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09/09/2014

Il suffit de regarder

Pourquoi lorsque l'on regarde une peinture, et particulièrement une peinture abstraite, on peut distinguer immédiatement un chef d'oeuvre d'une croûte ? pourquoi lorsque l'on voit un plan d'un film d'Hitchcock est on certain que c'est un film d'Hitchcock ? pourquoi lorsque l'on regarde une photo, sait-on immédiatement qu'il s'agit d'une oeuvre majeure qui se distingue sans peine au milieu des milliards de clichés qui viennent s'installer tous les jours dans les mémoires électroniques des appareils photos en tout genre ? si ces questions vous paraissent avoir du sens, foncez vite à Arles, prenez votre pass des rencontres photographiques et courez à l'Espace Van Gogh admirer les photos d'August Sander, de Richard Avedon, de Nobuyoshi Araki et de quelques autres. 

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Avedon - The family

Vous y découvrirez notamment ces dizaines de portraits de dirigeants américains par Richard Avedon. Ces portraits en plan américain, sur fond blanc ne laissant aucun chance aux personnalités de se fondre dans le décor et d'échapper à l'oeil qui les regarde, offrent de saisissants raccourcis sur la vie des photographiés. Et permettent de ne plus s'étonner que des gens si semblables et si sérieux aient une même représentation du monde, puisqu'ils se représentent eux-même de manière totalement identique sous quelques fausses diversité d'apparence. Et il ne reste plus qu'à constater tous les jours les dégâts causés par cette classe dirigeante totalement fermée sur elle-même. 

08/11/2012

Petits bricolages

L'entreprise est installée sur un Causse, soit un haut-plateau du Sud-Ouest. Elle emploie des gens du cru. C'est plutôt familial. Et les affaires vont correctement. La production pour l'aéronautique a gonflé les carnets de commande. Et le volume de travail se maintient à un haut niveau. L'embauche est difficile dans ce coin de terroir. Alors il y a souvent des heures supplémentaires. Il y en avait déjà avant la loi TEPA et les exonérations. Il y en aura encore après leur abrogation. Mais on s'habitue à payer en exonération. Alors le dirigeant a imaginé un petit bricolage. Il forme ses salariés. Dorénavant au lieu de les former pendant le temps de travail et de les faire travailler en plus en dehors de l'horaire de travail, il fera l'inverse. Et pendant les heures de formation réalisée en DIF, il versera l'allocation formation (50 % du salaire net exonéré de charges) plus 75 % du salaire habituel, soit au total 125 % pour le salarié. Mais plutôt qu'une heure supplémentaire à 125 % + 50 % de charges, soit 187,50 il se retrouve avec un coût de 75 + 50 % de charges + 50 exonérés soit un total de 162,5. Et voilà comment on économise 25 % de coût salarial en toute légalité. Mieux que TEPA, sans TEPA.

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Certains objecteront que l'on ne va pas loin avec de tels petits bricolages. Ils devraient suivre les pérégrinations de l'auteur de ce vélo-bateau-avion-chauve-souris. Sa trapadelle lui permet de voyager dans les rues, dans l'imaginaire et dans la poésie. Il ne faut jamais sous-estimer les petits bricoleurs qui eux au moins n'hésitent pas à mettre l'imagination au pouvoir.

23/04/2012

Droits et devoirs

La formule est fréquente et l'on risque de l'entendre encore dans les jours qui viennent. Elle fut répétée à satiété, avec quelque succès semble-t-il, dans les jours précédents l'élection présidentielle : voter est à la fois un droit et un devoir. Sauf que la formule est bancale, pour ne pas dire erronée. Sans pouvoir prétendre au zeugme cher à Pierre Desproges (mise en relation de deux termes n'ayant aucun lien entre eux par la conjonction "et", par exemple : au vu des résultats il reprit espoir et un verre de vin), elle associe un terme qui relève du lexique juridique, le droit, et l'autre qui appartient à la morale, le devoir. Si l'on reste dans un champ lexical cohérent, ce qui s'associe à droit ce n'est pas devoir mais obligation. Ainsi dans le mariage, les devoirs des époux renvoient à leurs engagements et donc ce à quoi ils s'obligent mutuellement. En fait, l'utilisation du terme devoir introduit souvent une coloration morale qui  opère dans le sens de la confusion.

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Eric Ancey - Le crieur du devoir

Si le droit de vote est bien un droit, il ne s'agit pas d'une obligation puisque chacun conserve la possibilité d'en user ou non. Ne pas en user, c'est d'ailleurs déjà s'en servir puisque l'abstention a toujours un sens politique. Par exemple, il est possible de ne pas voter lors de l'élection présidentielle parce que l'on considère qu'elle porte une personnalisation excessive et que le régime de la Monarchie républicaine n'est pas celui que l'on souhaite. Ce qui conduira à voter avec davantage de convictions lors des élections législatives. Mais pour cela, il faudrait ne pas croire aux fadaises sur la rencontre d'un homme ou d'une femme avec un peuple et autres fétiches de la personnalisation du pouvoir. Auquel cas, le vote est bien un droit et certainement pas un devoir. Pour le vérifier voyez la portée de la déclaration si en sortant de l'école maternelle où vous avez été accueilli par des dessins d'enfants et le président du bureau de vote, vous déclarez : "j'ai fait mon devoir" ou bien "j'ai choisi d'utiliser mon droit". Il vous apparaît alors que le degré de liberté n'est pas exactement le même. Bon lundi à tous.

24/11/2010

Oui, mais elle est toulousaine

France Moulin est cette avocate qui a été condamnée dans le cadre de l'application de la loi Perben qui interdit la révélation d'information à des personnes susceptibles d'être mises en examen. Objet de polémiques, cette loi a été modifiée depuis. Mais le combat de l'avocate s'est porté sur un autre terrain, celui de la garantie des droits fondamentaux. Contestant le rôle joué par le Procureur de la République dans cette affaire, elle vient de faire juger par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) de Strasbourg que le Procureur, du fait de son lien hiérarchique avec l'exécutif, n'était pas une autorité judiciaire. La décision embarasse le Gouvernement, qui doit aujourd'hui soit retirer de multiples compétences aux Procureurs, soit couper le cordon ombilical entre le pouvoir et la justice. Et oui, les toulousaines aiment l'indépendance.

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Miss Van

La déclaration des droits de l'homme proclame en son article 16 que qui n'a pas de séparation des pouvoirs n'a pas de constitution. Pour Montesquieu, accueillons ici l'appui bordelais à la lutte permanente contre le pouvoir central, la séparation des pouvoirs était le gage de la liberté : sans séparation des pouvoirs, point de liberté.

La France connaît depuis l'élection du Président de la République au suffrage universel, et plus encore depuis le quinquennat qui met la majorité parlementaire dans la main du Président, une séparation relative des pouvoirs entre l'exécutif et le législatif. Et les nominations judiciaires par le Président de la République maintiennent le lien entre l'exécutif et le judiciaire. Du reste, l'on sait que les parlementaires sont des godillots et les juges des petits pois (sont l'expression de l'actuel Président). Il serait nécessaire de s'en émouvoir, notamment en dénonçant le paradoxe de ceux qui brocardent l'assistanat tout en nous demandant de nous en remettre à un seul. S'il ne veut pas d'assistanat, que le pouvoir se replie et que la liberté se diffuse. A croire que la liberté et la démocratie sont acquises, on finit par s'endormir, heureusement qu'il y a des toulousaines pour nous réveiller  !

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Miss Van

Pour qui souhaite plus de détails, l'analyse de l'arrêt de la CEDH par le CREDOF

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24/12/2009

Chouette !

La Maison Rouge, à la Bastille, expose la collection de Jean-Jacques Lebel. Plutôt que d'honorer l'auteur de l'Homme révolté, je veux parler de Camus qui n'y peut mais, avec force  numéros spéciaux, éditoriaux et  panthéonisation annoncée, il est possible d'aller à la rencontre de celui pour qui la part de révolte qui est en nous constitue le fond de liberté qui est l'essence de l'humain. Le visiteur découvrira à cette occasion une oeuvre étrange datant du XVIIème et dont l'auteur n'est pas identifié  : "La chasse à la chouette". Chacun pourra interpréter à sa guise cette improbable scène dans laquelle la figure féminine est le centre des préoccupations des beaux parleurs et voltigeurs, mais aussi de figures plus terriennes. Au centre de toutes les convoitises, la nymphe allégorique pourrait figurer la vérité, le pouvoir, la beauté, la femme ou tout autre objet d'une masculine convoitise dont la ribambelle d'oiseaux souligne le côté collectionneur. Mais le miroir qu'elle tient et la possibilité d'inversion qui lui est attachée interdit toute interprétation trop mécanique. Il faut rêver encore devant le tableau pour en apprécier la dimension polyphonique et ne pas craindre le risque de fascination.

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Ecole Française - XVIIème - La chasse à la chouette

L'actualité sociale nous livre un exemple, mais peut être est-il sans rapport, le lecteur en jugera, de chasse à la chouette. L'ANIA, fédération des entreprises agro-alimentaires, vient de claquer la porte du MEDEF en critiquant assez durement sa présidente, et en ménageant une possibilité de retour si la politique de l'organisation patronale venait à changer. La rumeur prétend que nombre de fédérations sont, peu ou prou sur la même ligne. Laurence Parisot serait donc la chouette qu'il faut chasser. Elle avait pourtant tenté de séduire les oiseaux, notamment par son livre "Besoin d'air" dans lequel elle rappelait la précarité de toute chose, ce rappel philosophique étant censé justifier la précarité de l'emploi, et la nécessité pour la société d'ouvrir les fenêtres, entendez laissez le vent balayer les règles qui empêchent le plein déploiement de la liberté de gestion. Ses troupes auront jugé que dans cet appel d'air il y avait surtout du vent, même si le tableau nous rappelle que les discours censés séduire la chouette courent le même risque. "Que salubre est le vent !" disait Rimbaud, mais n'est pas Rimbaud qui veut. Joyeux Noël à toutes et à tous.

25/02/2009

Pouvoir non arbitraire

Le pouvoir de direction est inhérent à la nature même du contrat de travail et au rapport entre employeur et salarié. Comment définir autrement le rapport de subordination que par la possibilité pour l’employeur de fixer les résultats à atteindre par le salarié et les moyens à utiliser pour ce faire ? La qualité même d’employeur est définie par le pouvoir de direction : le travail salarié est juridiquement avant tout un travail prescrit.

Mais le dirigeant ne doit pas confondre pouvoir de direction et arbitraire. Le droit fixe un cadre de référence pour les pratiques manageriales qui ne sauraient relever du seul libre arbitre des dirigeants. Le pouvoir de direction n’est pas le pouvoir de tout faire sans condition.

 

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Hamed Ouattara - Arbitraire

C’est ce que vient de  rappeler la Cour de cassation dans une décision du 4 février 2009 : une entreprise refusait des tickets restaurants à une catégorie de salariés au motif que leurs horaires leur permettait de rentrer chez eux. La Cour constate que des salariés ayant les mêmes horaires bénéficient, eux, des tickets restaurants. Elle décide donc d’imposer à l’employeur de délivrer des tickets restaurant à tous les salariés, le motif avancé ne pouvant être retenu comme valide.

On peut retenir de cette décision que l’employeur peut être tenu de justifier ses décisions et que l’Etat de droit n’est pas de droit divin. Pour le dire plus directement, l’employeur fait sa loi sous le contrôle du juge qui a nécessairement le dernier mot.

23/10/2008

Quelle est la finalité d'une entreprise ?

A cette question, le réflexe pavlovien est souvent de répondre : le profit. La vulgate libérale et la vulgate marxiste s’entendent d’ailleurs parfaitement sur ce point. Trop rapide évidemment. La finalité d’une entreprise est celle que ses dirigeants lui assignent. En 1990, Serge Kampf, patron de Cap Gémini, a soumis à son conseil d’administration la question de la finalité de l’entreprise en proposant quatre réponses, qui lui paraissaient les quatre réponses les plus probables pour un dirigeant : 1. L'indépendance, l'autonomie , 2. Le profit, la rentabilité ; 3. Le pouvoir, le leadership ; 4. La pérennité, la durée.

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Douanier Rousseau - La guerre

Il pensait que la réponse 1 viendrait en tête, et c’était la sienne. Mais les administrateurs ont majoritairement voté pour la réponse 3, souhaitant qu'avant tout l'entreprise soit leader sur son marché. L'autonomie et l'indépendance n'ont été placées qu'en seconde position.

La réponse 2 n’est venue qu’en troisième position et la réponse 4 en quatrième position. Selon l’intérêt que l’on porte à l’entreprise et à ses activités, selon la manière dont on envisage sa carrière professionnelle, selon ses valeurs et parfois sa situation du moment, il est évident que pour un dirigeant, la réponse à la question de la finalité de l’entreprise est rien moins qu’évidente et que la rentabilité est plus souvent un moyen qu’une fin.

08/07/2008

Qu'est-ce qu'un contrat ?

Un peu de latin trouvé dans un recoin de souvenirs permet de répondre à la question: le droit romain distingue le negotium, le contenu du contrat, et l'instrumentum, le support du contrat. Autrement dit, ne confond pas le fond du contrat, ce sur quoi porte l'accord, et sa forme, par exemple l'écrit qui lui sert de support.  Combien de salariés après des années passées dans l'entreprise me disent : "Vous vous rendez compte, je n'ai même pas de contrat !". Mais si. Mais pas écrit.

Le nouveau code du travail est sur ce point plus clair que l'ancien. Il précise : "Le contrat de travail est soumis aux règles de droit commun. Il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d'adopter" (art. L. 1221-1). Il en résulte que le contrat n'est pas nécessairement écrit, sauf lorsque la loi l'impose, ce qui est le cas pour les contrats à durée déterminée ou à temps partiel.

Demeure la question : puisque le droit nous laisse libre, que mettre dans un contrat de travail ? pour répondre, il faut considérer que le contrat est un triptyque.

 

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Francis Bacon - Triptyque - 1976
 
La première partie du triptyque est ce sur quoi porte l'accord des parties : la qualification (définition de l'emploi ou de la fonction) et la rémunération. On peut compléter par tous les éléments sur lesquels les parties souhaitent s'engager : durée du travail lorsqu'il y a convention de forfait, lieu de travail le cas échéant, clause de non-concurrence, de fidélité, de mobilité, etc. En aucun cas ces clauses ne peuvent être des clauses types incluses dans tous les contrats de travail. Leur validité est liée à leur intérêt au regard de la situation des salariés et aux contreparties, notamment en terme de rémunération, lorsqu'elles constituent des engagements particuliers pour le salarié.
 
La deuxième partie du triptyque concerne le statut collectif. Cette partie est informative, c'est-à-dire qu'au contraire de la partie contractuelle qui ne pourra être modifiée qu'avec l'accord du salarié, elle ne comporte pas d'engagements. Il s'agit de rappeler le statut collectif applicable : convention collective, caisse de retraite, régime de prévoyance, etc.
 
La troisième partie est également informative. Elle rappelle les éléments de la relation qui ne sont pas contractuels et que l'employeur peut modifier unilatéralement : horaires de travail (sous réserve de ne pas déséquilibrer le contrat), contenu des fonctions (sous réserve de la qualification), remboursement de frais, moyens professionnels mis à disposition du salarié, etc.
 
Cette rédaction en trois parties permet de faire de la pédagogie et de régler par avance un certain nombre de questions. Attention toutefois, le juge n'est jamais tenu par la qualification donnée par les parties à leurs relations et il peut, au regard de la réalité des faits, requalifier une situation. Par exemple, il pourra considérer que la particularité de l'horaire le rendait nécessairement contractuel. On constate une fois de plus, et ce sera l'objet d'une prochaine chronique, que le droit du travail est fait par l'employeur....sous le contrôle du juge.