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03/03/2011

La beauté du geste

La décision de la Cour de cassation du 16 février 2011 m'a brutalement ramené au début des années 90, lorsque je fus saisi par un salarié d'un litige l'opposant à son employeur. L'affaire était la suivante : salarié d'un CFA, l'homme était en arrêt maladie depuis deux ans et venait d'être licencié. Lors de son arrêt maladie, il avait été élu conseiller prud'hommal, ce dont l'entreprise aurait du être informée par une notification du greffe, mais en l'occurence suite à un changement d'adresse elle n'avait pas reçu le courrier. Lors de l'entretien préalable, le salarié n'avait pas fait état de sa qualité de salarié protégé. Et il avait ensuite attaqué le licenciement en nullité pour violation du statut protecteur. L'entreprise faisait valoir que la charge de la preuve du statut pesait sur le salarié et qu'il n'avait pas fait état de sa qualité. L'employeur avait gagné devant les prud'hommes et la Cour d'appel. L'affaire était en cassation lorsqu'au détour d'une rencontre, le conseiller masqué me transmet le dossier et me demande mon avis. Défendu par le cabinet Lyon-Caen, l'employeur a des arguments solides. Et la morale de son côté. Pour autant, il me semble que le contentieux peut se gagner techniquement. J'argumente sur le caractère d'ordre public du statut, la publicité de l'élection qui est organisée par la loi et ne peut être mise à la charge du salarié, lequel ne peut supporter le risque d'une défaillance de l'information de l'entreprise. Bingo, la Cour de cassation retient l'argumentation et pour la première fois admet que le salarié n'a pas à faire état de sa qualité. Et notre conseiller silencieux de percevoir trois années de salaire de dédommagement (soit la totalité des salaires jusqu'à la fin du mandat de conseiller prud'hommal). Nouvelle preuve que la morale et le droit ne se recouvrent qu'imparfaitement et que l'on peut sacrifier l'éthique à la beauté du geste, comme le banderillero peut aimer le taureau qu'il affronte.

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Catherine Huppey - Sans titre -

Dans sa décision du 16 février 2011, la Cour de cassation renouvelle, quasiment dans les mêmes termes, son analyse. Un salarié élu conseiller prud'hommal ne fait pas état de sa qualité à son employeur lors de son entretien préalable au licenciement. Mauvaise foi et déloyauté argumente l'entreprise. En vain, il n'y a pas tromperie assure la Cour de cassation et le silence ne vaut pas mensonge par omission. Le salarié obtiendra gain de cause. La morale n'y trouve pas son compte, mais on en voudra pas plus à l'avocat qu'au banderillero.

Arrêt16Fevrier2011.pdf

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