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11/01/2017

AVANT, LA FORMATION CE N’ETAIT PAS OPEN BAR

Je me souviens de ce séminaire sur la compétence collective avec Guy Le Boterf. Après deux jours de travail acharnés, car avec Guy on travaille, la promiscuité et la bonne humeur avaient conduit les participants à considérer que toute activité collective était porteuse de compétences. Les exemples les plus saugrenus alimentaient l’hilarité. Je laisse à votre sagacité le soin d’en dresser la liste. Mais il en va de la formation comme de la prose : à être trop présente elle se dissout et disparaît sans coup férir. C’est en 2016 que l’on vit les premières conférences sur la disparition des responsables formation. La formation formelle étant vouée à s’effacer au profit de multiples modalités de formation informelle, la fonction chargée de la formation n’y résistera pas. Mutation ou disparition, tel sera donc le choix. Combien de temps faudra-t-il pour que l’on regrette les temps de formation permettant une véritable rupture avec le travail, un détachement du contexte, un temps réservé et préservé, une parenthèse dédiée à l’apprentissage. Le temps de s’apercevoir que se former à l’animation de réunion sur son smartphone le matin à 8h sur la ligne 14, avec la leçon 2 le soir à 19h au même endroit, ce n’est pas exactement la même chose que de prendre le temps d’apprendre, d’échanger et de simuler, lors de sessions de formation, sacrifiées sur l’autel du manque de temps et de la modernité.

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09/01/2017

AVANT, ON NE PARLAIT PAS POUR NE RIEN DIRE

Il fût un temps, je vous l’assure, où il y avait une hiérarchie : le formateur était un expert, les bons élèves lui donnaient la réplique et les moins bons profitaient de la dynamique. Il fallait travailler pour accéder à la parole. Les états d’âmes n’étaient pas invités au débat. Le savoir primait, l’individu s’effaçait derrière la matière et se mettait à son service. Les connaissances devaient être solides pour autoriser la formulation d’un avis. Les évaluations n’étaient pas complaisantes, l’effort était récompensé et la nonchalance sanctionnée. C’était avant que chacun réclame le droit de s’exprimer, même quand il n’a rien dire, que l’horizontalité ne soit promue valeur suprême, que l’élève ne remplace le maître au centre du système et que le contenant devienne plus important que le contenu. Là où le savoir a besoin de temps et de silence pour se constituer, on a introduit le débat permanent, ou plus exactement le foutoir organisé, le relativisme sans fin, la contestation de la hiérarchie et au final la perte de repères qui rend les apprentissages plus difficiles. A vouloir égaliser les chances, on les a surtout nivelées.  On a oublié que Don Juan, quand il défie le commandeur,  finit en enfer (NDLA : tout plagiat de Finkielkrault et quelques autres serait purement fortuit).

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05/01/2017

MAINTENANT, IL Y A MOINS DE SAUCE ET PLUS DE LAPIN

Ah, le temps des showmens ! Le temps des formateurs qui entrent dans la salle de formation comme l’acteur sur la scène. Ces formateurs qui ont travaillé leurs effets, affiné le discours et placé les bons mots aux instants judicieux. Ces formateurs qui lors du tour de table oublient les contextes, les métiers, les objectifs, le professionnel et se concentrent sur les personnalités : lesquels vont être bon public, où sont les positifs, qui est le grincheux de service, puis-je dénicher l’expert qui va se mettre en compétition, le pinailleur qui va m’emmerder et qu’il faudra calmer d’entrée, les effacés que j’irai chercher si besoin ? Concentrée dans l’unité de temps, de lieu et d’action, la formation était une performance dans laquelle il s’agissait de tenir (entendez : assurer la durée prévue, exemple : tu vas tenir trois jours sur ce thème ?) et de faire plaisir (entendez : s’assurer de la satisfaction des participants à avoir passé un bon moment avant de retrouver leur quotidien, exemple : ils étaient contents tes stagiaires ?). Aujourd’hui, le multimodal permet de sortir de la performance scénique pour s’intéresser aux apprentissages. Terminé le formateur central dont l’ego se nourrit du regard des autres, bienvenu le formateur périphérique au service des acquisitions et non plus de lui-même. Ne pas faire de la satisfaction le résultat, mais avoir des résultats et en être satisfait.

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04/01/2017

AVANT, POUR ETRE FORMATEUR IL FALLAIT DU TALENT

C’était l’époque où il ne suffisait pas de venir avec un Powerpoint et de le commenter laborieusement, comme ces profs sans talent qui lisent leur cour aux étudiants. Il fallait faire le show, susciter l’envie d’en savoir plus, emporter les stagiaires, les émerveiller, leur ouvrir largement les portes de la connaissance. Transformer le tableau noir en piste aux étoiles.

Lorsque le talent s’amenuise, les salles de formation se vident, comme les églises dans lesquelles les fidèles se lassent de sermons sans relief, inlassablement répétés.

Ce n’est pas la technologie qui videra les salles de formation, mais le manque de talent.

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25/04/2016

Un peu de réflexivité

Quelques questions posées par la Coopérative pédagogique du CNFPT...avec les réponses. N'hésitez pas à poster les vôtres dans la zone de commentaires. 

1. De votre point de vue, quels sont les points clefs d’une formation (professionnelle pour adultes) efficiente ?
Le premier point clé : se mettre au service des participants pour les aider à atteindre leurs objectifs. Le second : considérer que le résultat de la formation est dans ce qu’elle génère à son issue. Le plus important n’est pas ce que je transmets mais ce que je suscite.  Un troisième emprunté à Sartre : penser contre soi-même et laisser une place à la dialectique en suscitant le débat, l’argumentation, l’examen des solutions contraires à celles que l’on propose ou met à disposition.  Enfin,  se demander si former c’est apprendre à dupliquer ou à être autonome.

2. Quel est votre avis sur l’usage des technologies (tablettes, ordinateurs, …) au sein de la formation professionnelle pour adultes ?      
Aucun outil n’est une pédagogie, mais la diversité des outils offre une multiplicité de solutions pédagogiques. Autrement dit, si ce n’est pas parce que c’est techniquement possible que c’est souhaitable, cela ne doit pas empêcher de prendre en compte toutes les possibilités techniques conçues comme des libertés nouvelles.  L’avantage des technologies est de mettre à disposition des ressources qui favorisent les pédagogies actives.  Il faut se féliciter que les participants puissent rechercher en temps réel la validité de ce qu’on leur propose en formation et puissent challenger le formateur en apportant une contradiction argumentée.

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Pas de formation sans réflexivité

3. Quelle est l’innovation qui vous trouvez la plus intéressante en formation ?
Par définition, l’innovation est toujours relative : c’est ce que l’on a pas encore pratiqué. Je répondrai donc sur la pratique pédagogique que je trouve la plus intéressante, sans savoir s’il s’agit d’une innovation : le détour pédagogique, qui présente le double avantage de faire travailler sur ses représentations et de permettre une dynamique entre déconstruction-reconstruction qui illustre que pour se sécuriser il faut d’abord se mettre en danger.

4. De votre point de vue, quels seraient les axes à développer dans les pratiques pédagogiques de la formation professionnelle pour adultes ?             
Tout ce qui peut rompre avec le format de la formation initiale : suppression des programmes (contenus préétablis) pour se concentrer sur les objectifs et favoriser la diversité des parcours et réalisation d’évaluations qui portent exclusivement sur la capacité à mobiliser les ressources (compétences) et non sur les connaissances.

5. Quelle est la formation que vous avez le plus apprécié dans votre parcours et pourquoi ?  
En trente ans d’activité comme consultant, je n’ai jamais suivi une formation en dehors de celles que j’ai animées, j’espère cependant avoir développé en permanence mes compétences grâce à mes clients, aux stagiaires, à mes confrères et à un peu de travail personnel.  Et pour se former, deux moteurs : le plaisir et être bousculé.  

27/01/2016

F comme....FORMATEUR

Feu central

 

« Vive les vacances ! Fini les pénitences ! Les cahiers au feu, la maîtresse au milieu ! ». On connait la comptine aux paroles cruelles, qui délecte d'autant plus les enfants. Elle marque le début des vacances et pourrait bien constituer le seul moment où l'enseignant se retrouve au centre. Les récurrents débats sur l'autorité du maître, le respect du à son savoir disciplinaire et sa fonction d'enseignant ramenée à celle de raconteur, avec plus ou moins de talent, à une assemblée muette qui doit faire son miel de l'interminable discours et avoir le plaisir de poser des questions qui font valoir le maître dans les quelques interstices d’expression qu’il ne tolère que pour mieux s’affirmer, ces débats donc devraient être dépassés.

Je ne vois pas la...

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...cachée dans la forêt

La place de l'enseignant ou du formateur n'est pas au centre, au milieu, mais à la périphérie. Tournant autour du groupe, il peut l'observer et voir chacun. Passant des commandes, engageant à produire, apportant des informations, livrant des connaissances, invitant à en découvrir d'autres, imaginant des apprentissages, réagissant aux initiatives, découvertes et productions, le formateur, le maître, le professeur ou l'enseignant, selon la terminologie qui vous convient, n'oublie pas qu'il est au service de chacun et de tous et qu'il est là pour développer l'autonomie et non apprendre à exécuter. Il sait qu'à chaque instant son savoir est relativement plus pauvre compte tenu de la production incessante des connaissances. Il sait qu'il ne peut  lutter avec la technologie et les bibliothèques pour les apports d'information. Il sait que son travail est pédagogie.

Jacques Courtejoie est un enseignant belge dans une école des Beaux-Arts. Il enseigne la photo. Ou plutôt enseignait. Car il consacre aujourd'hui l'essentiel de son temps à rephotographier en polaroïd des tirages multiples entreposés qu'il retravaille ensuite à l'encre et à la peinture, puis qu'il épingle au fond d’une boîte noire tendue de velours. Tous ses fantasmes, tout son imaginaire et son visage également sont présents dans ses oeuvres à forte connotation autobiographique. Jacques Courtejoie s'est placé au centre de son oeuvre. Et même si ses travaux constituent des balises précieuses pour ses anciens étudiants, en se plaçant au milieu de ses productions et en oubliant de s’oublier, il a cessé d'être enseignant.

22/01/2016

D comme....DYNAMIQUE DE GROUPE

 Du plaisir d’être formateur

 Près de 30 ans de pratique de la formation et cette question assez récurrente que l’on me pose : « Tu n’en as pas marre de répéter toujours la même chose ? ». Question aussi inepte à propos de la formation que si elle s’appliquait à l’amour, à la pratique sportive, à la lecture ou toute autre activité relationnelle.

Car indépendamment de toute considération sur le fait qu’un formateur, comme un acteur, ne livre jamais deux fois la même prestation, ou encore qu’il se doit de renouveler toujours son contenu, lequel peut d’ailleurs prendre en charge lui-même ces évolutions (et particulièrement sur le champ de la formation), indépendamment donc du professionnalisme qui, à lui seul, conduit à ne point se répéter, il y a les autres.

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Au soleil de Saul Leiter

Ceux avec qui l’on travaille. Ceux qui créent cette excitation matinale résumée en une question : « Qui vais-je découvrir aujourd’hui ? Quels visages, quels corps, quelles personnalités, quelles histoires, quelles situations, quelles préoccupations, quelles trajectoires, quelles singularités ? ».

La question de savoir si l’on peut être formateur longtemps ou non est assez simple : si toutes ces questions, un jour, perdent leur sens, si elles ne suscitent plus aucun désir au moment d’entrer dans la salle, c’est qu’il est plus que temps de passer à autre chose.

29/09/2015

Comme une légère crispation...

Terminé les séances de présentation, d'information, de prise en main de la réforme, fini le temps du "De quoi s'agit-il ?", "Comment ça marche ?", "Quelles sont les nouveautés ?" . Terminé donc le temps du  débat sur les finalités, du regard critique sur la réforme, du commentaire et des propositions à la pelle pour dire ce qu'il aurait fallu faire, pourquoi et comment. Bienvenue dans le temps de la prise de décision, des choix, des arbitrages et de la responsabilité. Et là, les choses se compliquent. Car la caractéristique majeure de la loi du 5 mai 2014 est malgré tout d'être une loi de liberté : liberté de définir le contenu des entretiens professionnels, de savoir à qui on les confie, de mettre en oeuvre ou pas le CPF, de définir son investissement formation, de décider de contractualiser ou pas sa relation avec l'OPCA, de redéfinir son calendrier et ses modalités de travail avec les IRP (Loi Rebsamen du 17 août). Bref, la notice de montage n'est pas fournie avec le mobilier et comme chacun sait, le montage d'un meuble Ikea est LE test de l'harmonie dans le couple. Du coup, la tentation de faire la peau au consultant affleure parfois...

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Mais pourquoi s'en prendre au formateur (la question se pose moins dans les actions de conseil, puisque la prise en compte du contexte permet d'aller plus loin dans l'accompagnement de la décision) ? parce qu'il vous liste les possibles mais ne vous dit pas ce qu'il faut faire, parce qu'il vous pousse à questionner vos pratiques antérieures, parce qu'il vous indique que ce que vous faisiez de longe date et vous apprêtiez à continuer à faire n'a strictement aucune valeur ajoutée (comptabiliser le 1 % ou les salaires dans l'investissement formation par exemple). Bref, parce qu'il vous bouscule sans vous fournir clé en main la solution. Lorsque l'on se donne comme objectif de faire apprendre la cuisine sans fournir de recette, il faut assumer le risque d'être désigné comme le responsable de la difficulté à réaliser un plat abouti. Comme dirait Brel, les risques du métier...et en même temps le plaisir retrouvé de quelques viriles entrées en mêlée qui pourraient bien s'avérer, au final, plutôt salutaires. 

04/09/2014

Allez les bleues !

C'est un principe de base lorsque l'on veut faire du droit : ne jamais oublier que l'on ne fait du bon droit qu'avec des définitions précises. Si vous consultez le Littré pour avoir la définition du travail, vous constaterez qu'il est défini par un assujettissement. Notion que retient le droit du travail qui pose comme critère du travail non pas le travail lui même (au sens de réalisation d'une activité) mais la soumission à une autorité, en l'occurrence celle de l'employeur. On peut donc parfaitement travailler en ne faisant rien, ce que nombre de veilleurs de nuit éprouvent tous les jours, toutes les nuits plutôt, eux qui exercent un travail pénible. C'est sur cette base que la Chambre criminelle de la Cour de cassation vient de condamner une société de travail à domicile pour travail dissimulé parce qu'elle refusait de payer comme temps de travail le trajet des salariés entre deux clients (Cass. Soc., 2 septembre 2014, voir ci-dessous). La question se pose de la même manière, avec la même solution, pour des formateurs qui animeraient le matin chez un client et l'après-midi chez un autre (un prof de langues par exemple qui se déplace pour donner des cours individuels chez plusieurs clients). 

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Outil de travail du formateur entre deux clients,

plus connu sous l'appellation "une bleue"

Car si le Code du travail prévoit que le trajet entre le domicile et le lieu de travail habituel n'est pas du temps de travail effectif, il n'en va pas de même du trajet entre deux lieux de travail, que la Cour de cassation considère de longue date comme du temps de travail effectif. C'est cependant, à ma connaissance, la première fois qu'une entreprise est condamnée sur cette question au plan pénal, le refus de retenir la qualification de temps de travail aboutissant à la caractérisation du délit de travail dissimulé. Le prix à payer pour avoir oublié que l'on ne travaille pas lorsqu'on travaille effectivement mais lorsque l'on est sous l'autorité de l'employeur, ce qui est nécessairement le cas lorsqu'on prend sa "bleue" pour aller d'un client à l'autre. Allez les bleues !

Cass. Soc. Temps de trajet.pdf

12/12/2011

De l'artisanat dans l'industriel

L'organisme de formation est un des poids lourds du marché. Une croissance à deux chiffres pendant des années et ce signe qui ne trompe pas : on ne connaît plus tous ceux qui travaillent pour le groupe et l'on ne sait jamais, dans les couloirs, si l'on croise un client ou un salarié. Mais celui que je rencontre ce jour là je le connais bien. Il a fait sa carrière professionnelle dans les plus prestigieuses entreprises, celles que tous les étudiants rêvent d'intégrer, et il poursuit son activité en animant, avec talent et brio, des formations manageriales. Il ne partage pas son expérience, il s'appuie sur son expérience pour permettre aux stagiaires de travailler sur la leur. Ce matin là, il a une grande poche à la main et voit mon regard surpris : "J'ai un groupe en intra. Comme on a pas prévu de café d'accueil, j'ai pris ma machine à café et je suis passé chercher des croissants. Le groupe est super". Je souris. J'ai dans ma sacoche les amandes enrobées de chocolat que j'ai achetées ce matin pour les participants à la formation que j'anime.

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"-Tu as toujours préservé un côté artisanal dans toutes tes fonctions ?

- Toujours ;

- En marge des process et sans systématisme ?

- Surtout pas de systématique. En fonction des moments, des situations, des individus. L'artisanal ce n'est pas l'industrie à petite échelle. C'est une autre manière de travailler."

Que les grandes organisations adoptent des procédures, quoi de plus normal : l'industriel ce n'est pas l'artisanal à grande échelle. Mais pour que la vie circule dans les méandres des méthodes et des process, il faut laisser l'espace pour que l'artisanal existe et surtout, surtout, s'il faut veiller à ne pas l'empêcher il faut encore plus résister à la tentation de l'organiser.

NB : Sinon, demain le groupe est plus que super et ce sera donc dégustation de foie gras (fourni par eux) et dégustation de Mauzac, Domaine de Plageoles (fourni par votre serviteur, pour les fêtes n'hésitez pas à goûter à ce Gaillac artisanalement élaboré).

07/01/2011

Trop tard ? trop tôt !

« Tout est dit, et l’on vient trop tard depuis 7 000 ans qu’il y a des hommes». La formule de La Bruyère pourrait nous convaincre que l’homme ne fait que ressasser et que, au moins pour ce qui concerne les questions fondamentales, l’essentiel est accompli et rare la nouveauté.

Le juge partage ce diagnostic. Le Conseil des Prud’hommes de Nanterre a condamné le fait pour une entreprise d’évaluer ses salariés sur le critère d’innovation au motif que l’on ne créé pas tant que cela de choses nouvelles. Dit par ceux qui sont confrontés tous les jours à la prolifération de textes nouveaux, l’argument pourrait être de poids. Il rejoint le sentiment courant du « rien de nouveau sous le soleil », ou de « rien de neuf, que du vieux » ou encore avec un peu plus de sophistication le « rien ne se perd, rien ne se créé, tout se transforme ». Et pourtant, la conviction n'est pas plus emportée que par le médiocre et un peu ranci "si jeunesse savait, si vieillesse pouvait".

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Anne Brérot - Bientôt - 2006

Dans ses Poésies, parues en 1870, Isidore Ducasse, autrement dit le Comte de Lautréamont, inverse la proposition : « Rien n’a été dit. L’on vient trop tôt depuis sept mille ans qu’il y a des hommes ».

Pour éclairer la phrase, sollicitons Descartes le raisonneur : «Il n y a pas lieu de s'incliner devant les Anciens à cause de leur antiquité, c'est nous plutôt qui devons être appelés les Anciens. Le monde est plus vieux maintenant qu'autrefois et nous avons une plus grande expérience des choses". Voilà percé le mystère, rien n’a été dit car ces Anciens étaient un peu jeunes, comme nous le confirme Pascal avec la fulgurance qui le caractèrise : «Ceux que nous appelons Anciens étaient véritablement nouveaux en toutes choses... ».

Il serait bon de s’en souvenir à l’heure où l’on veut faire de tout senior un tuteur et/ou un formateur potentiel.

08/07/2010

Manager

Qu'est-ce que manager, qu'est-ce qu'un manager ? les définitions ne manquent sans doute pas plus que les avis sur la question. Mais puisque la question m'était posée, il fallait répondre : "Celui qui créé les conditions les plus favorables pour que ses objectifs puissent être atteints, en tenant compte des personnes qui vont agir mais sans en faire le point de départ". Soit le modèle du manager jardinier. Celui qui a la préoccupation écologique de l'action. En d'autres termes, celui qui pense que l'action humaine, comme celle de tout organisme vivant, est probabiliste et non mécanique. A lui donc de créer les meilleures probabilités pour que les fleurs puissent éclore et le jardin s'épanouir en forme de jardin des délices.

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Jérome Bosch - Le jardin des délices (détail)
Et puis je me suis demandé si cette définition du manager n'était pas un peu trop "pédagogique". Si ce manager ne ressemblait pas au formateur qui créé les conditions pour que l'apprentissage se réalise en tenant compte des personnes mais sans en faire le point de départ. En fait non. La définition peut être la même, ce sont les moyens qui diffèrent. Là où le formateur mobilisera des méthodes pédagogiques diversifiées, le manager utilisera des moyens de nature différente : prise de décision, reconnaissance, soutien, recadrage, accompagnement, etc. Toutes ses interventions auront pour objectif de créer les conditions pour que l'action opère dans le sens souhaité. Et bien évidemment, pour rester dans le domaine du management et ne pas basculer dans la manipulation, les objectifs seront au mieux partagés et au moins identifiés. A défaut, point de délices.

25/05/2010

Peut-on tout dire en formation ?

Les formateurs prennent souvent la précaution d'annoncer en début de session : tout ce qui est dit ici est confidentiel et ne saurait être rapporté à l'extérieur. Liberté de parole donc. Tout échange en formation suppose-t-il, voire impose-t-il, que le secret soit la condition de la confiance et que chacun s'engage au silence ? prononcer le voeu serait ainsi la marque de la déontologie du formateur. Le secret qui nous lie est le garant de notre liberté.

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Rodin - Etudes pour Le Secret - 1910

L'analyse juridique n'emprunte pas cette voie. Le salarié en formation est au travail et lorsqu'il est hors temps de travail (DIF par exemple) il demeure dans un rapport contractuel. Il est le consommateur, l'entreprise est le client. Et le client a un droit de retour sur le contenu de la formation, sur les résultats de celle-ci et sur le niveau et comportement du salarié. Les tribunaux ont plusieurs foix affirmé que le salarié était évaluable à tout moment sous réserve que l'évaluation n'ait pas lieu à son insu. Mais alors, le salarié pourra-t-il pendant la formation faire état de dysfonctionnements au sein de son organisation, de pratiques peu professionnelles voire de non-respect de certaines règles ? oui et pour une raison simple : l'envoi en formation vaut liberté d'expression. L'employeur qui finance une formation à un salarié ne peut en même temps lui demander de ne pas s'exprimer sur son contexte professionnel. Raisonnons par analogie : la Cour de cassation a déjà sanctionné un employeur qui avait reproché à un salarié ses propos critiques lors d'un entretien d'appréciation. Impossible de demander à la fois à un salarié de s'exprimer et de lui reprocher de le faire (sauf injures ou dénigrement). Impossible d'envoyer un salarié en formation en exigeant de lui le silence,  sa parole est donc libérée. Il peut par conséquent  être rendu compte à l'employeur, au client, du comportement du salarié mais également du formateur dont on se demande parfois si ce n'est pas à son profit que le secret était institué. Sortir du modèle de la formation initiale de l'enseignant seul  maître dans sa classe, se faire évaluateur et être soi-même évalué : voilà qui conduit à moins de déontologie en guise de paravent et plus de professionnalisme.

09/12/2009

Formateur périphérique

« Vive les vacances ! Fini les pénitences ! Les cahiers au feu, la maîtresse au milieu ! ». On connait la comptine aux paroles cruelles, qui délecte d'autant plus les enfants. Elle marque le début des vacances et pourrait bien constituer le seul moment où l'enseignant se retrouve au centre. Les récurrents débats sur l'autorité du maître, le respect du à son savoir disciplinaire et sa fonction d'enseignant ramenée à celle de raconteur, avec plus ou moins de talent, à une assemblée muette qui doit faire son miel de l'interminable discours et avoir le plaisir de poser des questions qui font valoir le maître dans les quelques interstices qu'il veut bien laisser, ces débats donc devraient être dépassés. La place de l'enseignant ou du formateur n'est pas au centre, au milieu, mais à la périphérie. Tournant autour du groupe, il peut l'observer et voir chacun. Passant des commandes, engageant à produire, apportant des informations, livrant des connaissances, invitant à en découvrir d'autres, imaginant des apprentissages, réagissant aux initiatives, découvertes et productions, le formateur, le maître, le professeur ou l'enseignant, selon la terminologie qui vous convient, n'oublie pas qu'il est au service de chacun et de tous et qu'il est là pour développer l'autonomie et non apprendre à exécuter. Il sait qu'à chaque instant son savoir est relativement plus pauvre compte tenu de la production incessante des connaissances. Il sait qu'il ne peut  lutter avec la technologie et les bibliothèques pour les apports d'information. Il sait que son travail est pédagogie.

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Jacques Courtejoie - Sans titre

Jacques Courtejoie est un enseignant belge dans une école des Beaux-Arts. Il enseigne la photo. Ou plutôt enseignait. Car il consacre aujourd'hui l'essentiel de son temps à rephotographier en polaroïd des tirages multiples entreprosés qu'il retravaille ensuite à l'encre et à la peinture, puis qu'il épingle au fond du boîte noire tendue de velours. Tous ses fantasmes, tout son imaginaire et son visage également sont présents dans ses oeuvres à forte connotation autobiographique. Jacques Courtejoie s'est placé au centre de son oeuvre. Et même si ses travaux constituent des balises précieuses pour ses anciens étudiants, en se plaçant au milieu de manière logique et cohérente il a cessé d'être enseignant.

09/04/2008

Les déplacements habituels

La Cour de cassation a rendu le 12 mars 2008 un arrêt, non publié, concernant un litige entre l'AFPA et un formateur. Le salarié souhaitait que soient pris en compte en tant que travail effectif ses déplacements pour assurer des formations dans différents lieux. La demande du salarié était fondée sur le fait que ses déplacements correspondaient à un trajet supérieur à son trajet habituel pour se rendre de son domicile à son lieu de rattachement administratif. La Cour d'appel avait fait droit à la demande du salarié, suivant son argumentation. La Cour de cassation censure cette décision.

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Pierre Ducordeau - 1974 - Tableau en déplacement
 
 La réglementation sur les temps de déplacement a été modifiée par la loi Borloo du 18 janvier 2005. Suite à différentes décisions de la Cour de cassation reconnaissant que le temps de trajet d'un salarié pouvait constituer un temps de travail effectif, le législateur posa deux principes : 
- le temps de trajet domicile travail ne constitue pas du temps de travail effectif ;
- lorsque le temps de trajet du salarié pour se rendre sur son lieu de travail est supérieur à son temps de trajet habituel, le salarié doit bénéficier d'une contrepartie en temps ou en argent (C. trav., art. L. 212-4).
 
L'application de ce texte au formateur de l'AFPA conduit à une première conclusion : le temps de trajet en question ne peut constituer un temps de travail effectif. La question est de savoir s'il doit donner lieu à des contreparties ou non, au motif qu'il excède le  temps de trajet habituel.
 
Sur ce deuxième point, la Cour de cassation répond que la Cour d'appel doit rechercher si le temps passé à se rendre sur les différents lieux de travail constitue un temps de trajet supérieur au temps de trajet habituel. Ce faisant, la Cour invite les juges du fond à considérer que le trajet habituel n'est pas celui qui va du domicile au lieu de rattachement administratif mais celui qui va du domicile....au lieu, ou aux lieux, habituels de travail. La notion de lieu habituel doit donc s'entendre des lieux dans lesquels s'exercent régulièrement les fonctions. Et pour un formateur itinérant (qualification du salarié) il ne saurait s'agir d'un lieu fixe mais plutôt d'une zone géographique.  Le salarié est donc toujours dans son périmètre habituel de travail lorsqu'il se déplace pour réaliser les formations.
 
En généralisant cette solution, on peut conclure que lorsque les fonctions du salarié impliquent des déplacements fréquent sur une zone géographique, il n'a pas droit à une indemnisation particulière pour le temps passé à ces déplacements (du moins pour les départs et retours domicile). En effet, le déplacement faisant partie des fonctions, il est déjà pris en compte dans la rémunération.
 
Ce n'est donc que lors de trajets exceptionnels, non impliqués directement par les fonctions, que le droit à indemnisation est ouvert. Il en est ainsi, par exemple, d'un salarié qui travaille en un lieu unique et que l'entreprise envoie exceptionnellement en formation à 500 kms. Le temps passé à ce déplacement inhabituel doit faire l'objet d'une contrepartie en temps ou en argent. A l'évidence, tel n'est pas toujours le cas.