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09/11/2015

Quizz qui dit ?

Il était un peu ridicule, la semaine dernière, de constater combien la réponse de la Ministre du Travail, Myriam El Khomri sur les possibilités de renouvellement d'un CDD, a instruit un procès en incompétence. Voici donc les brevets de compétence délivrés par les journalistes sur la base de questions de Quizz. Le ministre des Transports aura droit à la question sur le prix du ticket de métro, celui de l'artisanat se verra exiger le prix de la baguette de pain, celui du Tourisme sera sommé de s'exprimer en 3 langues, le Ministre de la Culture, ah non pas elle on lui a déjà fait le coup à propos des ouvrages de Modiano, le Ministre des Sports devra donner le nom des 10 derniers vainqueurs du Tour de France et le nom de celui qui n'était pas dopé (attention question piège !), etc. Pas la peine de faire un quizz pour décerner le brevet de compétence en démagogie aux journalistes qui s'amusent à ces petits dézinguages ordinaires qui vaudront à la Ministre du Travail de potasser le Memo social de Liaisons Sociales (hé oui, le meilleur ouvrage dans sa catégorie) avant de redonner la moindre interview. 

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Stéphane Le Foll, Ministre de l'Agriculture, habilement déguisé pour bosser

le prix des bananes avant d'être interviewé par Jean-Jacques Bourdin

 

Plutôt que de tester le bachotage de Myriam El Khomri et ses connaissances, les journalistes devraient lui demander d'expliquer sa politique, son action, ses décisions, ses résultats. Pas sur que les réponses soient plus convaincantes que sur le CDD, mais au moins on en saurait un peu plus sur sa compétence que ce que l'on en sait aujourd'hui. Tout formateur sait, ou plutôt devrait savoir, que le Quizz est le degré zéro de l'évaluation. Que l'on en fasse un usage pédagogique, soit. Mais vouloir évaluer la compétence par des tests de connaissance c'est la marque de la société du Buzzer, autrement dit de la société spectaculaire. Pour le fond, on repassera. 

10/10/2014

Binaire

Ce n'est pas parce que le droit est binaire qu'il manque de subtilité. La cour de cassation vient d'en faire la démonstration en requalifiant en CDI des CDD successifs conclus sans délai de carence.

Le Code du travail prévoit en effet deux règles : la première est que le délai de carence ne s'applique pas entre des contrats conclus pour remplacer un salarié absent. La seconde est qu'un délai de carence s'applique entre deux contrats conclus pour accroissement d'activité. D'où l'angoissante question : oui mais entre un CDD de remplacement et un CDD pour surcroît, faut-il appliquer une carence ? le juriste prudent (ce n'est pas un pléonasme, n'en déplaise aux juristes prudents...) dans le doute appliquait le délai de carence. Mais nombre de revues juridiques avaient retenu que le délai de carence n'étant pas expressément prévu, il suffisait de respecter "un certain délai" avant de conclure un autre contrat. D'autres estimaient que faute d'interdit, il n'y avait pas matière à imposer un quelconque délai.

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La décision de la Cour de cassation du 29 septembre 2014 tranche l'affaire. Se basant sur le fait que les CDD sont interdits (principe qu'il est bon de rappeler lorsque 80 % des embauches se font sous ce régime) sauf dans les cas autorisés par la loi, elle en conclut que l'interdiction est le principe et que l'autorisation doit être expresse. Et constatant que l'absence de délai de carence n'est prévue que pour une succession de CDD de remplacement, elle juge qu'entre un surcroit d'activité et un remplacement le délai de carence s'impose, même si le code du travail n'en parle guère. Nouvelle preuve qu'il n'y a pas de vide juridique pour la raison que dès qu'un vide se profile à l"horizon, il est aussitôt rempli par un principe. Reste à prendre des paris pour savoir si l'on utilisera le même que le juge.

11/04/2013

Les bras croisés

La salariée a été recrutée pour remplacer une employée administrative pendant un congé parental. Initialement prolongé, le congé a ensuite été abregé avec un retour prématuré dans l'entreprise de la salariée en congé. Le CDD de remplacement ayant été conclu de date à date, la remplaçante devait encore rester 4 mois à travailler dans l'entreprise. Le retour de la remplacée entraînant une nouvelle répartition des tâches au sein du service administratif, il fût demandé à la remplaçante d'exercer des activités différentes de celles effectuées jusque-là. Ce qu'elle refusa, restant assise les bras croisés derrière la remplacée revenue.

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Picasso - Femme assise aux bras croisés

Puis, au bout d'une semaine à ce régime, pendant laquelle elle exigea vainement de continuer à faire le travail de la remplacée, elle prit acte de la rupture du contrat, quitta l'entreprise et l'assigna en contentieux. La Cour d'appel puis la Cour de cassation lui ont donné tort. Comme souvent, les salariés confondent poste et emploi. Juridiquement, aucun salarié n'est attaché à son poste de travail. Il est tenu d'effectuer toutes les activités qui entrent dans sa qualification, laquelle détermine son salaire. Ainsi, il peut être imposé à tout moment à un salarié de prendre un nouveau poste, dès lors que celui-ci est compatible avec sa qualification. En l'espèce, la salariée a confondu le motif du contrat (le remplacement de Mme X) et l'objet du contrat (le travail, défini par la qualification d'employée administrative). Dès lors que le travail confié est un travail correspondant à la qualification, peu importe que le poste tenu soit ou non celui de la remplacée, qui aurait d'ailleur pu, elle aussi, se voir confier des tâches nouvelles correspondant à sa qualification, ce qui n'est pas une raison pour rester les bras croisés.

Cass Soc 27 mars 2013.pdf

16/03/2013

Oh, c'est court !

Si l'on en croit Albert Cohen, il peut s'en passer des choses, le temps d'un baiser :

"Elle s’est approchée de la glace du petit salon, car elle a la manie des glaces comme moi, manie des tristes et des solitaires, et alors, seule et ne se sachant pas vue, elle s’est approchée de la glace et elle a baisé ses lèvres sur la glace. Ô ma sœur folle, aussitôt aimée, aussitôt aimée par ce baiser à elle-même donné. Ô élancée, ô ses longs cils recourbés dans la glace, et mon âme s’est accrochée à ses longs cils recourbés. Un battement de paupières, le temps d’un baiser sur une glace, et c’était elle, elle à jamais."

Le temps court peut aussi être celui des basculements, des points d'orgue, des révélations, des pierres d'achoppement, des murs qui soudain s'élèvent ou des portes qui s'ouvrent. Un éclair, un instant, un fragment qui engage à tout jamais.

Certes.

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Mais quand il s'agit de travail, d'activité, de revenu, d'autonomie, le temps court est tout de même problématique. C'est pour cette raison que le Code du travail pose en principe que l'embauche doit s'effectuer en CDI, qui est la règle. Le CDD et l'intérim sont, par principe, interdits. Et ne peuvent être pratiqués que dans les cas d'exception prévus par la loi. Tout ceci est très bien, sauf qu'au troisième trimestre 2012, 81,7 % des embauches ont eu lieu en CDD (sans compter l'intérim donc). Voici une drôle d'exception, devenu largement majoritaire. Et une nouvelle leçon pour nos gouvernants, si préoccupés d'élaborer de nouveaux textes, qu'il faudrait peut être mettre un peu de cette énergie à simplement se contenter de faire appliquer ceux qui existent. Car au contraire du baiser, la fin du contrat marque aussi la fin de ses effets.

16/10/2012

Variabilité

Les étoiles variables, ce sont celles dont la luminosité n'est pas constante. Elles brillent avec plus d'éclat selon des intermittences moins prévisibles que la chute des feuilles à l'entrée de l'automne. Les étoiles variables sont des exceptions du ciel. Si l'on redescend sur Terre, on découvre que la variabilité est au coeur de débats récurrents. Et qu'à propos du coût du travail, il est fortement question de la variabilité de la masse salariale et donc de l'effectif. Le salarié  seule variable d'ajustement de la compétitivité ? c'est ce qu'affirme le MEDEF, qui propose pour relancer l'économie que l'on réduise le coût des charges sociales, que l'on allonge la durée des périodes d'essai, que l'on facilite le recours aux CDD et que l'on réduise les obligations des entreprises en matière de licenciement. Tout ceci faisant frein à l'emploi. Les arguments varient peu, ils étaient les mêmes dans les débats sur les 35 heures il y a 10 ans et les mêmes encore à la fin des années 70 pour lutter contre la crise qui s'installait.

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Eta Carinae - Etoile variable

Je me souviens de la mise en place des 35 heures : pour certaines entreprises, un véritable casse-tête car les coûts de main d'oeuvre représentaient la majorité de leurs coûts de production. Mais je me souviens aussi de ces entreprises où les coûts de main d'oeuvre représententaient 10 % des coûts de production, et la réduction du temps de travail 1% de ce coût. La tension n'était manifestement pas la même. Je me souviens aussi que si Pechiney a fermé des usines, ce n'était pas parce que les salariés coûtaient trop cher mais à cause du prix de l'aluminium sur le marché international. Faudra-t-il redécouvrir que le salarié n'est pas la seule composante des coûts de productions et que par conséquent coût de production n'est pas synonyme  de coût du travail contrairement à ce qu'indiquait ce matin Laurence Parisot ? faut-il rappeler que 80 % des embauches en 2011 ont été réalisées en CDD : que signifierait un assouplissement des règles ? que 100 % des embauches doivent être faites dans ce cadre ? faut-il rappeler qu'il y a eu 800 000 licenciements et 250 000 ruptures conventionnelles, soit plus d'un million de ruptures de CDI sur 18 millions de salariés. Faut-il en conclure qu'il est impossible de se séparer d'un salarié lorsque la conjoncture est difficile ? Enfin on rappellera que la loi a fixé à 8 mois la durée maximale des périodes d'essai pour les cadres et à 4 et 6 mois cette durée pour les non-cadres. Est-ce insuffisant pour apprécier la capacité de travail d'un salarié ? bref, ne peut-on constater que le salarié est déjà une variable d'ajustement et qu'il faudrait peut être profiter des scintillements alternatifs des étoiles pour porter de temps en temps ailleurs son regard lorsqu'il est question de coût du travail ?

29/09/2008

L'anomalie de la Tour Eiffel

Le contrat saisonnier se distingue du contrat à durée déterminée d'usage en ce qu'il porte sur des tâches normalement appelées à se répéter chaque année à des dates à peu près fixes, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs. Dans une décision du 17 septembre 2008, la Cour de cassation rappele la définition du travail saisonnier et refuse cette qualification à un chauffeur de carrière au motif qu'il est soumis à des variations climatiques. Elle avait déjà jugé, en décembre 2007, que la fabrication de pizzas surgelés ayant lieu toute l'année avec un pic d'activité à certaines périodes ne pouvait être une activité saisonnière (5 décembre 2007). La même décision avait été rendue à propos d'une usine de production de bière (9 mars 2005). La Cour de cassation refuse en effet que le simple pic d'une activité qui est continue sur l'année permette de conclure des contrats saisonniers et d'éviter le paiement de la prime de précarité (l'avantage du contrat saisonnier pour l'entreprise par rapport au surcroit d'activité est un coût inférieur de 10 % et la possibilité de ne pas avoir un terme précis).

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La Tour Eiffel de Paris, Texas.

Cette jurisprudence serait cohérente s'il n'y avait l'anomalie de la Tour Eiffel : en 1999 la Cour de cassation a estimé que le CDD conclu avec une caissière de la Tour Eiffel pour la période d'affluence des touristes était bien un contrat saisonnier. Or la Tour Eiffel est bien ouverte toute l'année avec des pics d'activité à certaines périodes. Pourquoi dès lors refuserait-on des contrats saisonniers aux grands magasins pour les périodes de solde ou à l'entreprise qui fabrique des climatiseurs et connaît des pics d'activité avant l'été ? si c'est parce que l'activité relève du secteur du tourisme, alors il fallait en conclure que l'entreprise devait faire un contrat d'usage, et non un contrat saisonnier. Concluons que l'affaire constituait un cas d'espèce...et qu'il s'agit d'une jurisprudence du siècle dernier qui a déjà beaucoup vieilli.