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29/06/2011

Pschitt ? pas sûr...

Après une nuit agitée, les DRH ont attendu l'heure dite et le juge délivra son verdict : le forfait en jours est un dispositif validé dans son principe par la Cour de cassation. Toute l'agitation entretenue à plaisir par les juristes gendarmes fait Pschitt et certains risquent de passer pour des clowns qui nous ont mené en bateau.

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Pourtant, a bien y regarder, les DRH ne devraient pas se réjouir trop vite. Car le juge en revient à une analyse que l'on ne peut qu'approuver et, au passage, remet en cause une jurisprudence un peu hâtive. Reprenons dans l'ordre. Si le forfait en jours est valide, c'est parce que les garde-fous (cherchez qui sont les fous) posés par le législateur sont suffisants pour éviter les abus. Ils sont au nombre de quatre :  la détermination des salariés concernés par la négociation collective, l'accord individuel du salarié, l'autonomie dans l'organisation des horaires et l'organisation d'un entretien annuel spécifique au cours duquel sont abordés la charge de travail, l'organisation du travail, l'articulation vie professionnelle/vie personnelle et la rémunération. Lorsque ces conditions n'étaient pas réunies, la Cour de cassation avait décidé que le forfait jour n'était pas remis en cause mais que le salarié avait droit à des dommages-intérêts. La décision du 29 juin durcit, logiquement, la sanction : si les conditions du forfait jours ne sont pas respectées, le forfait jours n'est pas valide. Et le salarié a droit à des heures supplémentaires. Voici donc les DRH contraints de vérifier les accords individuels et collectifs, de respecter l'autonomie dans l'organisation du travail des salariés en forfait en jours (sans leur demander d'être présents en tant que managers sur des plages horaires fixes) et d'organiser tous les ans un entretien au cours duquel il sera question d'argent. Comme quoi, un train peut en cacher un autre.

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Cour de Cassation - Arrêt 29 juin 2011 et communiqué de presse.pdf

28/06/2011

Nuit de cauchemar

C'est demain à 14 heures que la Cour de cassation mettra en ligne sur son site sa décision concernant les forfaits en jours. Attendue pour le début du mois, la décision a été reportée au 29 juin. Nous saurons alors si tous les salariés au forfait en jours de France et de Navarre doivent courir vers les prud'hommes pour demander 5 ans de rappel d'heures supplémentaires, si les organisations syndicales doivent saisir sans délai les directions d'une demande de renégociation sans précédent ou bien si le soufflet rapidement monté par le Comité européen des droits sociaux, largement alimenté en levure par les juristes qui prêchent souvent plus pour leur paroisse qu'ils ne se préoccupent de la situation d'individus singuliers et qui a été tenu au chaud depuis le début de l'année, retombera ou non. Il paraît que les DRH vont passer une mauvaise nuit dans l'attente du jugement.

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John-Henry Fuseli - Le cauchemar

Rendue à la fin du mois de juin, cette décision fera peut être oublier qu'au 1er juillet, pour la cinquième année consécutive, le SMIC ne sera pas revalorisé et que seule l'augmentation légale s'appliquera. Augmenter le SMIC serait une erreur économique a déclaré François Fillon...comme chaque année puisqu'invariablement le niveau du SMIC est présenté comme le pire ennemi de l'emploi. Mais pendant que les deux millions de smicards récupèreront 2 % d'augmentation légale, soit 70 euros par mois, toute l'attention sera tournée vers les cadres qui pourront peut être bénéficier d'un super bonus, si le juge le veut bien. Bonne nuit à tous.

27/06/2011

Peur du gendarme

L'argument dépasse le clan des juristes. Ils gagnent jusqu'aux managers, tétanisés par le mot "responsabilité" qui fait pourtant partie intégrante de leur fonction et, par ailleurs, justifie leur statut et leur rémunération. Impossible de travailler sérieusement sans que la peur de la sanction ne parasite les débats : on prépare une réunion du CE ? risque pénal de délit d'entrave ; on travaille sur les pratiques manageriales ? risque pénal de harcèlement ; pourquoi faut-il tout d'un coup négocier alors que le dialogue social est atone ? parce qu'il y a un risque de sanction ; on prend une décision envers un salarié ? le prud'homme rôde ; on s'interroge sur la politique formation ? ah non, on ne s'interroge plus depuis que l'on a compris, du moins il semble, qu'il n'y a pas de risque juridique ou financier associé au compteur DIF. Est-il possible de trouver plus médiocre facteur de motivation que la motivation négative de la sanction ? d'autant que le risque que l'on met en avant est plus souvent un risque théorique déconnecté du risque réel.

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Dado - Police végétale - 1994

Deux chiffres : les contentieux prud'hommaux sont en très faible augmentation depuis 20 ans et culminent à 220 000 affaires nouvelles par an, à rapporter aux 800 000 licenciements (pour ne parler que ce cette forme de rupture) et aux millions de décisions prises par les employeurs. Quant aux sanctions pénales, 1 million de procès-verbaux d'inspecteurs du travail permettent d'initier un peu plus de 15 000 poursuites pénales, le plus souvent pour du travail dissimulé, des fraudes à l'hygiène et à la sécurité ou des accidents du travail graves.

Si l'on veut apprécier le risque réel, il faut multiplier le risque théorique par la probabilité de contentieux au regard du contexte de l'entreprise. Pour le reste, si l'on veut se faire peur avec le gendarme, il faut retourner chez Guignol et une fois la peur évacuée, on pourra véritablement travailler sur de la motivation positive.

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23/06/2011

Quitte ou double

La prise d'acte de la rupture du contrat de travail connaît un succès croissant : harcèlement, modification unilatérale du contrat, non paiement d'heures supplémentaires, ...toute faute de l'employeur peut être propice à un départ du salarié, qui cherchera ensuite à obtenir devant le Conseil des prud'hommes des dommages et intérêt pour licenciement injustifié. La formule peut s'avérer intéressante pour le salarié et certains ne résistent pas à l'envie de tenter leur chance devant le juge. Mais comme au Casino, il est possible de perdre sa mise devant le juge. La prise d'acte est souvent un dangereux quitte ou double.

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Marce Ferrero - Quitte ou double

Le salarié peut certes réaliser la martingale : indemnités pour licenciement injustifié, assurance chômage et divers préjudice (perte de la possibilité d'utiliser le DIF, etc.). Mais il peut aussi perdre gros. La Cour de cassation, dans une décision du 8 juin 2011 vient de condamner un salarié dont la prise d'acte est qualifiée de démission, à indemniser son employeur pour préavis non effectué. Et ce salarié devra en plus rembourser les indemnités d'assurance chômage qui lui ont été versées par provision. Au final, tout cela lui coûtera bien plus cher qu'une démission. Sans doute les juges ont-ils voulu sanctionner à la fois un salarié qu'ils estimaient de mauvaise foi et donner un signal à tous ceux qui seraient tentés par l'aventure : ce n'est pas à tous les coups que l'on gagne.

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22/06/2011

Quel bateau ?

A un an de la présidentielle, l'ANDRH relance le débat sur le contrat de travail unique. Fini les CDD divers et variés, place au contrat à durée intédéterminée unique dans lequel les droits s'acquièrent progressivement en fonction de l'ancienneté et qui fait place à un nouveau motif de licenciement : la fin de l'activité pour laquelle on a été recruté.

Le débat sur le contrat de travail unique doit être réouvert. Mais suivant l'architecture que l'on retient, il peut être porteur de résultats strictement opposés. En d'autres termes, le contrat de travail unique peut favoriser l'intégration de tous en actant que les salariés sont dans le même bateau, ce qui ne s'oppose pas à la diversité comme le prouve l'arche de Noé.

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Chagall - L'Arche de Noé

Dans cette perspective, le contrat unique est le contrat de droit commun, celui qui garantit le mieux l'existence d'une communauté. Ses vertus intégratrices en font un modèle souhaitable.

Mais à l'opposé, le contrat de travail unique peut également être le vecteur d'une revisitation du droit du travail pour le ramener à sa plus simple expression. Ainsi certains thuriféraires du contrat unique souhaitent la disparition des obligations de reclassement ou de la notion de licenciement économique.

A titre d'exemple, on peut s'interroger sur le fait que dans le contrat de travail unique les droits progressent avec l'ancienneté : il serait contradictoire de souhaiter une plus grande fluidité du marché du travail et faire dépendre le niveau des garanties de la durée du contrat.

Ce n'est donc pas tant le principe du contrat de travail unique qui doit être discuté, dans un de ces affrontements binaires (pour ou contre ?) qui interdisent toute réflexion, mais les modalités de sa mise en oeuvre. Ce chantier là est indispensable pour savoir si le contrat unique fait monter tous les salariés dans un même bateau qui leur évitera le déluge ou s'il s'agit plus simplement de les mener en bateau.

07/06/2011

Double jeu

A quelques jours d'intervalle, la Cour de cassation et le TGI de Nanterre viennent de se prononcer dans le même sens à propos de la représentativité de la CFE-CGC. L'organisation catégorielle bénéficie, on le sait, d'un privilège de représentativité : elle n'est calculée que sur le second collège ou bien sur le second et troisième collège lorsqu'il y en a trois. Si elle atteint 10 % des voix dans ces collèges, qui sont ceux dans lesquels elle peut présenter des candidats, elle est représentative. Et si elle obtient 30 % des voix, elle peut conclure des accords catégoriels. Mais quid lorsque la CFR-CGC obtient 30 % sur l'ensemble des collèges, alors qu'elle ne peut présenter de candidats dans le premier. Est-elle dès lors en capacité de conclure un accord non catégoriel, pour l'ensemble des salariés de l'entreprise ? autrement dit, peut-elle jouer un double jeu catégoriel et intercatégoriel ?

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Jacques-Henri Lartigue - Exposition Double Je

Oui répondent la Cour de cassation (31 mai 2011) et le TGI de Nanterre (20 mai 2011). Faisant primer la lettre du texte sur la logique catégorielle, les juges considèrent que toute organisation qui représente au moins 30 % des voix peut valablement signer seule un accord, et que lorsque elle n'atteint pas 30 % des voix, son pourcentage au niveau de l'entreprise doit être pris en compte pour des accords intercatégoriels.

De ce fait, deux taux de représentativité doivent être calculés à la CGC : le premier pour sa représentativité et les accords catégoriels dans les collèges dans lesquels elle a vocation à présenter des candidats, et le second au niveau de l'entreprise pour la signature d'accords intercatégoriels.

Pas certain au vu des avantages qui en résultent, que la base soit toujours d'accord pour suivre la stratégie de l'actuel président de la CFE-CGC qui souhaiterait que l'organisation abandonne son caractère catégoriel et devienne un syndicat susceptible de représenter tous les salariés de l'entreprise. Les juges auront en tout cas relancé le débat.

26/05/2011

Du nomadisme syndical

Comme les équipes sportives, le paysage syndical connaît des périodes de transfert. La valse des étiquettes n'est pas un mercato, quoi que, mais il n'est pas rare de voir un élu, ou un syndicat, se désaffilier pour se réaffilier ailleurs. La Cour de cassation a rendu le 18 mai dernier plusieurs décisions pour affirmer quelques principes. Tout d'abord, solution ancienne, le nomadisme syndical ne fait pas perdre leur mandat aux élus. Sécurité des élections et liberté syndicale obligent, l'élu FO qui passe à la CGT devient un élu CGT. Pour autant, le fait qu'il ait été élu sous l'étiquette FO n'est pas sans conséquence. D'un double point de vue.

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André Masson - Un nomade à Paris

Tout d'abord, le syndicat qui a été élu sous une étiquette confédérale ne peut apporter son score à une autre confédération. En l'espèce, un syndicat affilié à la CFTC qui a obtenu plus de 10 % des voix aux élections et se trouve donc représentatif, adhère à l'UNSA, qui n'a pas franchi ce seuil. L'UNSA ne devient pas représentative et la CFTC le reste si elle dispose d'une section syndicale ou en remet une en place. Solution logique qui fait prévaloir l'étiquette sur la personne, dès lors que seules les organisations présentent des candidats et que la représentativité est calculée sur le total des voix de la liste et non des candidats.

Ensuite, les nouveaux élus, qui siègent sous leur étiquette nouvelle, permettent-ils à l'organisation nouvelle de désigner des représentants syndicaux au Comité d'entreprise, cette désignation étant assujettis à la condition d'y avoir deux élus. Réponse négative. Il faut avoir deux élus sous sa bannière pour pouvoir procéder à cette désignation.

Voilà donc un nomadisme sans beaucoup d'effet : si les nomades siègent sous les couleurs de leur nouvelle organisation, ils ne lui apportent aucun des avantages liés à l'élection elle-même. C'était la contribution de la Cour de cassation a la dépersonnalisation de la démocratie sociale. Que ne lui confie-t-on la démocratie politique.

24/05/2011

Nullité créative

La Cour d'appel de Paris fait de la résistance et oeuvre de créativité. Dans une décision en date du 12 mai 2011, elle vient de tenir le raisonnement suivant : lorsqu'un licenciement économique est dépourvu de motif, la consultation sur le plan de sauvegarde de l'emploi qui en découle est nulle. Elle doit donc être de nulle effet,  ce qui interdit tout licenciement qui s'en trouve par là-même frappé de nullité. Autrement dit, lorsqu'un licenciement économique est dépourvu de motif, il entraîne nécessairement la nullité du PSE qui a pour conséquence la nullité du licenciement. Nul, c'est nul et basta !

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Jan Henderikse - Nul (zéro)

On sent le juge agacé par la configuration de la loi qui sanctionne plus durement l'entreprise qui licencie avec un motif mais ne fait pas suffisamment d'efforts pour le PSE, que celle qui licencie sans motif mais fait des efforts de reclassement suffisants. Dans le premier cas, le licenciement est nul, dans le second il est seulement injustifié, ce qui ne permet pas la réintégration et réduit les droits à indemnisation. C'est le choix du législateur : la liberté de gestion est préservée mais l'entreprise doit assumer les conséquences sociales de ses décisions. Et l'on contrôlera d'autant plus drastiquement la responsabilité sociale que l'on ne contrôlera quasiment plus le motif économique. C'est en s'opposant à cette évolution que la Cour d'appel de Paris fait de la résistance. Il est douteux que la Cour de cassation la suive sur ce chemin créatif, mais en ce domaine comme en d'autres, l'espoir n'est pas nul.

23/05/2011

Absente absinthe

La vie professionnelle s'invite souvent à la table de la vie personnelle, tant le temps de travail d'une société des services et de l'information peine à se couler dans le moule de la gestion de la force de travail industrielle. Mais l'inverse est aussi vrai. La vie personnelle fait des apparitions au coeur de la vie professionnelle et ouvre des débats sans fin sur la manière dont tout ceci doit être géré. Le 19 mai dernier, le Comité consultatif national d'éthique a rendu public un avis dans lequel il invite les entreprises, au nom de leurs obligations en matière de santé au travail, à lister tous les postes pour lesquels il faudrait procéder à un dépistage de la consommation d'alcool ou de produits illicites. Vérifier l'absence d'absinthe donc.

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Jean Bereau - Buveurs d'absinthe

Si l'on comprend la finalité, le chemin pris place l'entreprise dans une situation impossible. Que doit-elle contrôler ? l'abstinence d'alcool ? jusqu'à quel degré ? et que faut-il entendre par produit illicite ? le joint du matin ou le rail de coke ? et quid de la boîte de lexomil avalée dans le bol de café, les champignons hallucinogènes consommés en guise de petits LU ou des hectolitres de café qui génèrent quelques réflexes parkinsoniens ? tout salarié devient-il potentiellement un coureur du Tour de France qui doit déposer sa salive, en attendant de donner son sang ?

En ce domaine toujours difficile à gérer, j'ai souvent recommandé de gérer la conséquence plutôt que la cause. C'est à dire le comportement du salarié au travail plutôt qu'un état personnel. Pour plusieurs raisons : il est dangereux de demander à l'entreprise de s'intéresser aux états et non aux comportements ; en l'absence d'ailleurs de comportement problématique, que reprochera-t-on au salarié ? et où faire passer la frontière des produits à contrôler ? sans parler du fait que dans certains cas c'est l'absence de consommation qui génèrera le risque et non l'inverse.

Insoluble donc cette question des consommations illicites ? peut être pas mais certainement pas en faisant peser sur l'entreprise la responsabilité de gérer globalement la santé du salarié sous prétexte qu'il est au travail. A perdre de vue l'objectivité du comportement extérieur on s'expose à entrer dans les zones brumeuses des vapeurs de l'absinthe. Et à cet endroit, le droit n'a plus sa place.

17/05/2011

De l'inutilité

Hugo Pratt, le rêveur qui racontait la vie de Corto Maltese, a évoqué quelques souvenirs, mais comment se fier à la mémoire d'un rêveur, dans un livre d'entretiens intitulé : "Le désir d'être inutile". La poésie de la formule ne laissera pas insensibles les nostalgiques du fils de la gitane sévillane et du marin des cornouailles. Le désir d'être inutile peut être une tentation passagère ou plus lancinante qui nous allège et nous libère. Ce désir est une gourmandise.

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Quelques députés ont cédé à la tentation. En déposant un projet de loi pour faire entrer la prise d'acte dans le Code du travail, ils font oeuvre inutile. Que l'on en juge par leur proposition qui propose de qualifier la prise d'acte de démission ou de licenciement selon le cas. En d'autres termes, on créé une modalité de rupture du contrat de travail qui renvoie à deux autres modalités préexistantes. On pourrait ainsi créer le contrat de travail salarié qui serait un contrat conclu soit en CDI soit en CDD. La clarté du droit y gagnerait certainement. Le propre du droit étant de qualifier, définir une catégorie juridique par référence exclusive à deux autres tient du tour de force et surtout de l'incompétence.

A lire le texte toutefois, l'on s'aperçoit qu'il s'agit de limiter cette insupportable liberté du salarié de pouvoir quitter l'entreprise a tout moment en cas de faute de l'employeur. Nos valeureux députés utiles s'emploient à lui compliquer la vie : la charge de la preuve pèse sur lui, le doute ne lui bénéficie pas, transformation systématique de la prise d'acte requalifiée en démission, de démission abusive puisque le salarié devra payer une compensation pour le préavis non effectué, etc. Sur leur lancée les députés se proposent de détricoter le droit du licenciement en permettant à l'employeur de prendre acte de la rupture du contrat, comme  si en ce domaine les deux parties devaient être à égalité. Rappelons à nos députés que ce n'est pas tout à fait par hasard si le licenciement doit être motivé et que la démission n'a pas à l'être. Le temps qu'ils pourraient consacrer à comprendre cette différence serait du temps en moins qu'ils consacareraient à des projets de loi inutiles. Du temps devenu utile, donc.

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prise d'acte, rupture, démission, licenciement,  corto maltese, hugo pratt

Corto Maltese et le temps utile

05/05/2011

On peut l'ouvrir

Deux décisions récentes viennent réaffirmer que la liberté d'expression ne s'arrête pas aux portes de l'entreprise, et que la loyauté qui s'impose au salarié ne signifie l'obligation d'adopter le langage de la communication  interne ou de se sculpter une langue de bois en plomb.

Dans la première affaire, un cadre du service commercial critique la stratégie suivie par l'entreprise, ce dont témoignent plusieurs collaborateurs. Il est licencié pour faute grave. A tort, selon la Cour d'appel de Rennes. Les critiques émises n'ont pas dépassé la liberté d'expression du salarié et le salarié n'a pas fait obstacle aux décisions prises par l'entreprise (voir texte de la décision ci-dessous).

Dans une deuxième affaire, un footballeur professionnel est licencié pour avoir critiqué l'entraîneur en des termes vifs. Injustifié dit la Cour de cassation : le joueur avait été attaqué par son entraîneur dans la presse et n'avait fait que répliquer. Il a donc eu raison de l'ouvrir.

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Mais le plus intéressant, est la motivation utilisée par la Cour de cassation : "Mais attendu que, sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression, à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherche peuvent être apportées.".

En d'autres termes, le principe est la liberté d'expression et non un quelconque devoir de réserve  ou obligation générale de confidentialité qui réduirait le salarié au silence. Et à ce principe il ne peut être apporté que des exceptions justifiées.

Sain rappel que celui des tribunaux qui confirment que l'humain, doté de la parole, peut aussi s'exprimer dans le cadre et au sujet de son activité professionnelle. Cela va mieux en le disant.

Un cadre peut critiquer les choix stratégiques de son employeur.pdf

CourCassation28 avril 2011.pdf

02/05/2011

Trois manières d'être français

Les responsables du football français auraient envisagé des quotas discriminatoires. C’est peu dire que l’affaire fait grand bruit, jusque sur ce blog, plutôt adepte du ballon ovale. Bon allez d’accord. Il ne s’agit pas de limiter le nombre de noirs et d’arabes dans les centres de formation et sélections nationales, mais de limiter le nombre des binationaux. Qu’ils soient à 99 % noirs et arabes et que cela constitue très précisément une discrimination indirecte telle que définie par les tribunaux européens et français n’est qu’une pinaillerie de juriste coupé de la réalité du foutebol.

Clameurs, protestations, démentis, les intéressés s’insurgent, s’excusent et s’expliquent : il n’est pas normal que des joueurs formés en France, sélectionnés dans des équipes de France de jeunes puissent ensuite jouer pour une autre sélection nationale à l’âge adulte : « Cela me gêne énormément » dit Laurenc Blanc qui fut un temps présenté comme Monsieur Propre et pas seulement pour son son nom ou son teint.

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Nicolaes De Staël - Footballeurs 1952

Osons quelques rappels : d’une part cette possibilité offerte aux binationaux est une règle internationale qu’il conviendrait peut être de respecter plutôt que de la contourner. Et si elle n’est pas adaptée, il faut la changer. D’autre part que le foot est un sport professionnel et que la formation est financée dans ce cadre. Sa proposition, étendue au-delà du ballon rond, reviendrait donc à déclarer que tout étudiant formé dans une Université ou Ecole française ne peut travailler que pour des entreprises françaises ou plus généralement pour la France, puisqu'il se trouve des politiques pour utiliser le fumeux concept "d'entreprise France" qui doit donner des boutons  à Colombey. On mesure le degré d’absurdité mais surtout de fermeture d'une telle proposition.

Ce repli étroit sur la nationalité qui, autre rappel, fait partie de la liste des discriminations visées par le Code du travail et les conventions internationales, est décevant de la part d’un entraîneur qui se veut également éducateur. Si ses multiples activités lui laissent un peu de loisir, proposons  à Laurent Blanc de méditer sur la manière dont Julia Kristeva définit son identité : « Une citoyenne européenne, de nationalité française, d’origine bulgare et d’adoption américaine ». Et félicitons Francis Smerecki, le seul à avoir dénoncé en pleine réunion le caractère discriminatoire de la mesure envisagée. Mais voyons, Smerecki, ce ne serait pas un peu étranger ça ? mais si, c'est même polonais et ce n'est pas loin de mériter la béatification. Bonne semaine à tous.

29/04/2011

Le juge et l'écrevisse

Les termes de débat ont sans doute évolué depuis la décision, en décembre 2010, du Comité des droits sociaux de considérer que le forfait en jours tel que prévu par la législation française est contraire à la Charte sociale européenne, essentiellement parce qu'il peut conduire à des durées excessives de travail. La Cour de cassation aura sans doute à se prononcer sur cette validité prochainement. En attendant, la position des juges sur le temps de travail des cadres semble se durcir, comme en atteste une décision de la Cour de cassation en date du 6 avril 2011. Dans cette affaire, un cadre dirigeant, dont la qualité n'était pas contestée au regard des critères légaux (responsabilités, rémunération, autonomie), demandait le paiement d'heures supplémentaires  car l'entreprise ne lui avait pas établi de contrat écrit indiquant les motifs qui justifient le recours au forfait, comme le prescrit la convention collective des services automobiles, applicable en l'espèce. Le juge valide la raisonnement du salarié : la convention collective était plus favorable que la loi et devait être respectée. On peut voir là, une marche de l'écrevisse, sorte de moonwalk du juge.

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Carl Larsson - La pêche aux écrevisses

Comme dans le poème d'Apollinaire,  le juge avance à reculons.

Incertitude, ô mes délices,
Vous et moi nous nous en allons,
Comme s'en vont les écrevisses,
A reculons, à reculons

En effet, fini la validation des forfaits tous horaires pour les cadres dirigeants en toute circonstance. Les conditions légales et conventionnelles doivent être scrupuleusement respectées. Rien que de normal, pourrait-on penser, à voir le juge rappeler qu'il faut respecter les règles. Sauf que jusqu'à présent, le juge montrait un certain laxisme sur les cadres dirigeants, les trouvant mal fondés à venir réclamer des heures supplémentaires. Le retour à l'orthodoxie traduit une légère marche arrière annonciatrice d'une position qui pourrait se durcir sur le forfait en jours. Même en marche arrière, on y va tout droit.


27/04/2011

Vérité en deça des Pyrénées...

...erreur au delà". On connaît la phrase de Pascal rappelant la relativité de la vérité et posant une sévère limite à la voie royale ouverte par Descartes à  l'expansionnisme de la raison.Pascal eu le bon goût d'illustrer son propos par une référence aux Pyrénées, le Cirque de Gavarnie permettant de comprendre que les choses peuvent être différentes selon que l'on se trouve au coeur du Cirque ou sur l'aride versant espagnol.

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Le Cirque de Gavarnie

Il faut croire que les juges ne craignent pas la montagne et qu'ils connaissent la brèche de Roland pour passer de l'autre côté et trouver une vérité nouvelle. En effet, dans une décision du 9 mars 2011, la Cour de cassation affirme que "Les ruptures conventionnelles ayant une cause économique et s’inscrivant dans un processus de réduction des effectifs sont prises en compte pour déterminer la procédure d’information et de consultation des représentants du personnel, ainsi que les obligations de l’employeur en matière de PS". Pourtant, l'article L. 1233-3 du Code du travail précise expressément que les dispositions relatives au licenciement pour motif économique ne sont pas applicables aux ruptures conventionnelles lorsqu'elles ont une cause économique. S'engouffrant dans la brèche, le juge nous livre une vérité qui n'est pas celle des textes.

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La brèche de Roland

A vrai dire, ce n'est pas une première. En 2002 déjà, au mépris de la lettre des textes, la Cour de cassation avait décidé qu'une Banque pouvait ouvrir un stand le dimanche dans un salon (jugé pour un salon immobilier et un salon de l'étudiant). Or, le Code du travail ne cite pas les activités bancaires parmi celles qui permettent de déroger au repos du dimanche. Il vise les organisateurs de foire et de salon. La Cour d'appel, appliquant le texte, avait jugé que telle n'était pas l'activité de la banque. Magie de la vérité judiciaire, la Cour de cassation avait estimé que dès lors que les salariés étaient volontaires (jamais le volontariat n'a permis de déroger à l'ordre public) et le salon autorisé par le Préfet (qui n'a pas le pouvoir d'autoriser une banque à travailler le dimanche), tout était dans l'ordre. La vérité du Code du travail n'est donc pas toujours celle du juge. Voilà qui confortera Pascal : la vérité dépend de la position qui est la notre, celle du juge n'est pas celle du législateur. En cas de contentieux, pensez à demander au juge s'il va parfois randonner dans les Pyrénées.

22/04/2011

Vite fait, mal fait

Il y avait déjà eu la prime exceptionnelle d'intéressement en 2009. Mais inscrite à l'intérieur du dispositif d'intéressement, elle était facultative, liée aux résultats de l'entreprise, corrélée au travail du salarié et accessible à toute entreprise quelle que soit sa taille. La nouvelle prime annoncée par le Gouvernement est quasiment le contrepied de ce qui avait été fait il y a deux ans : obligatoire, limitée aux entreprises de plus de cinquante salariés, déconnectée du travail des salariés et corrélée non pas aux résultats de l'entreprise mais au montant de ses dividendes. On peut s'amuser à faire la liste des incohérences : dans le meilleur des cas, la prime n'améliorera le pouvoir d'achat que des salariés dont les salaires sont déjà dans les moyennes hautes, elle n'aura d'effet que ponctuel, elle creusera les déficits sociaux puisque assortie d'exonérations, elle n'est pas corrélée aux résultats de l'entreprise mais aux dividendes versés dont le montant n'est pas nécessairement proportionnel aux résultats et enfin elle ne s'appliquera qu'en cas d'augmentation de ces dividendes. Ce qui veut dire, par exemple, qu'un maintien au même niveau des dividendes, alors que les résultats se sont dégradés, n'imposera rien alors qu'un prélèvement réduit après une année blanche imposera le versement d'une prime, même s'il n'est pas proportionnel au résultat. Bref, une mesure bâclée, qui oublie que pour agir vite et bien, c'est à dire deux fois bien, il faut un  du talent et du  travail, comme par exemple Picasso.

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Mais il y a peut être plus grave que ces incohérences. Déconnectée de toute logique économique, de toute logique de travail accompli par le salarié, déconnectée donc de toute réalité, cette prime dans son fondement même oppose frontalement l’actionnaire et le salarié, comme dans d’autres domaines on oppose le smicard au chômeur, l’étranger à l’autochtone, le voyou à l’honnête homme. Elle prend pour principe et pilier une division, un conflit, qu’elle ne cherche jamais à comprendre ni à résoudre, mais au contraire dont elle fait une donnée indépassable. Ainsi s’établit une politique de coups qui se construit sur l’opposition des intérêts, en tentant vainement de donner l’impression qu’elle soutient tantôt l’un et tantôt l’autre, signe qu’elle ne vise que le sien propre.

08/04/2011

Coup de balai

Il est toujours agaçant de lire, dans les bonnes revues juridiques, des références à des circulaires anciennes qui restent éternellement citées comme si elles étaient immuables. Il est vrai que les lois sont modifiées, mais les circulaires restent.

Le Conseil d'Etat, dans une décision du 23 février 2011, nous rappelle opportunément qu'un vigoureux coup de balai a été donné aux circulaires par le décret du 8 décembre 2008. Ce texte prévoit que toutes les circulaires antérieures au 1er mai 2009 et non reprises sur le site circulaires.gouv.fr sont considérées comme abrogées. Et hop, balayées les proses bureaucratiques !

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En matière de formation professionnelle, nombre de revues et ouvrages continuent de citer la circulaire de 1972 sur l'imputabilité des actions de formation ou celle de 1986 sur la définition de l'action de formation. Il faudra se résoudre à se passer de ces textes, qui ne figurent pas sur le site gouvernemental et ne sont donc plus opposables aux entreprises, aux OPCA ou aux organismes de formation.

Voilà un coup de balai  bienvenu : un décret de 3 articles qui annule plusieurs dizaines de milliers de pages de circulaires, pour le coup on en redemande. Car le volume ne fait pas le bon droit que l'on reconnaît souvent à la concision et la précision de l'écrit. En d'autres termes, moins de textes et plus de droit.

07/04/2011

Esclavage et salariat

Il a rejoint Victor Schoelcher, il pourra s'entretenir avec Jaurès, échanger de la main à la main des lettres avec Voltaire, marcher un peu avec Rousseau, éviter tant d'intempestifs généraux, jeter un coup d'oeil aux réunions des scientifiques qui ont repris leurs recherches, pas de doute Aimé Césaire aura à faire au Panthéon, comme il a toujours eu à faire en tous lieux.

Et pour célébrer le grand homme noir, une devinette : quelle est la différence entre le salariat et l'esclavage ?

Pour vous aider à réfléchir, la charmeuse de serpent, en qui André Breton vit la Martinique.

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Henri Rousseau - La charmeuse de Serpents

La différence n'est pas dans la rémunération : l'esclave est rémunéré (logement, nourriture,...il faut entretenir le capital). Elle n'est pas non plus dans les conditions de travail, même si la durée du travail de l'esclave n'obéit pas aux mêmes règles que celle du salarié.

La différence fondamentale est dans la liberté de démissionner. C'est par la possibilité qui lui est offerte de dire STOP ou NON que le salarié se distingue de l'esclave qui n'a, lui, que mot dire.

L'esclave, par définition, n'est pas libre et ne peut reprendre sa liberté. Le salarié le peut. Et si cette possibilité s'estompe, souvenez vous que c'est l'esclavage qui rode.

Pour terminer, la parole est à Césaire : "Car l’esclave, à la limite, n’a pas de responsabilités : théoriquement, il se contente de faire le travail qu’on lui ordonne de faire, de manger et de dormir.

Naturellement, il est bien plus difficile d’être un homme libre que d’être un esclave. Mais toute la dignité de l’homme vient de ce qu’il préfère la liberté difficile à l’esclavage et la soumission faciles."

Il est des hommes qui nous manquent plus que d'autres.

06/04/2011

La fin du droit psychologique ?

On connaît la guerre psychologique de Sun Tzu, très en vogue ces temps ci, et plus encore sans doute la guerre psychologique conduite par Savancosinus dans "La Zizanie" pour réduire le village gaulois d'Astérix. La guerre psychologique est celle qui, en principe, évite d'utiliser la force et trouve sa source dans la crédulité de l'adversaire.

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Elle trouve son pendant dans le "droit psychologique". De quoi s'agit-il ? d'inclure dans un contrat une clause dont on sait pertinent qu'elle est nulle et que le juge ne l'accueillerai guère en présupposant que le juge n'aura pas l'occasion de se prononcer sur sa validité, mais que par contre elle infléchira le comportement de celui ou celle qui l'a signée. Le droit psychologique c'est donc faire un pari sur la méconnaissance des règles par autrui. Tout lecteur de Kafka sait que lorsque la règle est méconnue elle est souvent maximisée.

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Dans une décision du 30 mars 2011, la Cour de cassation vient de décider qu'une clause de non concurrence non valide créé un préjudice pour le salarié même si elle n'a pas été mise en oeuvre. Le salarié peut donc obtenir des dommages et intérêts du seul fait de  l'insertion de la clause dans son contrat. Voici un sain rappel des juges à qui serait tenté d'utiliser le droit psychologique en considérant qu'au pire la clause est privée d'effet et qu'au mieux le salarié la respectera malgré sa nullité. Jusqu'à présent un tel comportement n'avait pas de sanction juridique. Tel n'est plus le cas depuis le 30 mars dernier.

30/03/2011

Un léger doute

Au plan des principes, les solutions sont imparables. Logiques en droit, cohérentes dans le raisonnement, juridiquement argumentées, les décisions adoptées par la Cour de cassation dans une série d'arrêts en date du 2 février 2011 s'inscrivent de surcroît dans le droit fil de décisions antérieures. Rigueur et constance sont au rendez-vous. De quoi s'agit-il ? du licenciement d'un salarié d'un casino sur la base d'enregistrements vidéos de ses agissements par les caméras fonctionnant en permanence dans l'établissement ou encore du licenciement pour faute grave d'un salarié qui tient des propos injurieux à l'encontre de son employeur dans le cadre d'un échange par mail avec un collègue ou encore d'un mail envoyé par un salarié à son épouse avec quelques remarques peu amènes pour l'employeur, auquel le mail est transféré par erreur.

Dans tous les cas, les principes sont respectés : le salarié était informé de la présence des caméras, les mails ont été écrit sur le lieu de travail, pendant le travail avec un matériel professionnel et ils n'étaient pas identifiés comme personnel. Rien à redire donc. Et pourtant, un léger doute. Le sentiment diffus, mais tenace, que tout ceci n'est pas satisfaisant et que le droit est un pudique paravent masquant une société de la surveillance, de la traçabilité, du contrôle permanent, du mythe de la transparence où chacun pourrait avoir accès à tout ce qui s'échange, se dit, s'écrit, se fait. Un monde sans répit et sans repos. Un monde inhumain donc.

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Filmé en permanence, lu dans tous ses échanges, tracé dans ses circulations sur le net, géolocalisé dans son véhicule, écouté dans ses conversations téléphoniques, le salarié est dans la position du prisonnier dont on éteint jamais la lumière dans sa cellule. Observable à tout moment, il perd sa vie privée et ne peut que déchoir de sa condition. Comparaison trop sévère, excessive, caricaturale ? peut être. Mais il fut un temps où le débat, y compris juridique, portait sur le salarié citoyen dans l'entreprise et où la liberté était conçue comme une autonomisation de chacun au profit de tous. Que le débat s'exerce aujourd'hui sur le terrain du contrôle permanent des salariés sans que le juge ne se prononce en référence à ces principes de citoyenneté dans l'entreprise, de vie personnelle qui peut être présente au travail et de la folie qui consiste à exiger une transparence totale des individus n'est pas bon signe. En être réduit à conseiller aux salariés de gratifier leurs mails d'un énorme MESSAGE PERSONNEL est une défaite de l'éthique et des relations entre les individus. Car elle consacre la bascule irréversible dans un monde de défiance, ou chacun est suspect par principe et doit se méfier de tous. Une société policière donc. On souhaiterait, pour qu'il n'en soit pas ainsi, que le juge se souvienne qu'il est le garant des libertés et que les entreprises prennent quelques engagements dans le domaine sans que le droit n'ait besoin de les y contraindre. Et sur la possibilité que les choses évoluent en  ce sens, on aimerait ne pas avoir un léger doute.

29/03/2011

Calendrier toulousain

Vite et bien = deux fois bien. Mais dans le Sud, on aime souvent prendre son temps et tous les arguments sont bons pour avoir des calendriers longs. La décision aurait-elle été la même au nord de la Loire ? la Cour de cassation nous le dira peut être si les recours nous mènent jusque-là. Mais nul doute que les représentants des employeurs n'encourageront pas Carrefour à faire appel, de crainte qu'une jurisprudence ne s'établisse en ce domaine. Mais de quoi s'agit-il donc ? d'une décision du TGI de Toulouse qui estime que lorsqu'un licenciement collectif est de nature à impacter la santé des salariés, il doit être soumis au CHSCT avant toute consultation du comité d'entreprise. Sacrés juges toulousains.

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Raymond Moretti - Toulousains

A vrai dire, cela devait finir par arriver. Depuis quelques années, la jurisprudence ne cesse, en s'appuyant sur une définition extensive de la santé au travail, d'étendre le champ d'intervention du CHSCT. Entretiens annuels, systèmes de rémunération, programmes de gestion de la performance...la liste est longue des sujets qui doivent être soumis au CHSCT préalablement au CE. En jugeant pour la première fois que le CHSCT devait être consulté en amont du CE s'il est établi qu'un plan de cessation d'activité a un impact sur la santé des salariés, difficile d'ailleurs qu'il n'y en ait pas, le juge fournit en tous cas aux représentants du personnel une magnifique perche pour rallonger les calendriers. Car voici l'employeur tenu de rajouter à la double consultation du CE sur le projet et sur ses conséquences sociales, une troisième consultation, préalable d'ailleurs aux deux premières, sur l'impact que le projet peut avoir sur la santé des salariés, ainsi que sur les mesures que l'entreprise compte prendre pour minorer cet effet. Pour les salariés toujours quelques semaines ou mois de gagnés. Pour l'entreprise, du temps perdu. A chacun son calendrier, et pour tous celui du juge.

 TGI ToulouseCHSCT-LicenciementEconomique.pdf