser ou encore à gagner en liberté (pour peu que l'on en ait le souci, tout de même). Mais l'énigme d'Ingres n'est pas là. Elle est évidemment dans les femmes d'Ingres, pour qui la  femme n'existe pas. Mais il y a des femmes. Et en  chacune d'elles, une irréductible singularité et des permanences universelles. Lorsque l'on peint les femmes comme J.A.D.  Ingres, on sait cela. Ce qui fit le plus rire Ingres, longtemps après sa mort, c'est la frénésie comptable des critiques et commentateurs qui s'échinèrent sur les vertèbres de l'Odalisque. Et l'air pénétré des petits malins tout empreints d'histoire causale et linéaire qui virent en lui le précurseur de Picasso. En réalité, Ingres se fout de tout cela. Il dessine, il calque, il découpe, il ajuste, il organise, il démembre, il reconstruit, il imagine, il invente, il voit. Remarquez que souvent Ingres allonge, étend, donne de l'ampleur, étire et multiplie. Jamais il ne réduit, ne rétrécit, ne diminue, ne coupe ou ne se livre à l'ablation. Ingres est amoureux de la peinture, des femmes, des formes, de la vie, des couleurs, de l'harmonie, du beau, de lui-même aussi car il applique à la lettre le précepte "aime ton prochain, comme toi même". Le modèle est son prochain. En bon amoureux, l'excès est un minimum. Pour Ingres, jamais trop.

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J.A.D Ingres - Grande Odalisque - Musée du Louvre

D'ailleurs il n'y a pas une mais des odalisques. Et lorsque Ingres peint chacune de ses odalisques, il peint plusieurs femmes là où tous s'obstinent à n'en vouloir qu'une seule. Voici le long bras d'une maîtresse aux gestes d'arrangeuse de fleurs, voici la croupe forte d'une fille du Nord de la Garonne, voici le dos musclé d'une femme du Sud dont le corps vit sous le soleil, découvrez le sein de la jeune fille pubère, fixez le visage de celle que dévisage le peintre qu'elle fixe, entendez le croisement de jambes fait pour agacer vos nerfs érotisés, prenez plaisir à suivre la courbe des pieds abandonnés au repos mais dont la cambrure traduit la fausse lascivité. Toutes ces femmes sont là devant vous. Epargnez nous l'anthropomorphie laborieuse du bras trop long, du dos inhumain, des hanches impossibles et les pénibles observations qui à grand coup de rationnalité voudraient dissimuler le trouble érotique qui est le votre. Cette peinture est un collage, vous le savez à présent, plus rien n'entrave donc votre plaisir de la regarder encore et de la regarder toujours. N'y cherchez pas la femme et prenez le temps d'y découvrir toutes les femmes et pour ce faire n'hésitez ni à tirer le rideau ni à lever les draps.

22/01/2011

Chronique du week-end : l'énigme de Rambouillet

Des rires festifs vous parviennent depuis l'embarcation, mais le vent qui agite les grands arbres les rend confus, lointains, effacés, et pourtant tellement présents. Vous souriez à la scène et l'envie vous prend d'être parmi ceux qui se rient du mouvement de l'eau. Mouvement ? n'est-il pas étrange que l'eau du lac soit si agitée ? cette infime question pourrait être écartée sans y prendre garde : le vent bien sûr, le vent. Mais l'angoisse a pris appui sur le questionnement et gagne du terrain. Vous remarquez l'arbre mort au milieu de la nature généreuse, vous distinguez une lumière dont la source est à la fois devant vous, au dessus de vous et à l'est, derrière les arbres. Cette lumière ne peut exister. Et soudain les arbres prennent la figure de colosses prédateurs dont l'immobilité dissimule mal la promptitude. Au devant de quelles catastrophes s'avancent les inconscients navigateurs ? 

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Jean-Honoré Fragonard - La fête à Rambouillet - 1780

Et ces ombres dans les sous-bois qui ont forme humaine ne sont-elles que des statues ayant investi des abris naturels, s'agit-il d'une végétation anthropomorphe ou bien quoi ? Le tableau est un défi à la nature. L'innocence, la gaité, la joie, le plaisir vous seront les meilleurs atouts pour l'affronter le moment venu. Si l'énigme avait une clé, peut être pourrions nous la chercher dans cette déclaration de Fragonard : "Tire toi d'affaires comme tu pourras m'a dit la nature en me poussant à la vie". La nature vous éjecte dans les flots tumultueux de la vie, avant de vous ingérer sans coup férir. Entre les deux ? la volonté de parcourir l'espace ainsi offert, d'y goûter les plaisirs que vous jugerez loisible de vous autoriser et le jeu comme une volonté de bonheur. Ne réfléchissez pas, votre place n'est pas à réserver, il vous suffit juste d'embarquer...ah c'est déjà fait...alors bon vent !

Et si vous voulez une autre version de l'énigme, essayez Nougaro :

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15/01/2011

Chronique de week-end : l'énigme de Christina

Suite des chroniques de week-end avec une nouvelle énigme, surgie du coeur de l'amérique rurale.

Telle une héroïne d'Hitchcock, Christina par sa seule présence et sans que son visage ne soit nécessaire, opère la transmutation du paysage. La douce colline, l'herbe accueillante, l'habitation paisible disparaissent en un instant pour laisser place à l'angoisse. Christina a aujourd'hui rendez-vous avec le cauchemar qui la hante depuis toujours. Cette terreur qu'elle a su repousser, oublier, dominer, enfouir au fil des jours, la submerge. C'est maintenant. Ici que les choses se passent et que les pressentiments prennent corps et marquent au feu la destinée. Christina va entrer en collision avec son monde intérieur.

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Andrew Wyeth - L'énigme de Christina - 1948

Vous pouvez toujours vous référer à l'histoire officielle de la jeune poliomyélite qui rentre chez elle en rampant dans les champs. Les bras maigres et les chevilles incertaines vous seront des arguments. Vous pouvez toujours croire les histoires que racontent les peintres après avoir peint. Mais vous ne pourrez ôter ce doute : le tableau peut-il n'etre qu'une intention du peintre ? l'oeuvre n'aurait-elle pas de vie propre ? Christina vous livre les réponses à ces questions. Et si elle peut le faire c'est parce qu'elle sait aussi qu'il lui serait vain de chercher à échapper à ce qui l'attend. Elle vient de comprendre avec la dernière touche de la brosse du peintre que le seul moyen d'échapper à ses peurs c'est d'aller à leur devant sans crainte de l'affrontement. Christina sait que l'on peut faire peur à la peur. Elle y est résolue, elle saura se faire violence et bientôt, le paysage fera retour à lui-même.

08/01/2011

Chronique de week-end : l'énigme de la jeune fille

Le week-end est temps de mise en disponibilité, de ballades, de visites, de découvertes, de rencontres. En 2011, je vous propose une rencontre chaque week-end sous forme d'énigme. La peinture, l'art d'une manière générale, a souvent proposé des oeuvres qui sont des réponses : une histoire est racontée, une fable ou une morale illustrée, une scène historique représentée. Certes l'art contemporain a fait basculer cette logique en proposant des oeuvres qui questionnent l'individu et ne lui proposent pas de réponse. D'où parfois les violentes réactions de rejet dont il est l'objet. Mais entre ces deux pôles, il est des oeuvres qui ne sont ni des réponses ni des questions mais des énigmes. Enigme pour celui qui regarde, mais peut être pour l'auteur lui même, pour qui sa propre oeuvre peut être un mystère. Chaque week-end donc au cours de cette année, un tableau en forme d'énigme avec, comme pour toute énigme, une hypothèse à la clé. N'hésitez pas à livrer les votres. Pour ouvrir l'année, l'énigme de la jeune fille.

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Petrus Christus - Portrait d'une jeune fille - 1470

La jeune fille est une énigme dont Proust proposa une éphémère résolution. La jeune fille fait peur, sa liberté est son pouvoir devant lequel tout adulte empêtré dans ses inhibitions ou au contraire déterminé par ses obsessions, cède. Jalousée des femmes, désirée et donc haïe des hommes, porteuse d'une vérité que jamais le jeune homme n'approchera, la jeune fille est un mythe que les jeunes filles habitent un instant, ou quelques uns, et puis dont elles se déprennent pour ne jamais plus le retrouver. Pour l'homme, le mythe est un mystère, l'énigme insurmontable. Certains, toutefois, l'approchent et trouvent grâce à ses yeux. Proust donc qui alla directement au coeur de l'énigme, Nabokov qui en raconta l'histoire, Lewis Caroll qui joua avec lui, Patrick Grainville qui le vénéra dans son très beau "Paradis des orages", et quelques autres dont Petrus Christus.

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La toile est de petite taille. Elle est visible  dans une vitrine de la Gemaldegalerie à Berlin. Elle a fait l'objet d'analyses, d'exégèses, d'expertises scientifiques, mais n'a rien livré. Ni sur les questions de surface, qui était le modèle, quand fut peinte la toile..., ni sur les questions plus profondes, pourquoi ces yeux asiatiques, pourquoi ce teint de porcelaine, à quelle fin ce regard détourné mais qui ne manque ni de détermination, ni d'audace, et encore moins sur la question essentielle de savoir ce que la jeune femme du peintre de Bruges nous dit d'elle-même et de ses semblables. Mona Lisa est une pâle représentation féminine comparée à cette beauté surnaturelle qui pourtant fût. Mais la peinture ne se compare pas. Tant mieux si Mona Lisa concentre l'attention et les flux touristiques. Les affinités électives vont mieux au teint des jeunes filles que les processions religieuses. Et la jeune femme de Bruges a toujours le teint d'une jeune fille en fleur.

20/08/2010

Mafia, Mama, Maradona

L'énigme n'en est pas vraiment une. Quelle ville se cache derrière les trois mots Mafia, Mama, Maradona ? Mafia, nous pouvons être en Italie, aux Usa, en Russie, Mama, nous nous rapprochons de l'Italie, Maradona, nous sommes au Sud, à Naples précisément. On connait la formule d'Edouard Herriot emprunté à un moraliste oriental : "La culture, c'est ce qui reste dans l'esprit quand on a tout oublié". On peut ne pas connaître les mamas italiennes, ni le football, ni le crime organisé (difficile d'échapper à Coppola et au Parrain quand même) et pourtant avoir une représentation de la ville de Naples. C'est que la culture, qui fait l'identité, ce dont ne se sont toujours pas aperçu ceux qui désespèrent de trouver sous un coin de tapis la définition de l'identité nationale, est suffisamment forte pour ne plus dépendre de la connaissance formelle. Même ceux qui ne savent pas, savent.

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Sur un mur de Naples
Plutôt que de créer d'artificielles chartes manageriales ou d'afficher des valeurs publicitaires, les entreprises pourraient se demander, ou mieux encore demander à leurs salariés, quels sont les trois mots qui leur paraissent le mieux caractériser leur identité ou leur culture. Et bien sur ne pas proposer une liste prédéterminée de mots valises. Essayez pour voir ce qui vous vient spontanément à l'esprit s'agissant de votre organisation. Vous pensez que l'on peut communiquer là dessus ? allez il vous reste le week-end pour préparer vos arguments. Vous voulez que j'y joue aussi ? alors allons y, pour le Cabinet Willems Consultant spontanément : artisanal, rapide, toulousain. L'acronyme mégalo donne ART mais l'enthousiasme est refroidi quand on aperçoit le RAT ! (napolitain sans doute).