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14/06/2012

Tina or not Tina

Dans le dernier numéro d'Entreprises et Carrières, daté du 12 juin, un monsieur que je ne connais pas mais qui se nomme Jean-Pierre Basilien et dirige des études à Entreprise et Personnel, think thank patronal comme on dit, nous explique, ou plutôt nous rappelle que la France ne pourra éviter de libéraliser son marché du travail, trop rigide. L'argument est récurrent : trop de protection pour certains produirait une forte segmentation du marché, d'où le chômage, les CDD, les jobs mal payés et la société divisée en deux classes. Que l'on flexibilise (ces choses là sont dites élégamment mais concrètement cela signifie : que l'on puisse licencier plus facilement et à moindre coût) et tout ira mieux. Pas d'autres solutions vous dis-je, la saignée. C'est le retour de l'idéologie Tina (There is no alternative) popularisée par Margareth Thatcher. On peut laisser tomber et choisir de fréquenter d'autres Tina, par exemple Tina Fey qui poussa l'humour jusqu'à jouer au cinéma le rôle de Sarah Palin.

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Tina Fey - Vanity Fair

Puisque le sieur Basilien aime les rappels, autorisons nous celui-ci : la législation sur le licenciement en France date de 1973 et appartient donc aux trente glorieuses. A-t-on profité de la période pour élaborer des règles ultra-protectrices des salariés ? au contraire, avec un taux de chômage oscillant entre 3 et 4 %, on a considéré que le licenciement était un risque mineur. On a donc sanctionné l'absence de motif de licenciement par une indemnité égale à 6 mois de salaire : le préjudice ne pouvait être supérieur. Et il n'a jamais été question de réintégration, sauf dans les rares cas de nullité. La législation sur les licenciements économiques, plusieurs fois révisée dont la dernière en 2002, n'a pas modifié cet équilibre. Résultat : une entreprise peut licencier sans motif personnel ni économique dès lors qu'elle est prête à payer six mois de salaire. Voilà le prix du droit, à mettre en rapport avec la durée moyenne de chômage qui est de 13 mois. Ce qui conduit à 800 000 licenciements prononcés tous les ans, dont un quart donnent lieu à contentieux. Est-ce là une rigidité insupportable qui serait responsable tout à la fois du chômage et de la précarité. Avouons que l'on peine à le croire. Mais notre naturel nous invite à nous méfier de Tina, car l'on sait depuis Adam et Eve que l'on a toujours le choix, et à continuer à lui préférer Tina.

12/06/2012

Le provisoire ne dure pas

Au grand jeu de la Cour de cassation, chacun peut tenter sa chance, même sans garantie sur le résultat. Ayant sans doute en tête que les juges suprêmes n'apprécient guère les avenants au contrat de travail qui permettent, en augmentant provisoirement la durée du travail, de contourner les règles du travail à temps partiel, l'avocat a conseillé à son client de contester la validité d'un avenant au contrat organisant l'exercice provisoire d'une fonction complémentaire à son travail. En l'espèce il s'agissait d'effectuer les missions d'un salarié malade pendant le temps de la maladie, en sus de son propre travail. Un avenant a été conclu prévoyant une indemnisation supplémentaire du salarié pour la charge de travail et une fin de cette situation au retour du malade. Le salarié conteste cette possibilité de retour arrière : il a donné son accord au départ, il doit le donner également à la fin, sinon la situation doit perdurer. Erreur de jugement lui répond la Cour de cassation (Cass. soc., 31 mai 2012), l'avenant temporaire est parfaitement valable en matière de missions supplémentaires. Perdu.

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Plutôt que d'envisager le gain potentiel, le salarié et son avocat auraient du penser à ces sculptures de sable dont la période va bientôt revenir. Elles durent au mieux un été puis se fondent dans la plage et ne laissent guère de trace. Car ce qui est conçu pour être provisoire ne saurait devenir permanent. La beauté du provisoire est aussi dans l'instant, qu'il est vain de vouloir prolonger. Pour l'avoir oublié, le salarié se retrouve n'avoir bâti avec son contentieux que des châteaux de sable.

06/06/2012

Concurrence interne compétitive

Elle répond au doux acronyme de CIC. La concurrence interne compétitive est une de ces trouvailles manageriales construites sur des clichés promus au rang de concepts sociologiques voire philosophiques. Ceux qui sont à l'oeuvre ici sont assez simple: l'individu n'est motivé que par l'argent, la concurrence créé une émulation positive. Et c'est ainsi que certains dirigeants, expliquent à leur encadrement médusé, atterré, catastrophé, désespéré ou hilare selon la distance qu'ils arrivent à prendre, qu'au lieu d'organiser la coopération entre les salariés pour être efficace il faut au contraire les mettre en concurrence en interne, d'ailleurs la preuve cela se pratique dans certaines équipes de football (pendant ce temps, les rugbymen travaillent le collectif). En remontant un peu plus loin, ils auraient pu, mais cela aurait sans doute gâché la démonstration remonter à la concurrence fratricide de Caïn et Abel ou à Cronos, Saturne pour les latins, qui dévora ses enfants parce qu'une prédiction lui avait indiqué qu'un de ses fils lui ravirait le pouvoir. Mais peut être ces exemples de concurrence entre proches n'auraient-ils pas été les bienvenus dans la démonstration.

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Goya - Saturne dévorant un de ses enfants

Le salarié pensait benoitement que la concurrence au sein d'un même groupe, cela n'existait pas. Ancien directeur d'un hypermarché Leclerc et tenu par une clause de non concurrence, il savait ne pas pouvoir prendre la direction d'une autre enseigne. Alors il se fit embaucher par un autre hypermarché Leclerc et somma son ancien employeur de lui verser la contrepartie de la clause de non-concurrence. Refus de ce dernier au motif que la clause n'était pas respecté et rendez-vous pour tout le monde devant le juge. Le salarié candide expliqua au tribunal  qu'il ne saurait y avoir de concurrence au sein d'un même groupe. Le juge, qui connaît la Bible et la Mythologie, lui rétorqua que c'est souvent auprès de ses proches que l'on trouve ses principaux concurrents (Cass. soc., 16 mai 2012, n° 11-10.712). L'histoire ne dit pas si les hypermarchés s'en portent mieux.

25/05/2012

Tolérer c'est demander

On connait la boutade de Clémenceau : "La tolérance, la tolérance, il y a des maisons pour cela !". Et c'est une chambre, en l'occurence la chambre sociale de la Cour de cassation (Cass. soc., 13 mars 2012, n° 10-26.209), qui nous donne l'occasion de cette révision en rappelant, dans un énième conflit portant sur les heures supplémentaires, qu'il n'est pas nécessaire que l'employeur ait demandé la réalisation de ces heures. Il suffit qu'il ait pu constater qu'elles étaient réalisées et ne soit pas intervenu en vue de les interrompre, pour que l'on considère que cette tolérance traduit une demande implicite. Pas de tolérance dans l'entreprise donc : faute d'intervenir pour réguler les dépassements d'horaires d'un salarié, l'employeur sera tenu de payer des heures supplémentaires. Pas très tolérants avec l'employeur  les juges !

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Toulouse-Lautrec - Le salon de la rue des Moulins - 1894

Le principe selon lequel "la tolérance vaut demande" a déjà été utilisé par les tribunaux en matière de santé au travail : qui tolère qu'un salarié ne porte pas les équipements de protection individuelle pour travailler, par exemple, est considéré comme ayant demandé à ce que ces équipements ne soient pas portés. En d'autres termes, le juge estime qu'il est dans la nature de l'employeur de manager et que son abstinence est une coupable tolérance. Allez zou ! à la maison !

24/05/2012

Le prix de la faute

Le salarié n'a pas été très rigoureux : il a utilisé les outils informatiques du cabinet d'expertise comptable à son profit, ou plus exactement pour rendre service à un ami. Plus quelques autres manquements que l'employeur n'a guère appréciés. Résultat : licenciement pour faute lourde et prélèvement d'un dédit formation sur les sommes restant dues. Le salarié obtient de la Cour d'appel la requalification en faute grave, en l'absence de toute intention de nuire. La Cour de cassation en conclut dès lors qu'il n'est pas possible de faire payer le dédit-formation, la décision de licencier relevant de l'employeur et non du salarié. Alors que plusieurs Cours d'appel avaient des positions inverses, la Cour de cassation estime donc que la faute grave ne permet pas de réclamer le paiement d'un dédit-formation qui n'entre  pas dans le prix à payer pour la faute.

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Jean Béraud - Après la faute - 1890

Les clauses de dédit sont assujetties à quatre conditions : un accord écrit avant le début de la formation, une durée raisonnable au regard de la formation suivie, un engagement du salarié limité aux dépenses réelles de l'entreprise et un support de ces dépenses par l'employeur, ce qui suppose qu'il dépense plus en formation que son obligation légale et qu'il n'ait pas déjà été remboursé par son OPCA ou tout autre financeur. Il faut ajouter une cinquième condition, le fait que le salarié quitte volontairement l'entreprise, ce qui n'est pas le cas lorsqu'il commet une faute grave. Certains y verront un moyen facile d'échapper au paiement d'un dédit formation en ayant un comportement que l'employeur ne peut tolérer sans pouvoir pour autant rapporter la preuve que ce comportement est du à la volonté d'éviter le paiement en ne démissionant pas (la preuve d'une volonté en ce sens  permettrait en effet de retenir la qualification de faute lourde - comportement ayant pour objet de nuire à l'employeur en vue d'échapper à une obligation - et de réclamer des dommages et intérêts). Ils n'auront pas tort mais ce sera le prix à payer par ceux qui estiment que l'utilisation de la contrainte juridique est un bon moyen de fidélisation des salariés.

Cour Cassation - Dédit Formation.pdf

23/05/2012

Il n'y a pas de silence de la loi

Avec la décision inattendue, sauf peut être par ceux qui l'avaient demandé, du Conseil Constitutionnel d'abroger l'article du Code Pénal consacré au harcèlement sexuel, on a vu refleurir à foison les commentaires scandant qu'il y avait dorénavant un vide juridique, gouffre sans fond dans lequel seraient plongées les victimes de harcèlement. Répétons-le donc encore une fois : s'il y a une loi du silence, notamment en affaire de harcèlement, il n'y a jamais de silence de la loi. Autrement dit, toute situation ou tout comportement peut recevoir une qualification juridique. Si les vieillards chuchotent leur abject chantage à l'oreille de Suzanne dont ils convoitent le corps (puisqu'en ces matières mieux vaut éviter les périphrases et l'on suggèrera au législateur futur d'en terminer avec le terme "faveurs" s'il redéfinit le harcèlement) et s'ils assortissent leur parole d'une demande de silence à celle qu'ils veulent contraindre, constatons que la loi n'a jamais été silencieuse : elle a d'abord condamné Suzanne puis, une fois les faux témoignages d'adultère établis par l'intervention du prophète Daniel, reconnu son innocence. Mais jamais de vide il n'y eut et il n'y aura.

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Artemisia Gentileschi - Suzanne et les vieillards

Notons tout d'abord que la décision du Conseil Constitutionnel ne concerne que le Code pénal et que les dispositions des articles L. 1153-1 et suivants du Code du travail demeurent applicables. Pas d'impact de fait pour les comportements au sein des entreprises privées. Par ailleurs, le droit pénal lui-même recèle d'autres qualifications à commencer par le harcèlement moral, dont les éléments seront parfois réunis, mais aussi l'aggression sexuelle ou la tentative, l'abus de faiblesse ou dans le secteur public l'abus de pouvoir. Bref, si le retrait du harcèlement sexuel du code pénal met en cause les actions intentées sur cette base, par contre il ne délivre pas, comme on a pu l'entendre ou le lire, un permis de harceler et ne créé pas un vide juridique comme le titrait hier encore Libération qui n'hésitait pas à reprendre à plusieurs reprises une formule manifestement destinée à marquer les esprits, au prix de l'approximation pour ne pas dire de l'erreur. La journaliste sera condamnée à se rendre avant le 14 juillet au Musée Maillol pour voir l'expositions Artemisia et réviser ainsi ses classiques.

15/05/2012

Déraisonnable (2)

Décidément, le Crédit Agricole n'a guère de chance avec sa convention collective et les périodes d'essai. Trois ans après avoir été condamné pour une période d'essai excessive d'une durée d'un an (voir ici), la banque des champs subit une fois encore les foudres du juge qui, cette fois-ci, juge excessive une période d'essai de 6 mois. Il faut dire que l'emploi n'était pas le même, en l'occurence dans l'affaire il s'agissait d'une assistante commerciale. L'entreprise avait procédé à une première évaluation, peu satisfaisante, de la salariée après 3 mois. Mais avait décidé d'aller au  bout de la période d'essai fixée à 6 mois en application de la convention collective. Louable mais injustifié pour le juge : la période d'essai ne peut servir qu'à apprécier les capacités du salarié et sa durée doit être totalement calibrée à cette exigence. Dès lors, six mois d'essai peuvent être considérés comme déraisonnables sur la base de l'emploi occupé.

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Ange Leccia - La déraison du Louvre

L'occasion également pour le juge de rappeler une fois de plus qu'il n'est pas tenu par les termes d'une convention collective et que les partenaires sociaux peuvent, dans leur grande sagesse, manquer de vigilance. Pour la Cour de cassation, il paraît évident que fixer la durée de l'essai en fonction de la catégorie professionnelle n'a guère de sens : c'est la réalité de la situation qui compte et la difficulté de réaliser l'activité confiée.

On pourrait se dire que cette décision va inciter les employeurs à se séparer encore plus vite de leurs salariés, sans prendre le risque d'un contentieux a postériori, à moins qu'au contraire elle n'incite à ramener les périodes d'essai à ce qu'elles sont, à savoir une mise en situation de travail qui permet d'apprécier la compétence du salarié.Pour le reste, il faut raison garder.

11/05/2012

Egals et fraternaux

Reprise de l'activité de formation avec l'animation d'un séminaire consacré aux élections professionnelles. Décidément, on en sort pas. Le sujet n'est pas le plus passionnant. Certes il y a bien un peu de stratégie électorale, quelques occasions de faire du droit, de la technique et les trucs et astuces habituels qui rendent plaisant le juridique, mais c'est tout de même un peu Waterloo morne plaine. Heureusement, comme souvent, les participants mettent leur grain de sel et l'on peut enrichir le débat. Quels sont les critères pour voter ? l'âge, l'ancienneté, l'indépendance vis-à-vis de l'employeur, ne pas être privé de ses droits civiques. Pas la nationalité ? et non, les étrangers votent déjà en France, pour toutes les élections non politiques. Seules les élections politiques font un lien entre citoyenneté et nationalité. Mais alors ne serait-il pas logique que ce lien ne s'applique qu'aux élections nationales. Cela aurait sa cohérence.

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Shi Xiang - Liberté-Egalité-Fraternité - 2011

Mais alors on pourrait voter dans son pays d'origine pour les élections nationales et dans son pays de résidence pour les élections locales ? oui, un peu comme le salarié détaché qui peut voter sur son lieu de travail pour élire les représentants du personnel mais qui bénéficie du comité de son entreprise. Communauté de travail et communauté d'appartenance peuvent ne pas s'opposer. Et c'est ainsi qu'au détour d'un séminaire technique et pratique on peut redécouvrir, selon la formule du député Fournier prononcée devant la Chambre des Députés en 1914 que "Tous les citoyens sont égals et fraternaux".

10/05/2012

Paradoxe

Les dirigeants et les DRH ont poussé un grand ouf de soulagement. Ce début mai est heureux, porteur de bonne nouvelle (au singulier certes, mais nous ne sommes qu'au début du mois). L'heureux évènement survenu au début du mois est la décision de la Cour de cassation du 3 mai dernier, dans l'affaire Viveo. Il s'agissait de savoir si, comme l'avait jugé la Cour d'appel de Paris, l'absence de motif économique pouvait conduire à la nullité des licenciements. Pour les juges du fond, en l'absence de motif économique le plan de sauvegarde de l'emploi ne pouvait être régulier. La Cour de cassation adopte une solution sur laquelle quelques juristes, comme d'habitude, on joué à se faire peur alors que de suspens il y avait peu. Elle rappelle dans sa décision que le Code du travail prévoit la nullité des licenciements si le PSE est insuffisant mais par contre elle sanctionne exclusivement par des dommages et intérêts l'inexistence d'une cause économique. Pas de suspens donc car notre législation a fait ce choix qui peut sembler paradoxal : il est moins grave de licencier sans motif que de licencier sans élaborer des mesures de reclassement à la hauteur de ses moyens.

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David Spriggs - The Paradox of Power - 2007

Ce choix, effectué en 1993, a été confirmé en 2002 et en 2005. Il repose sur l'équilibre entre la liberté d'entreprendre et la préservation des droits des salariés. Il se traduit concrètement par le fait que tout employeur peut licencier, même sans motif, dès lors qu'il est prêt à en assumer les conséquences au plan social et financier. Certains verront dans la décision des juges la confirmation que le droit permet tout licenciement si l'employeur est prêt à y mettre le prix. Il se trouve que c'est ce que nous dit aujourd'hui le Code du travail. Pierre Bailly, magistrat à la Cour de cassation, ne s'est pas privé de souligner que la Cour de cassation est restée dans son rôle en rappelant la législation actuelle. Il conclut son commentaire en renvoyant la responsabilité d'une éventuelle évolution au législateur qui a seul le pouvoir, aujourd'hui, d'étendre le champ de la nullité des licenciements de l'insuffisance de plan social à l'inexistence du motif économique. Transmis aux futurs nouveaux parlementaires.

Cour Cassation - Viveo.pdf

26/04/2012

Un vrai travail

Lorsque les partenaires sociaux ont créé le contrat de professionnalisation en 2003, et non un énième contrat de formation, c'est bien pour signifier à toutes les parties concernées que la formation ne résultait pas exclusivement de l'action de formation suivie en dehors du poste de travail, mais également de l'exercice de ce travail. Venant après la VAE, la professionnalisation, qui vaut tant pour les contrats que pour les périodes, c'est la reconnaissance que le travail apporte, comme la formation, des compétences mais pas les mêmes et pas de la même manière. Un parcours de professionnalisation, ce n'est pas une formation où on apprend et un travail dans lequel on applique ce que l'on a appris en formation. C'est deux moyens différents d'acquérir des compétences distinctes qui concourrent ensemble à la professionnalisation. Dans une décision du 12 avril dernier, la Cour de cassation valide la prise d'acte de la rupture d'un contrat de professionnalisation par un salarié parce que l'entreprise ne lui a pas confié un travail lui permettant de se professionnaliser. Au regard de l'objet du contrat, pas un vrai travail donc.

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La formule des juges est lapidaire : en ne donnant pas un travail au contenu suffisant, l'employeur n'a pas assuré l'obligation de formation qui lui incombe.

On souhaite que cette décision serve de point d'appui pour cesser de traiter le contrat de professionnalisation comme le seul support du suivi d'une formation. Combien d'OPCA aujourd'hui, puisque c'est désormais eux qui ont en charge de valider les contrats, vérifient le contenu de l'emploi occupé, exigent la fiche de poste et valident un parcours associant des compétences développées dans le travail et en formation ?  le jour où tout les emplois seront qualifiants et apporteront des compétences, le jour où l'on cessera de bâtir des modèles d'activité sur la standardisation des comportements et au final sur la déqualification des salariés, ce jour-là on saura peut être ce qu'est le vrai travail. En nous en proposant une définition, les juges ont ouvert la voie.

Cour de cassation - 12 Avril 2012.pdf

12/04/2012

Mars piraté !

Non, ne cherchez pas du côté de Jacques Chaminade futur colon de mars ni, pour les complotistes, du côté de la CIA qui aurait déjà soudoyé d'hypothétiques habitants de la planète rouge, non le Mars en question c'est le système qui gère les résultats des élections professionnelles depuis la loi du 20 août 2008. Le site ouvert par le Ministère du Travail pour centraliser l'ensemble des résultats des élections de délégués du personnel et de comités d'entreprise (c'est ici) a subi en début d'année une attaque informatique. Selon le Ministère, le pirate, non identifié, n'aurait fait que copier des procès-verbaux d'élections qui sont publics. Même si, vieux réflexe juridique, on présume la bonne foi, on ne peut s'empêcher de penser que réaliser un piratage informatique pour copier ce qui est accessible à tout un chacun, c'est moyennement crédible, à moins qu'il ne s'agisse d'une erreur de cible et qu'en s'attaquant à Mars le pirate inconnu ait cru s'en prendre à la NASA.

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Mars

L'attaque informatique démontre tout simplement l'impatience de certaines organisations dont la survie dépend purement et simplement des résultats des élections. En effet, avant la fin de l'année seront publiés des arrêtés de reconnaissance fixant la liste des organisations syndicales représentatives dans les branches professionnelles et au niveau interprofessionnel. L'enjeu n'est pas mince qui, pour la première fois depuis deux siècles, reconnaîtra officiellement une différence entre les organisations syndicales, longtemps considérées comme se valant en tout. Terminée l'égalité de principe, chacun sera jugé à l'aune des suffrages qu'il a recueilli. Aucune organisation n'échappera à la perte de représentativité dans une ou plusieurs branches professionnelles. Quant au niveau interprofessionnel, seule la CFTC paraît véritablement menacée. A 6 mois de l'échéance, on comprend mieux la tentation du pirate d'approcher le rapport de forces, à moins qu'il n'ait tenté de modifier certains résultats ou, rien n'étant exclu, que l'objet de la manoeuvre ait été de démontrer la faiblesse du système pour mieux contester ensuite les résultats qu'il fournira. Réponse d'ici la fin de l'année. En attendant, on vous prie de considérer que MARS se porte très bien, merci.

01/04/2012

6ème semaine de congés payés ?

Vu la date à laquelle l'annonce a été faite, on aurait pu penser à un plaisanterie. Mais la campagne électorale est peu propice à l'humour, c'est plutôt l'inverse si l'on en juge par les efforts que fait François Hollande pour rester sérieux face au destin. L'annonce a surpris jusque dans son camp et apparemment très peu de ses proches étaient au courant. Tous n'ont d'ailleurs pas très bien compris le sens de la manoeuvre. L'annonce par Nicolas Sarkozy d'un référendum, à l'image de celui qui vient d'avoir lieu en Suisse, sur l'octroi d'une 6ème semaine de congés payés n'était pas vraiment attendue. Pour le chantre du "Travailler plus" et le pourfendeur des 35 heures, annoncer une semaine supplémentaire de congés payés, cela n'allait vraiment pas de soi. On pourrait penser que, pessimisme économique et propension des français à voter non aidant, il s'agit d'un référendum purement tactique pour obtenir un non des français, ce qui légitimera l'ouverture d'un nouveau débat sur la durée du travail. Habile manière de proposer plus de congés avant d'en supprimer quelques uns. Mais non.

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Si l'on en croit les déclarations faites à la presse, il s'agirait d'une mesure de redistribution de la valeur ajoutée. Selon l'actuel Président "Qu'est-ce que le temps ? de l'argent ! aussi je proposerai aux salariés de gagner davantage de jours de congés payés ce qui relancera la croissance puisque dès que l'on ne travaille pas on consomme". Aux journalistes qui s'étonnaient de cette proposition, jamais évoquée précédemment, il a été répondu "J'ai décidé de couper l'herbe sous les pieds de Mélenchon quand j'ai vu le référendum en Suisse. Vous connaissez la lenteur légendaire de ce peuple que je respecte par ailleurs. S'ils ont besoin de moins de congés, c'est parce que leur rythme de travail ne le leur permet pas. En proposant une 6ème semaine de congés payés, je démontre que les français constituent le peuple le plus productif au monde par heure travaillée.". Si, comme la presse présente lors de cette déclaration, vous demeurez dubitatifs, peut être cet argument emportera-t-il votre conviction : "La contrepartie de la 6ème semaine de congés, sera que ceux qui veulent travailler pendant leurs congés seront autorisés à le faire. Cette interdiction a perdu son sens et il faut redonner de la liberté". Alors 5 semaines sans travailler ou 6 semaines en travaillant. Vous voteriez quoi ?

13/03/2012

De l'engagement

La CGT a officiellement exprimé sa position pour la prochaine élection présidentielle en indiquant pour qui elle ne voterait pas. Le même jour, Laurence Parisot dans une interview aux Echos, annonçait tout aussi clairement, même s'il ne s'agit pas d'un communiqué du MEDEF, pour qui elle ne voterait pas. Si les positionnements politiques ne surprennent guère, leur expression a suscité force commentaire. Les vieilles rengaines sur la politisation des syndicats sont rebrandies. Les représentants de la démocratie sociale doivent-ils prendre position lorsqu'il s'agit de démocratie politique ? en droit, s'il est interdit à un syndicat de poursuivre des objectifs politiques, l'intervention politique est reconnue comme un moyen de défendre les intérêts des adhérents. L'engagement n'est donc pas une fin mais peut être un moyen.

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Ai Weiwei

D'ailleurs, tout le monde devrait se réjouir que chacun souhaite et puisse s'engager. La démocratie se porte mieux lorsque les citoyens s'engagent que lorsqu'ils négligent de le faire. Et l'engagement d'un seul peut parfois faire des émules à l'exemple d'Ai Weiwei.

Non l'engagement n'est pas un problème, sauf si l'on considère qu'il est impossible d'avoir des relations, de travailler efficacement, voire de cotoyer ceux qui ont d'autres engagements que les notres. Cette vision ostracisée de la société où l'on ne pratiquerait que l'entre soi endogamique est une véritable plaie. Je me souviens qu'un des premiers à me faire confiance lorsque j'ai débuté mon activité, était un représentant patronal à la réputation sulfureuse, autrement dit il fleurait l'extrême-droite. En réalité, il baignait dans des cultures de droite très diversifiées dont il faisait une anarchiste synthèse personnelle tout en aimant l'ordre et le cérémonial. Mais cela il m'a fallu du temps pour le découvrir. La vérité d'un individu n'est quasiment jamais dans son apparence.

L'engagement devrait être un acte aussi normal et banal que le fait de cotoyer avec plaisir ceux qui pensent autrement que nous. Manifestement nous n'en sommes pas là et ici j'adresse un salut personnel à Marc Ferracci qui refusa la semaine dernière un débat avec moi parce que j'avais osé écrire tout le mal que je pensai du rapport sur la formation professionnelle qu'il a coproduit pour l'Institut Montaigne (voir ici). Et au plaisir d'une prochaine rencontre, avec un peu d'engagement !

12/03/2012

Réveil

Après deux ans de négociation, des assoupissements, un peu de léthargie et quelques autres chats à fouetter également, les partenaires sociaux ont conclu le 17 février dernier un accord sur la modernisation du paritarisme et son fonctionnement. Il n'était que temps. Après plusieurs décennies de paritarisme, les partenaires sociaux actent enfin des principes de gouvernance destinés à garantir la transparence de la gestion, son efficience et ses résultats. Certes l'effort vient tard, il est timide puisque limité aux organismes nationaux interprofessionnels,  mais il a un goût de printemps pour la démocratie sociale qui en a bien besoin.

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Johann Heinrich Fussli - Le réveil de Titania - 1781

Avec ce texte, nous aurons des administrateurs qui cumuleront moins de mandat, qui seront en activité ou auront moins de 70 ans, qui seront formés, qui rendront compte, qui adopteront des règles de fonctionnement transparentes, qui mettront en place des audits internes et externes, qui s'attacheront à la qualité des services rendus aux bénficiaires et qui se doteront de capacités d'évaluer l'impact des actions conduites.

On peut se demander pourquoi tout ceci, qui semble tomber sous le sens, a demandé deux ans de négociation et n'a pas été fait depuis longtemps. Mais après tout, ce n'est plus la question du jour. Apprécions l'hirondelle et laissons lui annoncer le printemps.

Projet ANI Paritarisme.pdf

09/03/2012

De l'assurance et de l'assistance

Le droit c'est de la littérature dont la qualité tient souvent à la justesse des mots employés. Que les termes soient confus, mal définis et les idées ne manqueront pas de l'être également.

Il est régulièrement question, tous les 5 ans environ, d'assistanat. En droit, les régimes d'assistance reposent sur la solidarité publique et ont pour caractéristique de distribuer des ressources sans tenir compte de la qualité de cotisant, ou non, à un régime. L'assurance, a contrario, est un droit que l'on s'ouvre à hauteur des cotisations que l'on verse.

 Les garanties sociales mises en place à la Libération ont évolué en empruntant aux deux systèmes.

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Relèvent par exemple de l'assistance, les allocations familiales. Relève de l'assurance, l'indemnisation du chômage. Rappelons que ce régime  est financé par les cotisations salariales et patronales et qu'il ouvre des droits strictement proportionnels aux durées de cotisation. Comme l'assurance maladie ou l'assurance retraite qui exigent des durées de cotisation pour que les droits soient ouverts. Mais à l'inverse de la CMU, du RSA ou des allocations familiales qui sont versés en fonction d'une situation et non de contributions. Droit à une assurance d'un côté, accès à la solidarité de l'autre.

On suggèrera donc à ceux qui font le pari de la vérité, de réserver l'appellation d'assistés à ceux qui perçoivent des allocations non conditionnelles, et donc en premier lieu aux familles, et de rappeler que les chômeurs qui perçoivent une indemnisation sont titulaires d'un droit acquis en contrepartie de leur travail. A défaut, il y aurait soit incompétence, soit démagogie, mais en tout état de cause guère de vérité.

24/02/2012

Du sens des choses

Je me souviens d'un responsable d'un service formation qui prenait un malin plaisir à me citer des articles du Code du travail. Ce faisant, il pensait faire du droit. Il en connaissait plein. Il les savait par coeur et les utilisait souvent. La citation du numéro lui conférait un sentiment de toute puissance qui s'affichait largement sur son visage et que confortait l'impuissance de ses interlocuteurs à faire face à cette redoutable précision. Mais la précision extrême est une des stratégies possibles pour tenter de masquer l'incompétence. En réalité, jamais cet homme n'a fait du droit. Pour deux raisons. La première est que le fait de comprendre tous les mots d'une phrase ne garantit pas d'en saisir le sens. La seconde est que cette phrase ne s'éclaire peut être qu'au vu des intentions qui ont présidé à sa création mais également articles qui l'entourent et à quelques principes dans lesquels elle s'insère.

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Thomas Hirschhorn - Concretion

Aucun des éléments utilisés par Thomas Hirschhorn n'est incompréhensible : des mannequins, du ruban adhésif, des traverses de bois. Le sens de CONCRETION est-il pour autant évident ? et peut être faudrait-il prendre connaissance des 19 autres oeuvres qui ont été présentées lors de l'exposition CONCRETION pour donner un sens à cette troupe qui se rigidifie sous nos yeux. Car le durcissement, de la pensée, des relations, du monde, est la thématique proposée. Mais isoler un élément de son contexte rend plus difficile d'en saisir la signification.

La Cour de cassation a illustré cette exigence d'élargissement du regard pour la compréhension du sens dans une décision du 25 janvier 2012. Une salariée prend un congé parental le 1er février suite à un congé maternité, et envoie un courrier à l'employeur pour l'en informer le 7 février alors que le Code du travail prévoit une information un mois à l'avance. L'entreprise procède au licenciement pour absence injustifiée. A tort nous disent les tribunaux. La salarié remplissait les conditions pour bénéficier du droit au congé parental, qui était donc de droit, et avait informé l'employeur par d'autres moyens. L'envoi tardif du recommandé ne constituait donc pas une faute grave. Le manquement de la salariée à une exigence précise d'un texte n'est donc pas une faute dès lors que l'on redonne à ce texte sa véritable portée au regard de la finalité du droit et de son mode d'exercice. Pour qui veut véritablement comprendre le sens des choses, on conseillera donc non pas d'être imprécis, mais de préférer la vision globale à la vision à courte focale.

Cass Soc. 25 janvier 2012 conge parental.pdf

15/02/2012

En route vers le silence

Si l’on souhaite que plus personne n’entende rien, il y a deux méthodes : le silence et le vacarme. Mais si l’on se dote d’un indicateur quantitatif, avec le vacarme il est possible de considérer que beaucoup de choses, énormément de choses, se sont dites.

Le dialogue social obligé est un vacarme. Après les accords seniors et avant les accords pénibilités, les accords égalités professionnelles occupent DRH et syndicalistes. Tous les bilans en témoignent : négociation formelle, créativité atone, portée réduite, habillage de pratiques existantes, l’impact de la négociation est faible. Mais quantitativement, on peut brandir des chiffres : les centaines d’accords conclus, les milliers d’entreprises couvertes, les millions de salariés concernés. Loin d’être revigoré par cette déferlante conventionnelle, le dialogue social en sortira affaibli : beaucoup de vacarme, peu d’effets.

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Nonne au collier de silence

Quand on est fatigué du vacarme, il reste le silence. Tel risque d’être l’avenir du dialogue social lorsque, fatigués de négocier des accords vides de contenu et sans portée, habitués à se voir pendant des heures sans résultat, les partenaires en viendront à préférer le silence. Ils pourront alors se dire qu'il y a deux manières de tuer le dialogue social : l'empêcher ou faire semblant de l'encourager.

14/02/2012

Tout va bien, on se quitte ?

Les décisions de Cour d'appel s'accumulent en des sens opposés et la Cour de cassation devra bientôt trancher en posant une solution de principe : est-il possible ou non de conclure une rupture conventionnelle alors qu'il existe un litige entre l'employeur et le salarié ? La Cour d'appel de Riom a répondu par la négative en janvier 2011 estimant que lorsque le salarié est en litige avec son employeur, il ne peut librement négocier. Plus pragmatique, sans doute parce que plus au sud, la Cour d'appel de Montpellier a rappelé le 16 novembre 2011 qu'aucun texte n'interdit de conclure une rupture conventionnelle dans un contexte litigieux et que les débats parlementaires n'ont pas évoqué de réserve particulière  à ce sujet. De la position de la Cour de cassation dépend donc l'avenir de la rupture conventionnelle homologuée comme forme de séparation amiable.

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Edvard Munch - La séparation

Il n'y a que des juges, certains du moins, pour considérer que la rupture conventionnelle ne sera utilisée que dans le cadre d'une cordiale entente des parties : "Tout va bien entre nous, quittons nous". En réalité, la rupture conventionnelle vient souvent conclure une dégradation des relations ou constitue une alternative satisfaisante à une démission ou un licenciement. En vertu de quel principe interdirait-on aux parties de constater qu'elles ont des relations conflictuelles et que la meilleure solution est de ne pas les prolonger ? le seul contrôle que doivent exercer les tribunaux est celui de la volonté du salarié. Le consentement du salarié était-il libre ou non ? sachant que la loi organise tout le processus de rupture selon des modalités qui garantissent la validité de l'accord du salarié. Si l'on considère que tout litige constitue par principe et par nature une pression insupportable sur la volonté du salarié qui lui interdit de conclure un accord conventionnel de rupture, alors cela signifie que la volonté du salarié est entièrement soumise au rapport de subordination dès lors qu'il existe un conflit d'intérêts avec l'employeur. Ce faisant, en pensant protéger le salarié, on le considère comme un individu qui ne peut agir de manière responsable et dont la volonté est inévitablement alterée par le contrat de travail lui même. Pas sur que ce soit un service à rendre aux salariés que de les considérer comme aliénés par la moindre situation conflictuelle.

09/02/2012

Machines autodestructrices

Liaisons Sociales en fait le thème de son dernier numéro d'Entreprises et Carrières : les accord seniors génèrent de la frustration, notamment avec les entretiens de mi-carrières, entendez des plus de 45 ans, qui ne sont pas ou plus faits et lorsqu'ils le sont c'est à la stupéfaction des seniors à qui on les a proposés :

"Comment envisagez-vous votre avenir professionnel ?

- c'est plutôt à vous de me le dire...

- Ah mais non, je suis là pour vous écouter...

- Certes, mais ce n'est pas moi qui décide de mes missions, de mon évolution possible dans l'organisation, de mon parcours...

- Mais cet entretien a pour objectif de vous permettre d'exprimer vos souhaits...

- Et quelles sont les décisions qui pourraient en résulter...

- Ah ça ! ...."

Et voilà comment les entretiens de mi-carrière frustrent le bénéficiaire et le manager : rien à décider, rien à proposer, mais un entretien à tenir et la pression des RH pour les réaliser effectivement, d'ailleurs c'est écrit dans l'accord senior qu'il faut les faire, donc allez-y. Ou comment faire de la RH autodesctructrice.

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Jean Tinguely - Machine autodestructrice - 1960

En 1960, Tinguely créé un hommage à New-York : une machine autodestructrice, installée dans les jardins du Moma, préfigurant la ville carnassière qui s'autodétruit et renaît sans cesse, New-York la ville du mouvement perpétuel, illustration constante de la destruction  créatrice de Schumpeter.

Les ressources humaines ressemblent parfois à ces machines autodesctructrices, lorsqu'elles agissent selon leurs logiques, ou contraintes, propres, sans se soucier des utilisateurs. Ce qui donne : j'étais obligé de faire un accord senior, je l'ai fait, maintenant la suite n'est plus de mon ressort. Et ce discours peut être tenu sur l'égalité professionnelle hommes-femmes, sur la pénibilité, sur les travailleurs handicapés, sur la GPEC, etc. Les ressources humaines produisent du formel sur des obligations légales et ensuite, bon courage les managers mais surtout ne venez pas nous chercher, nous on a fait notre job, à vous de jouer maintenant. Et pas question de renacler, vous seriez des résistants au changement ou des rebelles à la contrainte qui s'impose à tous. Allez, après ça, expliquer aux managers que la fonction RH a de la valeur ajoutée ou qu'elle peut servir à autre chose que leur compliquer la vie. Ils vous répondront invariablement que le service Ressources Humaines ressemble pour eux à une machine autodestructrice et que le RH ferait mieux de s'abstenir d'agir, ce serait toujours ça de pris. Tout ceci n'empêche pas des RH de considérer qu'ayant rempli leur obligation, ils ont fait ce qu'il fallait. Et peu importe les conséquences sur les opérationnels. C'est à celà que l'on mesure la capacité d'autodestruction et que l'on voit les limites d'une politique qui consiste à faire de l'obligation légale l'alpha et l'oméga des politiques RH. Pour aboutir à ce résultat, autant laisser les acteurs sociaux se débrouiller entre eux, ce sera moins machinal et moins destructeur.

07/02/2012

Pas touche les congés !

La Cour de Justice des Communautés Européennes poursuit son travail d'harmonisation des droits des salariés au niveau européen. N'en déplaise à ceux qui ne voient dans l'Europe qu'une machine bureaucratique dont la boussole est constituée par la concurrence, le libre-échange et les marchés financiers, il se trouve quelques juges à  Luxembourg pour rappeler que l'Europe ce sont aussi des règles et garanties en matière sociale qui doivent bénéficier à tous les européens. Dans une affaire jugée le 24 janvier dernier (CJUE, aff. 282/10, Dominguez), la Cour rappelle que tout salarié doit bénéficier de 4 semaines de congés payés par an, et que ce droit n'est pas conditionné, dans les textes européens, par le fait d'avoir travaillé. Impossible donc de proratiser les congés payés d'un salarié qui, pendant la période de référence, a eu un congé maladie. Vous rentrez de congé ? prenez vos congés !

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Robert Doisneau - Congés payés

C'est déjà la CJUE qui avait rappelé que les congés maladie ne pouvaient faire perdre des jours de congés payés acquis et qu'il fallait les reporter au-delà de la période de maladie. Voici une nouvelle étape : les congés payés ne sont pas la contrepartie du travail mais un droit inaliénable auquel doit avoir accès tout salarié, quand bien même n'aurait-il pas travaillé. Il va donc falloir reparamétrer les logiciels de gestion de la paie et arrêter de proratiser les congés payés des salariés malades. Au passage, ceux qui persistent à proratiser les jours de RTT des salariés en forfait jour lorsqu'ils sont malades et que la Cour de cassation avait déjà rappelé à l'ordre, trouveront ici l'illustration que le droit a repos peut être indépendant du travail. Ce n'était pas ainsi que l'on raisonnait jusque-là, il va falloir s'y habituer.