09/11/2014
A l'Est
A l'époque, on avait pas un hamster (je veux dire un journaliste avec un bonnet en fourrure sur la tête pour montrer qu'il fait froid) en direct sur BFM TV, I-télé, LCI pour hurler : "Restez avec nous, ici il y a beaucoup d'émotion, les gens s'embrassent dans la rue, c'est extraordinaire...monsieur, monsieur, pourquoi ce moment est si important pour vous ?" et pour passer à un autre car le quidam choisi regardait fixement la caméra, sans même pleurer ce qui aurait été un minimum. Ce soir là, toutes les fissures et lézardes du mur de Berlin craquaient et laissaient passer des mains, des bras, des jambes, des têtes, des cris, des chants qui ouvraient une nouvelle page d'histoire.
La Spree se préparait à redevenir un lieu de promenade amoureuse, où peu à peu les amants allaient oublier les noyés, les pourchassés, les tirés à vue.
L'Ouest allait découvrir qu'à l'Est le temps s'était figé. Que les traces de la guerre étaient soigneusement préservées pour maintenir le moral des troupes et persuader les plus récalcitrants que les nazis étaient à l'Ouest, lequel reconstruisait à tout va pour démontrer exactement le contraire.
Encore un peu plus à l'Est, à Dresde, il avait bien fallu reconstruire, puisqu'il ne restait plus rien à montrer ou presque. Et la manière dont on avait reconstruit ne laissait aucun espoir de retrouver un jour le paradis perdu.
Des voitures minuscules et la grande tour de télévision de Berlin Est, comment mieux faire sentir aux individus leur petitesse face à la grandeur de l'Etat ?
L'Alexanderplatz d'Alfred Döblin a laissé place à une agora sur laquelle quelques ambulants vendent d'ignobles saucisses aux égarés qui ont franchi Check Point Charly et cherchent en vain un bistro au coeur de la ville.
Celui qui marche sait-il que dans quelques mois, la reconstruction allait commencer ? c'était il y a 25 ans, c'était le monde d'avant.
22:57 Publié dans EN PHOTOS | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : berlin, mur, histoire, politique, est, ouest, etat
25/08/2014
66 fois à l'Ouest
Alors, à l"Ouest, c'était comment ?
C'était 5 000 kms de grands espaces (moins 100 kms de merde dans le parc Yosémite, qui ressemblaient à des routes des Alpes)
C'était 5 000 fois : "Putain, c'est grandiose"
C'était 5 000 arrêts pour prendre une photo
C'était 5 000 arrêts pour "Have a breath"
C'était 5 000 titres sur la playlist,
C'était la voix d'Amy Winehouse dans la Death Valley
C'était la forêt de Brocéliande redécouverte dans la Giants Forest du Sequoia Park
C'était la Jellies experience
C'était les petits déjeuners chez les homos de Castro
C'était Skate qui chantait des chansons d"amour dans la maison bleue de San Francisco
C'était le tipi de Mario, l"aventurier solitaire, au bord du freeway
C'était les bagnoles de flic sirènes hurlantes sur le sable de Venice Beach
C'était le coyote surgit de nulle part sur la Badwater road
C'était 590 dollars la consultation à l"hôpital avec 15 % de réduction si vous payez tout de suite
C'était Led Zeppelin en concert lors du celebration day (on TV !) un soir à Fresno
C'était l'Irlande et l'Ecosse retrouvées un matin à Pacific Grove
C'était 5 000 fois "Hello, how are you today ?", "Fine and you ?" et 5 000 réponses différentes
C'était du business à tous les coins de rue, et dans les villes carrées découpées en blocs, il y a un paquet de coins de rue
C'était ce jeune réceptionniste qui avait le même sourire à l"hôtel et à la caisse du supermarché où il travaillait aussi
C'était Bashung, Blondie, Springsteen, Bowie, Franck Zappa, The Clash, Lavilliers, The Pretenders, Moon Martin all along the road
C'était la bibliothèque d'Henry Miller dont on solde les derniers titres à Big Sur, ce dont il se foutrait éperdument (mais il serait bien content de voir de jeunes curieuses girondes continuer à venir rôder par ici)
C'était l'Attorney de Ferguson qui compte les arrestations de manifestants en différenciant les blancs et les noirs
C'était l'envie de sortir de la route 66 pour prendre des chemins de traverse, et les prendre effectivement
C'était 2001 Odyssée de l'espace à fonds dans le casque en déboulant en hélicoptère au dessus du Grand Canyon
C'était la voix d"Agnès Jaoui et les guitares flamencas dans ces coins où tous les noms sont espagnols
C'était le soufflé aux artichauts de Gloria la philippine qui avait épousé Bill le pétrolier
C'était les Pick-up rouges
C'était les photos de camions : camion-citerne, camion-bois, camion-benne, camion-remorque, camion-palette, camion-camion (et le triple camion-camions !), camion-nacelle, camion-pelle, camion-toupie, camion-grue, camion-voitures, camion-bétaillère, camion-pompier, camion-donald duck, camion-balayeuse, camion-pompe, camion-ciment, camion-travaux et le sublime camion-cochon, envoyées par mail chaque jour au petit bonhomme de 3 ans
C'était la génération 68 regroupée sur des bateaux-maisons à Sausalito
C'était la pluie qui nous accueille dans le désert le plus chaud du monde
C'était les caddies, les sacs et les kilos de crasse accumulés par des homeless hagards
C'était des vins dégueulasses dégustés comme des grands crus à la Napa Valley
C'était les vibrations de la toile de Rothko au Lacma, et aussi Tanguy, De Kooning et les 13 Picasso
C'était le guide Navajo qui draguait deux jeunes filles dans l'Antelope Canyon, et il avait bien raison car une des deux était sacrément jolie (je n'ai jamais su qui était la plus valorisée des filles dans un duo moche/jolie)
C'était l'édition originale américaine du Surréalisme et la peinture d"André Breton publiée par Brentano en 1945 à New-York et dénichée chez un bouquiniste de Berkeley
C'était la mer grise, la lumière jaune qui troue et illumine la brume, les sirènes des bateaux et l"infini pacifique à Point Lobos
C’était le pompiste qui regardait avec jubilation le bombardement de Gaza sur une chaîne israëlienne, vissé à sa caisse, en me disant qu’il fallait faire souvent tac-tac si l’on voulait qu’une femme soit heureuse, et que lui c’était trois fois par jour
C'était les invraisemblables roches colorées de red moutains, comme chez le marchand de couleurs
C'était le plaisir de toucher les contemporains d'Héraclite, je veux parler des Sequoias géants
C'était les villes qui ressemblaient à des banlieues de villes américaines
C’était les récits hallucinés de Dan Fante et de Joan Diddion, sauf que ce n’était pas des hallucinations
C'était "Je ne pense pas, je suis trop extrême"
C'était le dollar gagné à Las Vegas (45 joués)
C'était les taureaux noirs, comme en camargue
C'était la Pacific One qui ne s'est jamais appelée comme ça
C'était tous ces gens qui se foutent du mauvais goût dès lors qu’ils peuvent sortir de l"ordinaire
C'était la lecture du livre du temps, en regardant les rocs qui entourent le lac Powell
C'était Kelly Risk, nouvellement promue Ranger qui voulait la jouer sympa mais demandait à être appelée Ranger Risk
C'était les bouquinistes de bord de route, dans des maisons de bois, chez lesquels je trouvai des livres sur les outsiders de l"art
C'était un parfum des années 70 qui était peut être dans ma tête, mais qui est peut être aussi dans l"Ouest
C'était los murales de Mission dont les couleurs défient le brouillard frisquet de Frisco et l'espagnol à tous les coins de rue
C'était les innombrables singularités qui ridiculisent les généralités (sauf celle-ci)
C'était les drags queens du Cirque du Soleil
C'était l'entertainment partout où on voulait, mais on voulait pas tellement
C'était cette ville fantôme où les fantômes vendaient des T-shirts, des magnets et des cartes postales
C'était l'odeur des pins et des eucalyptus qui portait le désir de marcher sans fin, et nous marchions
C'était l'impression d"être chez un avocat ou un notaire alors que nous étions à l'hôpital ou dans une pharmacie
C'était les miles trains, plus longs que l"horizon mais moins rapides que nous
C'était le pacifique qui passait de tous les gris à tous les bleus, l'arizona qui passait de tous les rouges à tous les jaunes
C'était du kodachrome et du technicolor
C'était pas du Ronsard, c'était de l"Amerloque
C'était quand les distances ne comptaient pas
C'était des nuits de grands espaces
C'était à l'Ouest
C'est l'infini plaisir d'avoir partagé tout cela
et c'est l'envie de recommencer
00:12 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : ouest, 66, voyage, littérature, récit, poésie, photo, liberté, californie, usa
11/08/2014
Vertigo
Le temps géologique est un vertige. Si rationnellement on sait compter jusqu'à 4,5 milliards, éprouver la sensation physique de ce temps longs est une autre affaire. Dans un corps que le temps borne étroitement, comment traduire la durée sinon en acceptant que nous soyons un assemblage atomique momentané, qui fait suite à bien d'autres et en précède d'autres encore.
Le Grand Canyon est une cathédrale du temps et à ce titre il renvoie moins aux pionniers de l'Ouest américain qu'à cet européen old fashion qu'est Marcel Proust pour lequel tout ce que nous voyons n'est que mémoire, y compris l'immémorial.
Mais avec les Américains, peuple sans Histoire mais plein d'histoires, l'entertainment a naturellement pris la place de la mémoire. Aussi n'est-on pas surpris, lorsque l'hélicoptère prend de la vitesse pour raser les derniers arbres de la forêt et accentuer la sensation de vertige lorsqu'il surgit dans l'immensité du Canyon, d'entendre dans le casque les tambours, trompettes, violons et cymbales de 2001 Odyssée de l'Espace.
La démesure du film de Kubrick est à la hauteur du grand sillon tracé par le Colorado au coeur des hauts plateaux de l'Arizona. Et comme le film, le Canyon est un spectacle, une méditation philosophique et une vision hallucinée dont on ressort lessivé.
Mais avant de quitter les lieux, on pourra une nouvelle fois vérifier que la nature imite l'art et que si le temps est un peintre de qualité, les Navajos ont fait mieux depuis.
Après une telle expérience, les habituels feux de forêt estivaux semblent bien anecdotiques, un peu comme une vie à l'échelle du temps.
19:26 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : vertigo, grand canyon, ouest, amérique, usa, odyssée, 2001, paysage, nature, temps, proust
26/07/2014
A l'Ouest
Si ce blog a quelque peu sommeillé au mois de juillet, il est bien le seul. L'actualité est une maîtresse tyrannique à qui les jours ne suffisent pas toujours. Mais pour l'heure, rideau. Et paradoxalement, la fermeture du cabinet jusqu'au 20 août va redonner un peu d'espace à ces chroniques quotidiennes qui ne l'étaient plus. Espace est le bon mot puisqu'il s'agit d'aller se perdre dans des paysages plus grands que soi, des villes sans fin et de prendre le temps de savourer les routes interminables tracées à la règle sans autre forme de procès. L'an dernier le voyage était à l'Est, au coeur de l'archipel japonais, cette année il sera à l'Ouest, là où le soleil se couche :
Elle est retrouvée
Quoi ? - L'éternité
C'est la mer allée
Avec le soleil
A l'Ouest, à la poursuite du soleil, dans la tanière du diable, l'un des endroits les plus chauds de l'Ouest. Pour se préparer à une rentrée qui sera plus chaude encore lors de laquelle il faudra s'atteler, notamment, à l'accompagnement du COPANEF pour la constitution de la liste nationale du CPF. Après quelques semaines sur le pont, il faudra donc redescendre dans la salle des machines. Et pour ne rien vous cacher, si le pont est un plaisir, la salle des machines est une excitation. Ce n'est donc pas pour faire le plein d'énergie que l'on part à l'Ouest, juste pour l'Ouest.
20:55 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : ouest, congés, formation, cpf, éducation, mer, soleil, rimbaud
09/05/2013
A l'Ouest
Homme libre, toujours tu chériras la mer
14:54 Publié dans EN PHOTOS | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ouest, liberté, mer, vacance, bretagne