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14/08/2013

Beauté du contresens

La formule est empruntée au titre d’un livre de Philippe Forest, lui-même inspiré par Marcel Proust qui écrivait : «Les beaux livres sont écrits dans une sorte de langue étrangère. Sous chaque mot chacun de nous met son sens ou du moins son image qui est souvent un contresens. Mais dans les beaux livres, tous les contresens qu'on fait sont beaux.».

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Ce qui est vrai pour la littérature ne l’est pas moins pour les pays étrangers. Le plus souvent, nous ne voyons que l’écume, et lorsque nous avons le sentiment d’aller au-delà, notre regard est tellement d’ailleurs qu’il ne peut que voir différemment de celui qui vit dans ce pays et en maîtrise la culture, les codes, l’histoire, les références, la symbolique.

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A ce titre, rien de plus agaçant que les phrases qui commencent par : « Les japonais sont… ». Les japonais n’existent pas plus que les français, les grecs, les polynésiens ou les moldaves. Il y a des japonais, 127 millions exactement et une diversité infinie d’individus qui pourraient tous constituer un contre-exemple de certains de leurs concitoyens.

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La généralisation est, comme toujours, une réduction paresseuse, loin de la synthèse subtile que l’on peut souvent observer de ce côté ci de la terre.

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Voilà pourquoi, il n’y a pas de voyage, il n’y a que des voyageurs.

02/11/2011

Si proche ennemi

L'étranger fait peur, ce n'est pas nouveau. Le terme même d'étranger nous persuade que l'autre, que nous ne connaissons pas, est un peu bizarre. Des manières qui ne sont pas les notres, des réactions différentes, un mode de vie qui nous surprend ou nous déroute, l'étranger est une énigme souvent perçue comme une menace.

Pourtant, le danger vient rarement de l'étranger et plus souvent de la proximité. Le plus grand lieu de violence est la famille, 75 % des viols sont commis par des hommes qui connaissaient leur victime, le crime de hasard demeure minoritaire et les risques au final sont bien moindres d'être agressé par un étranger que par quelqu'un que l'on connaît. Eternelle histoire d'Abel et Caïn.

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Le Tintoret - Cain et Abel

Pourquoi, contre toute évidence, avoir si peur de l'étranger alors que la menace vient d'ailleurs ? pourquoi cette focalisation ? peut être justement pour oublier que la violence vient plus souvent de nos proches, sans doute par déni de reconnaître cette capacité de violence à ceux avec qui l'on a tissé des liens d'amitiés voire d'amour. Il est des évidences moins agréables que d'autres. Au final, tant pis pour l'étranger qui paiera sans avoir rien demandé le prix du déni.

10/03/2011

Si proche étranger

L'histoire se passe dans un village d'une vallée ariègeoise. Un habitant du cru me parle d'un de ses concitoyens qui a mal tourné en se mariant avec une étrangère. Diable ! et de quel continent ? du village voisin qui est à cinq kilomètres. Il est vrai que quelques années plus tard, dans un autre village au coeur d'une plaine ouverte, il fut débattu en Conseil municipal de l'accueil d'enfants étrangers à la cantine de l'école. D'où venaient donc ces enfants sans cantine ? du village d'à côté. L'avocat des salariés licenciés dans l'affaire jugée le 2 mars dernier par la Cour de cassation venait peut être d'un des villages, car il contesta le licenciement de ses clients au motif que la lettre de licenciement avait été signée par un intérimaire recruté pour assister le DRH. Pour l'avocat, cet assistant était un étranger à l'entreprise et ne pouvait décider des licenciements. L'étranger a beau être proche, il n'en reste pas moins étranger.

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La Cour de cassation balaie l'argument et l'affirme clairement : un intérimaire n'est pas étranger à l'entreprise dans laquelle il effectue sa mission. On peut donc être différent sans être étranger, merci au Tribunal de cette précision. Et la Cour écarte avec la même autorité le second argument de l'avocat : l'intérimaire n'avait pas de délégation de pouvoir écrite. Elle rappelle que son contrat de mission portant sur l'assistance du DRH, sa qualification incluait le pouvoir de licencier. Voilà qui invite les entreprises à se souvenir que la qualification contractuelle est la première manière de définir le périmètre de la mission d'un salarié, ou d'un intérimaire donc, et son champ de responsabilité. Et pour ces deux rappels, on félicitera le Juge de n'être pas étranger à ce qui se passe dans un monde qui n'est pas le sien.

CourCassation2mars2011.pdf

06/05/2010

Pas de reclassement en roumanie

Le Sénat vient d'adopter mardi 4 mai, après l'Assemblée nationale le 30 juin 2009, un texte sur le reclassement des salariés licenciés pour motif économique qui prévoit un questionnement systématique du salarié sur sa volonté d'accepter ou non des offres d'emploi à l'étranger, avant toute proposition. Cette loi a pour objet officiel d'éviter aux entreprises qui font des licenciements économiques d'être condamnées par le juge si elles ne proposent pas des emplois dans tous les pays où elles sont implantés, serait-ce à un salaire dérisoire comparé au salaire français, et d'être condamnées par les medias si elles formulent des proposition du type : on vous propose un emploi équivalent dans un nouveau pays au tarif de 135 euros par mois. Dorénavant, le salarié ne pourra se voir proposer de telles offres que s'il a indiqué à l'entreprise le type d'offres qu'il acceptait de recevoir et sous quelles réserve. Et les juristes de se délecter de l'interprétation que l'employeur devra faire de réserves du type : j'accepte tout emploi moins pénible que le mien, ou bien j'accepte tout emploi dans un pays ensoleillé, ou bien j'accepte tout emploi qui me garantit un pouvoir d'achat équivalent compte tenu du niveau de vie dans le pays. Bref, en voulant simplifier, comme souvent, on a sans doute ajouté de la complexité au reclassement sans traiter le problème de fond : l'entreprise peut toujours librement transférer des activités en roumanie, mais elle doit demander aux salariés s'ils acceptent de recevoir des offres pour aller continuer leur job en roumanie. Peut être pourraient-ils y croiser Victor Brauner, peintre roumain.

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Victor Brauner - Sans titre - 1946

On notera que nos parlementaires si prompts à fixer des règles en matière de nationalité, ne se posent pas la question de savoir si le salarié pourra effectivement, ou non, travailler dans le pays visé. Ni celle de savoir comment s'effectueront les propositions en cas de liquidation judiciaire. Bref, une loi de plus faite pour simplifier la vie des entreprises et qui pourait bien la leur compliquer.

Ajoutons enfin que les parlementaires ont décidément des représentations bien ancrées : ils valident la règle selon laquelle le reclassement du salarié doit s'effectuer sur un emploi correspondant à celui occupé ou  équivalent et assorti d'une rémunération équivalente. Si ce reclassement n'est pas possible, le salarié pourra se voir proposer un poste de catégorie inférieure. Mais il n'est pas envisagé que le reclassement puisse s'effectuer sur un emploi de catégorie supérieure. Comme si le surclassement n'existait pas et comme si tout salarié était incapable de faire un autre job que le sien, sauf un job de même niveau ou de niveau inférieur. Il faudrait parfois que nos parlementaires aillent observer la vie au-delà des palais de la République. Peut être même qu'ils aillent en roumanie. Ainsi pourraient-il faire des textes basés non sur des préjugés mais sur des réalités. A propose de réalité, le dernier mot à Brauner pour finir par totalement regretter la roumanie.

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La charmeuse de Serpent - Brauner
(d'après le douanier Rousseau)