14/10/2014
Verni (pas) sage
L'actualité étant ce qu'elle est, les temps passés au bureau sont rares, pour ne pas dire inexistants. Et les soirées relativement studieuses. Et le retard dans les productions quasi-permanent. Bref, la vie normale du consultant qui s'obstine à travailler seul. Mais malgré les urgences, les affaires en cours, les engagements à tenir, il était impossible ce soir de résister. Impossible de ne pas accompagner l'ami qui me fit le cadeau de partager l'invitation au vernissage de l'exposition Sade, Attaquer le Soleil, présenté à Orsay. Impossible de ne pas aller voir le stupéfiant travail d'Annie Le Brun, commissaire générale de l'exposition, qui a sélectionné les 350 oeuvres présentées. Impossible de ne pas, dès la première salle, être saisi par les toiles de Franz von Stuck, qui fournit l'affiche de l'exposition.
Voilà une Judith inhabituelle. En principe vêtue pour laisser entendre que l'honneur est sauf et qu'elle va tuer sans avoir cédé à Holopherne qu'elle va décapiter (ce qui importe moins que le fait d'avoir succombé), elle est ici nue et Holopherne semble moins ivre que repu. Trois salles plus loin, une gravure ira encore plus loin, Judith profitant de l'extase d'Holopherne pour l'occire en pleins ébats. C'est qu'ici, les versions officielles le cèdent à la liberté qui surgit avec toute la force dont sont capables Masson, Picasso, Moreau, Molinier, Bellmer, Jean Benoît, Jean-Jacques Lequeue, Fragonard, Ingres, Delacroix, Cézanne, Degas, Bacon et quelques autres dans une présentation qui ne connaît aucune faiblesse. La cruauté, la violence, les passions, le désir, la luxure se mêlent et vous transportent. On sort lessivé, mais plus libre qu'avant. Avec une spéciale dédicace pour Michel Onfray, qui ne goûte guère Sade : sur le livre d'Or, une jeune femme a laissé ce mot "La main droite me brûle, je suis pourtant gauchère, merci". Messieurs, laissez vos femmes ou compagnes aller voir seules l'exposition Sade : elles le méritent.
00:00 Publié dans FRAGMENTS | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sade, onfray, exposition, peinture, orsay, judith, holopherne
04/11/2013
Encyclopédique
C'est le visage de cire d'André Breton qui vous accueille à l'entrée du Pavillon central de la Biennale de Venise placée cette année sous le thème du Palais Encyclopédique. Les yeux fermés car pour Breton le rêve, l'onirisme, constituent des chemins d'accès à la connaissance que ne fréquente guère la conscience.
Ce qui frappe dans les oeuvres présentées lors de la biennale, c'est l'omniprésence de trois thèmes : l'accumulation, l'enfermement et l'éros. L'accumulation car le savoir, la connaissance est un empilement, une profusion, une curiosité incessante qui avait conduit Cendrars à regretter qu'une vie entière de lecture ne suffirait pas à épuiser la plus grande des bibliothèques.
Mais cette accumulation débridée de savoir peut finir par perdre son sens, à saturer l'espace et à provoquer l'étouffement par l'encombrement, tout comme le cancer conduit à la mort par excès de vie et prolifération des cellules.
C'est pourquoi le souci de classer, d'ordonner, de hiérarchiser, de compiler méthodiquement le savoir a toujours existé. Ce souci d'ordonnancement est d'ailleurs le propre de l'Encyclopédie qui permet de remettre de manière intelligible la connaissance à disposition. Mais en choisissant une manière de structurer le savoir, on l'enferme dans un cadre d'analyse, on le réduit à un projet particulier, on l'oriente idéologiquement et finalement on enferme également l'individu dans ce quadrillage de la connaissance.
C'est ici qu'intervient l'éros, car l'éros c'est la vie comme le proclamait Marcel Duchamp, alias Rrose Sélavy. Il n'aura échappé à personne, depuis Adam et Eve, que la soif de connaissance est une curiosité qui relève de l'érotique et que la pulsion de vie ne saurait se réduire aux pulsions sexuelles. Qui en doute pourra consulter longuement les innombrables cahiers du bien nommé Othake qui associent photos, couleurs, passions, érotisme, politique, science, arts, passé, présent et tout ceci à la manière d'un enfant coloriant les livres comme il peint le monde aux couleurs nouvelles de sa singularité.
Au sortir de ce tourbillon d'images, de créations, de collections, de déferlements anarchiques, on peut se demander comment sortir de ce dilemme : l'appétit sans limite de tout et la folie qui inévitablement en résultera. Une solution possible est de s'en remettre aux muses qui allègeront l'envie, satisferont l'éros et éloigneront les prisons. Comme il se doit, celles qui se présentent pour ce faire sont japonaises.
11:48 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : biennale, venise, vacances, art, peinture, sculpture, exposition, encyclopédie, savoir
22/08/2013
Soleil
Pas si simple finalement la reprise. Le soleil, les rues de Paris au mois d'août, la douceur des soirées en terrasse, les expositions qui vont disparaître avec l'été et auxquelles il faudrait se rendre, comme le HEY ! Part II à la Halle Saint-Pierre, les rires d'enfants dans les parcs, la nonchalance qui occupe encore les esprits et les corps, tout cela n'incite pas à s'asseoir devant son ordinateur pour produire ce qui doit l'être. Sauf si le soleil, de temps en temps, vous y rejoint.
On connaissait la formule : " Aujourd'hui, je marche sur mes cils" pour exprimer une fatigue passagère. Il faudra désormais compter avec : "Depuis que j'ai recommencé à travailler, je tombe de soleil". En compagnie de qui est tombé du soleil, le travail est soudain plus léger.
14:08 Publié dans HISTOIRES DE CONSULTANT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : soleil, vacances, travail, voyage, japon, exposition, hey, halle saint-pierre, photo, lapsus
31/03/2013
Vienne, ville rétrospective
Séjour à Vienne pendant le week-end pascal, attiré par la rétrospective Max Ernst, 180 oeuvres présentées à l'Albertina. Mais avant d'aller voir les toiles, la moindre des politesses est de partir se perdre dans les rues de la ville, de marcher, marcher, marcher et de regarder, sentir, humer, renifler, zyeuter, baguenauder, traîner et se laisser surprendre. Et ça n'a pas raté. Au détour d'un carrefour, sur une colonne Morris, tentant de confondre son gris avec celui des pavés, mais cela ne suffit pas pour passer inaperçue, une affiche annonçant une rétrospective, décidément, de Saul Leiter. Vienne, ville rétrospective.
L'exposition se tient à la Kunsthaus, oeuvre de l'architecte, peintre, dessinateur, philosophe, marin, poète et diverses autres choses, Hundertwasser (dont je reparlerai). Les photos sont merveilleuses, avec quelques pépites que je ne connaissais pas, et sont accompagnées de gouaches dont certaines sont d'une extraordinaire qualité. Décidément, voici des gens fort sympathiques qui ne se laissent pas enfermer dans une catégorie. Dans l'exposition, même si tout est splendide, je cherche une photo, LA photo. Mais je ne trouve que ses cousines, tirées de la série intitulée Lanesville (1958).
Ces photos de Dorothy Weaver, ce nom qui évoque la vague (wave) et le rêve (dream), sont magnifiques mais elles trouvent leur aboutissement dans ce que je tiens pour une des plus belles photos qui existe.
Cette photo est un film, une peinture, un dessin, une photo, la vie. Elle raconte plus d'histoires que la Bible ou les Mille et une nuits. Celle de la mer, qui offre de son bleu d'éternité des couleurs de Sud à cet univers insituable. Celle de cette voiture dont on ne sait si elle arrive, se prépare à partir, somnole comme la jeune femme, est abandonnée ou prépare soigneusement sa prochaine virée. Celle d'une herbe qui s'est donnée partiellement au soleil et à ses brûlures de hasard. Celle de cette jeune femme qui dort, ou qui rêve, peut être rêve-t-elle qu'elle dort, peut être s'est-elle assoupie dans l'attente, peut être son corps fait-il repos après s'être énivré d'un autre corps, ou bien se plaît-il à s'offrir, comme la nature, à l'astre solaire chargé de lustrer la peau moirée livrée à ses caresses. Et tout cela ne dit encore rien des secrets de l'image. Saul Leiter lui même disait : "Il me semble que des choses mystérieuses peuvent prendre place dans des lieux familiers". Saul Leiter fête cette année ses 90 ans.
01:33 Publié dans DES IDEES COMME CA | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : vienne, autriche, photo, photographie, exposition, art, saul leiter, hundertwasser
14/08/2012
Classique
Entendu lors d'une visite à l'exposition consacrée à Eva Besnyo, au Jeu de Paume :
Elle : C'est très beau...
Lui : C'est classique
Elle : En 1930, ce n'était pas classique mais novateur...
Lui : C'est pour cela qu'aujourd'hui c'est classique.
Eva Besnyo - Nu - 1932
Certes, le terme "classique" renvoie à de multiples définitions qui désignent soit des époques (au choix l'Antiquité ou le 18ème), soit le conventionnel, soit une esthétique alliant qualité technique, rationnalité et harmonie, soit l'habituel ou encore ce qui relève de la tradition.
Si vous partagez son point de vue à lui, vous resituez l'oeuvre d'Eva Besnyo dans l'histoire de la photo, des photos vous en avez beaucoup vues et dans votre tête ces courbes, ces ombres, ces lignes, vous renvoient à tant d'oeuvres que tout cela vous paraît bien classique. Si vous partagez son point de vue à elle, l'histoire de la photo n'est pas venue importuner votre regard, vous êtes pris par l'instant que l'on vous offre, vous l'appréciez comme une prune sauvage dérobée à la nature et vous en goûtez malicieusement la beauté. Dans le premier cas, vous êtes classique, dans le second plus inclassable. Et comme souvent, le jugement porté en apprend davantage sur son auteur que sur l'oeuvre elle-même.
Les superbes photos d'Eva Besnyo sont visibles au Jeu de Paume jusqu'au 23 septembre.
23:38 Publié dans FRAGMENTS | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : exposition, paris, jeu de paume, eva besnyo, photo, photographie, nu
12/08/2012
Noir arc-en-ciel
Pour Johnny, pas de doute, noir c'est noir. Ben ouais quoi puisque c'est noir. Invitée par la Maison Victor Hugo à puiser dans les collections du musée, Annie Le Brun nous offre les Arcs-en-ciel du noir, au pluriel car un seul ne suffirait pas à présenter l'infini des nuances du noir dans lequel Victor Hugo a vécu, pensé, dessiné, peint, écrit. Si le noir romantique n'est pas absent, les encres et les écrits de Victor Hugo vont bien au-delà. Comme la lumière décompose la couleur, Annie Le Brun déploie l'éventail des noirs, nuancier sidérant qui saisit le visiteur. A s'approcher ainsi de Victor Hugo, on le découvre sous un jour nouveau, assez loin de l'auteur officiel engoncé dans son siècle, sa barbe et l'institution qu'il est devenue.
Et surtout Victor Hugo apparaît comme l'Encyclopédiste du XIXème siècle ou le savant du Moyen-Age et de l'Antiquité dont le savoir s'étendait sur de vastes disciplines. Pour Hugo, le théâtre, la littérature, la politique, la poésie, le dessin et les superbes encres qui semblent synthétiser le tout. Lorsque l'on embrasse tant, il se peut que certaines étreintes soient de second ordre ; c'est ce qui fera dire à André Breton : "Victor Hugo est surréaliste lorsqu'il n'est pas bête". Le compliment n'aurait peut être pas choqué son destinataire qui savait combien les potentialités inverses habitent l'homme. Pour l'heure, retenons "Nos chimères sont ce qui nous ressemble le plus" ou encore, plus approprié à la semaine qui s'ouvre "La pensée est le labeur de l'intelligence, la rêverie en est la volupté".
Cette semaine est la dernière pour aller voir le noir de plus près, clôture le 19 août.
23:54 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : victor hugo, littérature, arc-en-ciel, poésie, exposition, rêverie, volupté
29/05/2012
Actualité suspendue
Bien sur il y a le premier sommet social à Matignon, les plans sociaux qui sortent des cartons comme les loups du bois, la résistance du TGI de Créteil qui persiste à considérer que faire un plan social alors que l'on a pas de motif économique est une fraude à la loi et interdit à Leader Price de fermer des sites même si la Cour de cassation juge différemment, l'économie espagnole qui implose au point que la fière Catalogne pourrait tendre la sébille à Madrid et toutes les petites histoires du quotidien comme les lapsus que j'aime bien et cette responsable formation qui m'affirme qu'elle va "fermer les commerciaux", pardon elle va les former bien sur. Largement de quoi nourrir la chronique quotidienne. Mais non, sous le soleil revenu et dans les prémisses de l'été retrouvé, ce dont j'ai envie de vous parler c'est d'un peintre-ouvrier et d'un ouvrier-peintre. D'un artisan de l'art et d'un artiste de l'artisanat. J'ai envie de vous parler d'Esteban Martorell.
Esteban Martorell - La dame des quais
Soyons direct : il y a des rencontres qui vous marquent plus que d'autres. Parmi toutes les personnes avec lesquelles je travaille chaque année (720 personnes formées en 2011 si j'en crois mon bilan pédagogique et financier) il est des visages et des personnes qui ne marquent guère, d'autres qui s'estompent au fil du temps mais certains demeurent très présents. Soyons direct encore : je n'apprécie pas uniformément la peinture d'Esteban Martorell. Certaines oeuvres ne me touchent guère et d'autres le font davantage par ce qu'elles disent de leur auteur que par leur facture. Mais il y a les autres. Cette dame des quais par exemple, toile proustienne qui nous parle avec délicatesse du temps, du silence, de l'émotion, des barrières entre les êtres, de la solitude, du bonheur, du sud, de l'enfance et du passé tout en rendant l'immobilité d'une après-midi en Provence.
Esteban Martorell - La dame blanche la nuit
Ou cette Dame blanche, la nuit, toute droit venue des peintures naïves surréalistes qui vous revèlent les vrais poètes : ceux qui croient aux improbables survenances et sont capables de les susciter.
Esteban Martorell - La Canalette
Ou encore ces coquelicots, comme des bouches avides de baisers, dévoreuses de vie dans sa splendide cruauté.
Esteban Martorell - Souvenir d'enfance
Ou comme ces oranges de l'enfance qui sont celles du paradis. Et comme il n'est pas question de quitter ce paradis, l'actualité ce jour sera suspendue. Et pour prolonger le plaisir, vous pourrez retrouver les toiles d'Esteban Martorell cet été au Château de Marsillargues (Gard) du 12 juin au 13 juillet, puis vous les retrouverez du 9 août au 31 août au Palais des Congrès, aux Saintes-Maries de la Mer. Une bonne raison, s'il en fallait, pour faire un détour par la Camargue. En attendant, vous pouvez aller le saluer ici : Esteban Martorell.
00:24 Publié dans FRAGMENTS | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : esteban martorell, peinture, camargue, artiste, ouvrier, exposition, été, actualité
30/12/2011
L'art de la synthèse
On fait souvent le constat que Platon, en distinguant le monde des idées du monde matériel, a ouvert la porte au dualisme dans lequel s'engouffreront d'abord le christianisme, qui distingue l'âme et le corps (et parfois rajoute l'esprit dans une tentation trinitaire) puis du rationnalisme de Descartes qui institue l'esprit, distinct du corps, comme la seule réalité dont il n'est possible de douter (le fameux : "je pense donc je suis", qui constitue la négation d'un improbable : "je corpore donc je suis"). Ce dualisme imprègne nombre de nos pratiques : ainsi la médecine du corps n'est pas celle de l'esprit (chirurgiens et psys n'ont que peu en commun), le Quotient intellectuel a vu surgir un Quotient émotionnel, la théorie est encore et toujours opposée à la pratique, et nos catégories de pensées avancent souvent par opposition duale. Ces oppositions sont pourtant souvent réductrices et stériles et devraient laisser place à la recherche de la synthèse. En voici une, fournie par un moine dominicain du 15ème siècle, Fra Angelico.
Dans le couvent San Marco, à Florence, un escalier conduit au premier étage aux cellules des moines. Lorsque vous gravissez les dernières marches, vous êtes happé par l'Annonciation peinte sur le mur extérieur d'une cellule. L'Annonciation, c'est le début de l'incarnation, le Verbe fait chair. L'esprit pénétrant dans un corps pour y incarner l'esprit. Difficile de faire plus entrelacé. Le tableau en rend compte : les éléments matériels, le jardin, la loggia, le tabouret, sont très présents mais ne s'opposent pas à ce que la fresque rende compte du mystère fondamental du christianisme. Le monde matériel et spirituel sont tout entier fusionnés.
Dans la cellule n°3, une seconde Annonciation. Plus dépouillée, plus hiératique, plus mystique encore que la première. C'est que la cellule est à la fois lieu de sommeil et de prière, donc de rêve. Le monde matériel est toujours présent, mais de manière plus discrète. Nous ne sommes plus dans le couloir mais au coeur de l'intimité. Les pigments prennent des teintes pastels pour s'accorder avec douceur aux murs blancs et à la robe blanche du frère qui séjourne en ce lieu. Le corps incarné est un peu plus esprit que celui du couloir d'accueil.
Et voilà comment des peintures qui ont plus de 5 siècles viennent nous rappeler que la pensée duale d'opposition est une impasse dans laquelle on s'engouffre par facilité. L'Annonciation est une invitation à penser les liens entre les opposés et à considérer que s'il doit y avoir vérité, elle est à rechercher du côté des articulations et non des oppositions. C'est à la connaissance par l'art de la synthèse que nous invite l'art de Fra Angelico.
NB : Vous pouvez retrouver la lumière de Toscane dans les peintures de Fra Angelico à Paris, au Musée Jacquemart André jusqu'au 16 janvier 2012.
00:29 Publié dans FRAGMENTS, TABLEAUX PARLANT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fra angelico, peinture, toscane, florence, jacquemart-andré, exposition, dualisme, philosophie, platon, descartes
02/04/2011
Chronique de week-end : l'énigme de l'extase
Pour cette chronique de week-end, retour sur une exposition tenue en début d'année dans la chapelle du Musée d'Art et d'Histoire de Saint-Denis. Ernest Pignon-Ernest y présentait "Extases" ou le mystère des mystiques. Elles se nomment Hildegarde de Bingen, Marie-Madeleine, Angèle de Foligno, Catherine de Sienne, Marie de l'Incarnation, Thérèse d'Avila et Mme Guyon. Elles meurent de ne pas mourir.
On les dit mystiques et tentant par l'extase d'échapper à leur corps, qui du coup peut s'exposer sans choquer en la Chapelle, puisqu'il s'agit de sortir de ce corps, de se désincarner pour s'incarner en Dieu. C'est du moins ce qu'on leur fait dire. Il vaudrait mieux les écouter. Hildegarde par exemple, qui dit exactement l'inverse : "O homme, tu as en toi le Ciel et la Terre, fais de ce monde un Ciel sur la Terre".
Mais alors les corps ne seraient pas l'idée, ils seraient bien là, présents, et la chair extatique incarnerait la jouissance du corps en ces instants d'abandon où le plaisir et la douleur peuvent s'assembler pour porter le corps non pas hors de lui-même mais au plus profond de lui-même. Ne vous y trompez pas, toutes ces femmes regardent vers l'intérieur et ne deviennent universelles qu'en allant au bout de leur passionnelle singularité.
Parole de Thérèse : "Ce qui importe avant tout, c'est d'entrer en nous même pour y rester seul avec Dieu". Dieu est un ami, et même plus. Marie de l'incarnation, dans ses prières, appelle Jésus "mon bien aimé".
Peut-on faire plus incarné que Catherine de Sienne qui affirme : "Tu es ce qui n'est pas. Je suis ce que je suis". Ces femmes là n'ont pas le mysticisme étéré que l'on voudrait leur prêter. Elles sont charnellement et spirituellement présentes à la sensation que leur corps ne fait pas qu'exprimer mais vit pleinement. Ces femmes ont toute connaissance et le revendiquent. Angèle de Foligno : "le premier pas est la connaissance du péché ; par elle, l'âme craint fort d'être damnée en enfer. En ce pas, l'âme pleure amèrement". Corps et âmes donc, bien sur, mais en pleine conscience de l'abandon et du plaisir de la sensation physique de l'amour comme forme ultime de la connaissance.
22:29 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : extases, ernest pignon-ernest, peinture, dessin, saint-denis, exposition, énigme, mystique, sainte-thérèse
28/01/2011
Acteur dirigé
L'exposition Basquiat, initialement présentée à Bale, est visible au Musée d'art moderne de Paris jusqu'au lundi 30 janvier. On peut y apprécier la redoutable créativité d'un jeune homme qui fut un véritable citoyen du monde tant la mixité culturelle lui est naturelle. Aux frelatés de l'identité nationale on conseillera de réserver une paire d'heures ce week-end pour s'ouvrir les chakras.
La visite de chaque toile est un voyage dans les couleurs, le mouvement, les symboles, les associations, comme l'on avancerait dans un livre avec le plaisir d'en parcourir les pages et le désir qu'il ne finisse jamais.
Parmi les surprises qui ne manquent jamais de surgir en de telles occasions, celle-ci. Au détour d'une toile une caméra qui filme un "subject". La surprise vient du fait que la caméra doit plutôt filmer des acteurs, mais voici que le dit acteur est ici réduit au rang de sujet.
Jean-Michel Basquiat - Zydeco - 1984
Cette position de l'acteur devenu marionnette-sujet sous le pinceau de Basquiat interroge alors que depuis 2003-2004, il n'est question dans les textes législatifs ou conventionnels consacrés à la formation que de "salarié acteur". Que fait l'acteur dans un film ? ce que lui demande le metteur en scène, qu'en anglais on nomme le Directeur d'acteurs. Etre acteur c'est évidemment être dirigé et jouer un rôle. Pour ceux qui pensaient qu'être acteur renvoyait à plus d'autonomie traduite par une prise en compte des motivations personnelles et la reconnaissance de chacun, il est vraiment nécessaire de faire un détour par l'exposition Basquiat avant lundi pour apprécier le lapsus sémantique qui se cache derrière la notion de salarié acteur.
00:06 Publié dans TABLEAUX PARLANT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : basquiat, acteur, salarié acteur, formation, ressources humaines, management, cinéma, exposition, peinture
10/10/2010
Indépendance de la valeur
Surgie du noir le plus profond, elle vous toise et ses yeux vous en imposent sans besoin de croiser les vôtres. L’enfance est en ses joues, la détermination raffinée barre son front, ses principes s’incarnent dans son port, la rigueur de son esprit lisse sa coiffe, la sensualité est la nature même de la belle milanaise. Qu’elle fut la maîtresse de Sforza importerait peu si cela n’avait suscité chez l’amant la commande que Léonard et son atelier surent mettre à profit pour faire jaillir l’envoûtant chef d’œuvre. En quoi l’acte marchand initial disqualifierait-il en quoi que ce soit la beauté de la belle ferronnière ?
Léonard de Vinci - La belle ferronnière - 1497
J’ai souvenir d’un directeur d’école annonçant aux étudiants lors d’une rentrée que ce qui n’a pas de prix n’a pas de valeur. Il fallut à la fois lui rappeler que l’amour et l’amitié existent aussi sur terre et plusieurs semaines pour dissiper la stupeur des étudiants. Mais faut-il pour autant, comme nous y invite Annie Le Brun, inverser la proposition et considérer qu’il ne faut mettre de valeur qu’en ce qui n’a pas de prix ? faut-il ne voir derrière toute transaction marchande que sa version péjorative sous forme de marchandisation ? La visite de l’exposition France 1500, décidément à ne pas manquer, constitue une forme de réponse. On y voit, dans la France de la fin du Moyen-Age, des artistes et artisans flamands, français, italiens ou encore allemands, se déplacer vers les lieux de création, mêler leurs techniques, découvrir de nouveaux horizons, croiser les influences, inventer chacun au sein d’un mouvement de création collective de nouvelles formes et manières de les modeler. Comment tout cela fut-il possible ? par la commande publique et privée, par le mécénat, par l’attention portée à l’art et par l’existence d’ateliers qui ont bénéficié des moyens nécessaires pour aller au bout de leurs capacités. Alors ? alors l’équation est insoluble tout simplement parce que valeur et prix n’entretiennent aucun rapport entre eux et que persister à vouloir en établir un, c’est toujours réduire le sens donné au mot valeur. Qu’il y ait prix ou non, il ne saurait en toute hypothèse être une condition ni une mesure de la valeur qui doit s’établir au regard d’autres hiérarchies. C’est plutôt à ces dernières qu’il convient de s’intéresser. Avis aux organisations qui prétendent avoir des valeurs qu'elles affichent comme des prix.
19:12 Publié dans TABLEAUX PARLANT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : léonard de vinci, belle ferronnière, france 1500, valeurs, ressources humaines, prix, économie, peinture, exposition
08/10/2010
Du temps où le Roi avait des lettres
Imagine-t-on geste plus doux d'un amoureux envers l'aimée ? la personnification de la puissance, de l'histoire qui se fait et de l'autorité peut-elle avoir attitude plus délicate, bienveillante, attentionnée, en un mot amoureuse ? d'ailleurs la barbe du vieil homme n'est-elle pas soyeuse chevelure de femme ? Comme les indiens le faisaient avec les biches qu'ils tuaient, François 1er se penche sur Léonard pour aspirer son dernier souffle afin que vive l'esprit en lui. Et ce faisant, le regard du souverain exprime l'obligeance du pouvoir à la connaissance, l'humilité de l'épée devant la plume, le respect que le corps triomphant doit au cerveau qui le guide. Le tableau d'Ingres est un chef d'oeuvre que l'on peut admirer depuis le 6 octobre au Grand Palais à l'occasion de l'exposition "France 1500". Et au-delà du thème, vous pouvez simplement faire abstraction de tout et ne regarder que les mains présentes dans le tableau : elles vous content l'histoire.
Ingres - François 1er reçoit les derniers soupirs de Léonard de Vinci - 1818
L'admiration dans laquelle François 1er tenait les artistes, il l'exprimait ainsi : "Je peux faire un noble, je ne peux faire un grand artiste". Qui a un tel culte de la création doit nécessairement s'affranchir des entraves formelles. François 1er n'était pas très respectueux du protocole et, à l'annonce du partage des nouveaux mondes entre Espagnols et Portugais, il eut cette phrase qui pourrait nourrir toute les révoltes, qui comme chacun sait ne peuvent véritablement être qu'individuelles: "Je voudrais bien voir la clause du testament d'Adam qui m'exclut du partage du monde". N'y a-t-il pas dans cette déclaration royale la plus belle affirmation démocratique qui soit si toute femme ou tout homme se l'appropriait ? Certes si François 1er fut le promoteur des bibliothèques, il n'en fut pas moins censeur. Mais il faudrait perdre l'habitude de vouloir tout blanc les individus à qui l'on trouve quelques vertus. Constatons qu'il y a 500 ans, un Roi était l'ami des lettres et que l'on retrouve son cousin, Jacques de Savoie-Nemours, dans la Princesse de Clèves. Tout était-il donc différent d'aujourd'hui ? et oui, sauf peut être sur un point : François 1er aussi creusa les déficits.
NDLA : petit rectificatif, le tableau n'est pas présenté au Grand-Palais, il faut traverser l'avenue et se rendre au Petit-Palais pour pouvoir l'admirer.
01:04 Publié dans TABLEAUX PARLANT | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : françois 1er, france 1500, exposition, grand palais, léonard, de vinci, peinture, art, politique
27/09/2010
Singularité
Vous avez le sentiment d'avoir déjà vu cela. Les moyens mis en oeuvre ne vous paraissent pas nouveau. Se prendre pour modèle cela fait tout de même des siècles que l'on en sort pas, que peut-il donc en sortir de nouveau ? et que pourrait créer une jeune fille qui est entrée dans l'adolescence très rapidement et n'en est sortie qu'en même temps qu'elle prenait congé de la vie ? la question la plus troublante demeure pourtant celle-ci : pourquoi ce qui n'arrive pas à prendre de dimension chez la plupart devient tout à coup un chef d'oeuvre ? quelle différence entre des milliers de photos ou de peintures qui ne vous procurent aucune émotion et celle qui impose à vous sa singularité et vous trouble ?
Francesca Woodman
Tandis que se montent et se démontent les estrades de la semaine de la mode, que défilent de graciles jeunes filles qui ont appris à gommer leur sourire pour ne pas risquer de faire de l'ombre aux vêtements qu'elles doivent mettre en valeur, tandis que Milan s'offre aux projecteurs, dans le décrépi Palazzo de la Ragione se tient une rare exposition consacrée à Francesca Woodman.
Il serait trop rapide, et faux, de croire que les oeuvres de Francesca Woodman sont promues par la légende d'une jeune adolescente suicidée à New-York le 19 janvier 1981 à l'âge de 23 ans. Ce n'est pas la biographie ni le mythe de la jeune fille en fleur qui produit la grâce et le trouble des photos de Francesca, même s'il est évident qu'elle est un ange.
Ce qui produit inévitablement le chef d'oeuvre, c'est la singularité. Qui se construit dans la comparaison et la concurrence perd inévitablement de sa vérité. Celui, celle en l'occurence ici, qui ne s'en soucie guère a quelques chances de suivre son chemin propre. Voilà peut être pourquoi les mêmes actes produits par des individus différents ne produisent pas les mêmes effets.
Quant à Francesca, elle met plus d'élégance dans sa manière de s'effacer que ne pourront jamais en créer tous les couturiers milanais. L'exposition est présentée jusqu'au 26 octobre 2010.
01:01 Publié dans FRAGMENTS, TABLEAUX PARLANT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : francesca woodman, photo, photographie, singularité, management, art, exposition, milan, mode
06/09/2010
De la créativité
La Fondation Beyeler, à Bale, proposait jusqu'au 5 septembre une rétrospective consacrée à Jean-Michel Basquiat, mort en 1987 à 28 ans, dont le premier article qui lui fut consacré dans une revue d'art s'intitulait : "L'enfant radieux". En quelques années, Basquiat a produit plus d'un millier de toiles et un nombre plus important encore de dessins, collages ou graffitis. Dans chacune de ses oeuvres, la quantité d'énergie est inouïe. C'est ce qui frappe au premier abord. Et puis on peut entrer dans le détail. Des couleurs, des mots qui structurent les toiles, des figures, des supports, des techniques. Et l'on s'aperçoit que Basquiat peint à la fois l'Afrique, les caraïbes, la culture occidentale, l'Asie émergente (on est en 1981), les hispanos, les latinos, les negros et les WASP. Il associe la BD, le graffiti, le cinéma, la peinture, la publicité, la politique, le sport, les intellectuels de la vieille europe, la pensée à l'état sauvage. Prodigieuse synthèse d'un jeune homme au doux sourire qui dessine les mains en regardant sa main.
Basquiat - Skull - 1981
Les historiens le rappellent souvent : pour qu'une époque ou un territoire soit dynamique, il est nécessaire que les foyers d'innovation soient multiples, que les échanges entre eux soient intenses et que ces lieux soient ouverts aux apports extérieurs. Multiplicité, vitesse, curiosité, a priori favorable pour l'étranger, souci de transformation permanente, production continue. Quelques règles de base de l'innovation auxquelles nous continuons, sous prétexte du TGV, de l'Airbus et des centrales nucléaires, et en prenant soin d'oublier le France, le Concorde, le Rafale ou le char Leclerc, de préférer le modèle élitiste cenralisé et descendant. Basquiat, il était plutôt ascendant.
NB: L'exposition Basquiat sera présentée à Paris à partir du 20 octobre.
00:05 Publié dans TABLEAUX PARLANT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : basquiat, peinture, exposition, bale, innovation, créativité, graffiti, beyeler
23/07/2010
Deuxième surprise
En haut de l'escalier on dit bonjour au policeman. Il ne répond guère mais ses yeux ne vous quittent pas. Dans la grande salle une femme nue allongée sur un divan est très loin de vous. Ses pensées l'ont emportée. Dans l'autre salle, deux hommes eux vous regardent, vous fixent, vous traversent et vous devenez translucide. Pour cela, ils vous dérangent un peu. Déjà, au rez-de-chaussée, des chinois pétris dans la glaise grise, saisis dans une attitude de stupéfaction comme abasourdis par leur vie vous avait remué les tripes.
01:39 Publié dans DES IDEES COMME CA | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : evora, sculpture réaliste, art, exposition, jamie salmon, duane hanson
09/04/2009
De l'intention au naturel
Jean-François Rauzier est un photographe attachant : sensible, délicat, méticuleux, travailleur, talentueux, sa rencontre est un plaisir. Ses photos également, mais elles emportent moins l’adhésion que leur auteur. Beaucoup de détails, de sophistication, de symboles un peu trop évidents et convenus, de présences trop présentes et quelques fautes de goût. Et lorsque l’on apprend qu’il illustre les publicités d’une marque de Cognac, il n’y a pas vraiment de surprise. La composition ne parvient à échapper à l’artificiel.
Jean-François Rauzier - La cité Idéale
La cité idéale, inspirée de Pierro Della Francesca, ne nous parle guère. Par opposition, les photos de Guy Tillim sur l’Afrique, découvertes la veille, montrent une Afrique désolée, pleine de vie et de révolte, de misère et d’humanité, de tendresse et de douleur. Et la fin de siècle est plus sobrement, simplement et efficacement illustrée.
La confrontation des deux œuvres permet de constater que la sincérité de l’auteur ne suffit pas plus que sa technique. La volonté de bien faire n’y peut rien non plus. Il faut viser juste et savoir s’oublier, oublier sa technique, oublier son projet au profit du sujet. Dans le domaine des ressources humaines, l’action est d’autant plus belle et efficace que la technicité ne paraît pas, l’effort et la sophistication ont disparu, la simplicité s’impose et voile l’auteur même de l’action au profit de celle, ou de celui, à qui elle est destinée. Supprimer l’intention trop visible pour faire surgir un naturel, ce pourrait être la définition de la compétence.
00:21 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rauzier, tillim, photographie, peinture, exposition, vernissage, ressources humaines
09/02/2009
L'intellectuel et le charnel
Il ne paie pas de mine avec son crâne dégarni, ses lunettes cerclées, son costume pied de poule ou ses débardeurs ternes, sa silhouette un peu épaisse, un peu voûté, mal à l’aise manifestement avec son corps, l’air toujours absent, s’excusant d’être-là, et d’ailleurs y est-il vraiment ?
le regard exprime davantage l’irréalité que l’incarnation. Mark Rothko, sur les quelques photos que l’on connaît de lui, est un absent surpris par l’objectif qu’il semble ne pas comprendre. Cet homme a-t-il véritablement existé ? ses toiles le prouveraient, quelques écrits aussi, pour le reste, l’homme qui nous regarde ou regarde ses toiles est très improbable. Lui-même semble tellement douter de son existence qu’il nous est difficile de nous en convaincre.
Et pourtant…La Tate Gallery, à Londres, a présenté une exceptionnelle exposition Rothko qui s’est achevé le 2 février dernier. Les œuvres présentées étaient celles de la dernière période : couleurs mates, sombres, pleines de brun, de marron, de noir, de mauve et de pourpre. Et pourtant que de lumière, et pourtant que de vibrations, et pourtant quelle autre exposition ou peinture pourrait à ce point bouleverser le corps d’émotions inconnues ? quel peintre peut vous faire autant ressentir de manière immédiate, vous émouvoir aux larmes sans que vous ne compreniez vous-même pourquoi ? Le calme revenu, on se dit que Rothko le désincarné, Rothko l’intellectuel a du mener un combat physique extraordinaire avec un courage exemplaire pour parvenir à peindre ces grandes toiles qui vous absorbent et vous portent au-delà de vous-même. Ce combat physique, auquel nul n’a assisté, est le témoignage le plus évident que Rothko était avant tout un corps au travail, une incarnation magnifique et une faille dans l’espace-temps. Contrairement à toute apparence, Rothko était un athlète de la peinture qui jouait sa vie sur chaque toile. On sait ce qu’il advint mais toute une vie ne peut être relue à l’aune du dernier geste.
En regardant Rothko et ses toiles, souvenons-nous vraiment que l’apparence ne dit rien de la vérité d’un être, mais surtout que tout individu porte en lui des contraires et que sa vérité est moins dans le choix qu’il fait entre ses contraires que dans la dynamique qu’il sait créer entre eux. Le recruteur et le manager se rappelleront que les potentialités inverses existent chez tout individu et qu’il importe moins de repérer ces potentialités que d’envisager la manière dont elles se relancent entre elles. La pensée et le geste ne s’opposaient pas chez Rothko mais se dynamisaient l’un l’autre. Cherchons et préservons cette dynamique.
00:05 Publié dans DES IDEES COMME CA | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : rothko, londres, exposition, peinture, différence, management, recrutement
15/01/2009
Commentaire sur la rupture
Le mail se terminait par « Prenez soin de vous ». Il s’agissait d’un mail de rupture auquel Sophie Calle ne sut répondre. Elle demanda à 107 femmes de le faire pour elle en commentant, ajoutant, discutant, ce mail de séparation. Ces réactions furent regroupées pour donner naissance à l’exposition « Prenez soin de vous » accompagnée d’un livre éponyme paru en juin 2007.
Les partenaires sociaux ont eux même éprouvé le besoin de commenter les modalités de la rupture conventionnelle créée par l’accord du 11 janvier 2008 et généralisée par la loi du 25 juin 2008. Selon la loi, le salarié a droit lors de la rupture conventionnelle à une indemnité au moins égale à l’indemnité légale de licenciement. Les négociateurs de l’ANI du 11 janvier 2008 rappellent que cet accord précise « sauf dispositions conventionnelles plus favorables » ce qui signifie que c’est l’indemnité conventionnelle de licenciement qui est due lorsqu’elle est, ce qui est toujours le cas, plus favorable que l’indemnité légale.
Cette disposition n’ayant pas été reprise par la loi, l’obligation de verser l’indemnité conventionnelle ne s’applique que dans le champ des accords nationaux interprofessionnels, c’est-à-dire l’industrie, le commerce, les services et la construction, mais pas aux salariés des secteurs agricoles, de l’économie sociale (secteur mutualiste, associatif à but non lucratif, coopératif) ou des professions libérales. Peut être que si les négociateurs avaient été plus précis, notamment en affirmant que la rupture conventionnelle ouvrait droit à l’indemnité conventionnelle de licenciement, le législateur aurait repris à son compte la formulation et ainsi garanti l’égalité des salariés. Si le commentaire n’est pas sans effet, il apparaît tout de même un peu tardif. Tout rédacteur d'un accord doit lire Boileau avant et non après avoir écrit le texte : ""Ce qui se concoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément".
00:05 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rupture conventionnelle, indemnité, ani, sophie calle, exposition, livre