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18/05/2015

Deux pour le prix d'un

Dans moins d'un an, toutes les entreprises devront avoir tenu un entretien professionnel avec chaque salarié présent dans l'entreprise lors de l'entrée en vigueur de la loi du 5 mars 2014, soit le 7 (échéance au 7 mars 2016 donc). La loi livre une double définition de cet entretien, positive et négative. La définition positive est que l'entretien porte sur les perspectives d'évolution professionnelle du salarié, notamment en terme de qualification et d'emploi. La définition négative est qu'il ne porte pas sur l'appréciation du travail du salarié. Il apparaît donc clairement que le code du travail opère un partage : le diagnostic sur les compétences nécessaires à l'exercice de sa fonction relève d'un éventuel entretien managerial au cours duquel le travail du salarié est évalué (et non le salarié comme on le dit souvent à tort), l'entretien professionnel portant sur les compétences qui pourraient être recherchées dans le cadre d'une évolution future. 

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Compte tenu des obligations de gestion des compétences qui pèsent sur toute entreprise (obligation d'adaptation, obligation de veiller à la capacité à travailler en sécurité et en préservant sa santé,...), cette distinction créé une quasi-obligation d'avoir deux processus d'entretien. Un entretien managerial pour gérer le présent et les besoins de compétences (et non de formation) immédiats et un entretien professionnel pour envisager les possibilités de développement des compétences (et non d'accès à la formation) compte tenu des évolutions envisageables des activités de l'entreprise, des emplois et des compétences. Et la logique voudrait que ce soient deux interlocuteurs différents (ligne manageriale pour le premier et ligne RH pour le second) qui assurent les entretiens. Tout ceci ne serait que la stricte déclinaison des dispositions de l'article L. 6315-1. On parie que les pratiques seront un peu décalées et que beaucoup ne résisteront pas à la tentation du un pour le prix d'un ? ce qui nous promet de beaux débats en 2020 quand il s'agira d'apprécier si les entreprises se sont acquittées de leurs obligations. A moins que d'ici là, un coup d'éponge magique...

22/01/2015

Jeu de dupes

Dans une décision rendue le 17 Décembre 2014, la Cour de cassation confirme que l'entretien préalable au licenciement est en passe de devenir, si ce n'est déjà fait, un véritable jeu de dupes vidé de sa substance. Les juges devaient se prononcer sur une entreprise qui avait utilisé un motif de licenciement différent des motifs énoncés lors de l'entretien préalable. Ils pouvaient choisir entre une irrégularité de procédure, avec des dommages intérêts limités à un mois de salaire maximum, et une licenciement sans cause réelle et sérieuse, qui se traduit par six mois de salaire minimum. Ils ont choisi la première solution. 

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Ce faisant, les juges ouvrent la porte à la pratique suivante : l'entreprise teste ses arguments lors de l'entretien préalable face au salarié qui se défend. Si les réponses du salarié sont peu convaincantes, on conserve le motif avancé. Si elles ébranlent la thèse de l'entreprise, on change le motif dans la lettre de licenciement, le risque contentieux étant moins grand pour un défaut de procédure que pour un licenciement injustifié. Ce qui constitue une nouvelle démonstration que lors d'un entretien préalable au licenciement, si le salarié estime que la décision de l'entreprise est déjà prise, il n'a aucun intérêt à se défendre...et surtout pas si le motif avancé est fragile. Car il pourrait donner l'idée à l'entreprise de changer de motif, ce qui pourrait le placer dans une situation moins favorable. Et voilà comment l'entretien préalable passe d'un droit de la défense à un véritable jeu de dupes. 

Cour de cassation 17 Décembre 2014.pdf

16/09/2014

Le meilleur est avenir

C'est donc entendu, le code du travail devient un bréviaire managerial en indiquant quand, comment et pourquoi employeurs et salariés doivent prendre le temps de se parler. La loi du 5 mars 2014 n'échappe pas au mouvement qui prévoit un nouvel entretien obligatoire, sous la forme d'un "entretien professionnel". L'appellation n'est pas très heureuse, puisqu'un entretien professionnel, au format très différent, avait déjà été créé en 2004. Mais pourquoi donc un nouvel entretien ? pour parler d'avenir et c'est là que les difficultés commencent. 

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Aborder dans un entretien le travail effectué, l'atteinte des objectifs, les moyens d'accompagnement nécessaires, rien de plus simple. L'activité est un support objectif sur lequel on peut s'entendre. Mais devoir envisager avec chaque salarié les perspectives d'évolution de l'emploi occupé à deux ans et les perspectives d'évolution du salarié à la même échéance, c'est une autre paire de manche. On pourra toujours essayer de nourrir l'entretien avec la politique de formation, de mobilité, l'utilisation envisageable du Compte personnel de formation ou encore recueillir les souhaits des salariés. Mais il faudra bien parler d'avenir, sans que chaque manager ne le peigne à ses couleurs, sans que chaque perspective ne prenne forme d'un engagement et sans que les scénarios envisagés ne constituent des limites à l'invention de l'avenir. Autant dire que ce n'est pas gagné, même si le meilleur est toujours avenir. 

SUPPORT ENTRETIEN PROFESSIONNEL.pdf

08/01/2014

Un entretien à tiroirs

Débutons le passage en revue du projet de loi sur la formation professionnelle par le nouvel Entretien Professionnel. Une lecture rapide pourrait persuader certains qu'on ne fait que reprendre de l'ancien et que l'on créé une nouvelle obligation procédurale qui imposera aux entreprises de rajouter trois cases à leurs supports d'entretiens annuels et que tout cela sera un peu formel et vite bâclé. Ceux-là pourraient bien avoir un réveil brutal, car il n'existe qu'un lointain rapport entre l'entretien professionnel version 2003/2004 et celui qui nous est proposé aujourd'hui. Mais pour s'en rendre compte, il faut en ouvrir tous les tiroirs.

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Femme tiroirs - Igor Morski

En premier lieu, l'objectif de l'entretien (qui est obligatoire pour toutes les entreprises quels que soit leur taille et leur secteur d'activité) est de passer en revue les perspectives d'évolution professionnelle, notamment en terme de qualification et d'emploi, ce qui en fait clairement un entretien RH et non un entretien managerial. L'ANI exclue d'ailleurs que cet entretien soit confondu avec l'entretien d'appréciation ou entretien annuel. Premier problème : comment réaliser quantitativement ces entretiens avec la ligne RH ?

En second lieu, tous les six ans l'entreprise doit à l'occasion de l'entretien vérifier que le salarié a :

- suivi au moins une action de formation ;

- bénéficié d'une progression, salariale ou professionnelle ;

- acquis des éléments de certification, par la formation ou la VAE.

Il est prévu que si deux sur trois de ces critères ne sont pas remplis, les entreprises de 50 salariés et plus devront abonder le compte personnel de formation de 100 heures avec le financement associé. Ce qui impose, compte tenu du faible nombre de salariés qui obtiennent des diplômes, un droit à la formation tous les six ans et un droit à l'évolution salariale (qui ne saurait être la seule augmentation des minimas conventionnels ou du SMIC) pour tous. Avec une sanction à la clé. Et si pour les petites entreprises la sanction n'est pas définie par la loi, nul doute que le juge ne pourra qu'attribuer des dommages et intérêts à tout salarié qui n'aurait pas bénéficié des entretiens et suivi des formations et bénéficié d'une évolution salariale. 

Et l'on peut faire confiance au juge pour trouver dans ces nouvelles dispositions, un point d'appui pour ouvrir encore de nouveaux tiroirs.

Ceux qui se sont empressés de constater que l'ANI ne changeait rien fondamentalement en matière de formation, feraient peut être bien de remettre l'ouvrage sur le métier et de travailler les textes plutôt que d'exposer leurs préjugés.

 

26/02/2013

Le retour

Le retour a ses ambivalences. Il peut être madeleine de Proust, voyage vers les odeurs, les senteurs, les lieux, les couleurs qui nous ont marqués. Il peut être l'émotion de retrouver ceux que l'on ne devrait jamais quitter. Il peut vous saisir par tous les sens. Mais il y a des retours moins fringands, qui sonnent comme des défaites, de piteux replis sur des cases de départ dont on est plus sûr du tout qu'elles en connaîtront un nouveau. J'ai souvenir d'un pot de départ en l'honneur d'une responsable formation qui avait temporairement remplacé la titulaire, lors de son congé maternité. Le discours qu fit ce jour là le DRH signifiait clairement à la remplacée que ce que l'on appréciat le plus chez elle, c'était ses absences et que l'on regretterait bien fort la remplaçante. Le DRH attribua sans doute aux suites de la maternité, qui perturbe l'équilibre féminin  c'est bien connu, les quelques larmes qu'il aperçut peut être sur les joues de la remplacée, ce qui n'est pas certain tant il n'avait d'yeux que pour la remplaçante.

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Georges Mazilu - Le retour du fils prodigue

Dans l'affaire jugée le 12 février dernier (Cass soc, 12 février 2013, n° 11627.689), le retour des salariés n'avait rien d'une madeleine. L'entreprise avait en effet pour pratique de les convoquer systématiquement à un entretien de retour au cours duquel leur était expliqué les désastreuses conséquences de l'absence en terme d'organisation et surtout de désorganisation. Cet entretien concernant également les absences pour maladie, un salarié considéra qu'il était discriminatoire. A raison selon les juges. Ni le rappel moral, ni la culpabilisation ne sont admissibles dès lors que, comme nous l'avons constaté hier, le salarié ne peut être tenu pour responsable de son absence en l'absence de toute décision de sa part. L'entretien de recadrage, sensibilisation dans le langage de l'entreprise, constitue donc une discrimination. Nouvelle preuve que le droit et la morale font rarement bon ménage.

23/09/2011

Flou trop artistique

Les juges toulousains préfèrent la réalité du travail au flou des généralités. Ils le rappellent à l'occasion d'un contentieux portant sur le support d'évaluation de salarié, utilisés par la société Airbus. Dans ce support, il est notamment demandé aux managers d'évaluer leurs collaborateurs. Jusque-là, tout est normal ou presque. Mais dans la liste des critères d'évaluation, figure 'le courage managérial" que l'entreprise définit comme "prendre des décisions justes et courageuses dans l'intérêt d'Airbus et en assumer pleinement les conséquences". Par cette précision, l'entreprise pensait plier l'affaire. Désolé, c'est trop court ou plus exactement trop flou.

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Gegout - 2006 - Klimt-Poppyfield avec nu

Avec de tels items, la porte est ouverte à toutes les subjectivités, tous les jugements de valeur et au final l'appel à des notions qui n'ont pas cours. Ce n'est pas la première fois que les juges rappellent ce qui devrait être une évidence : évaluer un salarié ce n'est pas évaluer une personne mais son travail. Airbus doit donc revoir sa copie pendant que le juge, satisfait, peu retourner dans les champs profiter de l'été indien.

17/12/2010

Le prix du silence

Sur les 17 millions de salariés du secteur privé, environ 800 000 font l'objet d'un licenciement au cours d'une année. Soit un taux légèrement inférieur à 5%. Si l'on excepte les licenciements collectifs pour motif économique (soit une minorité puisque l'intégralité des licenciements économiques ne représente qu'un tiers du total, l'essentiel étant constitué de licenciements pour motifs personnels), tous les autres donnent lieu à un entretien préalable entre l'employeur et le salarié. Se pose alors la question de la conduite à tenir lors d'un tel entretien. La réponse est simple : le silence toujours, le questionnement parfois.

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Max Ernst - Les yeux du silence

La finalité de l'entretien obligatoire au licenciement est double : informer le salarié de manière directe sur son licenciement, mais la lettre de convocation n'exclut pas toujours l'effet de surprise, et d'autre part permettre au salarié de présenter ses arguments et éventuellement de faire changer l'entreprise de décision. Sauf que dans la très grande majorité des cas, lorsque l'entreprise a convoqué un salarié à un entretien préalable, elle sait déjà qu'elle va le licencier. A quoi sert alors de se défendre ? à rien si ce n'est fournir à l'entreprise l'occasion de tester ses arguments de licenciement et d'anticiper sur un éventuel contentieux en tenant compte dans  la lettre de licenciement des objections du salarié. Parfois, on constate que l'entreprise a modifié le motif invoqué, qui est différent dans la lettre de licenciement de celui invoqué lors de l'entretien. Le risque ? un mois de salaire maximum, à titre de procédure irrégulière, alors que le risque pour un licenciement injustifié est de 6 mois de salaire minimum lorsque le salarié a deux ans d'ancienneté.

On ne saurait trop conseiller à un salarié donc de ne pas faire de l'entretien un moment autre que technique et de réserver sa verve et ses arguments pour le contentieux à venir, si telle est son intention. Par contre, quelques questions obligeant l'entreprise à préciser les circonstances, faits, motifs et qui seraient notés par le conseiller du salarié permettraient éventuellement d'apporter des éléments de fait, au-delà de ceux invoqués dans la lettre de licenciement, susceptibles de nourrir le contentieux.

On l'aura compris, dans la majorité des cas, se défendre lors d'un entretien préalable est contreproductif, sauf si le salarié estime, et souhaite, que l'entreprise peut changer d'avis. Le cas n'est pas le plus fréquent, ce qui fait le prix du silence.

27/03/2009

NIAO, qu'es aquo ?

Est-il passé inaperçu ou bien les DRH font-ils l'autruche ?  signalé sur ce blog dès le 1er septembre 2008, l'entretien annuel obligatoire avec les salariés au forfait jours est loin d'être mis en place dans les entreprises. Il ne reste pourtant que cinq mois avant la première échéance annuelle. Rappelons les dispositions légales :

Art.L. 3121-46.-Un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.

Toute entreprise, dès lors qu'elle compte un ou des salariés en forfait jours, doit donc mettre en place un entretien annuel au cours duquel seront abordés la compatibilité des objectifs avec le volume de jours, la durée du travail effective, les contraintes éventuelles de l'activité sur la vie personnelle (notamment les déplacements) et, cerise sur le gateau, la rémunération individuelle et son rapport avec la durée réelle du travail. C'est donc une véritable Négociation Individuelle Annuelle Obligatoire (NIAO) que créé la loi du 20 août 2008 dont est issu le nouvel article L. 3121-46. Porte ouverte au dialogue donc sur le temps et l'argent.

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Jan Svankmajer - Possibilité du dialogue - 1982

Quels sont les enjeux ? si l'entretien a lieu, que le salarié évalue la quantité de travail, par exemple 10 heures par jour en moyenne pendant 218 jours soit 2180 heures, et s'aperçoive qu'en taux horaire il est moins bien payé qu'un collègue qui fait 1607 heures par an (soit 35 heures en moyenne). Et si l'entretien n'a pas lieu, une possible annulation du forfait en jours, ce qui conduirait sur la base du calcul précédent, à devoir au salarié plus de 500 heures supplémentaires par an....sur cinq ans maximum. Pour finir de réveiller les DRH autruchiens suggérons leur un cauchemar : qu'une organisation syndicale agisse au nom d'un groupe de cadres pour demander une revalorisation salariale significative sous peine d'agir en contentieux pour l'annulation systématique des forfaits jours. On fait le calcul ou on prolonge le sommeil ? reste la possibilité d'agir et de mettre en place les entretiens.