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06/10/2013

Mobile

Lors d'une manifestation publique, la semaine dernière, un des intervenants en tribune soupira que les choses iraient tout de même mieux, en France, si les salariés étaient mobiles, comme dans les autres pays d'Europe. Un murmure d'approbation sembla parcourir la salle. A moins que ce ne fut de la réprobation, car il s'agit évidemment d'une énorme sottise. Si l'on s'en tient aux chiffres de l'INSEE, la France est un des pays d'Europe où la mobilité est la plus forte. Chaque année, 2 % des salariés changent de région pour raisons professionnelles. C'est peu direz-vous. Oui mais en Allemagne c'est 1,3 % et en Espagne 0,8 %. La faible mobilité est donc loin d'être l'apanage des Français. 

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Mobile - Immobile

A l'heure où il est question de former davantage les demandeurs d'emploi, il ne faudrait pas perdre de vue cette réalité : si plus de 20 % des salariés changent d'entreprise chaque année, seuls 2 % donc changent de région. Ce qui signifie que la mobilité s'exerce très principalement dans un même périmètre géographique. Au moment de définir des priorités de formation, il sera peut être bon de se rappeler que l'on change plus facilement de secteur professionnel que de bassin d'emploi et que c'est évidemment d'autant plus vrai que le niveau de revenu est peu élevé. Ce qui laisse à penser que, la formation étant un moyen, c'est moins l'amélioration du fonctionnement du système qui doit être le premier objectif, que la prise en compte des bons paramètres pour les questions que la formation est censée résoudre.

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21/02/2013

En souvenir des travailleurs

Je ne parle pas aux cons, ça les instruits ! Arnaud Montebourg aurait du se souvenir de cette phrase de Michel Audiard avant de prendre sa plume pour répondre au patron de Goodyear. Pourquoi argumenter en réponse à un courrier dans lequel les ouvriers sont des feignants, les syndicalistes des fous et les politiques des incapables ? dans lequel seul l'entrepreneur fort de la valeur ajoutée produite, ne l'oublions pas, par quelques milliers de travailleurs, débite d'arrogantes certitudes ? lorsque le dialogue est impossible, il faut user d'autres moyens.

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Montebourg aurait pu se contenter d'envoyer à ce patron qui tenait tant à nous démontrer que la lutte des classes n'est pas morte,  ce tract clandestin espagnol des années Franco, qui nous rappelle que l'émancipation ouvrière reste un projet d'actualité, et que la vraie vie est au Sud. Pour le coup, c'eût été bien suffisant.

20/09/2012

Le salarié, cet incapable

Le directeur de l'établissement n'avait jamais envisagé que la pratique d'afficher chaque année la liste des salariés ayant fait l'objet d'une promotion aurait pu poser problème. De bienveillants collègues lui ont quand même conseillé de consulter la CNIL. La réponse ne s'est pas faite attendre : la pratique est illégitime et elle ne peut être validée par le consentement des salariés. Le courrier reçu par l'entreprise est un véritable collector :

- la CNIL affirme que toute information individuelle est une information personnelle et donc confidentielle ;

- la CNIL s'érige en juge de la légitimité d'une pratique alors qu'on attendait qu'elle se prononce sur sa légalité ;

 - et cerise sur le n'importe quoi, le courrier dénie au salarié toute capacité de négocier avec son employeur. Ici, la citation s'impose : "A toutes fins utiles, je vous indique que notre Commission n’admet pas, en principe, le recours au consentement dans le domaine des ressources humaines. En effet, compte tenu du lien de subordination existant entre un salarié et son employeur, le consentement ne peut être libre et éclairé.". On ne saurait mieux dire que le salarié est un incapable majeur dont la volonté ne compte guère, un individu dépourvu de la moindre autonomie voire de la plus petite parcelle de conscience, bref un pantin que les doigts de l'employeur agitent.

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Man Ray - Coast Stand - 1920

Chacune de ces affirmations est excessive sinon grotesque. Si toute information individuelle est personnelle et donc confidentielle, alors il faudra renoncer à des organigrammes personnalisés, à des notes de bienvenue pour les nouveaux recrutés (avec, horreur absolue, une notice biographique), à des informations de nomination, à la diffusion du plan de formation et l'on ne parle même pas de la photo de l'employé du mois ou des résultats du challenge des commerciaux. Une seule solution : anonymiser toute l'information et l'on proposera que cela soit fait en attribuant aux salariés un numéro, aléatoire pour éviter toute identification. Toute ressemblance avec la série LE PRISONNIER sera fortuite et ne pourra être imputée à la CNIL.

Si la CNIL s'érige en gardienne de la légitimité des pratiques, alors il ne faut plus s'étonner de l'arbitraire que revêtent certaines décisions. Car la légitimité est une notion qui renvoie certes au droit mais également à l'éthique, la morale, la justice ou encore la raison. Soit des terrains moins stables que celui de la légalité que l'on a déjà parfois du mal à clairement délimiter.

Mais le meilleur, si l'on peut dire, est pour la fin. Tout salarié, de part sa qualité de salarié, serait incapable de conserver le degré de conscience minimal qui lui permettrait de donner un consentement éclairé. Les fins juristes de la CNIL ne parviennent donc pas à faire la différence entre la subordination juridique et la soumission. Si l'on s'en tenait à leur raisonnement, il faudrait annuler pour vice du consentement tout avenant au contrat de travail puisque le salarié ne peut librement consentir.

Le plus inquiétant, c'est que tout cela est décidé avec la conviction profonde, et sans doute sincère, de contribuer à la protection des salariés, ou plutôt des pantins qui en tiennent lieu. Il vaudrait mieux se demander qui, dans cette affaire, est véritablement incapable.

16/04/2012

Miroir déformant

Le Centre d'Etudes et de Recherches sur l'Emploi et les Qualifications (CEREQ) vient de publier un bilan du DIF qui a la tonalité d'un constat de décès (voir ici). Selon les auteurs de l'étude, seuls 6 % des salariés ont utilisé leur DIF en 2009 et les chiffres 2010 seraient comparables. Un fiasco donc, loin des espoirs que la mesure avait fait naître. Passons sur l'approche scientifique qui consiste à comparer des chiffres et des espoirs et venons en au fond. Tout d'abord, le chiffre de 6 % est rapporté à l'ensemble des salariés. Or, moins d'un salarié sur deux suit une formation chaque année. Ce qui pourrait permettre de présenter les résultats quantitatifs en considérant que 15 % environ des salariés qui vont en formation le font dans le cadre du DIF. Par ailleurs, en 2010 on devrait approcher des 30 % d'entreprises dans lesquelles le DIF est utilisé. L'étude minore ce résultat en estimant que le nombre d'entreprises concernées semble stagner. Les auteurs ont-ils vu le tassement de l'activité de formation des entreprises en 2009 et 2010 ? Le CEREQ pointe également une faible durée moyenne de formation, égale à 23 heures. Mais les deux tiers des actions suvies dans le cadre du plan de formation ont une durée inférieure.Bref, une vision tellement réductrice et si peu mise en perspective qu'elle agit largement comme un miroir déformant.

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Et surtout, vouloir comprendre l'impact d'un dispositif de formation en se basant sur l'exploitation des déclarations fiscales des entreprises, c'est considérer que tout chiffre est une réalité et qu'il suffit de la commenter pour formuler une vérité. En réalité, il faudrait partir du fait que plus de 600 000 salariés se sont formés dans le cadre du DIF et aller voir en quoi ces 15 % de salariés utilisant le dispositif pour accéder à la formation ont contribué, ou pas, à modifier les pratiques de formation. Il faudrait regarder les parcours mis en place par les entreprises, les catalogues, les actions innovantes et se poser quelques questions non réductibles à la statistique. Il faudrait également considérer que le DIF n'est pas forcément utile partout : dans nombre d'entreprises l'accès à la formation est suffisamment garanti pour que le DIF ne soit pas utilisé et il faudrait cesser de considérer que tout salarié a besoin de formation de même que la formation n'est pas le seul ni même le principal moyen de développer ses compétences. Bref, évitons de faire un bilan d'un dispositif en le comparant à ce qu'il n'est pas et essayons d'aller voir de plus près à quoi il ressemble.

30/03/2011

Un léger doute

Au plan des principes, les solutions sont imparables. Logiques en droit, cohérentes dans le raisonnement, juridiquement argumentées, les décisions adoptées par la Cour de cassation dans une série d'arrêts en date du 2 février 2011 s'inscrivent de surcroît dans le droit fil de décisions antérieures. Rigueur et constance sont au rendez-vous. De quoi s'agit-il ? du licenciement d'un salarié d'un casino sur la base d'enregistrements vidéos de ses agissements par les caméras fonctionnant en permanence dans l'établissement ou encore du licenciement pour faute grave d'un salarié qui tient des propos injurieux à l'encontre de son employeur dans le cadre d'un échange par mail avec un collègue ou encore d'un mail envoyé par un salarié à son épouse avec quelques remarques peu amènes pour l'employeur, auquel le mail est transféré par erreur.

Dans tous les cas, les principes sont respectés : le salarié était informé de la présence des caméras, les mails ont été écrit sur le lieu de travail, pendant le travail avec un matériel professionnel et ils n'étaient pas identifiés comme personnel. Rien à redire donc. Et pourtant, un léger doute. Le sentiment diffus, mais tenace, que tout ceci n'est pas satisfaisant et que le droit est un pudique paravent masquant une société de la surveillance, de la traçabilité, du contrôle permanent, du mythe de la transparence où chacun pourrait avoir accès à tout ce qui s'échange, se dit, s'écrit, se fait. Un monde sans répit et sans repos. Un monde inhumain donc.

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Filmé en permanence, lu dans tous ses échanges, tracé dans ses circulations sur le net, géolocalisé dans son véhicule, écouté dans ses conversations téléphoniques, le salarié est dans la position du prisonnier dont on éteint jamais la lumière dans sa cellule. Observable à tout moment, il perd sa vie privée et ne peut que déchoir de sa condition. Comparaison trop sévère, excessive, caricaturale ? peut être. Mais il fut un temps où le débat, y compris juridique, portait sur le salarié citoyen dans l'entreprise et où la liberté était conçue comme une autonomisation de chacun au profit de tous. Que le débat s'exerce aujourd'hui sur le terrain du contrôle permanent des salariés sans que le juge ne se prononce en référence à ces principes de citoyenneté dans l'entreprise, de vie personnelle qui peut être présente au travail et de la folie qui consiste à exiger une transparence totale des individus n'est pas bon signe. En être réduit à conseiller aux salariés de gratifier leurs mails d'un énorme MESSAGE PERSONNEL est une défaite de l'éthique et des relations entre les individus. Car elle consacre la bascule irréversible dans un monde de défiance, ou chacun est suspect par principe et doit se méfier de tous. Une société policière donc. On souhaiterait, pour qu'il n'en soit pas ainsi, que le juge se souvienne qu'il est le garant des libertés et que les entreprises prennent quelques engagements dans le domaine sans que le droit n'ait besoin de les y contraindre. Et sur la possibilité que les choses évoluent en  ce sens, on aimerait ne pas avoir un léger doute.

06/02/2011

Pas touche, les cadeaux !

Toulouse a rarement connu plus grande manifestation, dignement terminée sur la place du capitole avec CRS et fumigènes, qu'en cette année 1981 lors de la venue de Valéry Giscard d'Estaing. Ambiance préélectorale certes, mais la majorité des banderoles ne portaient pas sur les revendications sociales ou politiques. Elles demandaient des comptes pour les diamants de Bokassa. Trente ans plus tard, les diamants de bokassa ressurgissent parfois.

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Une journaliste de Slate a posé la question des cadeaux reçus par le Président et les Ministres dans le cadre de leur fonction. La question, manifestement a tout de la patate chaude ou du Mistigri que l'on aimerait bien offrir à son voisin. Pas vraiment un cadeau à vrai dire.

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Man Ray - Cadeau - 1921

L'occasion de faire un petit point de droit. Et les salariés ? quid des cadeaux reçus dans le cadre de leurs fonctions ? la réponse est simple. Conserver par devers soi un objet dont la valeur excède 30 euros, somme à partir de laquelle le fisc estime que son contrôle s'impose, sans en informer l'employeur, est une faute justifiant un licenciement. Pour deux raisons. La première est qu'il s'agit d'une fraude à l'URSSAF et au fisc. Dès lors que le cadeau a une valeur vénale, serait-elle faible, elle constitue un avantage en nature qui doit être déclaré. La seconde raison est qu'il s'agit...d'un vol ! Tout ce qui est remis aux salariés dans le cadre de leurs fonctions appartient à l'entreprise, qui seule peut décider de la destination finale de l'objet. Certaines ont réglé la question en interdisant les cadeaux, d'autres en les donnant au Comité d'entreprise pour la tombola annuelle, d'autres en les répartissant entre les salariés ayant contribué à l'activité récompensée, d'autres encore en les laissant à disposition de leur bénéficiaire, pas toujours d'ailleurs dans le cadre d'un avantage en nature officiel. On peut donc être licencié pour un cadeau ? hé oui, demandez à Giscard.

05/12/2008

En route pour la mongolie...

La Commission nationale informatique et liberté est censée protéger les atteintes aux libertés individuelles, notamment dans le cadre professionnel. Censée car on peut avoir quelques doutes sur les positions prises par la CNIL notamment en matière de recrutement (voir chronique du 3 novembre 2008).

Un autre exemple de la modestie de l’institution en matière de protection des libertés nous est fourni par le guide établi en matière de géolocalisation des salariés. L’utilisation du GPS permet en effet de suivre de manière permanente les déplacements des salariés, leur position, leur vitesse moyenne, leurs arrêts, etc. La CNIL explique doctement qu’un tel système doit rester proportionnel à un objectif légitime, mais qu’il peut s’agir de prévenir les vols, de surveiller l’activité, ou de faciliter le contact client.

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Route en mongolie

Surveillé par les caméras placés dans les villes et sur les routes, repéré par ses appels téléphoniques, géolocalisé dans son véhicule, identifié par ses retraits de carte bleue, tracé dans ses errances sur internet, pourchassé par les mails via le blackberry ou la carte 3G, on pourrait comprendre q'un salarié éprouve soudainement le besoin de s’extraire de toute technologie et de partir sur les routes de mongolie, loin du GPS...et de la CNIL.

Guide-geolocalisation-CNIL.pdf

16/09/2008

Surveillance sous contrôle

Alors que le fichier Edvige de surveillance et de contrôle des citoyens fait débat, l'actualité nous rappelle que la question de la surveillance ne s'arrête pas aux frontières de l'entreprise. Le groupe allemand Lidl vient d'être condamné, en Allemagne, à verser près d'un million et demi d'euros à ses salariés pour les avoirs espionnés, donc surveillé à leur insu, enregistrant leurs conversations ainsi que faits et gestes. L'objectif de l'entreprise, qui a reconnu les faits, était la lutte contre le vol et les fraudes. Que faire pour les entreprises confrontées à une telle situation ? rappelons que la loi française reconnaît comme légitime le fait que l'employeur contrôle l'activité des salariés du fait de son pouvoir de direction. Toutefois, toute mise en oeuvre de moyens ou de techniques de contrôle doit faire l'objet d'une information et consultation préalable du comité d'entreprise (C. trav., art. L. 2323-32). A défaut, il conviendra d'informer les délégués du personnel ou les salariés eux-mêmes.

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Source : Surveillance camera players

Ce principe a été réaffirmé par la Cour de cassation dans une décision du 10 avril 2008. Une entreprise avait consulté le comité d'entreprise sur la mise en place d'un outil de pilotage commercial, puis sur l'entrée en vigueur d'un système de rémunération variable. Le comité d'entreprise, s'apercevant par la suite que l'outil servait également à l'évaluation des salariés, a demandé à ce que l'utilisation du système soit suspendue jusqu'à ce qu'il soit consulté sur l'utilisation de l'outil aux fins de contrôle de l'activité des salariés. A bon droit estiment les juges, la consultation du comité ayant pour objet de vérifier la pertinence et la proportionnalité entre les moyens utilisés et les objectifs recherchés (Cass. soc., 10 avril 2008, n° 06-45-741). La portée de cette décision peut s'appliquer à tout système de contrôle dans l'entreprise : contrôle du temps, contrôle qualité, contrôle de satisfaction client, contrôle des process, etc. Dès lors que les systèmes de contrôle d'activité peuvent servir à prendre des décisions individuelles (évaluation, formation, rémunération, etc.) concernant les salariés, le contrôle du comité d'entreprise s'impose. Une surveillance sous contrôle en quelque sorte.