17/05/2011
De l'inutilité
Hugo Pratt, le rêveur qui racontait la vie de Corto Maltese, a évoqué quelques souvenirs, mais comment se fier à la mémoire d'un rêveur, dans un livre d'entretiens intitulé : "Le désir d'être inutile". La poésie de la formule ne laissera pas insensibles les nostalgiques du fils de la gitane sévillane et du marin des cornouailles. Le désir d'être inutile peut être une tentation passagère ou plus lancinante qui nous allège et nous libère. Ce désir est une gourmandise.
Quelques députés ont cédé à la tentation. En déposant un projet de loi pour faire entrer la prise d'acte dans le Code du travail, ils font oeuvre inutile. Que l'on en juge par leur proposition qui propose de qualifier la prise d'acte de démission ou de licenciement selon le cas. En d'autres termes, on créé une modalité de rupture du contrat de travail qui renvoie à deux autres modalités préexistantes. On pourrait ainsi créer le contrat de travail salarié qui serait un contrat conclu soit en CDI soit en CDD. La clarté du droit y gagnerait certainement. Le propre du droit étant de qualifier, définir une catégorie juridique par référence exclusive à deux autres tient du tour de force et surtout de l'incompétence.
A lire le texte toutefois, l'on s'aperçoit qu'il s'agit de limiter cette insupportable liberté du salarié de pouvoir quitter l'entreprise a tout moment en cas de faute de l'employeur. Nos valeureux députés utiles s'emploient à lui compliquer la vie : la charge de la preuve pèse sur lui, le doute ne lui bénéficie pas, transformation systématique de la prise d'acte requalifiée en démission, de démission abusive puisque le salarié devra payer une compensation pour le préavis non effectué, etc. Sur leur lancée les députés se proposent de détricoter le droit du licenciement en permettant à l'employeur de prendre acte de la rupture du contrat, comme si en ce domaine les deux parties devaient être à égalité. Rappelons à nos députés que ce n'est pas tout à fait par hasard si le licenciement doit être motivé et que la démission n'a pas à l'être. Le temps qu'ils pourraient consacrer à comprendre cette différence serait du temps en moins qu'ils consacareraient à des projets de loi inutiles. Du temps devenu utile, donc.
Prise d'acte de la rupture.pdf
Corto Maltese et le temps utile
01:25 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : prise d'acte, rupture, démission, licenciement, corto maltese, hugo pratt