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26/07/2013

Le soleil ne s'est pas couché

C'est un peu le principe lorsque l'on part vers l'Est : on avance plus vite que le temps, et si l'on fait le voyage par le Nord (côte nord de la Russie puis descente à travers la Sibérie) on échappe à la nuit. Et lorsque l'on arrive au pays du soleil levant, en fait il ne s'est pas couché. Mais après le sevrage printanier, 36 heures de soleil consécutives, ce n'est pas de trop. Surtout quand on est aussi bien accueilli. Les grues font un salut de bienvenue.

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D'autres clins d'oeil sont plus discrets, mais bien présents.

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Sous l'effet du soleil, on se demande si l'hallucination ne rôde pas : ce ne sont pas les quatre garçons dans le vent sur le passage d'Abbey Road ? Non, juste des salary men pressés qui ne remarquent plus l'immeuble qui se gondole au soleil.

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Mais en matière d'hallucination, il est fort probable que le meilleur reste à venir.

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25/07/2013

A l'Est

Rideau. Après quelques semaines marathon à courir les trains et les avions et redécouvrir la vie d'hôtel, le store est tiré sur le bureau pas rangé, les en cours pas traités et les listes de tout ce qu'il aurait fallu faire avant de partir. On verra tout ça au retour. En attendant, demain le soleil se lèvera un peu plus à l'Est.

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01/07/2013

Gaston délinquant !

Tout était réuni pour que la Cour de cassation rende une décision banale : un salarié utilisait une partie de son temps de travail et le matériel de l'entreprise pour effectuer des travaux  qui lui étaient rémunérés par ailleurs. Le cas n'est pas rare de l'utilisation du matériel, et du temps, pour faire autre chose que son travail. Que cela soit sanctionnable, c'est évident. Qu'il s'agisse d'une infraction pénale, en l'occurence d'un abus de confiance, cela l'était moins. C'est pourtant ce qui a été jugé le 19 juin dernier par la chambre criminelle de la Cour de cassation.

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Ce qui n'est pas banal, c'est qu'au lieu de s'en tenir à l'affaire, les juges emploient  à dessein une formulation générale destinée à la publication : l'utilisation par le salarié de son temps de travail à d'autres fins que celles pour lesquelles il est rémunéré constitue un abus de confiance. Devient ainsi pénalement sanctionnable non seulement le travail pour autrui, mais également l'absence de travail. Tous les Gaston Lagaffe qui s'assoupissent au bureau constituent donc une bande inorganisée de délinquants coupables d'abus de confiance. Pour ne rien dire des frénétiques de la discussion extra-professionnelle, des contemplateurs maladifs, des fumeurs à répétition, des accros de la machine à café, des pianoteurs de smartphones ou des navigateurs de l'internet.  Que tout ceci puisse relever d'une responsabilité contractuelle, bien sûr, de là à pénaliser à tout va...m'enfin !

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Flagrant délit d'abus de confiance

C. Cass Chambre criminelle 19 juin 2013 - Abus de confiance.pdf

17/06/2013

Pas classique

Vous êtes une star, et même deux. Vous avez travaillé beaucoup pour développer votre talent. Avec beaucoup de plaisir, mais aussi de volonté, d'abnégation, d'humilité. Vous êtes reconnu par vos pairs, par votre environnement, par les connaisseurs, par des inconnus. Chacune de vos sorties est un nouveau triomphe. Le temps  est venu des récompenses, de l'admiration, du sommet de votre art. Que faire ? surfer sur le succès, jouir enfin des efforts accomplis, s'épanouir dans la maturité qui ne fera que confirmer votre exceptionnelle maîtrise du sujet ? mais non, ce serait trop classique.

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Alors vous repartez dans les bibliothèques, dans les partitions, dans les textes oubliés, à la recherche de musiques presque disparues. Et plutôt que de vous demander quel compositeur mettra le mieux en valeur vos atouts, vous mettez votre art au service de sonorités nouvelles dont vous ne savez comment elles seront accueillies. Quand on s'appelle Cécilia Bartoli et Diego Fasolis, la meilleure manière de faire du classique, c'est de ne pas l'être. Et vous vous mettez à deux, en écho, la voix de la cantatrice qui guide l'orchestre et le corps du chef qui chante avec elle,  pour démontrer une nouvelle fois que l'on ne se sécurise qu'en se mettant en danger.

16/06/2013

Trouple

Les voilà. Ils sont là. Les beaux-jours. Les bodegas germent comme des herbes folles sur le pavé. Face à Bercy, dont le froid rectangle unijambiste rappelle que les occupants ont la religion de la raison mais guère celle du corps, on a installé les transats, les planches de charcuterie et de fromage et les rythmes du Sud. Pas de choc de compétivitité, de simplification, de confiance, juste un choc de cultures. Qui ramène vers le Sud et ce bel ouvrage de Claude Llabres "Toulouse mon amour" dans lequel on peut découvrir ce beau trouple.

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La photo date du début des années 90, signe que le mariage pour tous est finalement encore en retard. Il suffit de se souvenir de Max Ernst, Paul Eluard et Gala, ou pour une autre configuration, de Sartre Beauvoir et Olga.  Michel Serres le rappelle régulièrement : les politiques, contrairement à ce qu'ils pensent, sont toujours en retard sur la société. Il est loin le temps de Jules et Jim. Aux temps troubles, préférons le temps qui laisse venir le trouple.

11/06/2013

De la motivation

Il paraît que la première campagne a été un succès. Alors c'est reparti. Et sur les murs du métro refleurissent  ces affiches judéo-chrétiennes qui érigent la pédagogie de la culpabilisation en parangon de la motivation inconsciente. Et reprennent au final cette antienne que partagent nos gouvernants et pas mal de managers : la motivation négative, il n'y a que cela de vrai. Ainsi, on promet à cette grenouille sautant les portillons la sanction qui menace au bout du quai.

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C'est oublier un peu vite que dans la France d'Astérix et des petits malins "on a le droit de ne pas respecter les règles, mais pas de se faire prendre". Mais l'imagination ne paraît pas être le fort des concepteurs de la campagne, qui rassurera sans doute les opposants au mariage pour tous. Représenter les hommes en cochons et les femmes en poules  témoigne en effet que ceux qui craignent la théorie du genre peuvent dormir tranquilles, alors que le sommeil des tenants de l'égalité professionnelle s'en trouvera perturbé.

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Mais le pire, c'est sans doute l'image des perruches roucouleuse qui, par la faute d'un instant d'amour dans ce monde de brutes, empêchent les quidams de courir vainement après le temps perdu. Mais cessez donc de vous aimer, que diable, vous encombrez le passage.

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Qu'on se le dise, le passager du métro doit pouvoir courir sans entrave et refouler dans la foulée tout regard sur la foule, où il ne verrait que poules. On voudrait nous expliquer que dans le métro il vaut mieux ne pas traîner et qu'en ces lieux il ne fait pas bon vivre,  on ne s'y prendrait pas autrement. Il faudra peut être, soyons fous, attendre la troisième campagne pour que l'on nous explique qu'il est doux de prendre le métro, ce lieu de rencontres improbables où l'amour vous guette au coin des voies. Pour une entreprise de transports en commun, ce serait bien le moins.

06/06/2013

On dirait le Sud

TGV du matin pour voir un client à Marseille. Soleil matinal, lumières pâles de la Provence, sols secs, on en oublie même que le compartiment bruisse  des inévitables cadres qui paufinent fièvreusement leurs présentations Powerpoint et vérifient leurs tableaux croisés dynamiques avant leur réunion du jour. Dès que la mienne est terminée, de réunion, je retarde mon retour pour un tour de ville dans laquelle il y a longtemps que je n’ai plus traîné. Avec pour débuter un détour par la Belle de Mai.

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Une déambulation marseillaise est l’occasion de constater que le Sud ne manque pas d’imagination pour favoriser l’emploi. Tout d’abord, pour lutter contre les idées reçues, à Marseille c’est celui qui travaille qui est assisté et non l’inverse.

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Ensuite, on ne lésine pas sur la sécurité au travail, ça créé de l’emploi.

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Enfin, on privilégie le travail collectif parce que dans le Sud, la convivialité et l’esprit d’équipe, c’est fondamental.

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Y a pas à dire, dans le Sud, on a du génie. Et comme on est autonome, Marseille c’est déjà un peu la Corse, hé bien le génie, en cas de coup de mou, il se répare lui-même. Pas de doute, on est bien dans le Sud.

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05/06/2013

Deux films à voir

La rediffusion du film Journal de France, réalisé par Raymond Depardon et son épouse, Claudine Nougaret, est l'occasion de refaire une ballade en France mais aussi dans les films précédents de Depardon. Et notamment de revoir les scènes stupéfiantes de Délits Flagrants, qui permet d'assister au travail des juges du tribunal correctionnel de Paris. On est saisi en entendant la manière dont la justice s'adresse aux petits délinquants, aux voleurs, aux agresseurs, de constater combien le discours est loin du droit et emprunte tour à tour à la morale, au paternalisme ou au mépris, à l'évidence non intentionnel mais c'est peut être pire. Et en retour, on est frappé de voir que ce discours semble venir d'un autre monde que celui dans lequel vivent ceux qui sont jugés. Au final, un total dialogue de sourds et d'immenses doutes à la fois sur la manière dont la justice est rendue et sur ses effets.

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Raymond Depardon - La France

Alors que Depardon réalise un film  qui laisse la parole à ceux qui sont filmés, très loin des pesants commentaires off qui accompagnent bien des documentaires, ni les juges ni les avocats ne font grand cas des personnes qu'ils ont la charge de juger ou de défendre. Leur parole est systématiquement niée, lorsqu'encore elle est entendue. Heureusement, les prises de vue choisies par Depardon permettent de se dégager de  cette atmosphère pesante. Peut être faudrait-il de temps en temps mettre les juges dans une camionnette et leur faire faire le tour de France, dormir sur des places incertaines, errer sur des routes de montagne entre chien et loup, être surpris à tout moment par ce que va révéler le prochain virage. Après un tel périple, les juges prendraient peut être le temps d'écouter ceux qui sont en face d'eux.

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10/05/2013

Voir encore

C'est ce que je fais qui m'apprends ce que je cherche (Pierre Soulages)

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Ne cherchez pas à voir la réalité, c'est avant que la réalité existe (Yves Tanguy)

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Son langage est un mot de passe vers la lumière du jour (Roland Penrose à propos d'Yves Tanguy).

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Si quelqu'un a des oreilles, qu'il voie, si quelqu'un a des yeux, qu'il entende (Jean Arp)

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Chère imagination, ce que j'aime surtout en toi, c'est que tu ne pardonnes pas (André Breton).

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08/05/2013

Voir

Ce n’est pas parce que le baccalauréat approche qu’il faut succomber aux tartes à la crème des sujets (ne devrait-on pas dire objets d’ailleurs ?) de philosophie. Pas de discussion donc à partir de l’éculé « l’art imite-t-il la nature ? » ni de son plaisant inversé, nous voulons parler de la formule d’Oscar Wilde « la nature imite l’art ».

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Bornons nous ici à constater que la réponse à ces questions, et à bien d’autres, est dans le regard. Notre manière de voir, d’observer, nous définit mieux que de longs discours.

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Voir, regarder, observer, c’est une question d’échelle, de catégorie, de représentation, de mode d’appréhension du réel, du symbolique et de l’imaginaire, coucou Lacan.

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Mais si l’on veut savoir ce qu’il y a véritablement dans une toile de Rothko, et donc la raison pour laquelle ce peintre consacra la plus grande partie de sa vie à enduire des toiles de grandes surfaces colorées, les traces de voyage, de temps et de poésie prélevées sur une épave de bateau sont les bienvenues.

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Le regard, où la manière dont chacun d’entre nous appréhende les ombres et lumières du monde auquel il appartient.

23/04/2013

Coup d'essai

Chaque année, le stand SHOOT s'installe à l'entrée des rencontres photographiques d'Arles. Vous avez quatre essais pour atteindre le coeur de cible. Lorsque vous réussissez, la balle déclenche la prise de la photographie et vous voici figé à jamais dans la position du tireur debout. Un petit air rétro plane sur ce dispositif, surtout lorsque l'essai a lieu sous la blanche lumière du début d'après-midi dans le Sud-Est. Cette année là, contrairement aux années précédentes, les quatres balles s'inscrivirent quasiment au même endroit. L'essai sera renouvelé l'année prochaine.

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La Cour de cassation a rappelé à plusieurs reprises les règles qui régissent la rupture de la période d'essai (voir ici). Mais manifestement ses messages peinent à être entendus. Recruté au mois de mai, un salarié est absent pour maladie de juin à août, puis de nouveau à partir de mi-septembre. L'entreprise rompt sa période d'essai au cours de ce deuxième arrêt. Comme souvent, l'employeur confond l'absence d'obligation de motiver la rupture de la période d'essai et la possibilité de rompre pour tout motif. En réalité, un seul motif permet de rompre l'essai, c'est d'ailleurs pour cela que la motivation n'est pas obligatoire : le fait que le salarié ne fait pas l'affaire. L'employeur aurait au moins pu se souvenir que la maladie ne permettant pas d'apprécier les compétences du salarié, elle autorise la prolongation de la période d'essai. Cela lui aurait évité une décision qui n'était manifestement pas un coup de maître.

Cour de cassation 10 Avril 2013 - Essai.pdf

22/04/2013

Inversion

Le Sénat a adopté, samedi 20 avril, la loi de sécurisation de l'emploi, après un esclandre des communistes qui ont quitté la séance pour protester contre le raccourcissement des débats. Le groupe communiste dénonce d'ailleurs, comme la CGT et FO qui n'ont pas signé l'ANI du 11 janvier 2013 à l'origine du projet de loi, un texte qui comporte plus de régressions que de droits nouveaux pour les salariés. On pourrait penser, en effet, qu'un texte signé par toutes les organisations patronales mais une partie seulement des organisations syndicales, un texte sur lequel l'UMP s'abstient en période d'opposition féroce et qui voit la majorité de gauche s'affronter et se diviser, n'est pas franchement une loi qui penche en faveur des droits des salariés. D'ailleurs, si opposition et majorité avaient été inversées, l'UMP aurait voté ce texte comme un seul homme en lui reconaissant mille vertues, alors que le PS se serait abstenu en regrettant que le texte n'aille pas plus loin et soit un faux-semblant pour les salariés. Ainsi vont les vicissitudes du petit monde politique.

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Man Ray - Positif, négatif

Oui mais voilà, tout ceci sent trop la réaction superficielle, de circonstance, de positionnement politique. Et du coup, que penser de ce texte ? Peu de droits supplémentaires pour les salariés, et qui restent à construire, contre des reculs immédiats et bien plus graves ? c'est l'avis du PC, de certains aussi au PS, de la CGT et de FO. Pourtant, lorsque l'on présente les dispositions du texte à des entreprises, que l'on explique la généralisation de la couverture santé et de la prévoyance, la refonte des obligations d'information des représentants du personnel et la mise en place de la base de données unique, les négociations nouvelles obligatoires, le renforcement des droits du comité d'entreprise, l'obligation de négocier davantage avec les organisations syndicales, la validation des PSE par les syndicats ou l'administration, la soumission des accords de mobilité ou de compétitivité emploi à des accords majoritaires, on voit les mines s'allonger et l'atmosphère n'est pas à la satisfaction d'avoir arraché de nouvelles flexibilités et sécurité pour l'entreprise. Il paraît même que lorsque les représentants patronaux expliquent le texte à leur base, ils se font engueuler. Signe que tout n'est certainement pas blanc ou noir dans ces dispositions dont on ne sait toujours pas si elles auront vraiment un impact sur l'emploi, ni surtout s'il sera positif ou négatif, ces deux représentations d'une même réalité comme a su nous le montrer Man Ray.

16/04/2013

Transparence

En ces temps de transparence patrimoniale, de déboutonnage des élus pour vérifier leur consistance matérielle, de droit de savoir et de confusion entre personne publique et privée, les juges nous rappellent que la transparence, cela ne concerne pas que nos édiles. En donnant raison à un salarié qui contestait son licenciement pour faute grave au motif qu'il avait écrit aux membres du Conseil d'administration un courrier mettant en cause les pratiques de la direction, la Cour de cassation réaffirme un principe bien établi : un salarié du secteur privé n'a pas de droit de réserve et dispose au contraire d'une liberté d'expression dont il n'abuse qu'en cas d'injures, de diffamations ou de volonté de dénigrement. Mais une expression critique en des termes non fautifs ne peut être reprochée au salarié. Voilà une transparence qui risque de susciter bien des apparitions aux yeux des actionnaires qui ne sont souvent éclairés que par la direction générale.

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Les cadres de direction devraient se souvenir, outre que les salariés n'ont pas de droit de réserve mais une liberté d'expression, que la loyauté due par le salarié s'exerce à l'endroit de l'entreprise, considérée dans son exhaustivité et qu'elle n'est pas une obligation d'allégeance aux personnes.

Et la Cour de cassation en profite pour, dans la même décision, rappeller une autre évidence : un salarié ne peut être cadre dirigeant dès lors qu'il est soumis à un contrôle de ses horaires. Là aussi, question de cohérence, en toute transparence.

Cass. soc 27 mars 2013.pdf

13/04/2013

Dans les rues

Soleil revenu, premières floraisons, douceur de l'air, week-end, que de bonnes raisons, comme s'il en fallait, pour musarder et se laisser aller au plaisir de la découverte, par exemple de cette flèche friponne dont la vigueur salue la nouvelle saison.

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Printemps symbole de vie, au point que même la mort devient un divertissement.

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Mais tout le monde ne consacre pas son temps libre à baguenauder dans les rues. Il en est qui ont le sens de l'engagement collectif, et qui au cas où nous ne l'aurions pas remarqué, le font savoir.

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Mais la promenade hasardeuse n'est pas sans danger. Elle peut, brusquement, vous faire basculer dans l'interpellation métaphysique au détour d'une rue.

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Une fois résolue la question du sens, il faudra encore se confronter à d'étranges affirmations qui mériteraient d'être soumises à l'expérimentation.

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Et comme si le hasard prenait un malin plaisir à perturber tous nos repères, voici un ferme rappel de ce que le futur est imprévisible.

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C'est peut être pour cela que, sous réserve d'une traduction non garantie, il est si important d'avoir un bureau pour recueillir les idées utiles et introuvables. Gageons que l'employé chargé d'enregistrer de telles idées a moins de travail que celui qui serait chargé des idées inutiles et courantes.

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Et comme le hasard est malicieux, il ne manque pas de faire un clin d'oeil à l'actualité et à l'adoption du mariage pour tous. Pour ceux qui penseraient qu'il n'y a qu'un modèle familial, voici la preuve que l'on peut être sage-femme et beaupère ! Bonnes balades à tous.

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31/03/2013

Vienne, ville rétrospective

Séjour à Vienne pendant le week-end pascal, attiré par la rétrospective Max Ernst, 180 oeuvres présentées à l'Albertina. Mais avant d'aller voir les toiles, la moindre des politesses est de partir se perdre dans les rues de la ville, de marcher, marcher, marcher et de regarder, sentir, humer, renifler, zyeuter, baguenauder, traîner et se laisser surprendre. Et ça n'a pas raté. Au détour d'un carrefour, sur une colonne Morris, tentant de confondre son gris avec celui des pavés, mais cela ne suffit pas pour passer inaperçue, une affiche annonçant une rétrospective, décidément, de Saul Leiter. Vienne, ville rétrospective.

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L'exposition se tient à la Kunsthaus, oeuvre de l'architecte, peintre, dessinateur, philosophe, marin, poète et diverses autres choses, Hundertwasser (dont je reparlerai). Les photos sont merveilleuses, avec quelques pépites que je ne connaissais pas, et sont accompagnées de gouaches dont certaines sont d'une extraordinaire qualité. Décidément, voici des gens fort sympathiques qui ne se laissent pas enfermer dans une catégorie. Dans l'exposition, même si tout est splendide, je cherche une photo, LA photo. Mais je ne trouve que ses cousines, tirées de la série intitulée Lanesville (1958).

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Ces photos de Dorothy Weaver, ce nom qui évoque la vague (wave) et le rêve (dream), sont magnifiques mais elles trouvent leur aboutissement dans ce que je tiens pour une des plus belles photos qui existe.

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Cette photo est un film, une peinture, un dessin, une photo, la vie. Elle raconte plus d'histoires que la Bible ou les Mille et une nuits. Celle de la mer, qui offre de son bleu d'éternité des couleurs de Sud à cet univers insituable.  Celle de cette voiture dont on ne sait si elle arrive, se prépare à partir, somnole comme la jeune femme, est abandonnée ou prépare soigneusement sa prochaine virée. Celle d'une herbe qui s'est donnée partiellement au soleil et à ses brûlures de hasard. Celle de cette jeune femme qui dort, ou qui rêve, peut être rêve-t-elle qu'elle dort, peut être s'est-elle assoupie dans l'attente, peut être son corps fait-il repos après s'être énivré d'un autre corps, ou bien se plaît-il à s'offrir, comme la nature, à l'astre solaire chargé de lustrer la peau moirée livrée à ses caresses. Et tout cela ne dit encore rien des secrets de l'image. Saul Leiter lui même disait : "Il me semble que des choses mystérieuses peuvent prendre place dans des lieux familiers". Saul Leiter fête cette année ses 90 ans.

28/03/2013

Trop plein de vide

Que des approximatifs ou des incompétents répètent à tout va que le droit n'est qu'un immense gruyère plein de vides, on commence à s'y habituer. Mais voilà que la petite musique s'étend et gagne les plus hauts sommets de l'Etat. Manuel Valls, tout d'abord, qui déclare mardi à l'Assemblée à propos de l'affaire Baby Loup que s'il y a un vide juridique, il faudra une initiative législative. François Fillon ensuite, qui dans une tribune publiée dans Le Monde mercredi (voir ici) appelle à combler le vide législatif et juridique. Il est curieux d'avoir à rappeler la loi à ceux qui ont, ou ont eu, en charge de l'élaborer ou de la faire respecter. Dans le meilleur des cas, il s'agit d'une méconnaissance. Sinon, il s'agirait soit de mauvaise foi soit de calcul politicien.

Rappelons donc la règle à nos gouvernants et à ceux qui aspirent à l'être : elle figure à l'article L. 1121-1 du Code du travail et postule que l'on ne peut apporter aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnée au but recherché. En application de ce texte, il ne peut être édicté un principe général de neutralité par rapport à la religion, mais uniquement si c'est incompatible avec l'activité exercée. Faute d'avoir dit en quoi porter un foulard empêche de travailler dans une crèche, la décision de la Cour d'appel ne pouvait être que censurée par la Cour de cassation (pour un rappel plus complet du droit existant, voir ici).

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Cet épisode m'a rappelé deux bons souvenirs. Le premier est la naissance du fiston à la maternité Sainte-Félicité. Il y avait des soeurs infirmières dans cette clinique privée qui gère ce qui peut être assimilé sinon à un service public du moins à un service de santé d'intérêt général. Faudra-t-il imposer le retrait du voile aux religieuses qui participent à des activités privées ou leur demander de cesser d'y participer ? Le second bon souvenir est celui d'un déplacement à la Réunion à la demande d'une banque. Devra-t-elle interdire à ses guichetiers et conseillers de s'habiller comme leurs clients ? Dans une société largement multiconfessionnelle et où la diversité n'est pas qu'un mot ou un étendard, la question pourra paraître saugrenue.

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Et tant que l'on est à la Réunion, anecdote de voyage. Comme c'était la journée du Patrimoine, je me suis rendu à la Grande Mosquée qui est au centre de Saint-Denis. Il y avait des panneaux d'interdiction de photographier partout. Passant outre, je pris quelques photos, quand je vis deux barbus accourir vers moi. Je m'attendais à un rappel à l'ordre, quand le plus petit me dit : "Viens avec moi, je vais te montrer le meilleur endroit pour prendre une photo du minaret". Du coup, il fût photographié lui aussi, presque aussi raide que le minaret mais avec plus de rondeurs, ce qui le fît rigoler.

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Conseillons donc à Valls et Fillon un petit détour par les provinces françaises, ils s'apercevront que les vides qui les effraient tant sont comblés depuis longtemps. Et s'ils trouvent le temps, ils pourront réfléchir à la seule question qui se pose en droit aujourd'hui : en quoi porter un foulard est un problème pour s'occuper des enfants ou exercer d'autres activités.

16/03/2013

Oh, c'est court !

Si l'on en croit Albert Cohen, il peut s'en passer des choses, le temps d'un baiser :

"Elle s’est approchée de la glace du petit salon, car elle a la manie des glaces comme moi, manie des tristes et des solitaires, et alors, seule et ne se sachant pas vue, elle s’est approchée de la glace et elle a baisé ses lèvres sur la glace. Ô ma sœur folle, aussitôt aimée, aussitôt aimée par ce baiser à elle-même donné. Ô élancée, ô ses longs cils recourbés dans la glace, et mon âme s’est accrochée à ses longs cils recourbés. Un battement de paupières, le temps d’un baiser sur une glace, et c’était elle, elle à jamais."

Le temps court peut aussi être celui des basculements, des points d'orgue, des révélations, des pierres d'achoppement, des murs qui soudain s'élèvent ou des portes qui s'ouvrent. Un éclair, un instant, un fragment qui engage à tout jamais.

Certes.

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Mais quand il s'agit de travail, d'activité, de revenu, d'autonomie, le temps court est tout de même problématique. C'est pour cette raison que le Code du travail pose en principe que l'embauche doit s'effectuer en CDI, qui est la règle. Le CDD et l'intérim sont, par principe, interdits. Et ne peuvent être pratiqués que dans les cas d'exception prévus par la loi. Tout ceci est très bien, sauf qu'au troisième trimestre 2012, 81,7 % des embauches ont eu lieu en CDD (sans compter l'intérim donc). Voici une drôle d'exception, devenu largement majoritaire. Et une nouvelle leçon pour nos gouvernants, si préoccupés d'élaborer de nouveaux textes, qu'il faudrait peut être mettre un peu de cette énergie à simplement se contenter de faire appliquer ceux qui existent. Car au contraire du baiser, la fin du contrat marque aussi la fin de ses effets.

06/02/2013

Intérimaire permanent

Vous prenez une photo, puis une autre, puis un dessin, puis une photo, puis des dizaines d'autres, vous coupez, vous déchirez, vous morcellez, puis vous assemblez, morceau après morceau, élément par élément, et au final le résultat, pour peu que vous soyez dans un bon jour, vous paraît s'être imposé à vous. Chaque chose est à sa place, le disparate trouve sa cohérence, les éléments épars, sans lien apparent, ont recomposé une figure qui a soudain l'allure de l'évidence.

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Ainsi en va-t-il du collage, où l'hétéroclite soudain trouve sens. Ainsi en ira-t-il peut être demain du travail intérimaire, lorsque les sociétés d'intérim pourront recruter les intérimaires en CDI et les affecter à des missions successives en leur garantissant un emploi permanent. Bonne nouvelle pour tous ? Pas forcément, les intérimaires enchaînant les missions avec indemnités de précarité et de congés payés (soit 20 % du salaire) pourraient considérer qu'ils sont perdants. Mais tout de même, pour beaucoup une embauche durable, un statut social mieux établi et une situation qui se rapproche du droit commun. Si le principe est acté, reste à négocier les modalités, c'est ce qui devrait être fait à partir du 1er mars prochain. Souhaitons que les partenaires sociaux aient le souci de préserver le sens d'un emploi composé d'une juxtaposition de missions, ce qui sera le lot des futurs intérimaires permanents.

26/01/2013

Et soudain, les mouettes

Votre agenda est saturé, les mails s'entassent, les réunions s'enchaînent, les sollicitations sont multiples, vos relations vous reprochent votre peu de disponibilité, vous ne vous souvenez plus du dernier film que vous avez vu (je parle de cinéma, pas de l'intrusive télévision) et l'on ne parle même pas du dernier livre. Peut-être que ce rythme vous rassure, peut être qu'il vous fatigue, pas impossible qu'il vous angoisse. Si de temps en temps vous vous demandez si vous êtes vraiment présent à vous même, alors faites un pas de côté, changez vos chemins habituels, osez le nomansland, vous y  trouverez certainement un improbable banc sur lequel il ne faut pas hésiter à s'installer.

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Que fait-il là, en un lieu où nul ne vient s'asseoir, ou personne ne passe guère, qui a pris l'initiative de poser quelques morceaux de béton pour former ce support publicitaire ? à moins qu'un complotiste ne vienne vous glisser à l'oreille que les chiffres affichés ne sont pas innocents, peut être l'annonce d'une nouvelle fin du monde.

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Vous souhaitez un cadre plus bucolique ? c'est possible aussi. Vous pouvez en ce lieu écouter l'herbe pousser. Plus personne n'y passe et Dieu sait ce qu'il s'y est passé. Mais peu importe, tout ce qui compte c'est d'être en un lieu inhabituel, où vos repères s'effacent, votre quotidien s'estompe, vos habitudes ne vous servent plus à rien. Vous craignez d'être désorienté ? alors fermez les yeux et laissez faire. Peut être apercevrez-vous, tout d'un  coup, les mouettes.

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Voilà un remède contre l'hiver qui s'installe, le froid qui rabougrit et enferme, la créativité qui s'étiole, le temps saturé : un lieu improbable, un banc, les yeux fermés et la venue des mouettes. Mieux que le Lexomil et tous ses petits amis. Une manière d'éviter la déprime de février et d'être prêt pour quand viendra le printemps.

08/01/2013

Le gardien et le tireur de penalty

Lorsque je travaille avec des responsables ressources humaines et qu'ils me parlent des représentants du personnel, je n'échappe pas toujours à la remarque : "De toute façon, ils peuvent tout faire, prendre leurs heures de délégation quant ils veulent, poser toutes les questions, faire durer les réunions, demander des expertises, refuser de voter un avis de comité d'entreprise, et on ne peut rien faire". Et lorsque je travaille avec des représentants du personnel, je n'échappe quasiment jamais à la remarque : " On peut se démener dans tous les sens, utiliser tous les moyens à notre disposition, dans toutes les instances, lorsque l'entreprise a pris une décision, de toute façon elle la mettra en oeuvre et on ne peut rien faire". Bien évidemment, les deux ont raison.

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Ramon Masats - Madrid - 1957

Et je ne peux m'empêcher de penser au moment du tir de penalty : pour le gardien, le tireur est tout près, il est énorme, lui est tout petit et la cage des buts est immense. Pour le tireur, il est très loin, le gardien est immense et la cage des buts minuscule.

Si les RH et les représentants du personnel ont également raison c'est parce que notre législation en matière de droit collectif du travail  s'est construite sur un principe auquel il n'est quasiment jamais dérogé et que l'on peut exprimer ainsi : les représentants du personnel auront d'autant plus de moyens d'actions qu'ils sont dénués de toute capacité d'intervention sur les décisions de l'employeur. C'est pour la même raison, préserver le pouvoir de l'employeur directement issu du droit de propriété et donc conçu comme un droit patrimonial inaliénable, que le droit du travail ne connaît quasiment pas l'avis conforme du comité d'entreprise nécessaire à la mise en oeuvre de décisions de l'employeur. Un tel principe a toujours été refusé à la fois par certains syndicats pour qui ce serait de la cogestion et par les employeurs pour lesquels ce serait une quasi-expropriation (ne plus être maître chez soi). Pourtant, la codécision est un principe largement en vigueur en Allemagne, mais c'est curieux, ce n'est jamais ce principe là que l'on songe à importer lorsque l'on se compare à nos voisins. Et c'est pourquoi le gardien et le tireur continuent à partager l'angoisse du tir du penalty.