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31/03/2013

Vienne, ville rétrospective

Séjour à Vienne pendant le week-end pascal, attiré par la rétrospective Max Ernst, 180 oeuvres présentées à l'Albertina. Mais avant d'aller voir les toiles, la moindre des politesses est de partir se perdre dans les rues de la ville, de marcher, marcher, marcher et de regarder, sentir, humer, renifler, zyeuter, baguenauder, traîner et se laisser surprendre. Et ça n'a pas raté. Au détour d'un carrefour, sur une colonne Morris, tentant de confondre son gris avec celui des pavés, mais cela ne suffit pas pour passer inaperçue, une affiche annonçant une rétrospective, décidément, de Saul Leiter. Vienne, ville rétrospective.

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L'exposition se tient à la Kunsthaus, oeuvre de l'architecte, peintre, dessinateur, philosophe, marin, poète et diverses autres choses, Hundertwasser (dont je reparlerai). Les photos sont merveilleuses, avec quelques pépites que je ne connaissais pas, et sont accompagnées de gouaches dont certaines sont d'une extraordinaire qualité. Décidément, voici des gens fort sympathiques qui ne se laissent pas enfermer dans une catégorie. Dans l'exposition, même si tout est splendide, je cherche une photo, LA photo. Mais je ne trouve que ses cousines, tirées de la série intitulée Lanesville (1958).

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Ces photos de Dorothy Weaver, ce nom qui évoque la vague (wave) et le rêve (dream), sont magnifiques mais elles trouvent leur aboutissement dans ce que je tiens pour une des plus belles photos qui existe.

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Cette photo est un film, une peinture, un dessin, une photo, la vie. Elle raconte plus d'histoires que la Bible ou les Mille et une nuits. Celle de la mer, qui offre de son bleu d'éternité des couleurs de Sud à cet univers insituable.  Celle de cette voiture dont on ne sait si elle arrive, se prépare à partir, somnole comme la jeune femme, est abandonnée ou prépare soigneusement sa prochaine virée. Celle d'une herbe qui s'est donnée partiellement au soleil et à ses brûlures de hasard. Celle de cette jeune femme qui dort, ou qui rêve, peut être rêve-t-elle qu'elle dort, peut être s'est-elle assoupie dans l'attente, peut être son corps fait-il repos après s'être énivré d'un autre corps, ou bien se plaît-il à s'offrir, comme la nature, à l'astre solaire chargé de lustrer la peau moirée livrée à ses caresses. Et tout cela ne dit encore rien des secrets de l'image. Saul Leiter lui même disait : "Il me semble que des choses mystérieuses peuvent prendre place dans des lieux familiers". Saul Leiter fête cette année ses 90 ans.

15/11/2010

Vive la complexité !

Tout dans l'image invite à la rêverie : la mer, le sommeil, la langueur infinie de la fin d'après-midi, la douceur des couleurs. La géométrie des formes est invraisemblable : table ronde, angles droits, mer ourlée, courbes du corps, lignes horizontales du paysage, lignes verticales de la véranda. Le dégradé des couleurs est une féérie hasardeuse, comme souvent les fééries : bleu de la mer et de l'automobile, vert des arbres et de l'herbe, jaune orangé du pré et corps moiré qui fait pénétrer le soleil dans l'image. Et puis l'histoire ou plutôt les histoires. La jeune femme attend-elle celui que l'automobile annonce ? fait-elle repos au contraire après une conduite à vive allure sur les routes sinueuses de la côté ? son corps de sportive anglo-saxonne emprunte une toute orientale lascivité : où sommes-nous véritablement ? ici, on peut penser à Paul Morand, Paul Bowles ou se croire dans une BD de Loustal. Je tiens cette image pour l'équivalent de la tempête de Giorgione. Un chef d'oeuvre.

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Saul Leiter - Lanesville

Pour produire cette merveille, Saul Leiter a appuyé sur le bouton d'une boîte photographique. L'appareil photo est une machine complexe qui peut s'utiliser très simplement et livrer d'admirables résultats. Certes, l'on peut faire des utilisations sophistiquées et il existe des experts. Mais l'appareil est accessible à tous, quelle que soit la complexité interne.

On a beaucoup reproché au système de formation professionnelle sa complexité. En mélangeant tout. Qu'un système soit complexe, la belle affaire. Comment ne le serait-il pas alors qu'il se propose d'éduquer, d'intégrer, de reclasser, de promouvoir, de professionnaliser, d'accompagner, de réinsérer, de développer ou encore de qualifier des millions d'individus avec des moyens nécessairement diversifiés  et en sollicitant le concours d'acteurs multiples. Que le système soit complexe est consubstantiel à sa nature et après tout c'est l'affaire des professionnels que de veiller à ce que seules les complexités nécessaires se développent. Par contre, comme l'appareil photo, le système doit être simple pour l'utilisateur. C'est au professionnel qu'il appartient de se débrouiller avec la complexité et il faillirait à sa tâche s'il la reportait sur ceux pour le compte desquels il travaille. Tout l'effort des acteurs doit tendre non pas à partager sa technicité avec les bénéficiaires, objectif absurde, mais à favoriser la prise de décision autonome. A l'aune de ce critère, nous aurons progressé lorsque les entreprises et les salariés ne seront plus encombrés d'informations institutionnelles, juridiques ou jargonnantes (et souvent les trois à la fois) pour leur expliquer tous les dispositifs de formation mais lorsqu'on les informera à partir de leurs propres préoccupations et à partir de solutions clés en main. Ouvrir la boîte noire, ce n'est utile que lorsqu'elle ne marche plus ou en cas d'accident. Le reste du temps, il faut juste s'en servir en appuyant sur le bouton.