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23/11/2011

Jardin d'agréments

Le jardin d'Epicure était lieu de plaisir et de raison car en ce temps là il ne venait à personne l'idée d'opposer l'un et l'autre. Le jardin est un lieu de curiosités. Fourmillant de vies multiples, il varie selon le temps et au gré du temps. On peut s'y établir dans un immobilisme tout empreint de mouvements perpétuels. Et si l'on s'y assoupit, le réveil s'agrémente du plaisir de la re-découverte.

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Festival des jardins de Chaumont 2011

Le jardin est le reflet de celui qui le cultive, et tous n'ont pas le charme de ces champignons magiques. Ce jardin ci-dessous, qui rassemble les noms des plantes disparues et des lieux de leur disparition est un cimetière austère dont l'homme est responsable.

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Festival des jardins de Chaumont 2011

La politique suivie par le Ministère du travail pour délivrer l'agrément aux nouveaux OPCA qui officieront à compter de 2012, ne s'est guère inspirée des champignons magiques, tournesols joyeux et violettes vibrionnantes. Les OPCA ont été méthodiquement passés au défoliant fiscal qui leur a fait perdre quelques uns de leurs atours sociaux, considérés comme des herbes folles qu'il convenait d'éradiquer.

La chronique réalisée avec Jean-Marie Luttringer pour l'AEF montre comment une logique fiscale restrictive a systématiquement été préférée à une logique sociale porteuse de dynamiques de négociation. A chacun ses jardins.

Les OPCA passés au défoliant fiscal - La Fabrique des OPCA.pdf

22/11/2011

Mauvais élève, bon formateur

L'anecdote est rapportée par mon expert-comptable et commissaire aux comptes, qui est également formateur en finances, comptabilité et stratégie. Un très bon formateur qui est aussi capable de faire travailler des dirigeants et DAF que de faire découvrir les mécanismes de la comptabilité et de la finance à des managers. Il me rapporte que lors de ses études universitaires, il ne parvenait absolument pas à intégrer les logiques de la comptabilité. Et qu'il répondait systématiquement à côté des questions posées, ce qui lui valut la note de 1 lors d'un oral avec un enseignant qui, sans le reconnaître et bien des années plus tard, le sollicita comme expert pour un dossier un peu compliqué. La roue tourne.

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Lou Dubois - La roue du temps - 2010

Tu comprends, me dit-il, il m'a fallu 7 ans pour comprendre les logiques et mécanismes comptables et financières. Une fois que j'ai eu compris, c'était simple, mais pendant 7 ans cela m'échappait.

Il n'est pas étonnant que celui qui a eu des difficultés d'apprentissage, qui s'est heurté à l'hermétisme d'un domaine avant d'en trouver la clé qui lui permet de s'y promener à loisir et avec plaisir, fasse un bon formateur. Ayant expérimenté lui-même les limites de pédagogies subies, ayant du tracer des chemins personnels pour accéder à la liberté que procure la connaissance, pour peu qu'il ait le goût du partage et n'ait pas à l'esprit de se réserver le contenu du coffre-fort qu'il a percé, il pourra faire un très bon formateur. C'est notamment pour cette raison que le meilleur professeur d'anglais que j'ai rencontré n'était pas un "native" mais....un espagnol. Diable, voilà qui ne simplifie pas la tâche de qui doit sélectionner ou recruter...un bon formateur.

Note : Lou Dubois expose du 9 décembre 2011 au 14 janvier 2011 à la Galerie Les Yeux Fertiles, 27 rue de seine, 75006 PARIS.

20/11/2011

De l'informel dans le formel

Si Oscar Dominguez est considéré comme l'inventeur des décalcomanies, Max Ernst leur a donné une dimension supplémentaire en les intégrant au coeur de peintures dont ils constituent à la fois l'élément central et l'horizon mystérieux. Le décalcomanie résulte d'une intention et d'un hasard. L'intention est de les créer, le hasard est la forme qu'ils prennent selon la quantité d'eau utilisée, la pression exercée, le mouvement du papier que l'on relève. Au milieu des formes que le peintre choisit de créer, le décalcomanie associe des formes issues d'une pratique capable de les créer sans pour autant en maîtriser le contenu. La force du tableau se trouvera dans cet assemblage entre formel et informel.

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Max Ernst - La toilette de la mariée - 1940

Comme le peintre associe le formel et l'informel, le formateur peut organiser de la formation formelle et prévoir des temps pour l'informel. Par définition, il ne saurait les organiser dans le détail, l'informel n'aurait plus guère de sens. Il ne peut en prescrire le contenu mais seulement les contours. Prenons deux séminaires en résidentiel : dans le premier, les participants enchaînent ateliers et interventions de 8h du matin à 8h du soir. Après le repas, un dernier brief leur présente le programme du lendemain. Dans le second, les interventions sont moins nombreuses et le programme comprend des plages libres. Celles qui vont permettre des échanges non dirigés, des temps de liberté que chacun mettra à profit comme il l'entend, où l'on pourra partager un verre, prolonger une discussion, s'échapper à plusieurs du séminaire, ou encore s'adonner à des jeux. Est-on vraiment certain que la première version sera à la fois plus satisfaisante et plus efficace ? les tableaux de Max Ernst constituent une forme de réponse.

19/11/2011

Voles selon

Il y a un an, surgissait un petit homme aux allures de furet. Le regard initial, vif et curieux de tout, s'est porté pendant un an sur tous les mondes nouveaux découverts chaque jour. Quand on te regarde, on comprend mieux la phrase de Rimbaud :

Arrivé de toujours, qui t'en iras partout

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Pour cette deuxième année qui débute ce jour, que te souhaiter sinon de prendre encore davantage ton envol, comme ce corbeau blanc que tu regardes en souriant tous les soirs avant de dormir. Bon anniversaire Ioannes.

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Vergno - Le corbeau blanc - 1998

Des humains suffrages

Des communs élans

Là tu te dégages

Et voles selon

18/11/2011

De la motivation en formation

Avec la légèreté de style dont il voudrait faire un style, Nicolas Bedos indiquait ce matin à un journaliste qu'étant un grand affectif, les seuls enseignements dont il avait tiré profit étaient ceux délivrés par des enseignantes à gros seins ou à grand coeur. Avant même d'avoir eu le temps de me demander si la phrase avait du sens, je me souvins que si je fus captivé un temps par le développement de l'économie chinoise c'était par la grâce de la fascination que suscitait l'eurasienne qui m'instruisait et que si je ne rédige pas laborieusement ces chroniques avec deux doigts hésitant et l'oeil fixé sur le clavier c'est parce que l'option de dactylographie, que j'avais choisie au lycée pour partager quelques heures de cours supplémentaires avec la lycéenne de mes pensées, était assurée par une sémillante Arlette vêtue comme dans les films des années 70, c'est à dire très court.

Ces réflexions rejoignaient, et ce n'est pas paradoxal, celles de la veille à l'occasion de la journée organisée par DEMOS sur le thème des conditions de mise en place d'un dispositif de formation en e-learning.

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Fragonard - La leçon de musique

Un responsable formation ayant déployé plusieurs dispositifs, faisait part de son expérience sur le premier grand projet qu'il avait géré et qui avait suscité des retours extrêmement violents de la part des collaborateurs sur le processus mis en place. Plus violents que pour n'importe quelle autre formation. Est-ce surprenant ? si l'on place les individus dans un processus déshumanisé, froid, en face à face avec la technologie, dans l'apprentissage pavlovien de comportements ou de connaissances dont la technologie vérifiera in fine avec l'inévitable quizz la capacité de reproduction docile, comment ne pas susciter une réaction de révolte ? est-il si étonnant que la situation de désocialisation organisée suscite des comportements désocialisés ?

En cette période où les pays latins n'ont pas bonne presse, il ne faudrait pas perdre de vue que la chaleur de la relation est un bon ingrédient pour embraser le feu de l'enseignement. La règlementation prend sa part dans ce rappel : pour qu'il y ait formation lorsque le processus est organisé intégralement à distance, il est nécessaire qu'un formateur intervienne dans le processus. Ceux qui considèrent qu'il s'agit d'une contrainte ou d'un dernier verrou à faire sauter pour libérer l'enseignement des rigidités du cadre règlementaire, devraient peut être se pencher un peu sur leurs souvenirs.

17/11/2011

Une main protectrice

Avant que ne soit ouverte la compétition pour savoir quel Président a le profil le plus protecteur, force est de constater que la main protectrice est plutôt celle du juge. Après la Cour d'appel de Paris le 12 mai dernier, (voir ici), c'est  le TGI de Nanterre, dans une décision du 21 octobre 2011, qui affirme la nullité d'une procédure de licenciement dès lors que le motif économique permettant la mise en oeuvre du licenciement est nul. Pour étendre cette main protectrice sur les salariés, le juge force un peu les textes qui ne prévoient de nullité qu'en cas de Plan de Sauvegarde de l'Emploi (PSE) nul et non de motif économique nul. Le juge écarte l'argument d'un revers de manche : en l'absence de motif économique, le PSE ne peut être régulier et la nullité entache donc l'ensemble de la procédure ce qui revient à interdire à l'entreprise de procéder à tout licenciement.

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Comme la Cour d'Appel de Paris, le Tribunal de Nanterre est sans doute un peu excédé par un Code du travail qui frappe de nullité un licenciement économique si le PSE est nul mais pas si le motif économique est nul. Ce qui conduit au paradoxe qu'un salarié licencié sans motif ne pourra demander sa réintégration, alors qu'un salarié licencié avec un motif peut  imposer son retour dans l'entreprise si le PSE s'est avéré insuffisant. Reste aux salariés qui contestent le motif du licenciement à tenter leur chance devant les tribunaux, si d'ici là le législateur n'est pas intervenu pour faire échec à une jurisprudence que certains pourraient trouver trop novatrice voire trop protectrice des salariés. Mais ce ne sera pas, bien évidemment, l'argument invoqué par les thuriféraires de la liberté de gestion, trop souvent confondue avec la capacité de prendre des décisions arbitraires ou discrétionnaires : il faudra dorénavant, et tant que la Cour de cassation n'a pas dit la messe, prendre le réflexe de solliciter la main du juge lorsque manifestement le licenciement n'est fondé sur aucun des motifs que la loi énonce en matière de licenciement pour motif économique. Et souhaiter que le juge ait la main protectrice.

15/11/2011

Malades

Le Gouvernement préfère l'optimisation fiscale à l'optimisation sociale. Voici donc ressorti à l'approche des élections présidentielles, le slogan de la lutte contre la fraude aux allocations, systématiquement présentées comme ce qu'elles ne sont pas, une assistance sur le mode de l'aumône, et jamais comme ce qu'elles sont, un droit dont on ne bénéficie qu'à certaines conditions dont souvent celle d'avoir contribué à financer le régime. Tel est le cas notamment des indemnités journalières d'assurance maladie mises sur la sellette à travers deux annonces retentissantes : les salariés bénéficiant de faux arrêts maladies seraient mis à l'amende et un quatrième jour de carence serait rajouté aux trois jours légaux existants. Juridiquement, dans les deux cas, le coup est à côté de la cible.

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Edward Munch - L'enfant Malade - 1896

Si le "responsable mais pas coupable" a un sens juridique, la responsabilité civile n'étant pas la culpabilité pénale, le "pas responsable mais coupable" n'en a aucun. On ne peut être coupable, de fraude en l'occurence, que si l'on est responsable, c'est à dire si l'on dispose du pouvoir de décision. Les salariés ne pouvant se prescrire de faux arrêts maladie, il faudra si l'on veut véritablement un coupable se tourner du côté des médecins. Quant à la seconde mesure, elle ne fera qu'accroître le fossé entre les catégories de salariés sans règler le problème. Qui subit aujourd'hui la carence de trois jours ? les salariés des PME, ceux qui sont couverts par une convention collective peu protectrice et ceux qui ont une prévoyance minimale. Qui ne la subit pas et ne la subira pas plus sur 4 jours que sur 3 ? les autres, c'est à dire les salariés ayant une convention protectrice, une bonne mutuelle ou travaillant dans une grande entreprise qui prend à sa charge la carence. Les salariés les moins protégés le seront donc encore un peu moins sans que rien ne change pour les autres. Quant aux médecins, ils peuvent dormir tranquille, en période préélectorale ils ne sont carrément pas dans la cible.

14/11/2011

Impossible gouvernance

Le système de formation professionnelle est un canard sans tête. Ou un avion aux multiples pilotes dont l'énergie est tout entière accaparée par la tenue du manche. Bref, un système qui avance par à coups mais n'est guère gouverné, point sur lequel tous les diagnostics s'accordent. Avançons une explication. La formation continue est  le produit de Mai 68 et de la nouvelle société de Chaban-Delmas. Soit le fruit de l'union entre une pensée socio-culturelle marxisante tendant à l'autogestion, dans la mouvance des structuralistes et de la French Théory, et un courant catho-social fortement marqué par le personnalisme d'Emmanuel Mounier diffusé notamment par la revue Esprit et Témoignage Chrétien. C'est ce couple improbable qui a su se retrouver dans la création d'un système responsabilisant les acteurs, nécessairement multiples mais différenciés dans leur positionnement et leur fonction, dont les objectifs relèvent à la fois de l'autonomisation de la personne et de son éducation morale et politique. Le problème est que ce couple est le fruit d'une conjonction historique qui ne s'est plus représentée depuis et qu'il s'est rarement retrouvé en situation de pouvoir faire vivre et dynamiser ce qu'il avait créé.

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Charles Le Brun - Le Roi gouverne par lui-même - 1661

La majorité de la classe politique française est fortement jacobine et étatique. De la droite bonapartiste à la droite monarcho-républicaine en passant par les communistes et le centralisme démocratique, ou encore la gauche républicaine qui ne jure que par Valmy et l'Etat, il reste bien peu de place pour les tenants d'une pensée plus girondine. Elle exista quelque peu avec l'entrée de la deuxième gauche dans le premier gouvernement Mauroy en 1981 (suivirent les accords de 82 sur le CIF, de 83 sur l'alternance et la loi de 84 sur la formation comme pendant des lois Auroux de 82) et lorsque Michel Rocard, figure historique du PSU autogestionnaire, fut premier ministre en 1989 et mit en oeuvre le crédit formation. Ce fut l'époque de la décision collective et coordonnée au sein des Comités régionaux de l'emploi et de la formation, seule période sans doute où ces instances furent de véritables lieux de pouvoir concerté. Depuis, ce sont des jacobins centralisateurs pur jus de droite et de gauche qui sont chargés de faire vivre un système conçu pour fonctionner de manière décentralisée. Ce sont des tenants de la décision unilatérale éclairant de sa pertinence les insuffisances des acteurs qui pilotent un système qu'ils rêveraient de mettre cul par dessus tête. Faut-il dans ces conditions s'étonner que le pilotage soit impossible ?

Si l'on veut bien suivre ce diagnostic, on en concluera que ce n'est pas en réformant la tuyauterie et en créant de multiples obligations nouvelles que l'on établira une gouvernance efficace. Soit l'Etat va jusqu'au bout de sa logique centralisatrice et il s'oblige à détruire en partie l'existant, c'est ce qui est à l'oeuvre aujourd'hui, soit il effectue une révolution culturelle et il reprend, 40 ans plus tard, un pari sur la responsabilité d'acteurs ayant des champs d'autonomie et de responsabilité distincts et articulés. Ce retour en arrière serait sans aucun doute un grand bond en avant.

11/11/2011

De la connaissance

Dans L'écriture ou la vie, Jorge Semprun rapporte qu'il récita en 1992 sur la place d'appel de Buchenwald, le poème d'Aragon "Chanson pour oublier Dachau". Travaillé par la possibilité de dire et d'exprimer  la déportation, les camps, Jorge Semprun s'est longtemps interrogé sur la manière dont il pouvait être rendu compte de cette expérience humaine. Comment rendre intelligible pour qui n'a pas vécu cela, l'enfer des camps ? l'écriture clinique, scientifique de Primo Levi est sans doute celle qui parvient le mieux à rendre les logiques selon lesquelles chacun agissait. Mais quant à l'émotion, l'intime, l'expérience intérieure ? comment faire ? Et si ceux qui avaient vécu cette expérience ne pouvaient en exprimer l'essence, comment simplement envisager que celui qui est resté extérieur à l'horreur puisse dire l'indicible. Jusqu'à la découverte du poème d'Aragon à propos duquel Semprun déclara : "Il a écrit un des rares poèmes vrais sur les camps...on se demande comment un poète qui n'a jamais connu ça a pu retrouver les sentiments, la vérité".

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L'expérience est l'une des formes de la connaissance. La plus immédiate sans doute. A condition toutefois de s'en distancier. Ceux qui n'ont pu ou su, et on imagine la difficulté, traduire l'expérience des camps en connaissance, et parfois même ceux qui l'ont fait, n'en sont véritablement jamais sorti. Le suicide de Primo Levi, si tant est que l'on puisse assigner un sens à un tel geste, en porte témoignage. Sans travail sur l'expérience, pas de mutation en connaissance. Et il ne faut pas oublier non plus que l'expérience n'est pas la seule voie de connaissance. Qu'il est d'autres voies pour y parvenir. Si vous en doutez, vous pouvez lire ou relire le poème d'Aragon.

ARAGON-Chanson pour oublier Dachau.pdf

10/11/2011

Rangez les laisses !

Votre portable, votre carte bleue, votre pass navigo, les caméras dans la rue, les cookies sur internet...la technologie permet de suivre à la trace vos déambulations physiques et électroniques. A croire qu'il ne reste que la rêverie qui échappe à la traçabilité, mais il paraîtrait que des neurobiologistes ne désespèrent pas de voir vos rêves livrés par l'imagerie magnétique. La technologie ? plutôt l'usage que l'on en fait car si la technique peut beaucoup, elle ne fait jamais que ce qu'on lui demande. Et on lui demande parfois de géolocaliser de manière permanente les salariés en incrustant un de ces mouchards qui contribuent à la relation de confiance entre l'entreprise et ses collaborateurs. La CNIL a posé les premiers garde-fous en 2006 avec quelques règles de principe : pas de géolocalisation permanente, obligation d'information des salariés, usage réservé aux cas qui le nécessitent absolument, etc. La Cour de cassation, dont on apprécie toujours la concision et la précision des décisions, fait plus qu'ajouter sa pierre dans une décision du 3 novembre 2011 : la géolocalisation ne permet de contrôler la durée du travail que lorsque tout autre moyen est impossible, voici pour la pierre, et surtout elle ne peut être mise en oeuvre pour un salarié qui dispose de la liberté d'organisation de son travail, voilà pour le mur que le juge dresse entre l'autonomie et la géolocalisation. Un sacré coup de ciseau dans la laisse électronique que les entreprises tentent de passer au cou des salariés.

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Félicien Rops - Le Pornocrates

Dans l'affaire jugée le 3 novembre, il s'agissait d'un vendeur salarié dont le véhicule était équipé d'un système de géolocalisation pour analyser et optimiser son activité. Le salarié en était informé ainsi que la CNIL. Constatant que la durée du travail n'étais pas respectée, l'employeur a réduit la rémunération du salarié qui a pris acte de la rupture de son contrat et a saisi les prud'hommes. Les juges donnent raison au salarié, la Cour de cassation confirme. Le salarié étant libre d'organiser son travail, il ne pouvait faire l'objet d'un contrôle des temps par géolocalisation. Ce principe très clairement affirmé pour un salarié dont la durée du travail était fixée en heures, a pour conséquence de rendre impossible toute géolocalisation pour les salariés en forfait en jours. En effet, l'autonomie et la liberté d'organisation du travail étant une condition de validité du forfait en jours, elle rend impossible un contrôle de la durée du travail par géolocalisation. Cette impossibilité est une question de cohérence : on ne peut affirmer à la fois qu'un salarié est autonome pour gérer son temps de travail et mettre en place un système permanent de contrôle de ce temps. Et plus largement, dès lors que le salarié fixe librement les frontières entre vie personnelle et professionnelle, un système de contrôle permanent conduirait l'employeur à contrôler des temps de vie personnelle.

Par cet important arrêt qui sera publié au bulletin, la Cour de cassation limite donc la possibiltié de géolocalisation aux salariés dont la durée du travail est fixé en heures et dont les horaires sont prescrits, la géolocalisation ne pouvant s'exercer que pendant ces horaires.

Voilà une belle leçon donnée par le juge, et dont pourrait s'inspirer le législateur :  comment en peu de lignes et peu de mots, on peut préserver des libertés fondamentales.

Geolocalisation - Cassation 3 novembre 2011.pdf

09/11/2011

Il est minuit...

Le Docteur Schweitzer avait fait du bon travail. Très bon même. Mais avec le déclenchement de la première guerre mondiale, ses origines strabourgeoises, donc allemandes à l'époque,  et l'armée française le conduisirent en prison puis l'obligèrent à quitter le Gabon.

La majorité d'entre eux a fait du bon travail. Et pour certains, du très bon même. Pourtant, une vingtaine d'OPCA disparaîtront le 1er janvier prochain. Au nom de la rationalité, de la centralisation, du contrôle et au final d'une certaine raison d'Etat qui ne peut qu'avoir raison.

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Jeanne Moreau et Pierre Fresnay - Il est minuit docteur Schweitzer

 

Dans la chronique rédigée avec Jean-Marie Luttringer pour l'AEF, sont abordées les questions liées à l'échéance du 1er janvier 2011 pour les OPCA, dont l'impact des regroupements sur la situation des salariés des OPCA.

Albert Schweitzer disait que l'humanité consiste dans le fait qu'aucun homme n'est sacrifié à un objectif. L'Etat aura pourtant consacré bien moins d'énergie à se préoccuper du sort des salariés des OPCA qu'à tenter de mettre ces derniers à son pli. Si l'autonomie des partenaires sociaux n'est guère respectée dans la gestion des OPCA, on peut penser que l'Etat mettra un point d'honneur à la reconnaître pleine et entière lorsqu'il s'agira de gérer les plans sociaux.

Il est minuit dans la Fabrique des OPCA.pdf

08/11/2011

Du temps au travail (3)

Nous sommes l'instant d'après. Ce qu'il vient de se passer, la nature réelle de l'évènement, importe peu. Ce que Jonathan Wateridge saisit dans ses toiles qui paraissent peintes à même la pellicule d'un film hollywoodien, c'est l'instant entre ce qui est advenu et cet ensuite qui ne sera plus jamais comme avant. Il peint une faille du temps, un basculement incrédule, ces quelques secondes qui arrivent rarement mais que l'on reconnaît immédiatement : celles où la vie se joue, celles de l'intrusion soudaine de l'irrémédiable, un éclair dans un ciel d'azur. Le temps devient vertical : le vide étend son vertige sous nos pieds figés tandis que l'ivresse de l'inattendu euphorise le froid manteau de l'angoisse qui s'est enroulé sur nos corps pétrifiés. Le temps suspendu marque le mouvement définitif de la vie.

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Jonathan Wateridge - Pool Party

Il y a quelques années, dans une de ces réunions de discours lénifiants auxquelles chacun ne va que pour croiser ceux qui y sont, et pouvoir dire à ce qui n'y sont pas qu'ils y étaient, un directeur de FONGECIF me glissa à l'oreille tandis que l'ennui glissait sur nos fauteuils : "Ce serait intéressant si peu à peu la lumière changeait, les perspectives se modifiaient, une musique un peu lancinante se faisait entendre faiblement puis de plus en plus fort et que l'ambiance basculait dans l'inconnu. On pourrait apprécier les réactions et s'amuser de voir les masques tomber". Chez Wateridge, les masques sont en train de tomber. Parfois il suffit d'écouter, là il s'agit juste de regarder le décorum voler en éclat et de se réjouir du détail qui nous confirme que c'est la liberté qui vient de s'inviter à grand fracas dans les conventions sociales. Et c'est ainsi que le pied de la jeune fille commença à s'évader de la ballerine.

07/11/2011

Du temps au travail (2)

La vidéo est installée dans une petite pièce du  Palazzo Grassi. Si vous prenez le film en route, vous voyez des mouettes, des jeunes gens, des maisons blanches, le ciel gris très lumineux, le soleil blanc, du grillage, des sourires, des mouettes encore, une cour dans laquelle des jeunes hommes jouent au ballon, et puis des mouettes. La vidéo présente des images successives du lieu, de la scène. Passé le temps de la découverte des images,  on s'aperçoit que toutes les photos assemblées dans la vidéo ont été prises à la même seconde. Plusieurs milliers d'images d'une même scène, une partie de football interrompue par un des joueurs qui donne à manger à une mouette, vue sous des angles différents composent la vidéo de 37 minutes.

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On ne peut qu'être fasciné par ces vues qui adoptent le point de vue des enfants, des adultes, des mouettes, du ciel, du terrain, des maisons ou même des murs, chacun ayant à cette seconde une existence totalement réelle, incarnée, éclatante, qui démontre l'intensité de ce qui peut advenir en une seconde. Là est le vertige de l'oeuvre : s'il y a tant de choses à voir, à découvrir, à apprécier dans une seconde, comment vivre sans être en permanence aux aguets, tels des chercheurs d'or du temps en ayant pleine conscience qu'il faudrait photographier des milliers de fois chaque seconde pour en avoir la quintessence.

Et il nous faut plus de trente minutes pour découvrir la beauté de cette scène capturée en un instant.

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La vidéo de David Claerbout nous emporte au coeur du temps qu'il étire à l'infini en le disséquant. Si nous prenions le temps, peut être pourrions nous identifier dans tout situation, à chaque moment, des moments qui ne passent pas et qui nous marquent profondément.

Est-il possible de vivre en permanence avec autant d'intensité ? à vous de voir, ou plutôt de faire, faute de passer  à côté des belles secondes, comme celles que l'on peut partager avec Rimbaud :

Elle est retrouvée ! - Quoi ? - L'Eternité. C'est la mer Allée avec le soleil

Ou encore

Des humains suffrages, des communs élans, là tu te dégages et voles selon.

06/11/2011

Du temps au travail (1)

En cette période où les jours fériés viennent briser le rythme du temps reproductible que le passage à l’heure d’hiver avait déjà malmené, les repères temporels s’estompent dans les brumes d’un automne attentif à demeurer une saison de transition. Les chroniques de la semaine seront donc consacrées au temps, qui est tellement lové au cœur du travail que toute réponse sur votre rapport au temps vous apprendra autant sur votre rapport au travail.

 Prenons comme point de départ le Lion d’Or de la biennale de Venise attribué à Christian Marclay pour son film « The Clock ». Composé de plus de 3000 extraits de films, The Clock dure 24 heures égrénées minute par minute. Vous pouvez régler votre montre sur toutes celles qui défilent dans le film ainsi que les horloges, réveils, minuteurs, pendules qui tous marquent une minute différente…d’un jour fait de 1440 minutes.


Ce film ne raconte pas d’histoire, il enchaîne des séquences où les regards se portent sur l’heure, dans l’attente le plus souvent d’un évènement qui serait sur le point d’advenir et dont le surgissement a été programmé par le calcul, le hasard, la manipulation ou le destin. Le spectateur est tenu dans la main du réalisateur et ne peut s’arracher à cette fuite en avant dans laquelle chaque minute est une histoire à l’intérieur de l’histoire faite de toutes les minutes de la journée.

Qui s’installe devant le film devient la victime volontaire du piège de l’attente de la minute d’après. Savoir qu’elle aboutira à  la minute suivante avant que son énigme ne soit résolue ne décourage personne. Nul ne veut descendre de la grande roue du temps qui jamais n’aura tourné de manière aussi visible.

Il n’est pas exclu que le temps restitué par Marclay soit celui de l’enfance, celui où chaque seconde est vécue comme un temps autonome et long. Ceux qui ont su préserver ce temps, même sous couvert de sérieux comme Joyce dans Ulysse par exemple, auront un rapport au temps mêlant le jeu, l’exigence, la curiosité, le désir et l’envie. On leur souhaite d'avoir le même rapport au travail.

NB : Il est conseillé de visionner la vidéo à 12h04

04/11/2011

Rêve Grec

Panique, stupéfaction, colère, l’annonce du référendum Grec a consterné l’Elysée, mis en émoi les marchés, énervé Angela et  ahuri les financiers : on peut refuser de l’argent qui est donné et pas prêté ? la réaction n’a pas trainé, menaces de sanctions, bras de fer, autoritarisme, mesures de rétorsion, Papandréou est sommé de revenir à la réalité.

Car les Grecs, inventeurs tout à la fois de la pensée Occidentale, de la démocratie et de la philosophie auraient oublié les réalités. Alanguis sous des oliviers, contemplant l’incomparable bleu du ciel au dessus de la mer Egée, rêvant à Zénon d’Elée, ne sortant de leur torpeur que pour saisir le regard noir d’une belle grecque, bref profitant  de tous les charmes de la vie, les grecs auraient oublié que le monde est consommation et production et que les réalités économiques doivent primer. Eux qui pensaient que l’on pouvait danser sur l’horizon, sont priés de revenir à l’horizon indépassable de l’équilibre budgétaire.

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Janine Antoni - Touch - 2002

Peut être que les Grecs ont aussi en tête une autre réalité : celle  d’une crise qui était avant tout celle des subprimes, que les efforts qu’on leur demande n’ont pas été demandés aux prêteurs, que sous couvert de sauver la Grèce la plupart des pays pensent surtout à se sauver eux-mêmes, que personne ne se soucie de comment l’on peut vivre avec un pouvoir d’achat divisé par deux ou encore que si la Grèce est attaquée c’est parce qu’elle est  un paradis, mais pas fiscal. Aux allemands qui conseillaient aux Grecs de vendre leurs îles, les Grecs répondent qu’ils préfèreraient voir vendues les îles caïmans, les îles vierges, Jersey ou Guernesey. Mais que ces paradis là, il faut les préserver car l’argent lui, y travaille.

Les Grecs se disent peut être aussi que lorsque l’on a la tête sous l’eau, que ce soit de 10m ou d’1m, on est toujours noyé et que quitte à l’être, autant mettre un coup de pied dans la fourmilière et conseil pour conseil inviter Angela, en hommage à son prénom et à son pays, à aller voir Les ailes du désir. Mais le Grec est un rêveur comme chacun sait et  la réalité va venir le réveiller et le sortir de sous son olivier pour le remettre dans son rôle de producteur-consommateur.  Il n’est pas certain que ce soit vraiment une bonne nouvelle. Pour personne.

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03/11/2011

Du collectif et de l'individuel

Le plus souvent, les expositions d'arts plastiques ressemblent à des assemblages un peu patchworks : les oeuvres que l'on a pu rassembler sont présentées suivant leur chronologie, parfois leurs thématiques. Au final, plusieurs dizaines d'oeuvres font une exposition. Au Palazzo Fortuny, à Venise, se tient une exposition intitulée TRA, comme à travers, et sous-titrée Edge of becoming, soit quelque chose comme "Au bord du commencement" ou "A la lisière du devenir". Dans le décor baroque du palais qu'habita Mariano Fortuny et qui abrite encore certaines de ses oeuvres, sont installées les créations de près de 300 artistes, comme dans un cabinet de curiosités.

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L'exposition s'étend sur quatre niveaux, chaque entrée dans une pièce procurant un sentiment de dépaysement nouveau, dans une grande familiarité qui vous conduit à penser : "C'est ici, et ainsi, qu'il faut vivre". Les portes sont très présentes et  vous ouvrent plutôt qu'elles ne s'ouvrent.

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Mais le plus étonnant, le plus rare, est la manière dont toutes les oeuvres rassemblées se subliment les unes les autres sans que leur singularité ne s'en trouve diminuée. L'exposition est une oeuvre dans son ensemble, dont chaque partie est une oeuvre magnifiée. Ainsi cette robe aux plumes de paon éclaire l'atelier de Fortuny tout en étant mise en valeur par les peintures murales qui l'entourent.

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L'exposition TRA fournit à qui en douterait, la preuve définitive que le collectif et l'individuel ne s'opposent pas, bien au contraire. D'une manière stupéfiante, l'on peut constater que des oeuvres d'une très grande diversité, depuis un torse de bouddha en passant par de l'art minimaliste ou conceptuel, des peintures religieuses du grand siècle ou des expérimentations visuelles et sensorielles contemporaines, peuvent non seulement dialoguer mais produire une oeuvre plus grande encore tout en prenant chacune une nouvelle dimension. Comme quoi l'individuel et le collectif peuvent être chacun au service de l'autre pour le profit de tous et notre plus grand plaisir. Et l'on se dit que l'on enverrait bien quelques dirigeants et managers faire un tour chez Fortuny, qui sait, peut être que l'esprit des lieux...

02/11/2011

Si proche ennemi

L'étranger fait peur, ce n'est pas nouveau. Le terme même d'étranger nous persuade que l'autre, que nous ne connaissons pas, est un peu bizarre. Des manières qui ne sont pas les notres, des réactions différentes, un mode de vie qui nous surprend ou nous déroute, l'étranger est une énigme souvent perçue comme une menace.

Pourtant, le danger vient rarement de l'étranger et plus souvent de la proximité. Le plus grand lieu de violence est la famille, 75 % des viols sont commis par des hommes qui connaissaient leur victime, le crime de hasard demeure minoritaire et les risques au final sont bien moindres d'être agressé par un étranger que par quelqu'un que l'on connaît. Eternelle histoire d'Abel et Caïn.

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Le Tintoret - Cain et Abel

Pourquoi, contre toute évidence, avoir si peur de l'étranger alors que la menace vient d'ailleurs ? pourquoi cette focalisation ? peut être justement pour oublier que la violence vient plus souvent de nos proches, sans doute par déni de reconnaître cette capacité de violence à ceux avec qui l'on a tissé des liens d'amitiés voire d'amour. Il est des évidences moins agréables que d'autres. Au final, tant pis pour l'étranger qui paiera sans avoir rien demandé le prix du déni.

01/11/2011

Pourquoi ça va bien ?

La première question du toubib est souvent : "Qu'est-ce qui ne va pas ?" et l'on enchaîne rapidement par "Vous avez mal où ?" et ainsi se traquent les menus désordres de l'organisme qui permettront d'aboutir au diagnostic. De la santé considérée comme un état naturel et de la maladie comme un état anormal qu'il convient d'identifier, de combattre et de réduire. On sait que les médecins chinois pratiquent souvent à l'inverse. Leur soin est totalement concentré sur l'établissement des conditions de la santé. Leur médecine est toute entière tournée vers la construction d'un équilibre qui préserve de la maladie, perçue comme la conséquence naturelle de l'impossibilité de parvenir à l'équilibre. D'un côté l'on chasse les dysfonctionnement de ce qui devrait normalement aller bien, de l'autre on considère que ce bien est un construit, et non un donné, qu'il faut établir.

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Hokusai - Les 7 dieux du bonheur

Les auditeurs et autres rapporteurs ont souvent la déformation médicale solidement ancrée. On vient chercher ce qui ne marche pas, ce qui dysfonctionne, ce qui coince et ce qui fait problème. Et lorsque l'on a mis le doigt "là où ça fait mal", on peut sortir la pharmacopée des solutions toutes prêtes qui guérissent tout. Mais l'on oublie souvent que tout médicament a ses effets secondaires. Tout concentré que l'on est sur une cause, on méprise l'approche globale et l'on ne conçoit pas que chaque partie ne soit qu'un élément du tout. Proposons d'agir différemment : focaliser son attention sur ce qui va bien, comprendre en profondeur les raisons qui font "que cela marche", mettre plutôt le doigt là où ça fait du bien et en chercher les causes. Se rapprocher du mystère des équilibres qui font la santé, la sérénité et, soyons fou, le plaisir et le bonheur. Et consacrer plus d'énergie à la construction et la préservation de ces équilibres que de se focaliser sur ce qui fonctionne mal. Peut être qu'un jour les toubibs nous accueilleront par "Qu'est-ce qui va bien ?" et enchaîneront tout aussi rapidement sur "Pourquoi ça va bien ?". A ce moment là nous serons en chine, mais ce n'est peut être pas si lointain.

28/10/2011

Pas d'exception culturelle pour l'injure

Les français sont attachés, paraît-il, à l'exception culturelle. Celle qui protège les arts, les traditions, les manières d'être. Celle qui préfère les fromages non pasteurisés, le vin non parkerisé, le film non américanisé, et plus globalement tout ce qui ressemble à ce que l'on a déjà vu. L'exception culturelle serait pour certains une forme de résistance à la mondialisation, pour d'autres une franchouillardise ringarde. L'exception culturelle a été illustrée par Nougaro chantant qu'à Toulouse "On se traite de con à peine qu'on se traite", ce qui confère à l'insulte un caractère chaleureux et familier qu'elle perd irrémédiablement lorsque l'on s'éloigne des bords de Garonne.

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Remixito

Mais les juges n'aiment pas l'exception culturelle. A de multiples reprises, ils ont estimé  que l'ambiance de chantiers ou de l'atelier ne justifiaient ni l'insulte ni l'injure raciste ni toute autre forme d'agression verbale. Confirmation dans une décision du 20 octobre 2011 (texte complet ici). Pour le salarié, qui se plaignait de harcèlement moral, il s'agissait d'injures répétées. Pour le présumé harceleur, suivi par les juges du fond, il s 'agissait tout au plus de quelques écarts de langage qui pouvaient s'expliquer par le contexte linguistique et culturel de la Start-up. La Cour de cassation censure le raisonnement et l'appréciation. Aucun contexte ne peut justifier l'insulte ou l'injure qui est nécessairement fautive et qui, ajoutée à d'autres faits, constitue bien lorsqu'elle est répétée une forme de harcèlement. Toujours pas d'exception culturelle pour l'injure. Cela ne chagrinera pas Nougaro qui chantait également que l'on insulte l'arbre lorsque l'on parle de langue de bois à propos des discours creux qui ne valent pas mieux que les insultes directes.

27/10/2011

Fin d'une époque

Les charbonnages ont été le premier secteur à en faire  un outil massif de traitement des problèmes d'emploi. Les houillères ont certes mobilisé les programmes de gestion des compétences et de reconversion, mais ce sont les préretraites qui ont rencontré le plus de succès. La sidérurgie a suivi, puis le textile, l'automobile et quelques autres industries avec. Il est vrai que la formule rencontrait peu d'opposants : les pouvoirs publics achetaient la paix sociale à crédit, les entreprises géraient à l'aide de fonds publics leur pyramide des âges et rajoutaient quelques pages au feuilleton des profits privés et pertes publiques, les organisations syndicales limitaient la casse et les salariés, souvent cassés, acceptaient les départs, parfois avec soulagement, d'autres avec une tristesse infinie car ils auraient bien travaillé encore.


Bernard Lavilliers - Les mains d'or

Tous ceux qui sont partis dans les dispositifs de préretraite ne se soucieront sans doute pas de la date du 10 octobre 2011. C'est pourtant officiellement ce jour-là que le Ministère du Travail a publié l'instruction qui met fin aux préretraites financées par l'Etat. Ce n'est pas exactement la fin des préretraites, les entreprises peuvent toujours calculer s'il n'est pas plus intéressant de payer en interdisant le travail que de payer le travail, mais elles le feront sans deniers publics. Fin des politiques publiques de départs anticipés qui auront largement contribué à accréditer l'idée qu'il y a un âge pour le travail et un autre pour ne plus travailler, et que ce  n'est pas l'âge de la retraite. Fin d'une époque de plus de trente ans qui, comme toute les fins, annonce sans doute un début. Mais de quoi ?