02/12/2013
A tomber à la renverse !
Après les inspecteurs de la formation professionnelle que l'on souhaite habiliter à redresser les organismes de formation sur leur chiffre d'affaires, voici que le même projet de loi va doter les inspecteurs du travail d'une capacité à proposer des sanctions financières qui seront prononcées par le DIRECCTE. Pourront donner lieu à des amendes administratives : les dépassements des durées maximales du travail, le non-respect des repos, l'absence de contrôle des durées individuelles du travail pour les entreprises ou services n'ayant pas d'horaires collectifs, le non-respect des dispositions relatives au SMIC, les manquements aux obligations en matière d'installations sanitaires. Comme en matière de formation, la logique est identique : considérer que tout employeur est un fraudeur en puissance et concentrer le rôle de l'administration sur la capacité de sanction. A tomber à la renverse !
Le pire c'est que cette réforme n'est pas demandée par les inspecteurs eux-mêmes qui voient comme un cadeau empoisonné de pouvoir proposer des sanctions qui seront décidées par le DIRECCTE. Que celui-ci rejette la proposition et l'inspecteur se décrédibilise. Qu'il l'accepte et on imagine ensuite le dialogue lorsque le service emploi ira promouvoir des politiques publiques (GPEC, insertion professionnelle, etc.) dans les entreprises. Que l'on soit dans l'incapacité de positionner l'administration autrement que dans un rôle de sanction, que l'on conçoive des textes en réfléchissant uniquement à partir de ceux qui ne respectent pas la règle, que l'on bâtisse la législation sur une présomption de défiance et de fraude, que jamais l'administration ne soit considérée comme conseil ou partenaire mais toujours comme contrôleur, toutes ces logiques sclérosantes, vraiment les bras nous en tombent, et le reste aussi d'ailleurs.
19:01 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : inspection, travail, contrôle, sanction, administration, politique, sapin
29/11/2013
On n'a pas d'idées, mais on a des projets !
Le Ministère du Travail vient de faire paraître ses projets de réforme du contrôle de la formation professionnelle, dans le cadre du projet de loi à venir sur la formation et la démocratie sociale. A la lecture, on hésite entre la colère et la déprime. Le seul souci du Ministère en matière de politique de formation : la lutte contre "les sectes et le charlatanisme". Alors que la Miviludes peine à trouver les quelques exemples qui justifieraient la suspicion générale qu'elle projette sur le secteur de la formation (sur son site, elle pointe comme manifestation du risque sectaire le fait que 20 % des formations seraient de nature comportementales : il va falloir instruire les gentils membres de la Mission sur la notion de compétence qui leur est manifestement étrangère, à tout point de vue), voilà le Ministère qui a comme horizon politique la foireuse émission Cash investigation !
Steve Lambert - Out of ideas
Mais voici le pire : alors que personne en France ne s'accorde sur la définition exacte de la formation professionnelle et que les frontières des actions de formation sont définies par le Ministère lui-même de manière approximative, il est prévu d'autoriser les contrôleurs à prononcer le redressement de la totalité du chiffre d'affaires concernant les actions litigieuses. Comme s'il n'y avait rien de mieux à faire, sur le champ de la formation professionnelle, que de créer de l'insécurité juridique et financière au motif qu'il faut traquer les charlatans. Mais il est vrai que pour faire véritablement quelque chose, encore faudrait-il avoir des idées.
00:26 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : contrôle, formation, financement, sanction, secte, ministère, travail, idée, art
28/11/2013
Suivons le loup
La décision était attendue après les conclusions de l'avocat général, mais c'est évidemment la motivation qui retient l'attention. Dans un nouveau jugement sur l'affaire Baby-Loup, la Cour d'appel de renvoi, après l'annulation du licenciement par la Cour de cassation, valide la décision des Prud'hommes et confirme que la crèche pouvait licencier la salariée refusant de quitter le voile. Dans des commentaires un peu rapides, les journalistes en ont conclu que la Cour d'Appel s'opposait à la Cour de Cassation. Il se peut que ce soit l'inverse, et que les juges du fond aient au contraire suivi scrupuleusement les prescriptions de la Cour de Cassation. Celle-ci avait considéré qu'un règlement intérieur dans une crèche privée ne peut porter interdiction générale de signes religieux sans dire en quoi cette interdiction est liée à la nature de l'activité exercée.
Crédit Photo : Dandylan
Du coup, la Cour d'Appel de Paris a pris soin, cette fois-ci, d'argumenter en détail. Si le licenciement est justifié c'est pour deux raisons : parce que l'activité s'adresse à des enfants dont les représentations en construction peuvent être influencées et parce que le règlement intérieur ne vise que ces activités et n'édicte pas une interdiction générale. Moyennant quoi, la Cour d'Appel rejoint la Cour de cassation : il n'est pas possible d'interdire d'une manière générale le voile mais uniquement en fonction de la nature de l'activité exercée. Et dans leur motivation, les juges indiquent que l'interdiction ne peut s'appliquer aux activités de la crèche dirigées vers les adultes. Ce qui devrait, comme dans les précédents jugements, relativiser les jugements qui crient au triomphe de la laïcité ou à la défaite de la liberté, et qui devraient comme l'ont fait les juges, moins s'emporter et se pencher un peu plus sur la loi.
00:11 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : baby-loup, crèche, religion, droit, travail, licenciement, liberté, juge
25/11/2013
Le dernier jugement
Quelques salariés ayant obtenu gain de cause pour le paiement d'une prime, il est venu à leurs collègues l'idée d'en bénéficier aussi. Hélas pour eux, leur avocat s'emmêla les effets de manche et les argumentaires. Au lieu de reprendre les demandes de ses confrères et leurs fondements, il considéra que l'égalité de traitement imposait que l'on applique à tous ce que l'on avait jugé pour certains. C'était bien mal connaître les juges et la justice, qui le renvoyèrent sans délai à ses études. Débouté et dépité le baveux, comme l'on disait dans les films de Lautner, n'a plus qu'à reprendre l'affaire.
Kandinsky - Le jugement dernier - 1912
Car à ceux qui ont l'oeil rivé sur la jurisprudence, à guetter les soubresauts du juge comme le pêcheur surveille son bouchon tandis qu'il débouchonne, il est bon de rappeler que le juge ne traite que des cas d'espèces et qu'il ne fait pas la loi. Dès lors, sa décision ne s'impose qu'aux parties et ne produit aucun effet général. Par contre, aussi bienveillant et conciliant qu'il se doit, le juge se fera un plaisir d'appliquer autant de fois qu'on le lui demandera à une même situation les mêmes règles. Encore faut-il ne pas se tromper en le lui demandant.
00:27 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : juge, droit, justice, procès, jugement, travail, salaire, prime
23/11/2013
Des failles
C’est une peinture qui vous parle du 21ème siècle. Pas une peinture contemporaine, une peinture qui vous raconte l’histoire de son époque à travers l’histoire. Sur fond de couleurs fadasses, d’éclairage aux néons sans goût, de lignes aussi diffuses que les flous idéologiques du temps, se déroule une scène de série télé. Parce que sur l’écran rectangulaire de la toile télévisée, la banalité du sordide au quotidien ne nous est pas simplement montrée, elle est mise sous nos yeux sans recul, sans pensée, sans émotion mais avec la ferme intention de l’effroi. Froid comme les couleurs, froid comme l’inanité du commentaire, froid comme l’absurdité de la vie tragique. C’est ce flot d’images sans intérêt du début du siècle qui vient se cristalliser sous la lumière blafarde du tableau.
Marie Rauzy - Il ne faut pas faire la guerre - 2013
Qui n’en peut plus et s’ouvre en son milieu. De cette faille de l’espace et du temps surgit le minotaure. Enfant des jeux de l’amour et du pouvoir, tragique et dérisoire, il se pare des atours publicitaires pour se fondre dans le décor. Mais son œil le trahit. C’est l’œil de l’âne du Gilles de Watteau. C’est l’œil des soldats qui sont revenus des tranchées du siècle dernier. C’est l’œil des millions d’animaux qui entrent dans les abattoirs. C’est l’œil de la conscience qui ne peut plus parler, suffoquée. C’est l’œil d’épouvante du Minotaure qui comprend que même au sein du labyrinthe, les hommes ne le laisseront pas en paix. C’est pourquoi, au-dessus de cet œil sont plantées les ailes des chauves-souris baudelairiennes qui, comme l’Espérance, s’en vont battre contre les murs humides du cachot dans lequel nous enferme le siècle, 21ème du nom. Il y a longtemps que la vie s’est réfugiée dans les failles, c’est là que la peinture vous donne rendez-vous.
23:27 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END, TABLEAUX PARLANT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : marie, rauzy, peinture, tableau, minotaure, guerre, télévision, image
21/11/2013
Et 1 et 2 et 3....projets d'ANI
Après le texte initial du MEDEF sur lequel les discussions n'ont pas véritablement débuté, après le texte se voulant de synthèse élaboré par FO, est mis en discussion un troisième projet d'ANI élaboré par la CGPME. Du coup, la séance prévue ce jour est annulée. Jamais une négociation interprofessionnelle sur la formation n'avait connu une telle situation, preuve que la méthode de la Conférence sociale et ses préparatoires, le cadrage de la négociation par la saisine du Ministère et la définition d'un calendrier ne constitue pas une garantie de bon achèvement du processus de négociation. Quelles que soient les causes de cette situation, il devient difficile pour les négociateurs de trouver dans le laps de temps restant, une réelle convergence.
Jackson Pollock - Convergence
Pourtant, si un accord n'était pas trouvé, ou à tout le moins une position commune, sur le modèle de la réforme de la représentativité syndicale, cela enverrait le message à l'Etat et aux Régions que les partenaires sociaux sont dans l'incapacité de faire évoluer le système qu'ils pilotent depuis 40 ans, ce qui ouvrirait un boulevard à une régulation publique dont rien ne garantit qu'elle puisse être autre chose qu'une gestion administrée de la formation. Il est en effet un peu inquiétant d'entendre des représentants des régions affirmer que l'avenir du dispositif est dans l'articulation des quatre services publics : de la formation initiale, de la formation continue, de l'emploi et de l'orientation professionnelle, soit une formation coupée de l'entreprise, des salariés et de leurs représentants. Souhaitons que l'on en arrive pas là et que l'on puisse retrouver, comme dans les toiles de Pollock, le fil de la convergence.
00:30 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (0)
20/11/2013
A l'horizontale
Invitation ce mardi aux 30 ans du FONGECIF de Franche-Comté, à Besançon. L'occasion de faire le point sur les négociations en cours mais surtout de me souvenir qu'il y a 25 ans, lors de la manifestation organisée par le FONGECIF Midi-Pyrénées pour les 5 ans du CIF, je faisais la rencontre qui sécurisa le mieux mon parcours professionnel, celle de Michèle Boumendil. L'occasion également de se retrouver au milieu de responsables régionaux, parlant de leur territoire avec passion et mobilisant d'autant plus d'énergie que la question du sens de l'action est pleine d'évidences. En l'occurrence, l'évidence était que les logiques verticales de décisions descendantes que les acteurs de terrain sont sommés d'appliquer pour leur propre bonheur, n'ont pas plus de sens que les consignes abstraites produites par des dirigeants que l'on ne connaît plus et qui font le cauchemar des managers et des salariés. Les jardins verticaux sont toujours des jardins artificiels.
Kumiko Nakajima - Jardin vertical
Oh certes, il ne s'agit pas d'idéaliser le local et son insertion dans le réel par opposition à un centralisme désincarné, abstrait et coupé de toute réalité. Ce genre d'opposition est stérile. Il s'agit surtout de constater que c'est en s'appuyant sur un diagnostic tenant compte de la diversité locale, en construisant des solutions qui peuvent se décliner de manières différentes, en favorisant les initiatives et innovations, la diversité des expériences et l'implication de chacun, que l'on peut depuis le niveau central prétendre avoir une action véritablement efficiente. Mais dès que l'on dit cela, il se trouve toujours un héraut de la République pour rappeler que celle-ci est constitutionnellement une et indivisible. A ces pseudos républicains on se contentera d'indiquer qu'il faut être bien peu confiant en cette République pour penser que son unité dépend de son uniformité. Et accessoirement, qu'ils feraient bien de descendre de leur verticalité pour goûter aux joies de l'horizontal.
00:06 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : formation, région, etat, république, fongecif, besançon, jardin
19/11/2013
Face à Face
A ta naissance, nous étions au dessus de toi. Soucieux de ton éveil à tout. Plus tard nous retrouva à tes côtés, pour te donner la main, pour accompagner tes premières découvertes. Nous voici déjà face à face.
Avec le langage, tu as trouvé quelque chose comme la clé de toutes choses. Ce ne sont plus des mots qui viennent s'additionner comme des cubes en équilibre, mais des phrases qui s'inventent, des images qui se disent, des intuitions qui s'expriment, des sentiments qui se livrent et font vivre une singularité qui partage avec joie le regard qu'elle porte sur les alentours. Dans ce qui est désormais un face à face, ce dialogue permanent, cette dispute des temps anciens, se forge le meilleur qui est avenir. Bonne anniversaire Ioannes !
00:24 Publié dans FRAGMENTS | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : ioannes, anniversaire, enfance, dialogue, dialectique, éducation, plage, soleil
17/11/2013
Des flux et des stocks
Dans les années 60, le mouvement Fluxus s'interrogeait, avec un humour pas toujours des plus subtils mais avec une bonne humeur constante, sur les frontières de l'art et les catégorisations de toutes sortes. Faisant voler en éclat les représentations tenues pour évidentes, Fluxus, comme son nom l'indique, s'inscrivait dans une logique de pensée en mouvement, de mouvement permanent et de courant transcourant.
Charlotte Moorman - Fluxus
Dans les travaux actuellement conduits sur le futur Compte personnel de formation (CPF), il est beaucoup question de capitalisation et la notion même de compte suggère qu'il en soit ainsi. En réalité, il n'y aura sans doute guère plus de capital que de stock. Bien sur, chacun pourra contempler son solde d'heures disponibles. Mais aucune cotisation (ce que supposerait la capitalisation) n'est attachée à ce nombre d'heures, aucune ressource financière individualisée n'est liée à ces heures. Comme pour le DIF, il ne s'agit pas de gérer un capital mais un flux : ces heures représentent un potentiel d'accès à des disponibilités financières, ou à des places disponibles en formation (droit d'accès), dont il appartiendra à son bénéficiaire de négocier l'octroi le moment venu. Et le fait que l'on garantisse un éventuel droit opposable dans certains cas ne changera rien à l'affaire : tant que les ressources qui garantissent le droit sont limitées et inférieures en volume aux heures acquises, c'est une supercherie que de parler de capitalisation. On éviterait sans doute bien des désillusions si l'on s'inscrivait clairement dans une logique de gestion de flux (combien de bénéficiaires pour quelles priorités) et non de stock. A moins que l'objectif ne soit in fine que de mettre à contribution le salarié, car s'il y a un acteur qui risque de devoir capitaliser, au final ce pourrait bien être lui et il sera un peu tard pour se rendre compte qu'on lui a joué du violon.
17:55 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : fluxus, art, flux, formation, épargne, capital, capitalisation, musique, emploi, travail, réforme
14/11/2013
Eau et gaz à tous les étages
La loi de finances pour 2014 prévoit une réforme de la taxe d'apprentissage, et notamment un versement à hauteur de 55 % du quota rénové de la taxe d'apprentissage (égal à l'ancien quota apprentissage + contribution supplémentaire pour le développement de l'apprentissage) aux conseils régionaux. Les Chambres de commerce et les grandes écoles contestent cette règle nouvelle, aux motifs notamment que les entreprises perdront de la liberté d'affectation de la taxe et que les régions financeront principalement des formations de premier niveau. Sur la liberté de versement, l'apprentissage n'étant pas un marché mais un service d'intérêt général, l'argumentaire est faible. Il demande un peu plus d'attention sur la répartition des financements entre formations de premier niveau et formations supérieures. L'hypothèse de départ étant de fonctionner à ressources constantes, il est en effet difficile d'avoir l'eau et le gaz à tous les étages : renforcer les priorités d'un côté c'est forcément réduire les financements de l'autre.
Mettons nous en situation. Si je suis conseiller régional, dans une région où le chômage des jeunes est important et le nombre de jeunes sortis sans qualification du système éducatif également, que vais-je prioriser : l'apprentissage sur les premiers niveaux de qualification pour offrir une solution à ces jeunes en situation difficile, ou bien le financement de l'apprentissage dans le supérieur pour valoriser la filière apprentissage et montrer qu'il ne s'agit pas d'un dispositif de sélection par l'échec ? si je vais un peu sur le terrain et que je rencontre les jeunes et les parents, le choix sera vite fait. Et si l'on veut inverser la tendance et développer l'apprentissage dans le supérieur, alors il faudrait ouvrir ces places d'apprentissage non pas à des étudiants qui y trouveront un effet d'aubaine, mais en faire une filière d'accès à l'enseignement supérieur pour ceux qui ont interrompu précocement leurs études pour intégrer le monde du travail, serait-ce par l'apprentissage. C'est ainsi que l'on augmenterait le ratio d'espoir que notre système de formation peut offrir aux jeunes et que l'on constituerait de véritables filières de promotion par l'apprentissage. Peut être la seule manière, au final, d'avoir vraiment l'eau et le gaz à tous les étages.
23:53 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : apprentissage, taxe, financement, emploi, travail, éducation, loi, finances, jeunes, gainsbourg, musique, chanson
12/11/2013
Tout loisir d'être malade
Je me souviens d'un Président de chambre de commerce qui avait découvert que son directeur général avait gagné un tournoi de golf...pendant un arrêt maladie. Il m'avait dit : "Je vais le virer". Peut être, mais pas pour ce motif. Je me souviens de la tête de mon prof de gym, au lycée, me convoquant pour me demander pourquoi j'étais dispensé de sport par certificat médical, alors que je gagnais des courses cyclistes le dimanche. Précisément pour cette raison, lui avais-je répondu, comme quoi on peut être à la fois pertinent et impertinent. Il aurait fallu que l'employeur qui a licencié un salarié pour avoir participé à un rallye automobile pendant un arrêt maladie ait pu lui aussi se souvenir de tout ceci. Il aurait alors compris que le contentieux était perdu d'avance.
Pilote séchant l'école mais pas le camion
Lorsqu'un salarié est en arrêt maladie, il est en arrêt autorisé et rien ne peut remettre en cause le fait que son absence soit justifiée. Et si le salarié vient à manquer à ses obligations vis à vis de la sécurité sociale, en exerçant des activités normalement incompatibles avec son état de santé, ce n'est pas un problème de droit du travail. Dès lors, l'employeur ne peut reprocher à un salarié de partir en vacances pendant un arrêt maladie, de participer à des compétitions automobiles ni de faire du vélo. Dès lors que ces activités ne causent aucun préjudice particulier à l'entreprise. Par contre, l'exercice d'une activité professionnelle constituerait une déloyauté que l'employeur pourrait sanctionner. Et rappelons que l'entraide familiale n'est pas une activité professionnelle. Le coup de main à son conjoint non salarié n'est donc pas plus un motif de licenciement. La décision rendue par la Cour de cassation le 16 octobre dernier nous donne l'occasion de nous souvenir aussi que droit et morale ne relèvent pas de la même sphère.
19:40 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : maladie, licenciement, loisir, travail, droit, justice
09/11/2013
Selon où se porte le regard...
Si vous regardez devant vous, les cases colorées saturent l'espace. Vous ne verrez rien d'autre que ces maisons aux couleurs vives qui attirent les photographes comme le bas clergé la vérole (le haut clergé est précautionneux).
Si vous tournez la tête sur le côté, vous verrez encore ces façades éclatantes, censées guider les pêcheurs par jour de brume, à moins que ce ne soit pas jour embrumé.
Mais si vous regardez derrière vous, vous découvrirez la lagune touchant le ciel et vous pourrez vous demander lequel réfléchit l'autre.Gris et bleus composent une même étendue immobile, immuable, silencieuse, comme un grand monochrome.
Il faut marcher encore un peu pour découvrir que la couleur peut se mêler aux gris, surgissement inattendu pour rappeler que l'art de la synthèse est celui de marier les contraires, un des meilleurs moyens de faire surgir la beauté.
01:01 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : venise, lagune, mer, gris, couleur, maison, ciel, photo
08/11/2013
Un ange passe
Lorsque la lumière décline peu à peu, que le vert d'eau de la lagune se confond avec les suaves nuages qui enveloppent le ciel, que les passants passent sans que leurs pas ne marquent le temps, que les canaux font silence au défilé des barques, dans ce temps retrouvé d'on ne sait quand, un ange passe.
Un proverbe québecois dit que lorsqu'on rêve d'un ange, on voit ses ailes. Au détour d'un pont, les anges modernes de la réclame, messagers de la 4G, valident la proposition.
Mais il en va des anges comme des hommes, innombrables et tous différents. Laissons à leur commerce ces anges modernes et retournons aux anges anciens, messagers de l'amour et de la révélation.
Diable, que voilà un langage direct, décidément, à qui se fier. A Melville peut être : "Si tu gouvernes le requin en toi, tu seras un ange ; car les anges ce n'est rien de plus que des requins bien gouvernés". Amis anges et requins, bonne fin de semaine.
10:04 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ange, requin, venise, vacance, melville, littérature, photo, canal, temps
07/11/2013
Semblable, dissemblable
C'est une évidence qu'il est parfois nécessaire de rappeler : tous semblables, tous dissemblables. Ce n'est pas parce que tous les individus se ressemblent qu'il faut oublier leur singularité. Des ressemblances de façade peuvent masquer des différences profondes.
Ce n'est pas parce que les organisations patronales et syndicales poursuivent, globalement, les mêmes objectifs, qu'elles ont les mêmes positions. Ce qui donne parfois des configurations particulières dans les négociations ou des organisations qui ne siègent pas du même côté de la table vont se retrouver, pour des raisons certes différentes, à défendre les mêmes positions. C'est aujourd'hui la configuration de la négociation sur la formation professionnelle puisque aucune des deux parties n'a de position commune.
Et si au final on aboutit à un accord, que certains nommeront consensus et d'autre compromis, il ne faudra pas en conclure qu'il y a uniformité, comme au Palais Grassi, recouvert de tapis en toutes ses parties.
Pour mieux comprendre ce qui rassemble et divise les participants à la négociation notamment sur la question du financement de la formation, une chronique réalisée pour l'AEF portant sur les enjeux de la mutualisation.
11:39 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : réforme, financement, formation, travail, emploi, venise, photo
06/11/2013
L'eau, le feu
Connaissez-vous, Perdita, demanda soudain Stelio, connaissez-vous au monde un autre lieu qui, autant que Venise, possède, à certaines heures, la vertu de stimuler l’énergie de la vie humaine par l’exaltation de tous les désirs jusqu’à la fièvre ? Connaissez-vous une plus redoutable tentatrice?
Celle qu’il appelait Perdita, le visage penché comme pour se recueillir, ne fit aucune réponse ; mais elle sentit passer dans tous ses nerfs l’indéfinissable frisson que lui donnait la voix de son jeune ami, quand cette voix devenait révélatrice d’une âme véhémente et passionnée vers qui elle était attirée par un amour et une terreur sans limites.
— La paix, l’oubli ! Est-ce que vous les retrouvez là-bas, au fond de votre canal désert, lorsque vous rentrez épuisée et brûlante pour avoir respiré l’haleine des foules qu’un de vos gestes rend frénétiques ? Moi, lorsque je vogue sur cette eau morte, je sens ma vie se multiplier avec une rapidité vertigineuse ; et, à certaines heures, il me semble que mes pensées s’enflamment comme à l’approche du délire.
— La force et la flamme sont en vous, Stelio ! — dit la Foscarina, presque humblement, sans relever les yeux.
Gabriele d'Annunzio - Le Feu - 1900
10:35 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : venise, vacances, eau, feu, littérature, photo, soleil
05/11/2013
Comme d'habitude
Pendant que les anciens annoncent avec gravité que le monde est en train de sombrer, la jeunesse consulte sa messagerie pour vérifier si les copains sont au rendez-vous. Rien de nouveau sous le soleil depuis quelques siècles, il faudrait en informer Finkielkrault. Ah, pas le temps, je crois que j'ai un SMS.
10:41 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : venise, jeunesse, vieux, finkielkrault, décadence, passé, monde
04/11/2013
Encyclopédique
C'est le visage de cire d'André Breton qui vous accueille à l'entrée du Pavillon central de la Biennale de Venise placée cette année sous le thème du Palais Encyclopédique. Les yeux fermés car pour Breton le rêve, l'onirisme, constituent des chemins d'accès à la connaissance que ne fréquente guère la conscience.
Ce qui frappe dans les oeuvres présentées lors de la biennale, c'est l'omniprésence de trois thèmes : l'accumulation, l'enfermement et l'éros. L'accumulation car le savoir, la connaissance est un empilement, une profusion, une curiosité incessante qui avait conduit Cendrars à regretter qu'une vie entière de lecture ne suffirait pas à épuiser la plus grande des bibliothèques.
Mais cette accumulation débridée de savoir peut finir par perdre son sens, à saturer l'espace et à provoquer l'étouffement par l'encombrement, tout comme le cancer conduit à la mort par excès de vie et prolifération des cellules.
C'est pourquoi le souci de classer, d'ordonner, de hiérarchiser, de compiler méthodiquement le savoir a toujours existé. Ce souci d'ordonnancement est d'ailleurs le propre de l'Encyclopédie qui permet de remettre de manière intelligible la connaissance à disposition. Mais en choisissant une manière de structurer le savoir, on l'enferme dans un cadre d'analyse, on le réduit à un projet particulier, on l'oriente idéologiquement et finalement on enferme également l'individu dans ce quadrillage de la connaissance.
C'est ici qu'intervient l'éros, car l'éros c'est la vie comme le proclamait Marcel Duchamp, alias Rrose Sélavy. Il n'aura échappé à personne, depuis Adam et Eve, que la soif de connaissance est une curiosité qui relève de l'érotique et que la pulsion de vie ne saurait se réduire aux pulsions sexuelles. Qui en doute pourra consulter longuement les innombrables cahiers du bien nommé Othake qui associent photos, couleurs, passions, érotisme, politique, science, arts, passé, présent et tout ceci à la manière d'un enfant coloriant les livres comme il peint le monde aux couleurs nouvelles de sa singularité.
Au sortir de ce tourbillon d'images, de créations, de collections, de déferlements anarchiques, on peut se demander comment sortir de ce dilemme : l'appétit sans limite de tout et la folie qui inévitablement en résultera. Une solution possible est de s'en remettre aux muses qui allègeront l'envie, satisferont l'éros et éloigneront les prisons. Comme il se doit, celles qui se présentent pour ce faire sont japonaises.
11:48 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : biennale, venise, vacances, art, peinture, sculpture, exposition, encyclopédie, savoir
29/10/2013
Le retour du pilote d'avion
Le 20 avril 1988, la Cour de cassation a pour la première fois estimé qu'un employeur devait adapter les salariés à l'évolution de leur emploi. Il s'agissait d'un pilote d'avion. La compagnie qui l'employait, ayant changé ses avions, l'avait licencié pour recruter un pilote qualifié sur les nouveaux avions. Licenciement injustifié selon les juges : l'employeur a l'obligation de faire acquérir la nouvelle qualification au pilote en place et ne peut le licencier que s'il échoue.
Le 23 Octobre dernier, la Cour de cassation jugeait à nouveau l'affaire d'un pilote. Formé cette fois-ci par son employeur, il avait signé une clause de dédit prévoyant le remboursement des frais de formation en cas de démission. Ayant quitté volontairement l'entreprise, il s'était vu assigné, et condamné en appel, à payer la clause de dédit-formation. Erreur selon la Cour de cassation. La clause prévoyait le remboursement des salaires et charges pendant la formation, ce qui est légalement impossible puisque le versement du salaire est la conséquence du fait que l'adaptation au poste se déroule pendant le temps de travail. Des cours d'appel avaient déjà soulevé cet argument, mais c'est la première fois qu'il est utilisé par la Cour de cassation et posé en principe.
Reste à apprécier la portée exacte de la décision : elle n'exclut le dédit-formation que sur les salaires, pas sur les coûts pédagogiques et ne pose pas en principe que toute action d'adaptation constituant une obligation de l'employeur elle ne peut faire l'objet d'un dédit. En cela, elle s'écarte de la comptabilisation fiscale des coûts de formation et se rapproche davantage d'une appréciation de l'investissement social de l'entreprise, soit exactement le sens que la négociation est en train de donner à la formation. Toujours en avance, les juges.
23:59 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dédit, formation, travail, droit, réforme, économie
28/10/2013
Malade pas incapable
Cette fois-ci, l'affaire est entendue : le salarié est un individu autonome, capable de prendre des décisions, et dont la subordination ne doit pas être confondue avec la soumission. Résultat, même si le salarié est en arrêt maladie, et donc par définition pas dans son état normal, il n'est pas exclu qu'il soit en capacité de conclure une rupture conventionnelle. C'est en tout cas ce que vient de décider la Cour de cassation dans une décision du 30 septembre dernier.
Il était déjà acquis qu'une rupture conventionnelle pouvait intervenir dans un contexte conflictuel dès lors que la volonté du salarié n'avait pas été forcée. Il en est donc de même en cas de maladie, serait-elle due selon le salarié à ses conditions de travail. Il n'y a donc plus que les cas de fraude à une protection du salarié (accident du travail ou maladie professionnelle, inaptitude, maternité,...) qui constituent des situations limitant pour l'entreprise et le salarié la possibilité d'engager une négociation sur la fin du contrat de travail.
Et sinon, l'illustration n'a rien à voir avec le sujet, je sais, mais avec Lou Reed, ce sont les années 70 qui continuent de s'effacer, et avec lui, avec elles, le monde d'avant. Hey Honey, take a walk on the wild side !
00:49 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : travail, droit, rupture, conventionnelle, contrat, lou reed, musique, seventies, nostalgie
22/10/2013
Big bang
Le texte remis par le MEDEF aux organisations syndicales est un véritable big bang pour le système de formation professionnelle. Car il est porteur de plusieurs ruptures. La première réside dans la manière de conduire une négociation. Prenant acte du processus de création d'une loi négociée, en vertu de l'article 1 de notre code du travail, l'organisation patronale propose un texte qui a moins vocation à devenir normatif qu'à fixer des balises intangibles pour la future loi à venir. Par le charme de la sacralisation du dialogue social, nous voici venu au temps où la politique est aux partenaires sociaux et la technique au législateur qui devra traduire en un texte opérationnel une volonté globalement exprimée. Curieuse inversion que cette articulation entre la démocratie politique et la démocratie sociale.
La deuxième rupture est que pour la première fois, la suppression du financement légal du plan de formation est inscrite dans un texte. Lors des négociations précédentes, le sujet n'avait pas été mis sur la table faute de consensus suffisant pour l'aborder. Il n'y a toujours pas de consensus, mais cette fois-ci, il va falloir en parler. La troisième rupture est, encore, celle d'un retour au politique. En l'état, le projet d'accord conduit inéluctablement, par la réduction de leurs ressources, à la disparition d'au moins la moitié des OPCA et à leur recentrage sur la gestion de dispositifs d'intérêt général dont les priorités sont définies par d'autres qu'eux. Soit le pari que la formation doit être pilotée par l'entreprise, dont les responsabilités sont affirmées, soit par les politiques de branches ou interprofessionnelles, les OPCA n'étant que des opérateurs financiers, contrairement au rôle qu'ils ont lentement développé. Rarement un texte sur la formation aura été porteur d'autant de ruptures politiques. Et maintenant, place à la négociation.
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