24/05/2011
Nullité créative
La Cour d'appel de Paris fait de la résistance et oeuvre de créativité. Dans une décision en date du 12 mai 2011, elle vient de tenir le raisonnement suivant : lorsqu'un licenciement économique est dépourvu de motif, la consultation sur le plan de sauvegarde de l'emploi qui en découle est nulle. Elle doit donc être de nulle effet, ce qui interdit tout licenciement qui s'en trouve par là-même frappé de nullité. Autrement dit, lorsqu'un licenciement économique est dépourvu de motif, il entraîne nécessairement la nullité du PSE qui a pour conséquence la nullité du licenciement. Nul, c'est nul et basta !
Jan Henderikse - Nul (zéro)
On sent le juge agacé par la configuration de la loi qui sanctionne plus durement l'entreprise qui licencie avec un motif mais ne fait pas suffisamment d'efforts pour le PSE, que celle qui licencie sans motif mais fait des efforts de reclassement suffisants. Dans le premier cas, le licenciement est nul, dans le second il est seulement injustifié, ce qui ne permet pas la réintégration et réduit les droits à indemnisation. C'est le choix du législateur : la liberté de gestion est préservée mais l'entreprise doit assumer les conséquences sociales de ses décisions. Et l'on contrôlera d'autant plus drastiquement la responsabilité sociale que l'on ne contrôlera quasiment plus le motif économique. C'est en s'opposant à cette évolution que la Cour d'appel de Paris fait de la résistance. Il est douteux que la Cour de cassation la suive sur ce chemin créatif, mais en ce domaine comme en d'autres, l'espoir n'est pas nul.
01:17 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pse, nullité, licenciement, économie, licenciement économique, henderikse, jurisprudence, droit
27/01/2011
Fermeture démotivée
Pour procéder à un licenciement, il faut un motif. Et pour procéder à un licenciement économique, il faut un motif économique. Le Code du travail en prévoit deux : les difficultés économiques et les mutations technologiques. La jurisprudence en a rajouté deux : la sauvegarde de la compétitivité, qui doit être justifiée par des causes externes et la cessation d'activité. Ce dernier motif, entièrement construit par la Cour de cassation, repose sur le fondement de la liberté de gestion : aucun employeur ne peut être obligé de poursuivre indéfiniment son activité, ne serait-ce que lorsqu'il part à la retraite. La Cour de cassation ne sanctionnait que les abus de droit : l'employeur qui organise sa propre insolvabilité ou la fermeture pour recréer la même activité sans reprendre les mêmes salariés. Dans une décision du 18 janvier 2011, les juges durcissent leur position et décident que lorsque l'entreprise qui cesse son activité appartient à un groupe, elle doit justifier d'une cause économique, la fermeture ne pouvant constituer à ellel seule un tel motif.
Gilles Tran - Fermeture - 2003
Dans les groupes, le contournement des règles du licenciement économique peut prendre plusieurs formes : filialisation d'une activité dont on veut se séparer avant fermeture, ou avant vente, émiettement des activités dans des structures de petites tailles pour échapper aux obligations du PSE, etc. Les juges ont toujours eu le souci de permettre l'application du droit du travail quelle que soit la structuration juridique du groupe. L'arrêt du 18 janvier 2011 s'inscrit dans cette préoccupation. Il n'empêchera pas, toutefois, à des groupes de rechercher des chevaliers blancs situés à l'étranger pour reprendre une activité qu'ils fermeront ensuite. Paranoïa ? demandez aux ex-salariés toulousains du papetier Job, ils auront peut être une idée sur la question.
00:41 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cessation d'activité, jurisprudence, licenciement économique, job, cour de cassation, droit du travail, droit
06/05/2010
Pas de reclassement en roumanie
Le Sénat vient d'adopter mardi 4 mai, après l'Assemblée nationale le 30 juin 2009, un texte sur le reclassement des salariés licenciés pour motif économique qui prévoit un questionnement systématique du salarié sur sa volonté d'accepter ou non des offres d'emploi à l'étranger, avant toute proposition. Cette loi a pour objet officiel d'éviter aux entreprises qui font des licenciements économiques d'être condamnées par le juge si elles ne proposent pas des emplois dans tous les pays où elles sont implantés, serait-ce à un salaire dérisoire comparé au salaire français, et d'être condamnées par les medias si elles formulent des proposition du type : on vous propose un emploi équivalent dans un nouveau pays au tarif de 135 euros par mois. Dorénavant, le salarié ne pourra se voir proposer de telles offres que s'il a indiqué à l'entreprise le type d'offres qu'il acceptait de recevoir et sous quelles réserve. Et les juristes de se délecter de l'interprétation que l'employeur devra faire de réserves du type : j'accepte tout emploi moins pénible que le mien, ou bien j'accepte tout emploi dans un pays ensoleillé, ou bien j'accepte tout emploi qui me garantit un pouvoir d'achat équivalent compte tenu du niveau de vie dans le pays. Bref, en voulant simplifier, comme souvent, on a sans doute ajouté de la complexité au reclassement sans traiter le problème de fond : l'entreprise peut toujours librement transférer des activités en roumanie, mais elle doit demander aux salariés s'ils acceptent de recevoir des offres pour aller continuer leur job en roumanie. Peut être pourraient-ils y croiser Victor Brauner, peintre roumain.
00:39 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : reclassement, étranger, sénat, licenciement économique
08/04/2010
Contorsions
Lorsque Picasso dessine un acrobate, contortionniste à ses heures, il ouvre des espaces infinis au corps, au mouvement, au regard, à la conscience et à la sensation. Tout cela en une seule peinture ? et oui. Puissance de Picasso dont la phénoménale énergie a su se mettre au service de la liberté.
00:27 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rupture conventionnelle, picasso, droit du travail, licenciement économique, circulaire, instruction, dgt
16/06/2009
Déformation initiale
En cas de licenciement pour motif économique, les entreprises sont tenues de rechercher un reclassement pour les salariés. Cette recherche peut conduire l’employeur à proposer une formation permettant le reclassement du salarié. Pour fixer les limites de cette obligation, la Cour de cassation use de la formule suivante : « Si l’employeur est tenu de fournir au salarié une formation permettant son reclassement, il n’est pas tenu de lui fournir la formation initiale qui lui fait défaut » (en dernier lieu : Cass. Soc., 10 mars 2009). Pour les juges, fonctionnaires passant des concours à l’issue de formations sanctionnées par des diplômes, le défaut de formation initiale est donc un handicap que le salarié subira toute sa vie durant, et que l’employeur n’a pas à combler. Déformation initiale de ceux pour qui la formation initiale est tout ?
Les juges sont des femmes et des hommes de culture, n’en doutons pas. Peut être peut-on attirer leur attention sur le fait que la formation initiale n’est pas tout à travers quelques exemples : celui d’Yves Tanguy notamment qui appris la peinture…en peignant et en regardant autour de lui. Alors peut être pourront-ils envisager que la compétence s’acquiert par d’autres voies que la formation initiale et que renvoyer l’individu à sa formation initiale est une bien sommaire manière de mettre en cases ce qui n’est guère fait pour y entrer : la personne humaine.
00:24 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cour de cassation, licenciement économique, obligation de reclassement, formation, yves tanguy
29/05/2009
Ouvrir les yeux
En ces périodes de production industrielle des licenciements pour motif économique, il est permis de s’interroger sur une formule récurrente utilisée par la Cour de cassation en matière d’obligation de rechercher un reclassement avant de procéder au licenciement. Selon les juges, l’employeur doit proposer au salarié tout emploi disponible, dans la même catégorie ou dans une catégorie inférieure. Dans l’esprit du juge, il n’est même pas envisagé que le reclassement puisse s’effectuer sur une qualification supérieure. Belle méconnaissance de la réalité de l’emploi en France : nombre de salariés occupent aujourd’hui des emplois qui sont de qualification inférieure à leur qualification personnelle. En d’autres termes, nombre de salariés sont en capacité d’effectuer des activités d’un niveau supérieur à celles qu’ils exercent.
10:00 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : licenciement économique, crise, reclassement, cour de cassation, jurisprudence, salarié, licenciement
11/09/2008
Le motif et la motivation
Une précédente chronique (30 juin 2008) indiquait que les licenciements boursiers sont de longue date condamnés en France. Une nouvelle preuve en est apportée par la décision du Conseil des prud'hommes de Libourne qui vient de condamner la société Arena à verser 50 000 euros à chaque salarié licencié pour motif économique. Selon le juge le transfert d'une activité vers des pays à protection salariale et sociale inférieure aux normes françaises, s'il est susceptible d'entraîner une diminution des coûts de production ainsi qu'une augmentation des marges, ne saurait à lui seul constituer un motif économique de licenciement suffisant. Le juge indique également que s'il est légitime que l'entreprise recherche une amélioration de ses marges, cette motivation ne saurait constituer un motif économique de licenciement.
00:05 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : licenciement économique, arena, prud'hommes, délocalisation
02/09/2008
Le juge et le salarié reclassé
La formule n’est pas nouvelle, elle figure dans des dizaines de décision de la Cour de cassation, comme dans celle du 24 juin 2008 (Cass. Soc., 24 juin 2008, n° 06-45.870) : l’employeur doit proposer aux salariés dont le licenciement économique est envisagé tous les emplois disponibles de la même catégorie ou, à défaut, d’une catégorie inférieure. Les juges considèrent que le salarié est reclassable à son niveau ou à un niveau moindre, prix à payer pour la sauvegarde de l’emploi.
N’est jamais abordée par les juges, la question du reclassement non pas à minima mais à maxima : le salarié est reclassé sur un emploi de niveau supérieur à celui qu’il occupe parce que cet emploi est disponible. Le jeune thésard dont on supprime le poste de veilleur de nuit qu’il occupait à titre alimentaire peut être reclassé dans le cadre des recrutements d’ingénieurs de l’entreprise.
Manifestement les juges n’ont pas tout à fait pris conscience que nombre de salariés ont une qualification personnelle supérieure à l’emploi occupé et qu’une approche du reclassement en terme de compétences serait plus réaliste qu'en terme de seule qualification contractuelle. Le fait que le Code du travail impose à l'employeur de prendre en compte la qualification acquise après le licenciement dans le cadre de la priorité de préembauche aurait pourtant pu fournir un appui pour calibrer l'obligation de reclassement à tous les emplois que le salarié est en capacité d'occuper, quel que soit leur positionnement hiérarchique.
14:47 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : juge, reclassement, licenciement économique, salarié