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01/07/2013

Gaston délinquant !

Tout était réuni pour que la Cour de cassation rende une décision banale : un salarié utilisait une partie de son temps de travail et le matériel de l'entreprise pour effectuer des travaux  qui lui étaient rémunérés par ailleurs. Le cas n'est pas rare de l'utilisation du matériel, et du temps, pour faire autre chose que son travail. Que cela soit sanctionnable, c'est évident. Qu'il s'agisse d'une infraction pénale, en l'occurence d'un abus de confiance, cela l'était moins. C'est pourtant ce qui a été jugé le 19 juin dernier par la chambre criminelle de la Cour de cassation.

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Ce qui n'est pas banal, c'est qu'au lieu de s'en tenir à l'affaire, les juges emploient  à dessein une formulation générale destinée à la publication : l'utilisation par le salarié de son temps de travail à d'autres fins que celles pour lesquelles il est rémunéré constitue un abus de confiance. Devient ainsi pénalement sanctionnable non seulement le travail pour autrui, mais également l'absence de travail. Tous les Gaston Lagaffe qui s'assoupissent au bureau constituent donc une bande inorganisée de délinquants coupables d'abus de confiance. Pour ne rien dire des frénétiques de la discussion extra-professionnelle, des contemplateurs maladifs, des fumeurs à répétition, des accros de la machine à café, des pianoteurs de smartphones ou des navigateurs de l'internet.  Que tout ceci puisse relever d'une responsabilité contractuelle, bien sûr, de là à pénaliser à tout va...m'enfin !

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Flagrant délit d'abus de confiance

C. Cass Chambre criminelle 19 juin 2013 - Abus de confiance.pdf

28/08/2012

Et la liberté devra être homologuée...

La loi du 25 juin 2008 a créé la rupture conventionnelle homologuée. Ce dispositif, qui concernera plus de 250 000 salariés en 2012, n'était pas une innovation dans son principe : ce qu'une volonté a faite, une même volonté peut le défaire. La rupture conventionnelle existait déjà, elle n'est pas remise en cause par la rupture conventionnelle homologuée. Simplement la première produit les effets sociaux et fiscaux d'une démission (rupture volontaire du contrat), alors que le passage par une rupture conventionnelle homologuée permet de bénéficier d'un régime favorable pour les indemnités versées dans le cadre de la rupture et pour l'accès au régime d'assurance-chômage. Comme Jean-Emmanuel Ray le fait, on peut donc distinguer la RC1 (mode général de rupture d'un contrat) et la RC2 (rupture homologuée) qui ouvre des droits particuliers. Tel n'est pas l'avis des juges de la Cour d'appel de Riom qui considèrent que seule une rupture homologuée peut permettre à un employeur et un salarié de défaire le contrat qu'ils ont signé. Et voilà comment la liberté contractuelle se trouve assujettie à l'imprimatur de l'administration.

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Philippe Hortala - Les jours heureux, liberté chérie - 1986

Dans une décision du 12 juin 2012, la Cour d'appel de Riom pose en effet en principe que toute rupture amiable du contrat de travail doit obéir aux règles de la rupture homologuée. Le dispositif particulier de la rupture homologuée vient donc supplanter le droit commun de la rupture des contrats et le principe général de la possibilité de résiliation amiable. Adopter une telle position liberticide n'a pas semblé une préoccupation majeure pour les magistrats sans que l'on sache très bien si cela résulte d'une mauvaise humeur passagère, d'un assoupissement regrettable ou des effets indésirables d'une cure thermale draconienne dans les villes d'eau des jolis monts d'Auvergne. Vite une cassation et un renvoi vers la Cour d'appel de Bordeaux afin que l'esprit de Montaigne, de Montesquieu et du Médoc fasse souffler de nouveau la liberté.

09/04/2010

Révolution manquée

L'occasion était belle de rompre avec la logique des statuts et le corporatisme du diplôme. Deux affaires étaient proposées à la Cour de cassation en ce mois de mars printanier : dans la première affaire, un salarié revendiquait le même salaire qu'un salarié plus diplômé et de ce fait mieux rémunéré alors qu'ils effectuaient le même travail ; dans la seconde un ingénieur demandait un salaire équivalent à celui d'un autre ingénieur ayant un diplôme de même niveau. Par deux fois, les juges diplômés de la Cour de cassation ont été incapables de sortir de leurs repères et d'offrir une véritable portée au principe "A travail égal, salaire égal". Pour la révolution, on attendra.

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Max Ernst -Pieta ou la Révolution la nuit - 1923

Dans la première décision, datée du 17 mars 2010, la Cour de cassation pose en principe que des diplômes de niveaux différents justifient un écart de salaire lorsqu'ils sont utiles à la fonction même si l'activité des salariés est identique. Au principe "Travail égal, salaire égal", la Cour substitue donc le principe "A diplôme différent, salaire différent". Dans la deuxième décision, du 24 mars 2010, la Cour estime justifiée la différence de traitement entre deux ingénieurs car l'un a un diplôme dont la partie théorique est plus en rapport avec les activités exercées dans l'entreprise. Dans les deux cas, on aurait aimé que la Cour de cassation impose à l'entreprise de montrer en quoi un diplôme différent conduit à un travail différent soit dans la nature des tâches réalisées, soit dans les résultats obtenus ou encore dans les modalités de réalisation des activités. Mais la logique de statut prévaut au mépris de la lettre des textes et me rappelle qu'un étudiant en Master RH avait démontré que dans une grande entreprise technologique, la différence de salaire à l'embauche en fonction de l'école suivie par les ingénieurs mettait sept ans à se combler même si l'ingénieur le moins bien diplômé était le plus performant tous les ans.
Par ces décisions, les juges apportent leur pierre aux situations de rente et par-là même confortent la course aux diplômes et le handicap de ceux qui n'en ont guère, ou moins, sans leur laisser la chance de la preuve par l'action. Evaluer le travail et lui seul est une révolution au dessus des forces d'une magistrature dont le travail s'il est ici commenté n'est ailleurs nullement évalué.