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24/11/2015

En noir et blanc

Une grande entreprise en Province la semaine dernière. Animation de groupes de travail. Le midi, repas rapide au self d'entreprise. Je m'installe au milieu du réfectoire, mes hôtes sont partis régler leurs affaires. Je ne sais pourquoi, un sentiment d'étrangeté me gagne. A ma gauche, une table avec quatre femmes voilées. A ma droite, une table avec cinq hommes. Devant moi une table avec deux africaines aux cheveux très noirs. Derrière elles, trois femmes du cru, la cinquantaine. Un peu sidéré, je détaille du coup les tables suivantes : ici sept hommes, là trois, de nouveau une table avec des africaines, mais celles-ci ont toutes des cheveux marrons avec des mèches, puis une table féminine locale et encore une table avec 3 hommes. Dans tout le réfectoire, je n'arrive qu'à identifier une table où un homme partage son repas avec trois femmes. Au final, sur la trentaine de tables occupées, quasiment aucune mixité de sexe, d'origine, d'âge. 

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Je m'interroge sur la probabilité que le hasard ait ainsi ordonné la salle. Quasi nulle. Il me faut donc en conclure que l'on ne traite ici qu'avec son semblable le plus immédiat et que pour se parler il faut se ressembler. Et je me souviens qu'il fut un temps où, dans les restaurants d'entreprises, la segmentation était sociale : cols blancs d'un côté, cols bleus de l'autre. Ici, elle est culturelle : peu de mélange de générations, pas de mixité, pas de multiculturalisme. Le signe d'une société qui se referme ? 

08/02/2015

Quelle entreprise ?

A l'occasion de rencontres nouvelles, il arrive que l'on me demande mon parcours. Classique. Qui êtes vous, d'où venez vous, que faites-vous. Je fais un effort alors pour ne pas me laisser distraire par la vision de Gauguin aux Marquises...

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Gauguin - D'où venons nous, qui sommes nous, où allons nous

...et je réponds souvent en résumant que j'ai créé le cabinet en sortant de l'Université et que mes activités ont évolué au fil des expériences, du temps qui passe, de l'actualité et de mes centres d'intérêt. J'ai alors droit assez souvent, pour ne pas dire très souvent, à ce commentaire : 

"Ah vous n'avez donc jamais travaillé en entreprise" avec sa variante "Vous n'êtes pas passé par l'entreprise alors ?". 

J'ai beau être habitué, la surprise demeure. Selon la bienveillance que je souhaite accorder à mon interlocuteur, je peux répondre : 

"Vous voulez dire dans une autre entreprise que la mienne ?" ou bien "Vous voulez connaître mes jobs d'étudiant ?" ou encore "Vous pensez aux grandes entreprises ?" et parfois "Je n'ai jamais été salarié non" ce qui n'est pas sans provoquer quelque incompréhension. 

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Site de production

Le modèle du salariat a tellement formaté notre société et nos modes de pensée que la représentation de l'entreprise s'est totalement confondue avec celle de l'organisation sociale d'une forme d'activité, oubliant toutes les autres. J'y pensai ce matin en discutant avec mon voisin qui est à la fois retraité, jardinier, boucher, charcutier, chauffeur, fermier, éleveur et exerce occasionnellement quelques autres activités, soit plusieurs entreprises à lui tout seul. Mais je ne sais pas s'il est passé par l'entreprise. 

27/10/2014

Real robots

Il paraît que ce n'est pas une bonne idée de fabriquer des robots à la pelle. Dans un de ces rapports d'anticipation qui encombrent une actualité dont ils ne traitent pas, s'appuyant sur la veille recette selon laquelle l'annonce de l'Apocalypse ne restera jamais sans succès (génie des rédacteurs de la Bible...), on nous annonce que les robots détruiront trois millions d'emploi à moyen terme se substituant peu à peu aux travailleurs salariés. On avait déjà vu ça avec Real humans, mais avec quelques graphiques et statistiques prolongés à la règle, cela donne un fond scientifique pour finir de paniquer ceux qui aiment bien ça. 

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Bref, le tissu habituel de balivernes, qui pourrait toutefois éventuellement nous faire réfléchir à ces emplois pour lesquels  on est prêt à se battre pour ne pas les livrer aux robots. S'agit-il d'activités que seule l'intelligence artificielle sera capable de réaliser compte tenu de leur complexité ou de la masse d'informations à utiliser ? Celles-là, l'informatisation s'en est déjà occupé. S'agit-il alors de ces tâches répétitives qui ont déjà transformé les individus en robots, leur remplacement n'étant somme toute que le bout de la logique de l'organisation du travail existante ? Car plutôt que de s'effrayer pour un avenir fait de réal humans, il est bien plus inquiétant de constater qu'il existe déjà, et depuis bien longtemps, des real robots. 

01/08/2014

Yes, they can

On le sait, la misère est moins pénible au soleil. C'est peut être pour cela que dans les villes du Sud, la misère est plus évidemment présente. Plus centrale, plus visible pourrait-on penser, mais en réalité tout autant invisible. Le destin des marginaux est d'être à la marge, en tous lieux. 

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Comme dans toutes les métropoles, il n'est pas très difficile de constater que des mondes se croisent sans vraiment se côtoyer.

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Il paraît qu'Obama a pris un coup de vieux, et peut être même deux, depuis qu'il est élu. En tous cas, le "Yes we can" paraît bien loin. Surtout pour ce qui concerne le "we", car ce nous inclusif relève du voeu pieu tant les autres sont parfois dans un monde d'ailleurs. 

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Les travailleurs, en tant que classe, n'existent que dans les catégories statistiques où les écrits de ceux qui voudraient y croire. Chez les intéressés, la lutte n'est pas sans frontière et les frontières ne sont pas que géographiques. 

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Collectivement, la résignation semble l'avoir emporté et planté son drapeau noir sur les visages défaits de ceux qui ne croient plus à grand chose, pas même à eux-même. 

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Et l'on continue à se raccrocher au "jusque-là tout va bien" en refusant de croire à la chute finale. 

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Bien sur il y a des lieux de réaction. De conscience individuelle et collective, de volonté de ne pas subir, de créer des espaces de liberté. 

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Reste tout de même une question, LA question : "Mais qu'aurait fait Zapata ?".

20/01/2014

Les irresponsables ne sont pas ceux que l'on croit

C'était il y a bien longtemps. On m'avait rasé la tête, mis un béret rouge, enfermé pour un an et plongé dans un univers crapuleux, au sens premier du terme. Pour en sortir au plus vite, j'avais opté pour le refus frontal, le seul possible en certaines circonstances. Et je m'étais retrouvé un soir dans une froide nuit de décembre à hurler non, alors que deux cent poitrines gueulaient oui, à la question de savoir si j'étais fier d'être là et d'aller sauter depuis les avions. A partir de là, l'affrontement fût effectivement un peu plus frontal. Et je me retrouvai notamment convoqué par un capitaine, qui après les traditionnelles insultes (de chien rouge à intellectuel en passant par lavette et autres joyeusetés), m'expliqua qu'ici il n'était pas question de liberté individuelle, que sous l'uniforme j'appartenais à la Nation et devait abdiquer toute volonté propre de la même manière, je l'entends encore, que le ventre des femmes enceintes ne leur appartenait pas. C'était il y a quasiment 30 ans mais c'est manifestement reparti. 

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Alors que l'Assemblée nationale examine des dispositions qui garantissent et reconnaissent l'avortement comme le droit de celles qui portent le processus de création de la vie, de l'interrompre si les conditions d'une survenance dans de bonnes conditions ne sont pas remplies, voilà que l'on vient nous expliquer que la liberté individuelle n'a nulle place ici et que Dieu, la nature ou l'enfant à naître doivent s'imposer à la liberté de conscience, et donc à la responsabilité, de la femme. Mais la vraie liberté, est une responsabilité, et celle de donner la vie, une des plus grandes, ne peut que résulter d'un choix. Qu'une société veuille enlever ce droit de choisir, comme en Espagne, revient en fait  et en droit à vouloir une société d'irresponsables. 

Et le rapport avec la formation ? dans une société d'irresponsables, la formation n'est plus éducation mais uniquement prescription. Alors que dans une société d'individus libres, elle est un apprentissage de la responsabilité. 

05/01/2014

Sous le signe du printemps

A quoi peut-on vérifier que l'on est bien revenu à Paris ? une averse de fin d'après-midi ? l'odeur des galettes de rois qui déborde jusque sur les trottoirs ? les rafales de vent qui viennent fraîchir l'air doux de ce début d'année ? peut-être ce dialogue entre une petite fille et sa mère :

"- Maman, c'est quoi le printemps ?"

Belle question et mon oreille se dresse pour savoir comment, en début d'année, définir le printemps qui n'est encore qu'une promesse lointaine. Réponse de la maman :

" - C'est un grand magasin".

Homo economicus quand tu nous tiens, l'horizon ne prend plus la couleur des saisons mais de la consommation. Les temps passent et les dieux avec.

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En Sicile, les façades des églises sont magnifiques, ce qui est rarement le cas des intérieurs, d'un baroque fade et sans émotion. Et là bas aussi, les églises sont moins remplies que les grands magasins. Mais pour qu'il en soit autrement, peut être aurait-il fallu sortir du dolorisme et mettre un peu de joie et de vie en lieu et place de la grande lamentation.

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Bien que matérialiste et mécréant, on ne peut s'empêcher toutefois d'être ému par cet homme seul, dans une chapelle abandonnée, qui prie. Souhaitons lui de faire surgir, par son recueillement, le printemps. Bonne rentrée et bon début d'année à tout le monde.

20/12/2013

La barbe !

Une grande enseigne de la distribution vient de se faire épingler par l'inspection du travail sur le contenu de son règlement intérieur, jugé attentatoire aux libertés. Sous couvert d'hygiène ou de sécurité, l'entreprise entendait prohiber les bijoux, piercings ou boucles d'oreille (reconnaissons tout de même de la cohérence au rédacteur), et interdire pour les agents de sécurité le port de la barbe ou celle de cheveux longs. Impossible selon l'inspection du travail qui estime que ces restrictions ne sont pas en relation avec la nature des activités exercées et qu'elles ne sont pas proportionnelles à l'objectif recherché. Ce genre d'affaire nous conduit toujours à nous interroger sur les motivations réelles d'une organisation qui souhaite maîtriser totalement l'apparence de ses salariés. Et elle nous rappelle deux anecdotes, dont celle des chauffeurs de train suédois en jupe. 

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L'entreprise interdisant les shorts, des conducteurs de train suédois ont revêtu, cet été pour lutter contre la chaleur, les jupes qui font partie des vêtements autorisés. La seconde anecdote concerne une entreprise travaillant dans l'armement, dont les salariés sont habilités Défense, ce qui suppose une enquête des plus poussées par le Ministère, et dont un des ingénieurs porte une longue barbe, des vêtements amples et n'a guère de cheveux. Inutile de dire que le look ne passe pas inaperçu sur les bases militaires où ses fonctions le conduisent parfois. Et alors ? où se trouve le véritable problème dès lors qu'il exerce parfaitement ses fonctions ? car franchement, persister à vouloir uniformiser les salariés au début du 21ème siècle, franchement c'est la barbe !

18/10/2013

Le loup sort du bois

La décision n'est pas encore rendue, mais elle attire déjà tous les commentaires. La Cour d'appel de Paris s'apprêterait à rendre une décision de rébellion, diable, dans l'affaire Baby-Loup. On ne revient pas sur toute l'affaire, plusieurs fois évoquée ici, de la directrice de crèche licenciée parce qu'elle portait le voile, licenciement validé par les juges du fond mais annulé par la Cour de cassation, pour des motifs de pur droit : impossible de licencier sans dire en quoi le voile est incompatible avec la fonction exercée. Manifestement la Cour d'appel a retenu la leçon et s'apprête par sa décision à faire sortir le loup du bois.

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Lou Dubois - Man Raie

Pour ce que l'on peut en savoir, la Cour d'appel devrait indiquer que le port du voile est incompatible avec la nature de la fonction en considération du public concerné, des enfants de trois mois à trois ans. Selon le juge, le caractère influençable  des enfants exclu que l'on puisse faire place à un modèle religieux dans leur éducation. Or le voile renvoie à une religion. La liberté de conscience pourrait donc trouver sa limite dans celle des enfants, jugée prioritaire par rapport à celle de l'adulte. Une telle décision conduirait à formuler trois remarques : la première est que, loin d'être un arrêt de rébellion, il s'agit au contraire d'un arrêt qui dit exactement ce que la Cour de cassation exigeait d'entendre à savoir une motivation par rapport au travail, la seconde est qu'il appartiendra de nouveau à la Cour de cassation d'apprécier si la motivation est suffisante, et enfin on remarquera que si le juge d'appel fait ce qu'aurait du faire la crèche lors du licenciement, expliquer l'incompatibilité avec le travail, il n'en reste pas moins que tels ne sont pas les termes de la lettre de licenciement, et que normalement celle-ci fixe les limites du litige. Le juge d'appel pourrait donc avoir raison sur le fond, et tort en droit. Ce qui pourrait permettre au loup, de regagner le bois.                                                            

01/07/2013

Gaston délinquant !

Tout était réuni pour que la Cour de cassation rende une décision banale : un salarié utilisait une partie de son temps de travail et le matériel de l'entreprise pour effectuer des travaux  qui lui étaient rémunérés par ailleurs. Le cas n'est pas rare de l'utilisation du matériel, et du temps, pour faire autre chose que son travail. Que cela soit sanctionnable, c'est évident. Qu'il s'agisse d'une infraction pénale, en l'occurence d'un abus de confiance, cela l'était moins. C'est pourtant ce qui a été jugé le 19 juin dernier par la chambre criminelle de la Cour de cassation.

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Ce qui n'est pas banal, c'est qu'au lieu de s'en tenir à l'affaire, les juges emploient  à dessein une formulation générale destinée à la publication : l'utilisation par le salarié de son temps de travail à d'autres fins que celles pour lesquelles il est rémunéré constitue un abus de confiance. Devient ainsi pénalement sanctionnable non seulement le travail pour autrui, mais également l'absence de travail. Tous les Gaston Lagaffe qui s'assoupissent au bureau constituent donc une bande inorganisée de délinquants coupables d'abus de confiance. Pour ne rien dire des frénétiques de la discussion extra-professionnelle, des contemplateurs maladifs, des fumeurs à répétition, des accros de la machine à café, des pianoteurs de smartphones ou des navigateurs de l'internet.  Que tout ceci puisse relever d'une responsabilité contractuelle, bien sûr, de là à pénaliser à tout va...m'enfin !

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Flagrant délit d'abus de confiance

C. Cass Chambre criminelle 19 juin 2013 - Abus de confiance.pdf

16/06/2013

Trouple

Les voilà. Ils sont là. Les beaux-jours. Les bodegas germent comme des herbes folles sur le pavé. Face à Bercy, dont le froid rectangle unijambiste rappelle que les occupants ont la religion de la raison mais guère celle du corps, on a installé les transats, les planches de charcuterie et de fromage et les rythmes du Sud. Pas de choc de compétivitité, de simplification, de confiance, juste un choc de cultures. Qui ramène vers le Sud et ce bel ouvrage de Claude Llabres "Toulouse mon amour" dans lequel on peut découvrir ce beau trouple.

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La photo date du début des années 90, signe que le mariage pour tous est finalement encore en retard. Il suffit de se souvenir de Max Ernst, Paul Eluard et Gala, ou pour une autre configuration, de Sartre Beauvoir et Olga.  Michel Serres le rappelle régulièrement : les politiques, contrairement à ce qu'ils pensent, sont toujours en retard sur la société. Il est loin le temps de Jules et Jim. Aux temps troubles, préférons le temps qui laisse venir le trouple.

04/01/2013

C'est déjà demain

Puisqu'il faut revenir à l'actualité, et que le Gouvernement a présenté les projets de loi qu'il entend faire voter au premier semestre, allons-y. Pour le projet de loi sur l'emploi, on attendra la semaine prochaine et la reprise des négociations entre les partenaires sociaux. C'est un autre projet que le hasard de nos promenades nous fit croiser.

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En Espagne, le mariage entre personnes du même sexe est possible depuis 2005. Il souleva les mêmes débats qu'en France, il y eût les mêmes manifestations pour et contre où chacun se compta, l'Eglise (ou plutôt les Eglises car sur les sujets de société elles se retrouvent aisément) mena le combat contre la loi, mais finalement le texte fût voté et les personnes du même sexe purent non seulement se marier mais, bien évidemment, exercer les droits associés : adoption, héritage ou droit à pension.

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Aujourd'hui, la situation s'est banalisée. Certains ont bien tenté de rallumer le combat lors du retour du Parti Populaire au pouvoir, mais l'histoire et l'expérience montrent que sur les sujets de société il y a rarement des retours arrières en régime démocratique. Et pour les couples du même sexe, le droit à la différence devient peu à peu un droit à l'indifférence. Ce qui n'exclut pas la couleur. Olé !

17/12/2012

Courageux découragement

Il y en a eu un. Mais comme c'était le premier, il pouvait s'agir d'un cas isolé. Et puis il y en eût un second. Et un troisième. Et quelques autres encore. Pas un raz de marée. Pas un mouvement profond. Non, juste une somme de cas individuels qui sont peut être le signe que quelque chose se passe. Quels cas ? des salariés dont le statut, la rémunération et les fonctions sont plutôt enviables. Et qui décident de quitter leur entreprise alors que personne ne les y pousse, encourage ou contraint. Ils n'ont pas d'autre job en vue. Ils sont conscients de la difficulté du marché du travail, et pourtant ils choisissent de partir, non sans appréhension mais avec une pleine détermination. 

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Félix Labisse - Société de découragement - 1969

Pourquoi partir ? parce qu'il n'est plus possible de cautionner ce que propose l'organisation. Parce que les logiques de fonctionnement qui se mettent en place conduisent inévitablement à perdre le sens de l'activité, parce que la gouvernance créé les conditions de la perte d'efficacité au nom de la rationnalité, parce que le contrôle central, les reporting sans fin, les indicateurs dignes du gossplan et l'absence totale de considération de l'individu deviennent insupportables. Parce qu'il ne s'agit pas de se poser en  contestataire d'un système mais de mettre dans la balance ses valeurs personnelles et de dire "plus pour moi". Parce que l'on refuse de faire semblant encore et encore et que l'on ne souhaite pas s'installer dans un placard, fût-il pourvu de quelques dorures.  Parce qu'au final, et paradoxalement, on se sent mieux sans la sécurité, même si tout cela n'est pas toujours évident à vivre, et que l'on prend plaisir à la liberté. Et constater que même en période de difficultsé, avec les risques que cela comporte, il y a encore beaucoup de choix qui sont faits en faveur de la liberté contre la sécurité, c'est une sacrée bonne nouvelle.

14/12/2012

Froid

Une chose facile à avoir en Décembre, c'est du sang froid.

Alphonse Allais

 

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12/07/2012

Banal

En droit de l'Ancien Régime, la banalité était un privilège féodal. Un monopole qui garantissait au seigneur que les communautés vivant sur ses terres utiliseraient ses équipements (four banal, moulin banal, etc.) ce qui lui assurait le paiement des droits afférents. Ce privilège n'a pas résisté à la Révolution de 1789 et surtout à celle de 1793 qui les a totalement abolis. Il est des personnes pour qui la banalité demeure un privilège. Tous ceux qui s'estiment réduits à une identité assignée ou différenciés par une caractéristique discriminatoire n'aspirent qu'à la banalité. Tous ceux qui ressentent un sentiment d'exclusion n'aspirent qu'à la banalité. Combien de personnes handicapées souhaiteraient être vues autrement qu'à travers leur handicap, comme des individus avant tout sans que toute leur vie ne soit lue au crible de ce handicap. Rapportée au plan juridique, cette demande de banalité s'exprime à travers l'exigence de disposer d'un droit commun qui soit le plus large possible et d'éviter autant que faire se peut les lois spéciales. Le droit de la communauté doit être défini de manière à englober toutes les situations. C'est ainsi que l'on rend le droit simple et efficace. Cela s'obtient par la qualité de conception et de rédaction des textes.

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Alessandra BANAL - Terrible/Perfect

SFR vient de donner un coup de pouce à la banalité en décidant de rendre accessible le congé de parentalité à tous les couples qui accueillent un enfant, y compris lorsque les deux membres du couple sont de même sexe. L'entreprise dans ce cas, assumera la charge financière du congé que la sécurité sociale ne prend pas en charge, à ce jour.

En décrétant la banalité de la situation, SFR fait entrer dans le droit commun des catégories de salariés qui n'y avaient pas accès. Et c'est ainsi que la banalisation devient à la fois un privilège et un progrès.

12/09/2011

N'évacuez pas, travaillez !

Dans le flot d'images et de commentaires consacrés au 11 septembre, deux témoignages. Le premier, d'un salarié d'une société financière qui travaillait dans la Tour Sud. Le premier avion d'American Airlines vient de s'écraser sur la Tour Nord. Les personnels commencent à évacuer la Tour Sud effrayés par le choc et l'incendie. Mais rapidement la consigne arrive : restez à vos postes de travail, nous ne sommes pas concernés, le problème concerne la Tour Nord. Hésitation et puis l'ouverture des bourses dans cinq minutes, on s'installe et on travaille. Des centaines de personnes seront victimes de cette consigne.

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Site du World Trade Center - Juillet 2011

L'emprisonnement dans le routinier, l'incapacité à penser l'évènement qui survient sans avoir été imaginé, la paupérisation de l'imagination même par l'enfermement dans les codes du  quotidien. Une vision unilatérale et simpliste du monde qui participe à la destruction et dont on peut se demander si elle n'en est pas une des causes. A cet effet, la thèse des bons et des méchants, du diable et des héros permettra d'éluder tout questionnement. Et l'on redonnera la parole aux architectes qui construiront plus haut, plus fort, comme avant, en mieux.

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Le second témoignage est celui de William Langewiesche, journaliste à Vanity Fair. Un des rares journalistes a avoir eu accès au site de Ground Zero. Il était interrogé par Faustine Vincent :

Vous écrivez que la catastrophe a fait voler en éclat les hiérarchies sociales. En quoi?
C’était un chaos à la fois physique, politique, technique et social. Face à l’urgence, les hiérarchies sociales n’importaient plus, tout le monde se foutait de qui était le patron. Les gens avaient pris le pouvoir par la pratique: les petits ingénieurs, les ouvriers, les pompiers, les policiers... Pour eux c’était une vaste libération personnelle. Comme en temps de guerre, parce qu’il n’y avait plus les mêmes règles.

Vous avez dit avoir découvert la «quintessence américaine» à travers vos reportages à Ground Zero. Quelle est-elle?
Le manque de hiérarchie et la liberté de laisser les gens avoir de la puissance selon leurs capacités et non leurs diplômes. C’est l’ancien idéal des Etats-Unis. Le «self made man», en quelque sorte. Je crois que si le World Trade Center était en France, on n’aurait pas vu ça. Parce que la France étouffe sous la hiérarchie des diplômes.

Pourquoi «l’ancien idéal» des Etats-Unis? Ce n’est plus le cas?
Ça existe toujours un peu dans les affaires, dans la Silicon Valley, mais sinon, de moins en moins. Le pays et la société vieillissent, et quand les structures sont en place, elles deviennent dominantes.

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Les avions continuent à passer au-dessus de Manhattan. Est-ce le signe que l'Amérique est plus forte parce qu'elle sait ce qu'est la peur et que l'on est plus fort lorsque l'on en a fait l'expérience ? ou bien est-ce que la routine, et ses réflexes mortifères, ont repris le dessus et que le 11 septembre est devenu un fantasme, un acte d'emblée déréalisé ?

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Ciel bleu sur Wall Street, immeubles noirs et puissants, drapeau haut en couleur, nul ne sait ce jour si l'Amérique est vieillissante ou si elle sera capable demain, s'il le faut, d'évacuer et donc d'agir, plutôt que de continuer à travailler, en spectateur de la mort qui vient.

25/04/2011

Des limites de la gifle réparatrice

Après François Bayrou, voici Jérôme Cahuzac qui s’y essaie. A la gifle comme mode de réponse au comportement indélicat d’un jeune. Fouille dans les poches d’un côté, insulte de l’autre.

Le recours à la gifle comme mode de règlement d’un conflit pose plusieurs questions qui ne sont pas sans intérêt : Faut-il réhabiliter les duels ? faut-il recourir au juge en toute situation ? quels sont les modes de réparations possibles pour l’outrage ? l’argent, par l’amende et les dommages et intérêts, est-il l’indépassable mode de règlement des litiges ?

Comment penser des formes de réparation au-delà de l’argent. Trouver des formes de justice qui ne nécessitent pas le passage par la justice mais qui ne sauraient relever de la libre détermination des moyens de réparation. Surtout lorsque ces moyens relèvent de la violence, qui ne peut être justifiée par une violence précédente car ce serait les placer sur le même plan et faire de la vengeance l’horizon de la réparation. Et encore moins lorsque cette violence est celle d’un adulte sur un enfant. Il est des formes d’autorité qui consacrent la défaite de l’autorité. Si la gifle est légitime, elle doit s’exercer sur tous et non lorsque la position des parties interdit toute réplique. Imagine-t-on le manager gifler le salarié qui produit peu d’efforts dans son travail, ou le salarié gifler son manager incompétent incapable de communiquer avec lui ? C’est ici que le discours sur le fait qu’une gifle ne fait pas grand mal trouve sa limite.

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Fragonard - La Gifle, ou La défense inutile - 1785

 Resterait donc à réinventer une forme moderne de duel : duel physique ? le plus fort aurait systématiquement raison. Duel oral ? le meilleur manieur de mot pourrait défier à loisir tous ceux qui n’ont pas l’expression comme amie.

Ne reste donc que deux voies à la réparation : l’instance tierce et légitime, autrement dit la justice rendue par un tribunal ou toute autorité investit du pouvoir de juger, comme en matière d’arbitrage. Ou l’accord des parties. Ce qui supposerait qu’avant de donner la gifle, on recueille l’avis de l’insulteur en lui proposant soit la gifle, soit le recours à la justice. Pas très opérationnel à vrai dire. Reste la transaction a posteriori : la gifle est donnée, elle vient compenser l’insulte et les parties décident de s’en tenir là, considérant que chacun a reçu ce qu’il méritait. Transaction par défaut qui n’est pas totalement exclusive du ressentiment, mais le jugement n’est lui-même pas à l’abri de susciter la rancoeur. Voie transactionnelle ou passage par l’institution judiciaire, telles sont les voies de la réparation. En ayant recours à la gifle pour sanctionner « le fait de s’en prendre à travers ma personne à ce que je représente », il n’est pas sur que Jérôme Cahuzac n’ait pas également porté préjudice à ce qu’il souhaitait défendre.

03/08/2010

Politique (2)

Le suivi de l'actualité s'était arrêté au feuilleton de l'été Bettencourt-Woerth et consorts. Cette pause était à la fois celle des vacances, mais aussi celle de l'agacement devant les, selon l'expression désormais consacrée, "éléments de langage" répétés à satiété par tous les membres du Gouvernement dans tous les supports de presse. Et parmi ces éléments de langage (André Breton aurait dit : "Mais vous vous rendez compte comment ces gens là parlent !"), l'accusation de populisme pour qui critique un député cumulard absent de ses fonctions, un ministre parcourant le monde pour financer sa réélection ou un trésorier distribuant prébendes sans rapport avec les avantages directs et indirects qu'il reçoit en retour. Bref, il était temps d'aller voir dehors si l'air était moins nauséabond. Et il l'était. Par contre, à l'intérieur, il ne s'est guère purifié pendant la pause. Sans surprise aucune, l'on découvre en reprenant le fil de l'actualité que l'on tente péniblement de glisser du roman Bettencourt-Woerth à celui des roms, des gitans, des délinquants, des étrangers et que tout ce petit monde vit dans le même sac. Sac dans lequel, c'est un comble, il y aurait de l'argent, ce qui est tout de même beaucoup plus choquant que d'en trouver dans celui de nos ministres et affairistes.

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L'affiche rouge - 1944
Manouchian, Arménien, Chef de bande, 56 attentas, 150 morts, 600 blessés
Et l'antienne bien connu reprend du service. Même si la ficelle est une épaisse corde de gibet, elle ne tarde jamais à reparaître. La peur est convoquée pour convaincre chacun de rester à sa place, en regardant non vers le haut mais vers le bas car c'est dans ce sens là, mesdames et messieurs, qu'il convient de mépriser. Le smicard méprisera donc le chômeur, le chômeur le délinquant et le délinquant l'étranger. Malheur à qui cumule ces indignités. Et c'est ainsi que se bâtit une société de la défiance dont les piliers sont la peur, le repli et le rejet, et dont le moteur est le conservatisme par crainte de la dépréciation. Bienvenu dans le monde moderne du siècle dernier. Il est vraiment temps de refaire de la politique.

30/03/2010

De l'individu dans son environnement

Le débat entre nature et culture n'est jamais clos, ni entre essentialisme et constructivisme, ni entre responsabilité individuelle et responsabilité collective, ou en d'autres termes, l'individu ou le système. La pensée, et les actes, classés politiquement à droite pointent plutôt l'individu seul responsable et tiennent l'environnement pour une excuse facile. La pensée, et les actes, classés politiquement à gauche mettent plus volontiers en avant un individu innocent dans une société coupable et s'interrogent sur la responsabilité individuelle au sein de déterminismes sociaux. Ces classiques débats ont été repris par les organisations syndicales et patronales sur le harcèlement et la violence au travail. Affaires d'individus ou de pratiques manageriales et de culture d'entreprise ? Quelques êtres pervers ou des organisations malsaines ? seule certitude : des salariés en souffrance un peu partout.

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Jean-Michel Basquiat

Le projet d'accord national interprofessionnel conclu le 26 mars 2010 sur ce thème laisse les deux options ouvertes et invite tout autant à prévenir, et sanctionner, les comportements individuels qu'à s'interroger sur les facteurs de risques liés à l'environnement y compris les modes de management. Complétant l'ANI du 2 juillet 2008 sur le stress au travail et l'ensemble des mesures relatives à la gestion de la santé des salariés, l'ANI du 26 mars 2010 officialise la nécessité de lutter contre la violence et le harcèlement au travail. Il faudra également que les partenaires sociaux, lassés de lutter contre, signent également des accords qui invitent à lutter pour : pour le bien être au travail par exemple ou mieux pour l'amélioration du confort au travail. Cela romprait un peu avec la vision doloriste du travail et militerait pour qu'il ne soit plus perçu comme une provocation d'associer, autant qu'il est possible, plaisir et travail.

ANI26mars2010.pdf

Le lapsus du jour de la responsable de projets :  "Il faut que j'en parle à mon écrispe...". Est-ce mon interlocutrice, son équipe ou les deux qui sont crispées ?