11/06/2013
De la motivation
Il paraît que la première campagne a été un succès. Alors c'est reparti. Et sur les murs du métro refleurissent ces affiches judéo-chrétiennes qui érigent la pédagogie de la culpabilisation en parangon de la motivation inconsciente. Et reprennent au final cette antienne que partagent nos gouvernants et pas mal de managers : la motivation négative, il n'y a que cela de vrai. Ainsi, on promet à cette grenouille sautant les portillons la sanction qui menace au bout du quai.
C'est oublier un peu vite que dans la France d'Astérix et des petits malins "on a le droit de ne pas respecter les règles, mais pas de se faire prendre". Mais l'imagination ne paraît pas être le fort des concepteurs de la campagne, qui rassurera sans doute les opposants au mariage pour tous. Représenter les hommes en cochons et les femmes en poules témoigne en effet que ceux qui craignent la théorie du genre peuvent dormir tranquilles, alors que le sommeil des tenants de l'égalité professionnelle s'en trouvera perturbé.
Mais le pire, c'est sans doute l'image des perruches roucouleuse qui, par la faute d'un instant d'amour dans ce monde de brutes, empêchent les quidams de courir vainement après le temps perdu. Mais cessez donc de vous aimer, que diable, vous encombrez le passage.
Qu'on se le dise, le passager du métro doit pouvoir courir sans entrave et refouler dans la foulée tout regard sur la foule, où il ne verrait que poules. On voudrait nous expliquer que dans le métro il vaut mieux ne pas traîner et qu'en ces lieux il ne fait pas bon vivre, on ne s'y prendrait pas autrement. Il faudra peut être, soyons fous, attendre la troisième campagne pour que l'on nous explique qu'il est doux de prendre le métro, ce lieu de rencontres improbables où l'amour vous guette au coin des voies. Pour une entreprise de transports en commun, ce serait bien le moins.
00:05 Publié dans FRAGMENTS | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : motivation, ratp, publicité, affiches, photo, métro
13/07/2012
Qui sait ?
L'homme de gauche, qui dort les bras croisés sur sa mallette, s'est peut être levé très tôt. Il a sans doute parcouru en train puis en métro des distances longues au milieu de banlieues improbables de villes longues. Il est arrivé tôt à son travail qu'il a entrepris sur un rythme intense. Les dossiers sont complexes, les exigences multiples, l'énergie nécessaire immense. Il n'a guère pris le temps de manger. Il a fini tard. Puis il a marché jusqu'au métro et repris le chemin long qui le mène à son appartement étroit. Il est tard, c'est le dernier métro, il dort. Rentré chez lui, il saluera son épouse puis ira se coucher.
L'homme du milieu, qui dort les mains croisées sous sa sacoche, s'est peut être levé tôt. Son bagage est lourd. A l'intérieur, des instruments de mesure du bruit. Il travaille pour la Mairie et mesure l'intensité des bruits lorsque des habitants se plaignent de pollutions sonores. Il est en jean car son travail se déroule essentiellement dehors. Aujourd'hui, il mesurait les bruits près d'un chantier puis il a déjeuné de quelques makis sur une place arborée. Il a mesurée le bruit des feuilles des grands arbres que le vent secouait. Il a été surpris par le nombre de décibels. Il a été surpris aussi par une jeune fille qui riait en le regardant faire et plus encore quand il s'est aperçu que s'était sa petite amie. Elle l'a entraîné pendant une heure dans un love hôtel. Culpabilisé d'avoir abandonné son travail pendant un temps, mais secrètement heureux de s'être offert ce luxe inouï, il est retourné à la mairie. Puis il a accompagné ses collègues de bureau dans plusieurs bars et ils ont bu du saké. Il est sorti juste à temps du dernier bar pour prendre le dernier métro. Maintenant il dort.
Le troisième homme fait semblant de lire, mais il dort aussi. A-t-il travaillé ou a-t-il fait semblant également toute la journée ? c'est lui qui a pris la photo et m'a raconté l'histoire de ses deux covoyageurs qu'il croise tous les matins. Mais au final, il m'a indiqué qu'il ne savait plus très bien si c'était celui de gauche ou celui du milieu qui mesurait les bruits, ou si ce n'était pas un troisième qui n'est pas sur la photo. Il se demande même s'il n'a pas rêvé cette histoire. Qui sait ? et vous, en regardant la photo, vous savez ?
22:05 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : japon, métro, travail, poésie, boulot, histoire, rêve