23/08/2014
La grande illusion
Las Vegas c'est la promesse d'une pluie de lumières, de jeux, de tentations permanentes, de possibilité d'aller au-delà des habitudes. Heureux présage que de s'y inviter un soir d'orage.
La luxure n'est pas le moindre des plaisirs capiteux dont la ville fait offrande.
Mais le mythe résiste peu lorsque l'on va au plus près de la lumière.
Du carton pâte, du décor de pièce de boulevard, du kitsch à deux balles, du char de carnaval, rien de bien excitant à se mettre sous la dent.
Même les salles de jeux ressemblent à des clubs anglais pour retraités de la classe moyenne qui viennent passer le temps en puisant dans leur bas de laine de pièces jaunes.
Pas vraiment la fièvre ni la fureur, simplement une galerie marchande en centre-ville plutôt que dans les habituelles périphéries. Et le jour revenu n'arrange rien qui souligne la ringardise d'une ville qui vieillit précocement et n'a pas encore découvert le second degré du kitsch, celui qui mobilise une pincée d'humour.
Et ce ne sont pas les tables de paris sportifs, aux ambiances de PMU à l'ancienne et de salle de contrôle de la NASA qui contribueront à recréer un semblant de mystère.
Manifestement la ville s'est assoupie et se contente de constater que quelques paillettes font toujours recette.
Il ne faut pas oublier qu'il y a spectacle dès que l'on peut filmer et que dans ce domaine, tout fait ventre.
Pas étonnant que ce soit à Las Vegas que l'on croit encore aux illusions de David Cooperfield.
Après tout, la ville est la démonstration qu'il peut y avoir de la fumée sans feu.
02:16 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : las vegas, casino, lumière, spectacle, nuit, cinéma, voyage
06/07/2013
Merci Patron !
Pierre Déjean est professeur à l'Université de Toulouse, directeur du Centre de Recherche et d'Information sur le Droit à la Formation. Enfin, était. Il ne lui est rien arrivé de grave, rassurez-vous. Il a juste pris sa retraite vendredi. Il a été, et restera certainement, mon seul patron, c'est à dire le seul à avoir réussi à faire signer, pour 3 mois, un contrat de travail à quelqu'un qui ayant lu Proud'hon assez tôt n'envisageait le salariat qu'avec terreur. A Pierre je dois donc mes trois uniques bulletins de salaire. Je lui dois aussi mille autres remerciements pour l'opportunité donnée de créer mon entreprise en me mettant non pas un fil à la patte mais un cheval et deux étriers à mes pieds, pour les occasions de participer à ces colloques et manifestations qui donnent une visibilité que l'on a bien peu à 25 ans, pour l'ambiance d'atelier d'artiste qui régnait au sein du CRIDF, pour les mission à Barcelone au temps où il existait encore un véritable barrio chino, pour la dimension poétique, c'est un euphémisme, que pouvait prendre la moindre activité et au final pour la démonstration quotidienne que liberté, plaisir et travail peuvent faire la route ensemble.
Pierre Déjean, il a trois points communs avec Pierre Richard : le prénom, le comportement et la physionomie. Cela fait beaucoup trop pour échapper au surnom facile. Mais la comparaison est artificielle. Car Pierre Richard a fait du spectacle au sein du spectacle. Pierre Déjean lui, il a réussi à faire du spectacle à l'intérieur des institutions et mettre des espaces de liberté là où ils sont loin, très loin, d'être naturels. Cette poésie du quotidien me touchait beaucoup plus que le numéro d'acteur. Plus improbable, moins attendue, plus agaçante aussi, plus dérangeante, elle me semblait un meilleur exemple d'insoumission. Pierre Déjean était un clandestin au grand jour, les meilleurs. Comme il a toujours vécu à l'envers, je suppose qu'après avoir travaillé jeune (pour ses études), pris sa retraite en pleine activité (par sa capacité à faire glisser sur lui le travail), il lui reste désormais à se consacrer à des jeux d'enfant. Puissent-ils durer longtemps. Merci Pierre !
18:21 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cridf, université, toulouse, pierre déjean, formation, droit, retraite, amitié, clandestin, spectacle
02/07/2013
Tours et détours
Le détour pédagogique est une méthode selon laquelle le plus court chemin pour aller de A à B est de passer par C. Elle permet de déconstruire les représentations, de fréquenter de nouveaux territoires et d'aborder sous un angle nouveau de vieilles questions. La méthode n'est pas sans risque. A faire des détours on peut se perdre en route, je jamais retrouver le but ou bien faire un voyage pour rien, si à l'arrivée le regard n'a pas évolué. Existe aussi le risque que le détour ne soit qu'un tour, un artifice sans profondeur et sans valeur.
Akram Khan, à qui on a demandé de revisiter le Sacre du Printemps, de Stravinsky, a choisi le détour. Il a fait composer une nouvelle musique à trois compositeurs et s'est éloigné du Sacre pour s'installer dans la tête de Stravinsky, d'où le titre de son spectacle : iTMOi (in the mind of Igor). Qui aura pris le détour d'Akram Khan ne peut plus voir, ou revoir, le Sacre du printemps, sans penser au sacrifice, au gong lancinant, au diable qui rôde, à la mariée, à l'homme pris dans les rets de la vie ou à la jeune femme qui virevolte vers la libération finale et printanière, sans que ne s'efface totalement le long cheminement hivernal. Un vrai détour qui vaut le détour.
02:44 Publié dans PEDAGOGIES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : itmoi, akram khan, danse, spectacle, théâtre, musique, stravinsky, printemps, détour, pédagogie, formation