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19/02/2016

P comme....PLAN

On ne vous demande pas de penser, il y a des gens payés pour cela (Taylor)

« Plutôt que de dresser un modèle qui serve de norme à son action, le sage chinois est porté à concentrer son attention sur le cours des choses pour en déceler la cohérence et profiter de leur évolution. Bref, au lieu d’imposer son plan au monde, il s’appuie sur le potentiel de la situation »

François Jullien, Traité de l’efficacité

Que voulez-vous apprendre ? à construire des plans qui s’imposeront au monde par leur ingéniosité, leur virtuosité, leur efficience, leur attractivité ? Et qui dispenseront les autres de penser. Ou bien vous immerger dans l’environnement, le saisir, le sentir, le « corporer » pour adopter le geste juste, l’action idoine, le rythme parfait ? Et mettre les individus sous tension en exigeant que chacun fasse de même.

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- Taylor ou Toyota ? 

- Plutôt le jazz....

En deux mots, vous êtes plutôt Taylor, la force du bureau d’études et le choc des procédures, ou Toyota, la religion de l’amélioration continue et de la qualité totale  ?

En ce qui me concerne, je suis plutôt toulousain.

05/07/2015

Garde la cadence !

Pour dire aux gens du Sud qu'avec le soleil on pense encore plus à eux, et en particulier ce jour à ma grande soeur. 

CADENCE

Retrouver la cadence

Le sang dans les fleurs

Juillet chaque juillet

Retrouver le souffle

Le soleil dans les arbres

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Juillet chaque juillet

Retrouver le Temps

Le sang dans la mer

Juillet chaque juillet

Retrouver la cadence

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Juste une fois

Le sang de juillet

Juste une fois

La mer le Temps les fleurs et la cadence

Jérome LEROY

 

Les photos d'Isabel Munoz, le soleil, la danse et le dernier verre en atlantide de Jérôme Leroy, FELIZ CUMPLEANOS !

07/01/2015

Bernard Maris et tous les autres...

En 1987, j'ai débuté mon activité de consultant grâce à un contrat passé avec l'Université de Toulouse. Collaborant avec le Centre de Recherche et d'Information sur le Droit à la Formation, j'avais également l'occasion de travailler avec le service de la formation continue. Il était placé sous la responsabilité d'un jeune maître de conférences en économie qui s'appelait Bernard Maris. La formation continue, c'était encore, à cette époque, une affaire de militants qui s'intéressaient à la formation continue parce qu'ils avaient la culture de l'éducation populaire, le souci de l'émancipation individuelle, le culte de la liberté et de l'autonomie. Très loin de l'image absurde de l'intellectuel enfermé dans le monde des idées et coupé du réel, confiné dans la caverne de Platon, de véritables humanistes qui ne dessinaient pas le bonheur d'autrui mais souhaitait que chacun puisse acquérir les moyens de tracer son propre destin. 

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Au milieu des mandarins qui  parlaient à des statuts plus qu'à des personnes, c'est peu dire que Bernard Maris avec sa tête de citron andalou gorgé de soleil et ce permanent sourire un peu de traviole, ne rentrait pas tout à fait dans le cadre. Du coup, on trouvait normal qu'il s'occupe de formation, le truc des loosers et des gauchistes, de ceux qui s'égarent dans la carrière. Surtout quand on explique, dans le saint des saints de l'économie mathématisée, que les théories économiques sont de vastes fumisteries. Bernard Maris, comme tous les autres, il aimait la liberté, et comme un vrai intellectuel et pas un raisonneur de pacotille, la liberté concrète, celle que l'on pratique tous les jours, y compris, sans que ce soit une fin en soi, mais comme une évidence et de manière naturelle, en engageant sa vie. Parce que la liberté de tous, dépendra toujours de la capacité de quelques uns à dire non. 

29/12/2014

Souvenirs, souvenirs

C'est en forgeant que l'on devient forgeron et en rangeant que l'on devient rongeur, mais non, que l'on devient nostalgique. Parce que c'est l'occasion pour certains oubliés de reparaître au risque de vous faire douter de votre passé. Parmi les surgissants, le premier bouquin publié sur la formation, dont j'avais à la fois rédigé le contenu et composé la couverture. L'éditeur de l'époque, le CARIF Midi-Pyrénées bénéficiait de subsides provenant de l'Europe et plus particulièrement du Programme Intégré Méditerranéen (PIM) qui oeuvrait à l'intégration des pays de l'Europe du Sud dans ce qui était encore la Communauté Economique Européenne. Et il n'avait pas fallu me forcer beaucoup pour rédiger cet ouvrage consacré à la Formation Professionnelle en Espagne, ce qui me permit d'ailleurs quelques virées à Barcelone...pour chercher de la documentation bien évidemment. 

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C'est en hommage à ces échappées Barcelonaises que j'avais choisi une oeuvre de Miro pour illustrer cette Espagne colorée qui n'en avait pas terminé avec la movida. Car nous étions en 1990, en juin précisément lorsque sorti l'ouvrage qui présentait l'Espagne, son organisation, son système éducatif, la formation professionnelle initiale et la formation continue. Et tant qu'à verser dans la nostalgie, 1990 c'est aussi l'année de sortie de ce beau film à la poésie surannée, porté par un Jean Rochefort exceptionnel. Je crois n'avoir jamais manqué d'y penser lorsque je vais chez la coiffeuse. 


09/04/2014

11 régions, c'est beaucoup trop !

On partait tôt le matin, lorsque le soleil entame sa course pendulaire et va d'une mer à l'autre projetant sans relâche sa lumière sur  les Pyrénées, ou bien en fin d'après-midi, pour voir les derniers rayons verdir les pentes des montagnes rougeoyantes. Je voyageai avec un improbable compagnon qui avait été Président de la Corpo à la fac de droit, proche de l'extrême droite, franc-maçon dans une loge pour le moins traditionnelle, catalogué réactionnaire et sulfureux et qui prenait plaisir, partagé, à discuter avec moi pendant les trois heures de trajet. Pourquoi ce plaisir alors que tout aurait du nous éloigner ? des histoires de rêves d'enfants, comme souvent entre ceux qui sont reliés par plus fort que la raison. Et en nous rendant à Jaca, siège de la Communauté de travail des Pyrénées, organisation regroupant les trois régions française et les quatre communautés espagnoles qui partagent les Pyrénées, nous refaisions l'histoire de l'Occitanie, ressuscitions Pierre d'Aragon et faisions revivre ce Sud des troubadours et de la tolérance où l'identité ne se définissait pas par opposition à l'autre. Nous avions la même aversion pour l'endogamie et son confort sclérosant. 

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Torre del Reloj à Jaca

Les discussions entre les 7 entités régionales n'ont jamais véritablement trouvé de traduction opérationnelle : la montagne reste une frontière naturelle, verte au Nord, sèche et rocailleuse au Sud. Mais peu nous importait. En retournant de Jaca à Toulouse, nous passions saluer la Gare de Canfranc, projet fou rigoureusement mis en oeuvre et scandaleusement inutile  qui réunissait donc à ce titre tous les critères de la beauté. 

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La Gare de Canfranc

Et à l'arrivée, en clandestins bienheureux, nous partagions une côte de Boeuf et une bouteille de Bordeaux à la santé des Cathares qui se privaient de ces plaisirs, ce qu'il fallait bien compenser un jour. Je repensai à tout cela en écoutant Manuel Valls exposer ses projets de réduction du nombre de régions. Je me demandai si le Sud-Ouest devait choisir de regrouper les régions gasconnes, soit la zone atlantique qu'enserre le lasso de la Garonne, pousser sa corne vers l'Est et le Languedoc, ou s'étendre plein Sud vers les terres navarraises, aragonaises et catalanes ? L'évidence serait de ne pas choisir et de réunifier, sans la placer sous l'égide d'une autorité centralisatrice, syndrôme français du Nord de la Loire, les provinces occitanes. A l'intérieur de ce périmètre, chacun trouverait sa place sans que l'on ait besoin de la lui assigner et l'on se demanderait assez rapidement comment il a pu en être autrement. Ce serait la fin de la parenthèse. Chiche Manuel  ?

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11/12/2013

Qui s'y plaide s'y pique

Il avait pas lu le blog de votre serviteur l'avocat du vendeur de cigarettes électroniques qui masquait son petit commerce sous le paravent de la vente de vapoteuses. Il n'avait pas compris qu'il plaidait à Toulouse non plus le baveux qui osa invoquer "le vide juridique" pour résister à la demande du buraliste excédé par la concurrence déloyale de celui qui est venu lui mettre sa fumée d'e-cigarette à portée de naseaux. Un peu taureau le buraliste, mais c'est l'air du pays qui veut ça. Et les juges du tribunal de commerce ne s'en sont pas laissés compter : un vide juridique, voyez-vous ça, et à jeun en plus qu'il est le corbeau qui nous vend sa salade. Retournez à votre école ou pendez vous à vos barreaux monsieur l'avocat, si vide il y a c'est dans votre plaidoirie mais point dans le droit. La susdite vapoteuse contenant des substituts du tabac et se fumant "aveque la bouche", il en ressort qu'elle relève du code de la santé publique et ne peut donc être vendue librement.

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Plaine vide

Le juge européen avait déjà considéré que la cigarette électronique n'était pas un médicament. Voilà maintenant un juge du Sud qui affirme que la cigarette est...une cigarette. On pourrait dire qu'il ne s'est pas foulé, mais c'est le propre des sudistes que d'être malins en faisant bref. Répétons le, lorsqu'un journaliste parle de vide juridique, c'est fâcheux mais ce n'est qu'une approximation supplémentaire. Lorsqu'un juriste parle de vide juridique, c'est beaucoup plus inquiétant. Et lorsqu'il prétend démontrer l'existence d'un vide juridique à un juge toulousain, c'est qu'il a besoin d'aller se vider la tête dans une plaine vide. Pour le reste, à savoir les entreprises qui se demandaient comment traiter la chose, je veux parler de la tubulure à vapeur, elles ont désormais leur réponse.

06/07/2013

Merci Patron !

Pierre Déjean est professeur à l'Université de Toulouse, directeur du Centre de Recherche et d'Information sur le Droit à la Formation. Enfin, était. Il ne lui est rien arrivé de grave, rassurez-vous. Il a juste pris sa retraite vendredi. Il a été, et restera certainement, mon seul patron, c'est à dire le seul à avoir réussi à faire signer, pour 3 mois, un contrat de travail à quelqu'un qui ayant lu Proud'hon assez tôt n'envisageait le salariat qu'avec terreur. A Pierre je dois donc mes trois uniques bulletins de salaire. Je lui dois aussi mille autres remerciements pour l'opportunité donnée de créer mon entreprise en me mettant non pas un fil à la patte mais un cheval et deux étriers à mes pieds, pour les occasions de participer à ces colloques et manifestations qui donnent une visibilité que l'on a bien peu à 25 ans, pour l'ambiance d'atelier d'artiste qui régnait au sein du CRIDF, pour les mission à Barcelone au temps où il existait encore un véritable barrio chino, pour la dimension poétique, c'est un euphémisme, que pouvait prendre la moindre activité et au final pour la démonstration quotidienne que liberté, plaisir et travail peuvent faire la route ensemble.


Pierre Déjean, il a trois points communs avec Pierre Richard : le prénom, le comportement et la physionomie. Cela fait beaucoup trop pour échapper au surnom facile. Mais la comparaison est artificielle. Car Pierre Richard a fait du spectacle au sein du spectacle. Pierre Déjean lui, il a réussi à faire du spectacle à l'intérieur des institutions et mettre des espaces de liberté là où ils sont loin, très loin, d'être naturels. Cette poésie du quotidien me touchait beaucoup plus que le numéro d'acteur. Plus improbable, moins attendue, plus agaçante aussi, plus dérangeante, elle me semblait un meilleur exemple d'insoumission. Pierre Déjean était un clandestin au grand jour, les meilleurs. Comme il a toujours vécu à l'envers, je suppose qu'après avoir travaillé jeune (pour ses études), pris sa retraite en pleine activité (par sa capacité à faire glisser sur lui le travail), il lui reste désormais à se consacrer à des jeux d'enfant. Puissent-ils durer longtemps. Merci Pierre !

19/06/2013

Un siècle, et toujours modernes

Débat hier soir à l'initiative d'Education Permanente et de l'Université Ouverte sur la réforme de la formation professionnelle. La moyenne d'âge fleure bon la deuxième partie de carrière, mais si la valeur n'attend pas le nombre des années, Raymond Vatier, à plus de 90 ans, démontre que la vivacité de l'esprit n'est pas toujours celle du corps, quand bien même ferait-on de l'aquagym. Entendre un acteur de la loi de 1970 rappeler les concepts fondateurs et leur déclinaison opérationnelle suscitait en tous les cas une légère nostalgie, surtout lorsqu'on rapportait ce discours à celui, beaucoup plus confus, de ceux qui ont en charge l'aujourd'hui. Et ce sentiment s'accentua lorsque parut s'installer chez les intervenants un consensus sur le fait que l'intérêt général et l'intérêt de l'entreprise devaient être distingués au titre d'une utile clarification. Il fût alors nécessaire de faire appel aux toulousains.

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Vu ainsi, Maurice Hauriou bustifié dans les jardins de la fac de droit toulousaine, ce n'est pas le fun absolu. Il n'empêche que la théorie institutionnelle de Haurioux, sera utilisée par Paul Durand pour fonder sa théorie de l'entreprise, définie non pas comme la chose du dirigeant (et il fût hier soir nécessaire de rappeler à Alain Meignant que l'intérêt du chef d'entreprise et l'intérêt de l'entreprise sont deux choses distinctes) mais comme une collectivité dotée d'intérêts propres. Une collectivité qui n'est pas hors-sol mais ancrée dans un territoire et dont l'activité participe de l'intérêt général. Michel Despax, héritier d'Hauriou et de Durand, ne dirigea pas pour rien à la fois un Master de Gestion du Personnel et un Institut d'études sur l'urbanisme : toute activité humaine se déploie sur un territoire et dans un environnement avec lequel elle interagit. Si cette artificielle distinction entre l'entreprise renvoyée à ses intérêts privés et l'intérêt général cantonné à la sphère publique, ou à la contribution forcée des agents privés, pouvait ne pas prospérer dans le cadre de la réforme, cela rendrait sans doute le sourire à Maurice Hauriou.

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16/06/2013

Trouple

Les voilà. Ils sont là. Les beaux-jours. Les bodegas germent comme des herbes folles sur le pavé. Face à Bercy, dont le froid rectangle unijambiste rappelle que les occupants ont la religion de la raison mais guère celle du corps, on a installé les transats, les planches de charcuterie et de fromage et les rythmes du Sud. Pas de choc de compétivitité, de simplification, de confiance, juste un choc de cultures. Qui ramène vers le Sud et ce bel ouvrage de Claude Llabres "Toulouse mon amour" dans lequel on peut découvrir ce beau trouple.

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La photo date du début des années 90, signe que le mariage pour tous est finalement encore en retard. Il suffit de se souvenir de Max Ernst, Paul Eluard et Gala, ou pour une autre configuration, de Sartre Beauvoir et Olga.  Michel Serres le rappelle régulièrement : les politiques, contrairement à ce qu'ils pensent, sont toujours en retard sur la société. Il est loin le temps de Jules et Jim. Aux temps troubles, préférons le temps qui laisse venir le trouple.

19/05/2013

Prendre langues

Le débat suscité par l'introduction de cours en anglais à l'Université est consternant. Consternant de constater que les défenseurs de cours en anglais y voient principalement l'intérêt d'attirer des étudiants étrangers et de mieux préparer les étudiants français au monde des affaires. Consternant de voir que les opposants considèrent que c'est en refusant toute autre langue que le français qu'on le défend le mieux. En ce dimanche pluvieux, il faut beaucoup de sérénité pour résister à l'envie de les noyer tous. Mais il y a peut être mieux à faire : leur rappeler que se tiendra à Toulouse le 26 mai prochain, comme tous les ans depuis 1992, le Forom des langues à l'occasion duquel tous les métèques sont invités à se retrouver place du Capitole.

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Les promoteurs de l'anglais à l'Université pourraient y découvrir que la langue ne se réduit pas à sa dimension communicationnelle et que toute langue est une anthropologie car c'est par le langage que l'homme se construit, se pense et créé. Les défenseurs du français conçu comme seule langue d'enseignement pourraient y découvrir que l'on transmettra davantage de valeurs en enseignant plusieurs langues dès le primaire qu'en réintroduisant, comme si c'était le problème, des cours de morale au collège. Mais pour cela il faudrait que les uns et les autres admettent le postulat du forom des langues : toutes les langues doivent être placées sur un pied d'égalité et dès lors leur apprentissage simultané ne s'en trouve que facilité. Pour apprendre la langue, il vaut mieux prendre langues.

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15/05/2013

Ici les autres : on est là !

Réunion matinale qui finit tardivement, un peu de marche pour reprendre ses esprits et passage à table dans une des brasseries où la convivialité du service attire plus sûrement que le cuisinier. Les tables ont déjà commencé à se vider. En face de moi, trois hommes et une femme traitent manifestement de sujets sérieux. La femme parle peu. Deux des hommes s'en vont, le troisième reste seul avec sa collègue. Elle se met à lui parler tandis qu'il sort son smartphone et lit ses mails. Au bout d'un moment, il répond pour faire croire qu'il écoute. Je me replonge dans mon gazpacho (excellent) et la lecture du canard enchaîné, qui m'apprend que pendant la réception des organisations syndicales par le premier ministre, lundi après-midi, la majorité des ministres présents pianotaient sur leurs smartphones et tablettes devant des syndicalistes partagés entre la stupéfaction et la consternation.

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Le Caravage - Narcicce - 1599

Tout ceci me rappela une anecdote, recueillie lors du recrutement d'étudiants pour le Master de l'IGS à Toulouse. Je demandai à un étudiant ce qu'il retenait des petits boulots qu'il avait effectué pour gagner un peu d'argent. Se référant à une activité de vendeur en boulangerie exercé pendant quelquqes mois, il me répondit : "J'en retiens que l'on peut me parler uniquement avec des gestes pour me montrer ce que l'on veut acheter, tout en continuant à parler au téléphone et sans jamais m'avoir adressé la parole ni même regardé". Comme dirait Hannah Arendt, de la violence ordinaire en milieu ordinaire.

04/02/2013

Le juge et le haschich

Je l'ai croisé dans les rues de Toulouse. J'ai un peu hésité, il avait un peu forci mais je n'allais pas lui jeter la pierre et son allure de géant débonnaire restait la même. Je l'ai donc interpellé. Ce n'était pas vraiment un ami, mais un copain de groupe de copains avec qui on a partagé des soirées plus longues que la nuit. Je me souviens de son petit appartement, sombre, en rez de chaussée, que je n'aimai pas, notamment parce qu'il était sempiternellement enfumé et pas que de tabac. Ni la fumée ni la fumette n'ont jamais été ma tasse de thé ou plutôt mon verre de vin. Chacun ses plaisirs. Pendant que nous échangions quelques propos assez convenus, je me souvenais qu'il avait réussi le concours de la magistrature, plus par sa culture générale, politique, son père était un élu local, que par ses connaissances juridiques. Ainsi vont les concours en France. Du coup je me fis plus direct.

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Emile Bernard - La fumeuse de haschich

"Depuis que tu es juge, tu  condamnes des gens à la prison ?

- Ben oui bien sûr, ça fait partie du métier. Mais jamais à la légère, je sais ce que c'est la prison on y va deux jours pendant l'école...

- Ah oui, tu connais. Et c'est qui le dernier que tu as condamné par exemple ?

- Un type qui cultivait du chanvre dans son garage...

- Tu lui as mis du ferme pour trois plants de hasch ?

- C'est qu'il n'y avait pas que trois plants, et puis il avait déjà été pris une première fois, il se foutait vraiment de notre gueule...

- Ce doit être ça."

Je ne l'ai invité ni à boire un coup, ni à s'en fumer un petit. Dommage, il aurait pu m'apprendre s'ils étaient nombreux comme lui derrière la robe.

27/01/2013

Clémence et le Gay savoir

Le débat a toujours été vif sur la nature du droit : une  construction sociale contingente, déterminée par le contexte et les modalités de sa production, ou un travail de mise en forme de lois ou de droits conformes à la nature humaine et de ce fait pouvant prétendre à l'universalisme ? En ce jour de manifestation pour le mariage sans distinction de sexe, puisqu'il ne s'agit ni de tous se marier ni de ne marier que les gays, la question n'est toujours pas tranchée.

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Sur le strict débat juridique et les modifications du Code civil, on se contentera ici de renvoyer à ce qui a été dit ailleurs par plus compétent sur la question (voir ici). En observateur de l'actualité sociale, on fera simplement remarquer que la mobilisation était plutôt réussie et que les communautés masculines, notamment,  étaient très présentes.

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Et qu'il ne manquait pas de bonnes volontés pour préserver l'avenir.

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Sinon, pour faire pièce à l'argument selon lequel la question n'intéresserait qu'une petite partie de nos concitoyens, certains slogans rappelaient que le mariage sans distinction de sexe était une question pour laquelle tout le monde peut se sentir concerné, sans pour autant être impliqué. Ceux à qui la différence échapperait se souviendront que dans l'omelette aux lardons, la poule est concernée et le cochon impliqué.

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Puisque la manif passait devant le jardin du Luxembourg, les organisateurs auraient pu la placer sous les auspices de Clémence Isaure, experte en Gay savoir du nom de la plus ancienne société de lettres du monde occidental fondée à Toulouse en 1323, le Consistori del gay saber (consistoire du gai savoir), aujourd'hui Académie des Jeux Floraux. La belle Clémence, fille des Troubadours et de l'amour courtois,  protectrice de la poésie et des contrepèteries aurait pu ainsi donner  aux amoureux en guise de bénédiction la violette de Clémence et promettre à ceux qui voudraient entraver cette liberté la violence de Clémette. Mais en ces temps médiatiques, la radicalité n'a pas bonne presse et l'on se quitta en un consensuel et apaisant slogan.

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03/01/2013

Demain

Le soleil, l'air frais, léger et transparent, des étals de livres, et l'occasion de constater qu'en espagnol, livre se dit Libro, comme libre. Belle langue décidément.

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"- Bon, c'est bien joli tout ça, le soleil, l'air léger, la liberté, mais faudrait peut être se remettre au boulot !

- Attends regarde comme le soleil est doux, profites au lieu de t'énerver....."

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"- Ne fais pas comme si la situation n'était pas difficile, la crise, l'absence de croissance, le chômage, les partenaires sociaux qui n'arrivent pas à se mettre d'accord, c'est pas le moment de s'étendre au soleil...

- D'accord, d'accord, juste un moment...

- Mais jusqu'à quand le moment ?

- Demain, toujours demain...".


07/11/2012

D'une halle, l'autre

Le samedi 23 juin 2012 la Région Midi-Pyrénées organisait une manifestation destinée à fêter les 10 ans de la Validation des Acquis de l'Expérience (VAE). Plusieurs centaines de lauréats étaient réunis à la Halle aux Grains de Toulouse, ancien marché devenu salle de spectacles lorsque l'on a découvert les qualités accoustiques insoupçonnées du lieu à l'occasion d'un concert donné par l'orchestre national du Capitole en 1974.

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La Halle aux Grains à Toulouse

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Invité à participer à la manifestation mais n'étant pas disponible, j'ai réalisé avec le concours de Jean-Pierre Maillet un film présentant l'histoire de la VAE. J'ai choisi de tourner ce film dans une autre Halle, la Halle Saint-Pierre à Paris qui abrite un musée consacré à l'art singulier. L'art singulier, parfois aussi dénommé art brut, est celui des artistes qui n'ont pas été formé à leur art qu'ils ont développé selon des techniques propres, sans références culturelles et sans avoir reçu aucun enseignement. Des être singuliers qui ont appris en faisant et auxquels la Halle Saint-Pierre apporte une reconnaissance.

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Le film est aujourd'hui disponible et plus largement toute la manifestation consacrée à la VAE. Concernant votre serviteur, l'intervention débute à 26'30 sur la première vidéo et se poursuit au début de la seconde vidéo. Les vidéos sont en ligne ici.

Et vous avez jusqu'au 6 janvier pour aller voir au pied de la butte Montmartre l'exposition Banditi dell'arte. Pour la VAE, vous avez toute la vie.

25/09/2012

Il s'est passé quelque chose

Le premier juge avait considéré qu'il existait un chaînon manquant. Que si sur le papier on avait pu théoriquement reconstituer un scénario, matériellement il n'était pas prouvé. Et que faute d'établir scrupuleusement le lien entre la cause et l'effet, il n'était pas possible de condamner. Ce fut la relaxe. Le second juge n'eût pas ces scrupules et pris un autre parti. En premier lieu, il écarta toutes les autres hypothèses : ailleurs, c'était plus que les chaînons qui manquaient. Une fois éliminées les autres causes, il en vint à considérer la plus probable comme celle qu'il fallait retenir, car les autres l'étaient moins qu'elle. Difficile de condamner pénalement sur cette approche statistique. Fallait-il donc encore acquitter ? le juge se souvint peut être des trente et un morts, des dix mille blessés, des traumatisés à vie. Ce jour-là il s'était passé quelque chose de jamais vu et la justice ne pouvait se borner à dire son incapacité à rapporter les preuves formelles de la vérité. Pour tous ces gens, il fallait une décision.

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Alors le juge, la tête emplie du dossier mais aussi d'images, décida que peu importait le chaînon manquant. En dernière considération, l'état de l'usine, les manquements à la sécurité, l'absence de mobilisation des moyens à hauteur de ceux que le groupe aurait pu dégager, tout cela faisait du directeur un coupable. Pas d'avoir craqué lui-même l'allumette, mais d'avoir créé un environnement dans lequel la moindre allumette pouvait déclencher une catastrophe. La décision du premier juge était fondée en droit, il n'est pas certain que celle du second juge ne la soit pas également. La Cour de cassation nous le dira. En attendant, personne ne peut oublier qu'il y a onze ans, il s'est passé quelque chose, comme dirait Juliette qui débuta à Toulouse.


podcast

04/09/2012

Anniversaire (2)

En 1988, le FONGECIF Midi-Pyrénées organise une conférence pour fêter ses 5 ans. A cette occasion qui réunit plusieurs centaines de personnes de prestigieux intervenants parisiens sont invités. Tout jeune consultant dans le domaine de la formation je suis présent. Il faut bien apprendre son métier si l’on veut le développer. Dans les débats, je fais un effort surhumain pour poser une question. Ma voix part dans les aigus dès la deuxième phrase et à la cinquième et dernière je suis à bout de souffle. Je pense être ridicule mais personne ne réagit et Michèle Boumendil, alors directrice du département juridique du Centre INFFO, répond à la question. Encore empreint de confusion, je quitte la manifestation dès la fin des débats et prend la route de mon bureau. Et puis un doute me vient. Quand on est consultant, jeune, sans relations et que l’on souhaite persévérer dans la profession, peut être faut-il profiter des occasions pour parler aux gens. Un demi-tour, et une ligne blanche, plus tard, je suis de retour avec les participants qui sont passés à table. Je rejoins le directeur du CARIF qui me confie quelques missions, attablé avec Jean-François Nallet et Michèle Boumendil, laquelle m’interpelle en me disant que ma question était pertinente. Je dénie et remercie à la fois, dans un bredouillement mal maîtrisé ce qui ne l’empêche pas de me questionner sur mes activités puis de me proposer de travailler pour le Centre INFFO. Et c’est ainsi que quelques mois plus tard, je réalisai un document sur la formation des demandeurs d’emploi pour les premiers Entretiens Condorcet.

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Je poursuivis mes relations avec le Centre INFFO où je rencontrai la petite-fille du créateur du concours Lépine qui me fit rapidement une honnête proposition : la remplacer pour animer des formations dans un organisme que je ne connaissais pas du nom de DEMOS. Mon principe étant de toujours dire oui en première intention j’acceptai. A l’époque, au tout début de l’année 1992, DEMOS comptait 30 salariés et réalisai un chiffre d’affaires de 30 millions de francs (aujourd’hui c’est 800 collaborateurs, 103 millions d’euros et une présence dans 17 pays). Je rencontrai Jean Wemaere qui m’accorda immédiatement une confiance qui demeure. Et comme la fidélité est un plaisir qui se partage, je me retrouve ce matin à animer avec Jean une conférence de presse à l’occasion des 40 ans de la création de DEMOS. Car maintenant, j'arrive à parler en public sans monter trop haut dans les aigus.

Demos 40 ans Dossier de Presse.pdf

03/09/2012

Anniversaire (1)

Au début de l’année 1987, je venais de terminer mes études. J’envoyai consciencieusement des CV, puisque c’est ainsi qu’il convenait de procéder pour entrer dans ce fameux monde du travail dont on me rebattait les oreilles, et qui ne m’était pas tout à fait étranger puisque j’avais souvent mis la main à la pâte dans le restaurant familial. Je passai un entretien désastreux dans un cabinet de conseil juridique : l’univers que me présentait le patron du cabinet qui me recevait me paraissait tellement lointain que je m’exprimai quasiment par monosyllabes, avec une jambe coincée sous la chaise dans une posture qui me déclencha des fourmis et me fit m’affaler sur la porte du bureau lorsque je voulus me lever pour conclure l’entretien. Il fallut à mon interlocuteur réunir l’intégralité de sa bienveillance pour considérer que ce jeune homme hébété était celui qui s’était présenté, dans le CV rédigé avec application, mais l’application ne fait pas la conviction, comme un étudiant aux bons résultats, un sportif de bon niveau et globalement un jeune homme plein d’entrain. Il me dit que je n'étais sans doute pas en grande forme et qu'il était tenté de me prendre tout de même à l'essai, avant de me téléphoner trois jours plus tard que finalement ce n'était pas possible. 

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Edward Hooper - Station Essence - 1940

Ce premier entretien ne fut, heureusement, suivi que d’un seul autre dans un contexte mieux adapté, en tout cas pour ce qui me concerne. Après avoir raccompagné, à la nuit plus que tombée, une amie chez elle, je rodai lentement en voiture dans Toulouse, à la recherche, période bénie où les containers n’avaient pas encore été inventés, de livres abandonnés sur les trottoirs car il fût une époque où l’on pouvait se constituer une bibliothèque gratuitement et en se promenant au hasard des rues. Toute chose ayant sa nécessité, mes pas, ou plutôt mes roues, me conduisirent à une de ces stations service qui composent un paysage baroque au cœur des centres ville. Tandis que je remplissais le réservoir, car s’il existait encore des pompistes ils restaient déjà la nuit dans leur guérite, un individu s’escrimait à côté de moi à pomper sur la borne du mélange pour remplir le réservoir de sa mobylette orange. Lorsqu’il se tourna vers moi, j’eus la surprise de l’entendre dire : « Ah Mr Willems, comment allez-vous ? ». Malgré la nuit et le casque, je reconnus mon prof de Droit de la formation, que je n’avais pas revu depuis la fin de mon cursus. Et c’est à cette pompe à essence qu’il me proposa de travailler quelques mois avec lui au Centre de Recherche et d’Information sur le Droit à la Formation à l’Université, laquelle m'invitera ensuite à poursuivre la collaboration à condition que je facture mes prestations. C’est ainsi que le 1er septembre 1987 je créai le cabinet Willems Consultant qui fête donc en ce début de semaine ses 25 ans.

11/06/2012

Quand c'est pas facile, c'est bon aussi !

Il y a des situations que l'on maîtrise. Elles ne sont pas nécessairement simples, mais on est en confiance. Sûr de sa technique, de ses capacités, de ses émotions. Dans la fluidité et le plaisir de l'action. Dans la beauté du geste. On est tellement bien que l'on se regarde presque faire. Et on apprécie. Plaisirs multiples, impression un peu folle que l'on sait pourquoi on est là, que le monde a sa cohérence, sa logique, son évidence et que l'on en fait partie. Il est des situations dont l'harmonie nous porte et nous conforte. Elles sont belles comme le retour du soleil après l'orage et le  sentiment de calme et de sérénité, au milieu du vent qui houspille les nuages qui traînent, avant que ne se dévoile le grand ciel bleu dans lequel on s'inscrit tout entier.

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Place du capitole - Dimanche 10 juin 2012

Et puis il y a aussi les situations que l'on ne maîtrise pas totalement. Où rien ne se passe exactement comme prévu. Où il faut se battre à chaque seconde, contre tout ce qui résiste bien sûr mais surtout contre soi-même. Car on a perdu la fluidité. On attend en vain que l'autan se lève et balaie le ciel. Aucun souffle ne nous porte. Il faut prendre son envol, mais chaque pied, chaque jambe est comme englué dans la tourbe lourde et pesante. Et pourtant il faut s'y arracher.

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Chaque effort semble être le dernier, mais il y en aura bien d'autres. Ce n'est pas qu'affaire de volonté, c'est très loin du qui veut peut. Pour comprendre cela il faut remonter tout au bout de la condition humaine. C'est le combat originel, la lutte avec l'ange lorsqu'il ne nous reste plus rien, sauf peut être la bienveillance de l'ange.

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A tout instant, on peut avoir le sentiment que l'on y arrivera pas, que cela ne passera pas. Le corps est trop usé, déjà un peu brisé et il faut le solliciter encore. L'envie, la volonté, le désir...on est déjà bien au-delà de tout cela, et les gestes paraissent mécaniques, comme s'ils ne dépendaient plus que de la force d'inertie initiale qu'aucune régénérescence ne viendra relayer. Une fatigue immense se dresse comme un à pic infranchissable. Et puis tout d'un coup c'est fini, et on a réussi quand même.

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On ne sait pas si c'est la joie promise à laquelle on ne pensait même plus, si c'est le soulagement que ce soit fini, si c'est un paradis retrouvé, une lucidité claire comme l'air marin qui est de retour, si c'est parce que tout s'arrête que l'on peut goûter le temps, si l'on retrouve tout d'un coup tout ce que l'on avait perdu et que l'on ne retrouvait plus parce qu'on avait peur de le perdre. On ne sait plus grand chose, on sait juste que quand c'est pas facile, c'est bon aussi.

22/05/2012

Confluence

Elles ne proviennent pas des mêmes sources, mais sont nées dans les mêmes montagnes. Elles n'empruntent pas les mêmes cheminements, mais se retrouvent dans la vallée, lorsque les plissements du temps s'estompent et que la terre s'aplanit, elles bouillonnent chacune à leur manière, puis se mêlent indissolublement. Qui pourrait distinguer depuis les ponts de Toulouse les eaux qui viennent de la Garonne et celles qui viennent de l'Ariège ? Ce qui était distinct cesse de l'être. Sous le regard de Vieille-Toulouse, un peu au Sud de la ville, la confluence de la rivière et du fleuve offre une Garonne plus majestueuse. Car ainsi en va-t-il de notre manière d'appréhender la géographie : l'affluent perd son nom au profit du cours d'eau principal. En droit aussi, il est de principe que l'accessoire suit le principal. Ainsi semble disparaître ce qui s'absorbe en plus grand que lui, alors que disparaît surtout notre capacité à les distinguer.

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Debbat-Ponsan - Allégorie de l'Ariège et de la Garonne

Le mouvement d'absorption de la politique de formation professionnelle par la politique de l'emploi a été amorcé en 1984 avec le tournant, déjà, de la rigueur. Après une structure interministérielle puis un Ministère à part entière de la formation professionnelle, était venu le temps de l'arrimage de la formation à l'emploi. Ce temps est toujours le notre comme le montre la 6ème livraison des Carnets de Campagne écrits pour l'AEF avec Jean-Marie Luttringer. Quant à savoir si ce rattachement traduit une disparition de l'accessoire dans le principal ou une fécondation de celui-ci par celui-là, la réponse devrait nous être rapidement apportée.

Carnets de campagne 6 - Formation et Gouvernement.pdf