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14/03/2011

Le juge sinusoïdal

Edgar Faure, en bon centriste, a établi de manière définitive que ce n'est pas la girouette qui tourne mais le vent. Un vent d'Autan puissant a du souffler sur la Cour de cassation qui vient de modifier de manière spectaculaire sa position en matière de modification du contrat de travail. Jusqu'alors, le juge considérait que toute décision de l'employeur ayant un impact sur la rémunération (montant ou mode de calcul) supposait l'accord du salarié. Et notamment, le juge imposait que les objectifs, lorsqu'ils déterminaient une part de rémunération variable, soient fixés par accord entre l'employeur et le salarié, ce qui n'était pas nécessairement le cas lorsque les objectifs n'étaient utilisés que pour manager la performance, sans entrer dans la base de calcul de la rémunération.

Saisie par un salarié dont l'entreprise a révisé unilatéralement les objectifs qui servent à calculer sa rémunération, la Cour d'appel de Grenoble applique la jurisprudence de la Cour de cassation. A tort lui dit celle-ci qui établit une nouvelle règle : les objectifs relevant par principe du pouvoir de direction, ils sont fixés unilatéralement même lorsqu'ils impactent la rémunération. Les seules conditions sont d'informer le salarié en début de période de réalisation des objectifs et de fixer des objectifs réalistes. Tant pis pour la COur d'appel qui a raisonné de manière linéaire, alors que, branchée sur courant alternatif, la Cour de cassation produit des raisonnements en forme de sinusoïde.

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On ne peut trouver meilleur exemple pour illustrer que le juge décide absolument ce qu'il veut, et qu'ensuite il construit le raisonnement qui lui permet de justifier sa décision. En l'espèce, la décision aurait pu être exactement inverse avec la même rigueur juridique. Rappel que le droit n'est pas une science exacte mais de la littérature, qu'aucun contentieux n'est jamais gagné, et donc perdu, d'avance et qu'il faut parfois un certain flegme pour accueillir certaines décisions, lequel flegme est plus facile à pratiquer pour le commentateur que pour les parties concernées. Bonne semaine à tous.

Cass-08-44-977-remuneration-variable.pdf

06/11/2009

Le Gossplan réinventé

Lorsqu'il y a vingt ans le mur de Berlin est tombé, l'herbe et les fleurs se sont mises à pousser dans les Trabants. Pour certains, la fin de la guerre froide était quasiment la fin de l'histoire, ce qui n'avait guère de sens. De l'Ouest triomphant le mur était la victime, et bien avant que l'on ne parle d'ostalgie, il s'agissait d'exporter au plus vite les méthodes qui avaient fait leur preuve. On pouvait moquer à loisir le Gossplan et la bureaucratisation de la gestion des activités économiques.

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Trabant à Berlin en 1991 - Photo : jp willems

La manière dont le marché occidental absorba l'économie planifiée n'est pas sans rappeler la manière dont les méthodes de gestion du privé s'imposent aux administrations publiques. On en veut pour preuve la substitution depuis 2007 d'un entretien professionnel à la traditionnelle notation des fonctionnaires mise en place en 1946 à l'initiative d'Ambroise Croizat, ministre communiste du Gouvernement de la Libération et créateur de la Sécurité sociale. La notation avait pour objectif de faire échapper le fonctionnaire au régime des "petits chefs" en objectivant sa situation. La pratique ne fut pas à la hauteur des attentes. On remplaça donc la notation par l'évaluation. Les charmes de l'Ouest sont irrésistibles.
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Staline-Monroe - L. Stokov - 1991

Mais voici qu'insidieusement, réapparaît le Gossplan : sous couvert de management par objectifs dans le privé et de culture du résultat dans le public, on voit ressurgir des indicateurs chiffrés qui tiennent lieu de Graal à atteindre. Non pas de sens à donner à l'action mais de quantité à obtenir coûte que coûte. Et l'on retrouve toutes les dérives du Gossplan : travailler pour l'indicateur et non pour la finalité de l'action, se fixer sur  le chiffre et non sur le sens. Et vingt ans après la chute du mur l'on se dit que plus les choses changent...et plus c'est la même chose.

25/11/2008

Plaisir au travail

Suicides au travail, mal-être, stress, souffrance…telle semble être l’actualité du travail. Au début du 21ème siècle, le travail-aliénation aurait donc pris le pas sur le travail libérateur et émancipateur. Ne doutons pas que le sinistre « Arbeit macht frei » des camps de concentration n’ait durablement rendue tabou l’idée de faire du travail une source de liberté ou de plaisir et non de contrainte ou de souffrance.

Dans l’entreprise elle-même le travail est peu souvent présenté de manière positive : renvoyé à des objectifs, à des processus, à des résultats, à des livrables, ….le travail n’est guère mis en valeur.

Prenons les entretiens d’évaluation : atteinte d’objectifs, projets de l’entreprise, projets du salarié (satané obligation de se projeter qui contribue à déposséder le salarié du présent) mesure de la compétence,… quantification et objectivation règnent en maîtresses sévères.

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Matisse - Le bonheur de vivre - 1905-1906

Quelle entreprise osera introduire le confort et le plaisir dans la discussion : confort au travail plutôt que sécurité au travail, confort dans les fonctions plutôt que capacité à maîtriser le poste, plaisirs à rechercher plutôt que projets à envisager, plaisir du résultat obtenu plutôt que sur-performance ou sous-performance, plaisir au travail plutôt qu’implication. Propos de doux rêveur ? c’est que l’époque doit s’y prêter !

23/10/2008

Quelle est la finalité d'une entreprise ?

A cette question, le réflexe pavlovien est souvent de répondre : le profit. La vulgate libérale et la vulgate marxiste s’entendent d’ailleurs parfaitement sur ce point. Trop rapide évidemment. La finalité d’une entreprise est celle que ses dirigeants lui assignent. En 1990, Serge Kampf, patron de Cap Gémini, a soumis à son conseil d’administration la question de la finalité de l’entreprise en proposant quatre réponses, qui lui paraissaient les quatre réponses les plus probables pour un dirigeant : 1. L'indépendance, l'autonomie , 2. Le profit, la rentabilité ; 3. Le pouvoir, le leadership ; 4. La pérennité, la durée.

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Douanier Rousseau - La guerre

Il pensait que la réponse 1 viendrait en tête, et c’était la sienne. Mais les administrateurs ont majoritairement voté pour la réponse 3, souhaitant qu'avant tout l'entreprise soit leader sur son marché. L'autonomie et l'indépendance n'ont été placées qu'en seconde position.

La réponse 2 n’est venue qu’en troisième position et la réponse 4 en quatrième position. Selon l’intérêt que l’on porte à l’entreprise et à ses activités, selon la manière dont on envisage sa carrière professionnelle, selon ses valeurs et parfois sa situation du moment, il est évident que pour un dirigeant, la réponse à la question de la finalité de l’entreprise est rien moins qu’évidente et que la rentabilité est plus souvent un moyen qu’une fin.