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16/09/2014

Le meilleur est avenir

C'est donc entendu, le code du travail devient un bréviaire managerial en indiquant quand, comment et pourquoi employeurs et salariés doivent prendre le temps de se parler. La loi du 5 mars 2014 n'échappe pas au mouvement qui prévoit un nouvel entretien obligatoire, sous la forme d'un "entretien professionnel". L'appellation n'est pas très heureuse, puisqu'un entretien professionnel, au format très différent, avait déjà été créé en 2004. Mais pourquoi donc un nouvel entretien ? pour parler d'avenir et c'est là que les difficultés commencent. 

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Aborder dans un entretien le travail effectué, l'atteinte des objectifs, les moyens d'accompagnement nécessaires, rien de plus simple. L'activité est un support objectif sur lequel on peut s'entendre. Mais devoir envisager avec chaque salarié les perspectives d'évolution de l'emploi occupé à deux ans et les perspectives d'évolution du salarié à la même échéance, c'est une autre paire de manche. On pourra toujours essayer de nourrir l'entretien avec la politique de formation, de mobilité, l'utilisation envisageable du Compte personnel de formation ou encore recueillir les souhaits des salariés. Mais il faudra bien parler d'avenir, sans que chaque manager ne le peigne à ses couleurs, sans que chaque perspective ne prenne forme d'un engagement et sans que les scénarios envisagés ne constituent des limites à l'invention de l'avenir. Autant dire que ce n'est pas gagné, même si le meilleur est toujours avenir. 

SUPPORT ENTRETIEN PROFESSIONNEL.pdf

15/09/2014

Une illusion d'Etat de droit

On sait depuis le 5 mars 2014 que la durée des périodes de professionnalisation va être allongée pour éviter que le dispositif ne soit détourné vers le simple financement du plan de formation. On sait depuis le mois de juin que la durée minimale sera fixée à 70 heures et que le décret paraîtra à la fin de l'été. Il est paru le 22 août. Et là, panique à bord dans les OPCA : quid des demandes en cours, des dossiers à venir, des engagements, des financements. Le Conseil d'administration ne peut-il décider de reporter l'entrée en vigueur de la mesure (un conseil d'administration d'organisme paritaire qui vote pour savoir si la loi doit être respectée ou non cela s'est déjà vu), ne peut-on considérer que la règle ne vaut pas, bref que fait-on ? 

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Comme souvent en France, on appelle l'Etat à la rescousse. Et la DGEFP devrait nous dire prochainement que les dispositions du décret du 22 août, juridiquement valides depuis le 23, ne s'appliqueront en fait, à titre dérogatoire, qu'à compter du 1er janvier. Si tel était le cas, et au-delà du cas des périodes de professionnalisation, ce serait une fois de plus reconnaître que la règle ne vaut pas plus qu'un courrier de l'administration, qu'il suffit d'un bon lobbying pour remettre en cause ce qui est voté et que si nous sommes censés être égaux devant la loi, certains le sont plus que d'autres. Bref, nous aurons encore l'exemple d'un Parlement qui fait trop de lois et d'une administration qui encourage à ne pas les respecter. Belle pédagogie pour l'Etat de droit qui dans ces conditions tend à devenir une illusion. 

14/09/2014

Juste une histoire : capsule

Il était arrivé depuis peu au collège. Pour la majorité des élèves, cette arrivée était tout d'abord passée inaperçue. Habillé d'un costume verdâtre passe-muraille trop grand pour lui, pourvu d'une mèche capot qu'il rabattait sur son haut de crâne d'oeuf déjà dégarni, doté d'une proéminence stomacale qui n'apparaît d'ordinaire qu'à des âges plus avancés, le nouveau pion ne payait pas de mine et aurait pu passer pour un prof hésitant et un peu falot qui voyait en chacun de ses élèves un artisan potentiel de ses nuits blanches. Il remplissait assez bien toutes les conditions pour que personne ne se souvienne jamais qu'il était un jour passé par le collège. Sauf que c'était une peau de vache, un petit tyran de service qui jouait au dictateur, un jubilant du petit pouvoir qui avait été remis entre ses mains molles et moites et qu'il pétrissait avec la joie perverse de ce qu'il fallait bien appeler un salopard. Il s'était mis en tête de faire respecter toutes les règles les plus absurdes : ne pas s'asseoir sur le bord d'un trottoir, rester derrière la ligne blanche marquant la limite de la cour sans pouvoir récupérer le ballon qui s'était égaré, se voir confisqué le moindre objet jugé par lui intempestif, tels ces nunchakus qui sortaient parfois des cartables parce que si l'époque n'était plus à la fureur de vivre c'est que Bruce Lee l'avait transformée en fureur du dragon. Mais sa grande ambition, au despote adipeux, c'était que plus personne ne se livre à cette débauche folle qui consistait à appliquer ses lèvres sur celles d'un(e) autre, geste totalement libidineux et dépravé connu sous le nom de baiser. Bref, le bien nommé pion, ou petite pièce ronde, était une boule de pathologie qui passait son temps à emmerder le monde. 

Aussi, le voir débouler un matin la mine pâle, la jambe traînante et la grimace vissée sur le visage enchanta tout le monde. Apprendre par la suite qu'il s'était salement déboîté le genou et qu'il allait sûrement devoir être opéré, gage d'une absence prolongée puis d'une grande difficulté à parcourir tous les recoins du collège, suscita l'enthousiasme et valût à quelques collégiens qui sortaient d'un cours de sciences naturelles sur le corps humain d'imaginer qu'il s'était pété la capsule du genou, et au pion d'y gagner illico ce surnom de capsule, répété à l'envie devant lui sans qu'il n'y comprenne rien, ni aux rires qui allaient avec. 

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Des années plus tard, l'un des collégiens ayant affublé l'épouvantail des bacs à sable du sobriquet capsulien, discutait avec quelques amis dont l'un avait fréquenté, bien après lui, les mêmes chaises raides sur lesquelles il était demandé de se tenir droit et d'écouter en silence parfois pendant 8 heures par jour, ce qui demanderait à vérifier si cela n'entre pas dans la définition moderne de la torture. Comme à l'accoutumée, la conversation porta vite sur les personnes : avait-on eu les mêmes profs, le gros dégueulasse aux tâches de transpiration sur le costard qui enseignait la physique, la merveilleuse eurasienne qui donnait du charme aux graphiques économiques dans lesquels les garçons voyaient des courbes engageantes, la prof de maths qui n'eût qu'un fou rire dans sa vie professionnelle lorsqu'un élève dit "la combinaison de qui ?" parce qu'il en avait oublié l'auteur, et quelques autres :

"Et chez les pions, il restait qui lorsque tu es arrivé ? 

- Je ne me souviens plus que d'un seul, un sacré salaud, on l'appelait capsule...

- Mais pourquoi capsule ?

- on l'avait appelé comme ça parce qu'il avait une tête de capsule appolo...

- Tu en es sûr ? 

- Certain, c'est nous qui avons trouvé le surnom". 

Juste une histoire. 

11/09/2014

Elle a le moral, la masse salariale ?

Soir de rentrée pour les apprentis du Master de Développement des Ressources Humaines de Jean-Emmanuel Ray à la Sorbonne. Tous les intervenants, et oui tous, même le DRH qui a une grève sur les bras, celui qui a un stock de deux cent mails à traiter, celui qui traverse la moitié de la France pour venir, celle qui traverse les frontières pour nous rejoindre. Moi je sors de chez un client au bout de la rue. Tous les étudiants sont là aussi. Pour la première, et ce sera la dernière, les costumes et tailleurs sont de sortie, les cravates pour les 6 garçons sur 26 étudiants, quota en hausse par rapport aux années précédentes. Et débute le rituel : présentation des enseignants qui donnent leur plan de cours, présentation des étudiants qui remettent un CV.

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Echange avec une étudiante pendant ces présentations : 

"Vous travaillez sur quelle mission dans votre entreprise ? 

- la transmission des savoirs...

- parfait, et dans quel contexte ? 

- c'est un projet crucial puisqu'un tiers de la masse salariale part à la retraite dans les cinq ans ?

- excusez-moi j'ai mal compris...

- je disais qu'un tiers de la masse salariale ne sera plus là pour cause de départ à la retraite à court terme".

Ami salarié, sache que les jeunes DRH en devenir t'ont démasqué : masse salariale tu es, masse salariale tu resteras. Une sorte de coût fixe à durée variable. Vivement le mois de février que l'on ait l'occasion d'approfondir le sujet. Quant à constater que les jeunes filles sont redoutables, pas la peine d'en débattre, on le savait déjà.  

10/09/2014

La liberté ? non merci

Il faut toujours se méfier des présupposés. On le sait, mais on l'oublie parfois. Du moins pour ce qui me concerne. Ainsi, lors des multiples réunions, animations, conférences ou formations dans lesquelles je suis amené à présenter l'avant/après de la réforme de la formation, c'est toujours avec le sourire que j'annonce aux responsables formation qui ne l'auraient pas encore découvert que le code du travail vient d'être débarrassé de la notion de dépense imputable, ils peuvent donc chiffrer librement leur investissement formation, de la déclaration fiscale, ils peuvent donc concevoir librement leurs tableaux de bord, de la notion de présence en formation, au profit de celle d'assiduité qui n'impose plus de compiler les feuilles d'émargement mais permet de suivre le processus de formation exclusivement du point de vue pédagogique, de l'intérêt de distinguer entre la formation et les autres actions de professionnalisation pour satisfaire à ses obligations sociales, etc. La liberté vous tend les bras vous dis-je, saisissez-la !

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Mais le plus souvent, je ne fais pas un tabac. Tenace, j'en rajoute un peu : terminée la logique qui part du budget pour savoir ce que l'on fait avec, dorénavant les objectifs priment, voyons d'abord ce que l'on peut faire avec la formation mais plus largement avec la professionnalisation des salariés, et l'on regardera ensuite les moyens qu'il convient de mobiliser. Travaillons les finalités, la réforme est une loi de liberté qui vous laisse le choix des moyens. Ce genre de tirade ne fait, le plus souvent, pas recette. Si je veux voir la majorité des visages retrouver un peu de sérénité, il faut que j'ajoute : la liberté qui vous est donnée, elle inclut celle de ne rien changer. Si vous voulez compter comme avant, administrer comme avant, compiler comme avant, c'est aussi possible. Et ici, le soulagement est aussi palpable que la clarté du soleil du Sud. C'est vrai après tout, la liberté pourquoi faire ? 

09/09/2014

Il suffit de regarder

Pourquoi lorsque l'on regarde une peinture, et particulièrement une peinture abstraite, on peut distinguer immédiatement un chef d'oeuvre d'une croûte ? pourquoi lorsque l'on voit un plan d'un film d'Hitchcock est on certain que c'est un film d'Hitchcock ? pourquoi lorsque l'on regarde une photo, sait-on immédiatement qu'il s'agit d'une oeuvre majeure qui se distingue sans peine au milieu des milliards de clichés qui viennent s'installer tous les jours dans les mémoires électroniques des appareils photos en tout genre ? si ces questions vous paraissent avoir du sens, foncez vite à Arles, prenez votre pass des rencontres photographiques et courez à l'Espace Van Gogh admirer les photos d'August Sander, de Richard Avedon, de Nobuyoshi Araki et de quelques autres. 

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Avedon - The family

Vous y découvrirez notamment ces dizaines de portraits de dirigeants américains par Richard Avedon. Ces portraits en plan américain, sur fond blanc ne laissant aucun chance aux personnalités de se fondre dans le décor et d'échapper à l'oeil qui les regarde, offrent de saisissants raccourcis sur la vie des photographiés. Et permettent de ne plus s'étonner que des gens si semblables et si sérieux aient une même représentation du monde, puisqu'ils se représentent eux-même de manière totalement identique sous quelques fausses diversité d'apparence. Et il ne reste plus qu'à constater tous les jours les dégâts causés par cette classe dirigeante totalement fermée sur elle-même. 

08/09/2014

Du volontarisme

Emmanuel Macron, qui demande à être jugé sur les actes à venir plutôt que sur les actes passés, en appelle au volontarisme de l'Etat. Posture indépassable que nos politiques surjouent en mauvais acteurs qu'ils sont, le volontarisme n'en fait pas moins toujours recette auprès des électeurs, à la manière dont le livre de Valérie T. est sur la table de nuit de ceux qui affirment ne plus supporter la people-isation de la people-itique. Dernière variante du mythe du chef de la part d'un peuple qui cherche son guide comme le troupeau cherche son chien, le volontarisme a donc de beaux jours devant lui. 

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La volonté en action, concentration totale...

C'est que depuis Jéricho ou la traversée de la Mer rouge, nombreux sont ceux qui ne peuvent se défaire du "quand on veut on peut" ou de "la volonté peut tout", qui relèvent tous deux de la pensée magique ou religieuse. Il y a bien sur des raisonnables (en général ils se dénomment eux-même "réalistes") qui considèrent que la volonté ne peut pas tout mais que sans volonté on ne peut rien. 

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...triomphe de la volonté !

Voici donc les gouvernants tenus de se faire élire sur leur volontarisme avant d'essayer de nous persuader que le réel est bien peu modelé par la volonté d'un seul. Et que ceux qui fustigent la perte de crédibilité du politique se demandent s'ils seraient prêts à voter pour celle ou celui qui dirait : "Je ne pourrai sans doute pas grand chose seul, mais je veillerai à bien m'entourer et sur le peu que je peux, je ferai de mon mieux". Moi oui, mais je risquerai de me retrouver un peu seul, ce  qui serait indépendant de ma volonté. 

06/09/2014

Juste une histoire

Une chenille hilare et un rien hystérique, beuglant à pleins poumons un de ces tubes que toute oreille sensée n’aurait pas osé concevoir, ce qui confirme au passage que la raison et les affaires ont à peu près le même rapport que les groseilles et la mousse au chocolat,  la chenille ondulante donc composée d’un assemblage hétéroclite quoi que remarquablement homogène d’adultes consentants, passait pour la cinquante-huitième fois devant Antoine qui n’y prêtait plus aucune attention, préoccupé qu’il était des auréoles blanches qui venaient d’apparaître simultanément au niveau des aisselles, des plis ventraux et des biceps de sa chemise noire. Antoine aurait pu, s’il avait eu les quelques secondes nécessaires, se demander s’il fallait se résigner à ne plus taper dans les piles de « slim » et opter pour des formats plus amples lors des achats groupés de liquettes tous les trois ans, ou s’il était plus judicieux de reprendre cette hygiène de vie qui réduisait assez vite la masse graisseuse et permettait de gagner du temps avant que la transpiration n’imbibe le coton. S’il avait disposé de ces quelques secondes, et d’une poignée d’autres en bonus, il aurait également pu se persuader qu’il ne fallait jamais oublier d’enfiler  un maillot de corps, même avec une chemise noire. Mais toutes ces remarques judicieuses et totalement opérationnelles ne trouvèrent jamais le chemin des pensées d’Antoine, car un des anneaux de la chenille, monté sur talons de dix-huit mètres avec un chapeau sur la tête venait de lui éclater un tympan en lui hurlant sous les cheveux :

« Antoine avec nous, Antoine avec nous…. »

Dans un réflexe tellement animalier qu’il en tira quelque fierté lorsqu’il repensa plus tard à la scène, Antoine porta ses mains à ses oreilles ce qui évita au second tympan d’exploser comme une vulgaire centrale de Fukushima lorsque la chenille entière reprit :

« Antoine avec nous, Antoine avec nous… ».

Nous étions au mois de septembre, et Antoine en était à son cent soixante deuxième service en soirée depuis la nouvelle année, le quatrième consécutif cette semaine, et il n’avait qu’une idée en tête : est-ce que son pantalon tiendrait jusqu’à la fin de la semaine ou est-ce qu’il allait falloir en repasser un autre.

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Mais cette question là non plus ne serait pas tranchée ce soir puisqu’avant qu’elle soit totalement formulée par des synapses qui se faisaient un plan vintage et s’efforçaient de ressembler à du bubblegum mode yankee, à savoir de la pâte élastique malaxée par de puissantes et viriles machoîres totalement concentrées sur leur fonction destructrices, un éméché à la cravate oblique et au reste qui ne l’était pas moins, fonça sur lui et s’adressant à son nez, point le plus proche de la bouche carnivore qui dévorait les mots qu’elle tentait d’expulser de son gosier dans un paradoxe qu’Antoine n’eût guère le temps d’apprécier, lança comme on boit cul sec :

« Antoine, décoince ! viens avec nous,  faut jamais perdre une occasion de s’éclater… »

L’attention d’Antoine resta concentrée sur ce dernier mot : éclaté.

La bouche pleine de dents qu’Antoine pouvait maintenant détailler vociférait toujours :

« Antoine, tu fais un métier formidable, tu peux faire la fête avec tes clients, te prives pas, soit pas con Antoine… »

Antoine eût le flash soudain d’une petite main grassouillette s’emparant de la dernière part d’omelette norvégienne et prenant soin de racler au passage les restes de glace fondue et de chantilly qui maculaient les bords d’un plat qu’Antoine agrippa comme s’il s’agissait de la dernière bouée du Titanic, mais qui n’était plus banalement qu’un commode alibi pour filer en cuisine. Il serait bien temps ensuite de savoir comment en ressortir.

Juste une histoire. 

04/09/2014

Allez les bleues !

C'est un principe de base lorsque l'on veut faire du droit : ne jamais oublier que l'on ne fait du bon droit qu'avec des définitions précises. Si vous consultez le Littré pour avoir la définition du travail, vous constaterez qu'il est défini par un assujettissement. Notion que retient le droit du travail qui pose comme critère du travail non pas le travail lui même (au sens de réalisation d'une activité) mais la soumission à une autorité, en l'occurrence celle de l'employeur. On peut donc parfaitement travailler en ne faisant rien, ce que nombre de veilleurs de nuit éprouvent tous les jours, toutes les nuits plutôt, eux qui exercent un travail pénible. C'est sur cette base que la Chambre criminelle de la Cour de cassation vient de condamner une société de travail à domicile pour travail dissimulé parce qu'elle refusait de payer comme temps de travail le trajet des salariés entre deux clients (Cass. Soc., 2 septembre 2014, voir ci-dessous). La question se pose de la même manière, avec la même solution, pour des formateurs qui animeraient le matin chez un client et l'après-midi chez un autre (un prof de langues par exemple qui se déplace pour donner des cours individuels chez plusieurs clients). 

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Outil de travail du formateur entre deux clients,

plus connu sous l'appellation "une bleue"

Car si le Code du travail prévoit que le trajet entre le domicile et le lieu de travail habituel n'est pas du temps de travail effectif, il n'en va pas de même du trajet entre deux lieux de travail, que la Cour de cassation considère de longue date comme du temps de travail effectif. C'est cependant, à ma connaissance, la première fois qu'une entreprise est condamnée sur cette question au plan pénal, le refus de retenir la qualification de temps de travail aboutissant à la caractérisation du délit de travail dissimulé. Le prix à payer pour avoir oublié que l'on ne travaille pas lorsqu'on travaille effectivement mais lorsque l'on est sous l'autorité de l'employeur, ce qui est nécessairement le cas lorsqu'on prend sa "bleue" pour aller d'un client à l'autre. Allez les bleues !

Cass. Soc. Temps de trajet.pdf

03/09/2014

Une victime collatérale

La mise en place du compte personnel de formation et du conseil en évolution professionnelle, qui l'accompagne, pourrait bien faire une victime collatérale, à savoir le bilan de compétences. A compter du 1er janvier prochain, le bilan ne sera plus accessible dans le cadre du DIF, qui disparaît, il ne sera pas éligible au CPF, au motif que le CEP est gratuit et qu'il peut rendre les mêmes services, et il n'est plus finançable au titre des périodes de professionnalisation qui doivent avoir une durée minimale de 70 heures. Fin de partie donc pour le bilan ? 

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Certes, il reste le plan de formation et le congé de bilan de compétences, mais tout de même les financements se réduisent pour ce dispositif qui n'a pas bonne presse auprès des partenaires sociaux ou de l'Etat. Trop centré sur une dimension personnelle, insuffisamment professionnel, trop souvent générique voire horoscopique pour certains, le bilan de compétences n'aura pas véritablement trouvé sa place dans le champ de la formation continue. Dommage car pour ce qui concerne le Conseil en évolution professionnelle, et sans vouloir faire de procès d'intention, il serait surprenant que le dispositif rende effectivement les services attendus de lui. C'est d'ailleurs à l'évidence un des points faibles de la réforme en cours. 

02/09/2014

La fin du fromage

Les périodes de professionnalisation ont été créées par les partenaires sociaux en 2003. Elles reposent sur deux principes essentiels :

- l'alternance est la meilleure modalité pédagogique pour professionnaliser ;

- on acquiert des compétences en exerçant des activités et en formation, mais pas les mêmes et pas de la même manière. 

Au total, un parcours en alternance associant des activités et de la formation formelle devait contribuer à professionnaliser les salariés en CDI. Une instrumentation de ce dispositif et une gestion très institutionnelle qui n'a pas su rompre avec les schémas traditionnels (selon lesquels au travail on travaille et en formation on se forme) a contribué à détourner les périodes de professionnalisation de leur finalité pour en faire un dispositif financier aux allures de gros fromage pour les  entreprises. 

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La loi du 5 mars 2014 a mis un coup d'arrêt à ces pratiques en réformant les périodes de professionnalisation,  les ultimes précisions venant d'être apportées par décret. Dorénavant, les périodes de professionnalisation seront qualifiantes ou certifiantes, elles dureront au minimum 70 heures et elles devront mettre en place une véritable alternance avec un tuteur. Aux OPCA maintenant de sortir d'une logique purement financière pour mener la bataille du développement des compétences en situation de travail avec un accompagnement formation, ce qui suppose de s'intéresser à l'ensemble du parcours et pas seulement à la formation. Pas si simple la sortie du fromage. 

REGIME DES PERIODES DE PROFESSIONNALISATION.pdf

01/09/2014

A distance

Vous avez été séduit d'emblée. Le ciel a portée de main, l'air léger, le mouvement des nuages, le bel arrondi du vallon, vous avez enfin trouvé l'endroit où l'herbe est plus verte qu'ailleurs, le lieu dont l'architecte s'appelle sérénité. 

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Et miracle, au détour d'une rue ouverte à tous les vents, vous avez trouvé la maison de vos rêves. C'est décidé, c'est là que désormais vous vivrez. 

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Mais comme vous êtes de votre époque, du XXIème siècle, vous savez que le retour à la terre soixante-huitard ce n'est pas réaliste, malgré ce que continue à en dire Pierre Rabhi et ses Oasis en tous lieux. Non, vous savez que l'économie est tout et que cette installation doit s'inscrire dans un business plan que le partenaire de tous vos projets, je veux parler de votre banquier, aura validé après avoir épluché vos comptes, vos antécédents, votre dossier personnel de santé et confronté tout ceci à l'algorithme des risques environnementaux pour les prochaines décennies. Et bien ne cherchez plus l'argumentaire fatal, voici qu'on vous le fournit clé en main : vous serez formateur !

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Par la magie du fil qui chante et qui relie les hommes ou de sa plus moderne descendante, l'onde électromagnétique, vous pourrez rester connecté et bénéficier des dispositions du décret du 20 août 2014 qui organise souplement la formation 100 % à distance. Il suffit désormais que soient prévus les modalités la formation à distance (ressources mises à disposition, travaux à produire...), d'assistance pédagogique qui peut se réaliser intégralement à distance, de manière synchrone ou asynchrone, et d'inclure un processus d'évaluation pour que vous puissiez être formateur partout dans le monde. On dit merci qui ? à vous les grands espaces, les rythmes de travail personnalisés, la créativité libérée des contraintes, la tranquillité....ou presque, car vous savez ce qu'il en est, les filles sont curieuses. Mais qu'est-ce que vous faites à ma fenêtre ? 

Decret FOAD.pdf

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31/08/2014

Le retour de Tina

L'homme politique se doit d'être volontariste, François Hollande l'aura compris à ses dépens. Les coups de menton, le chef qui fait le chef, la certitude en toute circonstance, voilà ce qu'attend le peuple. Ou du moins, voilà ce que les politiques pensent que le peuple attend, car malgré les postures, on ne peut pas dire que cela ait été très probant avec Nicolas Sarkozy. Le volontarisme s'opposerait à l'inéluctable cours des choses. Le paradoxe, c'est qu'en même temps ressurgit la petite musique de Tina. Celle que l'on a déjà entendu au début des années 80. Je ne veux pas parler de la flamboyante rockeuse qui fit un spectaculaire comme-back à cette période, ce qui est dommage car cela  pourrait distribuer électricité et dynamisme, mais de Maggie Thatcher qui nous répétait, comme le fait Valls aujourd'hui "There is no alternative". 

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Paris 2014

Cela rappelle également Louis Schweitzer déclarant au moment de la fermeture de Vilvorde "il n'y a pas 36 manières de diriger une entreprise". Non bien sûr, pas 36 mais plus certainement 36 000 tant on peut faire des choix différents en matière de stratégie, d'organisation, de management, de communication, de gestion, etc. Laisser penser qu'en matière de gouvernance l'alternative n'existe pas c'est finalement démontrer l'inverse de ce que l'on souhaite affirmer et dresser le constat de l'impuissance du politique.

26/08/2014

C'est pas du management

Tous ceux qui parlent de l'entreprise France et confondent une nation avec une société commerciale qui n'aurait comme horizon que sa situation d'endettement, son PIB, sa compétitivité, son niveau d'investissement et l'état de ses comptes doivent être déçus. Tout ceux qui pensent que les ministres sont des  forces de vente et le Président de la République le Dircom, doivent revoir leur langage. La Gouvernance de la France, ce n'est pas du management. 

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François Hollande en vélo (le scooter ayant été repéré),

à la recherche d'un miracle

Car en management, on a jamais vu un dirigeant virer l'ensemble du personnel pour gérer un licenciement et deux démissions, et encore moins en réembaucher les trois quarts, après leur avoir fait sentir qui est le maître. De telles pratiques de management seraient jugées ringardes, ridicules et inefficaces. Ce qui est bien la preuve que ce dont il est question ici, c'est de politique et pas de management. 

25/08/2014

66 fois à l'Ouest

 Alors, à l"Ouest, c'était comment ?

 

C'était 5 000 kms de grands espaces (moins 100 kms de merde dans le parc  Yosémite, qui ressemblaient à des routes des Alpes)

C'était 5 000 fois : "Putain, c'est grandiose"

C'était 5 000 arrêts pour prendre une photo

C'était 5 000 arrêts pour "Have a breath"

C'était 5 000 titres sur la playlist,

C'était la voix d'Amy Winehouse dans la Death Valley

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C'était la forêt de Brocéliande redécouverte dans la Giants Forest du Sequoia Park

C'était la Jellies experience

C'était les petits déjeuners chez les homos de Castro

C'était Skate qui chantait des chansons d"amour dans la maison bleue de San Francisco

C'était le tipi de Mario, l"aventurier solitaire, au bord du freeway

C'était  les bagnoles de flic sirènes hurlantes sur le sable de Venice Beach

C'était le coyote surgit de nulle part sur la Badwater road

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C'était 590 dollars la consultation à l"hôpital avec 15 % de réduction si vous payez tout de suite

C'était Led Zeppelin en concert lors du celebration day (on TV !) un soir à Fresno

C'était l'Irlande et l'Ecosse retrouvées un matin à Pacific Grove

C'était 5 000 fois  "Hello, how are you today ?", "Fine and you ?" et 5 000 réponses différentes

C'était du business à tous les coins de rue, et dans les villes carrées découpées en blocs, il y a un paquet de coins de rue

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C'était ce jeune réceptionniste qui avait le même sourire à l"hôtel et à la caisse du supermarché où il travaillait aussi

C'était Bashung, Blondie, Springsteen, Bowie, Franck Zappa, The Clash, Lavilliers, The Pretenders, Moon Martin all along the road

C'était la bibliothèque d'Henry Miller dont on solde les derniers titres à Big Sur, ce dont il se foutrait  éperdument (mais il serait bien content de voir de jeunes curieuses girondes continuer à venir rôder par ici)

C'était l'Attorney de Ferguson qui compte les arrestations de manifestants en différenciant les blancs et les noirs

C'était l'envie de sortir de la route 66 pour prendre des chemins de traverse, et les prendre effectivement

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C'était 2001 Odyssée de l'espace à fonds dans le casque en déboulant en hélicoptère au dessus du Grand Canyon

C'était la voix d"Agnès Jaoui et les guitares flamencas dans ces coins où tous les noms sont espagnols

C'était le soufflé aux artichauts de Gloria la philippine qui avait épousé Bill le pétrolier

C'était les Pick-up rouges

 C'était les photos de camions : camion-citerne, camion-bois, camion-benne, camion-remorque, camion-palette, camion-camion (et le triple camion-camions !), camion-nacelle, camion-pelle, camion-toupie, camion-grue, camion-voitures, camion-bétaillère, camion-pompier, camion-donald duck, camion-balayeuse, camion-pompe, camion-ciment, camion-travaux et le sublime camion-cochon, envoyées  par mail chaque jour au petit bonhomme de 3 ans

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C'était la génération 68 regroupée sur des bateaux-maisons à Sausalito

C'était la pluie qui nous accueille dans le désert le plus chaud du monde

C'était les caddies, les sacs et les kilos de crasse accumulés par des homeless hagards

C'était des vins dégueulasses dégustés comme des grands crus à la Napa Valley

C'était les vibrations de la toile de Rothko au Lacma, et aussi Tanguy, De Kooning et les 13 Picasso

C'était le guide Navajo qui draguait deux jeunes filles dans l'Antelope Canyon, et il avait bien raison car une des deux était sacrément  jolie (je n'ai jamais su qui était la plus valorisée des filles dans un duo moche/jolie)

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C'était l'édition originale américaine du Surréalisme et la peinture d"André Breton publiée par Brentano en 1945 à New-York et dénichée chez un bouquiniste de Berkeley

C'était la mer grise, la lumière jaune qui troue et illumine la brume, les sirènes des bateaux et l"infini pacifique à Point Lobos

C’était le pompiste qui regardait avec jubilation le bombardement de Gaza sur une chaîne israëlienne, vissé à sa caisse, en me disant qu’il fallait faire souvent tac-tac si l’on voulait qu’une femme soit heureuse, et que lui c’était trois fois par jour

C'était les invraisemblables roches colorées de red moutains, comme chez le marchand de couleurs

C'était le plaisir de toucher les contemporains d'Héraclite, je veux parler des Sequoias géants

C'était les villes qui ressemblaient à des banlieues de villes américaines

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C’était les récits hallucinés de Dan Fante et de Joan Diddion, sauf que ce n’était pas des hallucinations

C'était "Je ne pense pas, je suis trop extrême"

C'était le dollar gagné à Las Vegas (45 joués)

C'était les taureaux noirs, comme en camargue

C'était la Pacific One qui ne s'est jamais appelée comme ça

C'était tous ces gens qui se foutent du mauvais goût dès lors qu’ils peuvent sortir de l"ordinaire

C'était la lecture du livre du temps, en regardant les rocs qui entourent le lac Powell

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C'était Kelly Risk, nouvellement promue Ranger qui voulait la jouer sympa mais demandait à être appelée Ranger Risk

C'était les bouquinistes de bord de route, dans des maisons de bois,  chez lesquels je trouvai des livres sur les outsiders de l"art

C'était un parfum des années 70 qui était peut être dans ma tête, mais qui est peut être aussi dans l"Ouest

C'était los murales de Mission dont les couleurs défient le brouillard frisquet de Frisco et l'espagnol à tous les coins de rue

C'était les innombrables singularités qui ridiculisent les généralités (sauf celle-ci)

C'était les drags queens du Cirque du Soleil

C'était l'entertainment partout où on voulait, mais on voulait pas tellement

C'était cette ville fantôme où les fantômes vendaient des T-shirts, des magnets et des cartes postales

C'était l'odeur des pins et des eucalyptus qui portait le désir de marcher sans fin, et nous marchions

C'était l'impression d"être chez un avocat ou un notaire alors que nous étions à l'hôpital ou dans une pharmacie

C'était les miles trains, plus longs que l"horizon mais moins rapides que nous

C'était le pacifique qui passait de tous les gris à tous les bleus, l'arizona qui passait de tous les rouges à tous les jaunes

C'était du kodachrome et du technicolor

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C'était pas du Ronsard, c'était de l"Amerloque

C'était quand les distances ne comptaient pas

C'était des nuits de grands espaces

C'était à l'Ouest

C'est l'infini plaisir d'avoir partagé tout cela

et c'est l'envie de recommencer

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24/08/2014

La nature imite l'art

Si j'étais peintre, je gratterai la terre en tous lieux pour toucher ces pigments qui colorent le sol. 

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Si j'étais peintre, j'abuserai de ces fondus enchaînés de cinéma qui voilent en dévoilant. 

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Si j'étais peintre, je peindrai des dunes de sable vivantes et des dunes de sable pétrifiées et ceux qui savent regarder en concluraient qu'il n'y a pas de nature morte. 

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Si j'étais peintre, je regarderai pendant des heures les fonds des toiles de Tanguy pour y découvrir le temps de mille paysages. 

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Si j'étais peintre, j'aurai envie de mettre de la matière sur la toile. 

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Si j'étais peintre, je saurai qu'une couleur n'est elle-même que par les couleurs adjacentes. 

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Si j'étais peintre, je passerai des jours et des nuits à peindre des drapés. 

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Si j'étais peintre, je serai fasciné par l'eau dans la couleur. 

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Si j'étais peintre, je saurai que comme en photographie, la couleur c'est de la lumière (l'inverse est vrai aussi). 

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Si j'étais peintre, mon pinceau serait une baguette magique au bout de laquelle se tiendrait la lune. 

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Mais je ne suis pas peintre, et comme la nature, j'imite l'art.

23/08/2014

La grande illusion

Las Vegas c'est la promesse d'une pluie de lumières, de jeux, de tentations permanentes, de possibilité d'aller au-delà des habitudes. Heureux présage que de s'y inviter un soir d'orage. 

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La luxure n'est pas le moindre des plaisirs capiteux dont la ville fait offrande. 

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Mais le mythe résiste peu lorsque l'on va au plus près de la lumière. 

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Du carton pâte, du décor de pièce de boulevard, du kitsch à deux balles, du char de carnaval, rien de bien excitant à se mettre sous la dent. 

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Même les salles de jeux ressemblent à des clubs anglais pour retraités de la classe moyenne qui viennent passer le temps en puisant dans leur bas de laine de pièces jaunes. 

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Pas vraiment la fièvre ni la fureur, simplement une galerie marchande en centre-ville plutôt que dans les habituelles périphéries. Et le jour revenu n'arrange rien qui souligne la ringardise d'une ville qui vieillit précocement et n'a pas encore découvert le second degré du kitsch, celui qui mobilise une pincée d'humour. 

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Et ce ne sont pas les tables de paris sportifs, aux ambiances de PMU à l'ancienne et de salle de contrôle de la NASA qui contribueront à recréer un semblant de mystère. 

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Manifestement la ville s'est assoupie et se contente de constater que quelques paillettes font toujours recette. 

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Il ne faut pas oublier qu'il y a spectacle dès que l'on peut filmer et que dans ce domaine, tout fait ventre. 

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Pas étonnant que ce soit à Las Vegas que l'on croit encore aux illusions de David Cooperfield.

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 Après tout, la ville est la démonstration qu'il peut y avoir de la fumée sans feu.

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22/08/2014

VENT, EAU, PIERRE

L’eau perce la pierre,
le vent disperse l’eau,
la pierre arrête le vent.
Eau, vent, pierre.

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Le vent sculpte la pierre,
la pierre est coupe de l’eau,
l’eau s’échappe et elle est vent.
Pierre, vent, eau.

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Le vent dans ses tours chante,
l’eau en marchant murmure,
la pierre immobile se tait.
Vent, eau, pierre.

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On est un autre et personne :
entre leurs noms vides
passent et s’évanouissent
eau, pierre, vent.

(Octavio Paz)

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15/08/2014

L'Amérique raciste

Comme la France moisie pétainiste qui n"a jamais totalement disparue, pas besoin de gratter beaucoup pour retrouver l"Amérique raciste, pour laquelle l"élection d"Obama n'est qu'un cache sexe qui masque bien mal la forêt de préjugés qui structurent les consciences. Si Philippe Roth dans son formidable livre "La tâche" montre l"absurdité du politiquement correct déconnecté de toute réalité, il n'en reste pas moins que l"on peut voir, au quotidien, comment les préjugés structurent les représentaions. Rendant compte des manifestations qui ont eu lieu à Ferguson suite au meurtre d"un jeune noir par la police, USA Today présente en Une le bilan des arrestations en distinguant les blancs et les noirs. Qu'une presse réactionnaire existe n'est pas un problème, c"est la presse, mais que l'Attorney General décompte les arrestations en fonction de la couleur de la peau, quand bien même serait-on au pays des quotas et de la discriminations positive, n'est rien d'autre qu'une conception raciste de la société.

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Pourquoi ne pas présenter les arrestations des jeunes et des vieux, des chauves et des chevelus, des chômeurs et des travailleurs, des républicains et des démocrates, des végétariens et des carnivores, des imberbes et des barbus, des diplômés et non diplômés, des nomades et des sédentaires, des mariés et des célibataires ou toute autre distinction arbitraire qui constitue un fait dépourvu de sens. Mais non, c'est la couleur de la peau qui importe te continue d'importer. En France on a bien les xénophobes maladifs qui, dès qu'un fait divers survient, traquent le patronyme de l"auteur et salivent de convictions confortées s'il a, à leurs yeux, une consonance étrangère. Mais ici, en Amérique, l'élection d'Obama n'a manifestement pas fait le printemps. Bienvenue dans l"American dream !

11/08/2014

Vertigo

Le temps géologique est un vertige. Si rationnellement on sait compter jusqu'à 4,5 milliards, éprouver la sensation physique de ce temps longs est une autre affaire. Dans un corps que le temps borne étroitement, comment traduire la durée sinon en acceptant que nous soyons un assemblage atomique momentané, qui fait suite à bien d'autres et en précède d'autres encore. 

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Le Grand Canyon est une cathédrale du temps et à ce titre il renvoie moins aux pionniers de l'Ouest américain qu'à cet européen old fashion qu'est Marcel Proust pour lequel tout ce que nous voyons n'est que mémoire, y compris l'immémorial. 

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Mais avec les Américains, peuple sans Histoire mais plein d'histoires, l'entertainment a naturellement pris la place de la mémoire. Aussi n'est-on pas surpris, lorsque l'hélicoptère prend de la vitesse pour raser les derniers arbres de la forêt et accentuer la sensation de vertige lorsqu'il surgit dans l'immensité du Canyon, d'entendre dans le casque les tambours, trompettes, violons et cymbales de 2001 Odyssée de l'Espace. 

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La démesure du film de Kubrick est à la hauteur du grand sillon tracé par le Colorado au coeur des hauts plateaux de l'Arizona. Et comme le film, le Canyon est un spectacle, une méditation philosophique et une vision hallucinée dont on ressort lessivé. 

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Mais avant de quitter les lieux, on pourra une nouvelle fois vérifier que la nature imite l'art et que si le temps est un peintre de qualité, les Navajos ont fait mieux depuis. 

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Après une telle expérience, les habituels feux de forêt estivaux semblent bien anecdotiques, un peu comme une vie à l'échelle du temps. 

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