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16/09/2014

Le meilleur est avenir

C'est donc entendu, le code du travail devient un bréviaire managerial en indiquant quand, comment et pourquoi employeurs et salariés doivent prendre le temps de se parler. La loi du 5 mars 2014 n'échappe pas au mouvement qui prévoit un nouvel entretien obligatoire, sous la forme d'un "entretien professionnel". L'appellation n'est pas très heureuse, puisqu'un entretien professionnel, au format très différent, avait déjà été créé en 2004. Mais pourquoi donc un nouvel entretien ? pour parler d'avenir et c'est là que les difficultés commencent. 

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Aborder dans un entretien le travail effectué, l'atteinte des objectifs, les moyens d'accompagnement nécessaires, rien de plus simple. L'activité est un support objectif sur lequel on peut s'entendre. Mais devoir envisager avec chaque salarié les perspectives d'évolution de l'emploi occupé à deux ans et les perspectives d'évolution du salarié à la même échéance, c'est une autre paire de manche. On pourra toujours essayer de nourrir l'entretien avec la politique de formation, de mobilité, l'utilisation envisageable du Compte personnel de formation ou encore recueillir les souhaits des salariés. Mais il faudra bien parler d'avenir, sans que chaque manager ne le peigne à ses couleurs, sans que chaque perspective ne prenne forme d'un engagement et sans que les scénarios envisagés ne constituent des limites à l'invention de l'avenir. Autant dire que ce n'est pas gagné, même si le meilleur est toujours avenir. 

SUPPORT ENTRETIEN PROFESSIONNEL.pdf

03/04/2012

GREC

La gestion prévisionnelle des emplois et compétences (GPEC) se heurte à plusieurs biais, dont le principal a été très rapidement identifié par Pierre Dac : "La prévision est difficile, surtout quand elle concerne l'avenir". Combien de plans stratégiques à trois ans révisés au bout de six mois, combien de projets si longtemps travaillés qui ne virent jamais le jour parce qu'entre temps le dirigeant ou promoteur du projet avait changé, combien de certitudes d'aujourd'hui qui seront balayées demain par un contexte nouveau. Au-delà de l'instabilité qui caractérise notre monde frénétique, un second biais se trouve dans l'adéquationisme mécanique : je prévois les compétences de demain, je mesure celles des salariés, je comble l'écart et l'affaire est faite. Que le monde serait simple s'il ne s'agissait pas d'humains encore plus instables que l'environnement ! Cette logique d'adéquation, qui condamne le salarié a toujours courir vers les compétences de demain, est une impasse. Peut être que pour voir loin, il faut une GREC.

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La Gestion Réactive des Emplois et des Compétences ne s'inscrit pas dans un avenir tracé mais au contraire dans un avenir ouvert. Que sera demain ? on en sait rien, raison de plus pour s'y préparer. En travaillant son crawl comme aurait dit Nougaro. En se donnant les moyens de faire face à l'imprévu, en évitant les routines, les paresses, les reproductions, les situations sans aucune créativité et en privilégiant l'évolution, la curiosité, l'envie, la confrontation à la nouveauté et le désir de découverte. En apprenant à apprendre, en faisant de la méthodologie de travail, en structurant son action. Ce qui permet de faire face sans appréhension à l'inconnu. Avec la GREC, l'avenir ne fait plus peur et on en vient à prendre plaisir à ce qu'il ne soit pas écrit.

29/01/2010

Le syndrome de l'ingénieur

Le modèle français est celui de la rationalité triomphante. Le modèle de l'ingénieur qui construit les avions les plus performants (le Rafale, le 680, le Concorde), les trains les plus rapides (TGV), les centrales nucléaires les plus productives, etc. Que ces brillantes créations de la rationalité technologique ne soient pas que des réussites commerciales voire ne séduisent guère les destinataires potentiels n'est pas un motif suffisant pour remettre en cause le modèle. Preuve en est, à un autre niveau certes, le projet d'accord proposé par l'UIMM sur la GPEC dans le secteur de la métallurgie. La GPEC y est définie comme la prévision des besoins futurs de l'économie (pas des organisations ou des personnes les besoins, de l'économie on l'aura noté) et la mise en adéquation des compétences actuelles des salariés. Le modèle est persistant : on prévoit l'avenir puis on s'y adapte. L'ingénieur est donc à la fois un génie technologique et un prophète, autrement dit un Dieu tout puissant qui maîtrise les lois de la nature.

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Rafal Olbinski - Le prophète
Démiurge certes, mais rationnel. Cette conception binaire et mécaniste de la GPEC, dans laquelle les individus sont des sommes de compétences techniques constituant un stock qu'il importe de maintenir à jour et adapté à la prévision future, ne fonctionne pourtant pas. Ni en terme de mobilisation des personnes, on le comprend aisément puisque l'individu n'est renvoyé qu'à ce qui lui manque pour l'avenir, ce qui permet au passage de ne pas valoriser l'existant, ni en terme de prévision tout simplement comme l'actualité s'acharne à nous le démontrer. Et c'est ainsi que la GPEC est l'art de stocker le passé en s'acharnant à tracer les compétences des individus et à travailler sur un avenir qui, comme la ligne d'horizon, demeure un mirage inatteignable. A croire que le syndrome de l'ingénieur est d'oublier qu'il existe un présent, un ici et maintenant à célébrer quotidiennement, tel un anniversaire. Mais tout ceci est-il bien rationnel et raisonnable ?

25/05/2009

La loi de l'improbabilité

En ces temps d'incertitude économique, plus encore qu'en d'autres temps, il est demandé à la prévision de nous rassurer et de chasser nos doutes. Quel temps fera-t-il demain ? quand repartira la croissance ? que nous dessine l'avenir ? les prévisionnistes de tout poil, de l'économiste mathématicien assis sur sa science à la voyante qui lit en vous mieux que vous même, ont de beaux jours devant eux (ce n'est pas une prévision). Avant de faire tourner les modèles mathématiques qui nous garantiront que cela ira mieux demain, ou pire comme le dirait l'OMS qui a déjà annoncé trois fois l'apocalypse au cours des douze derniers mois, prenons le temps d'une expérience.

Placez dans un chapeau 100 papiers numérotés de 1 à 100. Faites tirer un papier par une personne normalement rationnelle. Le 27. Demandez-lui quelle était la probabilité de tirer le 27 : 1 sur 100. Et de ne pas le tirer : 99 sur 100. Que dit-on d'un évènement qui a 99 chances sur 100 de se produire : qu'il est probable. Et de celui qui a 1 chance sur 100 : qu'il est improbable. Concluez-en qu'entre l'évènement probable et l'improbable, c'est ce dernier qui est survenu.

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Mark Brusse - Tiens ? (rencontre improbable) -

Vous pouvez alors formuler la loi de l'improbabilité : Tout fait réel, si l'on examine ses origines, apparaît comme hautement improbable. L'oubli de cette loi fondamentale et le recours à la méthode probabiliste pour prévoir l'avenir explique pourquoi nous tirons si peu d'enseignements de l'histoire et pourquoi nous apprenons si peu, ou si mal, de nos expériences.

02/07/2008

La GRH et la théorie du chaos

Le temps change en une journée. Après le printemps automnal et quelques jours d'été, voici revenus les nuages et la pluie. Rassurons-nous : c'était prévu. Grace à des calculateurs surpuissants, la prévision météo a gagné quelques jours de fiabilité ces vingt dernières années. Deux jours de gagnés : de deux à trois jours les prévisions fiables sont désormais possible jusqu'à 5 jours. Pourquoi pas plus ? à cause de la théorie du chaos : les paramètres à prendre en considération sont si nombreux que même le modèle Arpège utilisé par Météo France, qui repose sur 500 000 équations, ne peut prendre en compte toutes les possibilités de variation de chacun des éléments qui contribuent à la production du temps qu'il fait.

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Chen Zhen - Le Monde/Chaos
 
La théorie du chaos est pertinente en matière de ressources humaines : les paramètres à prendre en compte sont si nombreux et si changeants, que le RH est amené à conduire une action probabiliste, qui le pousse à ne pouvoir prendre en compte tous les facteurs possibles mais au contraire à sélectionner les facteurs qui seront déterminants dans les choix qu'il a à faire.  L'humain ne peut être mis en équation, ni en une ni en 500 000. Il demeure donc fondamentalement imprévisible, et c'est tant mieux.

24/06/2008

De l'art de prévoir l'avenir

On connaît le mot de Pierre Dac : « La prévision est difficile surtout quand elle concerne l’avenir ». Pourtant, l’injonction de prévision se décline à tous les étages de nos systèmes d’emploi et de formation. Le demandeur d’emploi : tenu d’avoir un projet professionnel définissant les emplois qu’il est prêt à accepter, sinon radié. Le salarié : doit décliner ses souhaits d’évolution dans le cadre de son entretien professionnel, sinon sa passivité pourra lui être reprochée comme un manque d’initiative sur son employabilité. L’entreprise : a l’obligation de faire de la GPEC au niveau collectif en négociant et/ou en présentant ses perspectives d’évolution des activités et de l’emploi au comité d’entreprise, mais également au niveau individuel en livrant au salarié son propre diagnostic sur l’évolution de son emploi ou de sa situation dans le cadre de l’entretien professionnel. A défaut, elle ne pourra mettre en cause l’emploi des salariés ou leur compétence.

 

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Chirico - Portrait prémonitoire de Guillaume Apollinaire
(Peint en 1914, ce tableau  présente la silhouette de Guillaume Apollinaire avec un cercle sur le tempe, endroit où le poète recevra un éclat d'obus le 17 mars 1916. Le visage à l'avant du tableau est celui de Chirico lui-même, avec des lunettes noires comme si le peintre ne voulait voir, ou assumer la responsabilité, de sa prémonition) 

Le droit du travail connaît donc une frénésie prévisionnelle qu’il ne craint pas d’assortir de sanctions. Injonction paradoxale à une époque où toutes les évolutions se produisent à un rythme toujours plus rapide et dans lequel la prévision peut relever, au choix, de la prédiction ou de la galéjade mais sans doute pas d’une rationalité scientifique. Qui avait prévu la crise des subprimes, le pétrole à plus de 150 euros, les pénuries alimentaires dans un monde en surproduction agricole, etc.

Bien évidemment, entre le gosplan (en russe Госплан, abréviation de Государственный комитет по планированию ou comité étatique pour la planification) et le demain n’est pas écrit, il existe sans doute une ligne d’horizon réaliste ne relevant pas du mirage et qui peut constituer un repère pour l’avenir.

Mais constatons que plus l’avenir nous échappe et plus nous nous contraignons à essayer de le prédéterminer, que le droit du travail n’échappe pas à cette tentation et que plus que d'aléatoires prévisions c’est sans doute la capacité de réactivité qu’il importe de développer.