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27/04/2015

Eh ben, ça va pas être facile...

J'étais en train de préparer une intervention demandée par une Fédération sportive. L'objet ? éviter que les clubs, qui n'ont pas grand chose à voir avec les clubs de football, ne se mettent en situation délicate vis à vis des organismes sociaux et du fisc, ne fassent pas trop preuve de créativité à la mode sudiste dans la gestion des (faibles) rémunérations en vigueur dans le domaine et respectent leurs obligations sociales. Tracer les limites, rappeler qu'il y a un arbitre, qu'il peut siffler, donner des cartons rouges ou jaunes, que l'intérêt collectif exclut qu'il y ait des pratiques douteuses, bref, éviter de faire la morale mais fixer des lignes de conduite et puis aider techniquement à faire tout ce qui peut entrer dans le cadre de la légalité. Tout cela auprès de bénévoles, de vieux de la vieille, de pas mal à qui "on ne la fait pas". J'en étais là, quand j'ai entendu cette histoire de taxis. 

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Près de 40 000 euros de notes de taxis, les codes filés au gamin, la voiture de fonction avec chauffeur en prime, et la Président de l'INA qui concède "une maladresse". Petit sondage auprès rapide auprès de DRH, eux ils appellent ça une faute lourde avec licenciement immédiat. Je n'ai pas encore interrogé les responsables RSE pour savoir ce qu'exige l'éthique dans un tel cas. J'ai juste pensé que si l'affaire trainait quelques temps en Une de l'actualité, il allait quand même falloir que je revisite sacrément mes argumentaires. Sinon, je sens que je vais faire rigoler les Présidents de club. A moins que, quitte à surfer sur l'actualité, je leur demande s'ils connaissent ce charmant oiseau noir qui peuple villes et campagnes et que l'on appelle le corbeau. 

23/05/2011

Absente absinthe

La vie professionnelle s'invite souvent à la table de la vie personnelle, tant le temps de travail d'une société des services et de l'information peine à se couler dans le moule de la gestion de la force de travail industrielle. Mais l'inverse est aussi vrai. La vie personnelle fait des apparitions au coeur de la vie professionnelle et ouvre des débats sans fin sur la manière dont tout ceci doit être géré. Le 19 mai dernier, le Comité consultatif national d'éthique a rendu public un avis dans lequel il invite les entreprises, au nom de leurs obligations en matière de santé au travail, à lister tous les postes pour lesquels il faudrait procéder à un dépistage de la consommation d'alcool ou de produits illicites. Vérifier l'absence d'absinthe donc.

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Jean Bereau - Buveurs d'absinthe

Si l'on comprend la finalité, le chemin pris place l'entreprise dans une situation impossible. Que doit-elle contrôler ? l'abstinence d'alcool ? jusqu'à quel degré ? et que faut-il entendre par produit illicite ? le joint du matin ou le rail de coke ? et quid de la boîte de lexomil avalée dans le bol de café, les champignons hallucinogènes consommés en guise de petits LU ou des hectolitres de café qui génèrent quelques réflexes parkinsoniens ? tout salarié devient-il potentiellement un coureur du Tour de France qui doit déposer sa salive, en attendant de donner son sang ?

En ce domaine toujours difficile à gérer, j'ai souvent recommandé de gérer la conséquence plutôt que la cause. C'est à dire le comportement du salarié au travail plutôt qu'un état personnel. Pour plusieurs raisons : il est dangereux de demander à l'entreprise de s'intéresser aux états et non aux comportements ; en l'absence d'ailleurs de comportement problématique, que reprochera-t-on au salarié ? et où faire passer la frontière des produits à contrôler ? sans parler du fait que dans certains cas c'est l'absence de consommation qui génèrera le risque et non l'inverse.

Insoluble donc cette question des consommations illicites ? peut être pas mais certainement pas en faisant peser sur l'entreprise la responsabilité de gérer globalement la santé du salarié sous prétexte qu'il est au travail. A perdre de vue l'objectivité du comportement extérieur on s'expose à entrer dans les zones brumeuses des vapeurs de l'absinthe. Et à cet endroit, le droit n'a plus sa place.

30/03/2011

Un léger doute

Au plan des principes, les solutions sont imparables. Logiques en droit, cohérentes dans le raisonnement, juridiquement argumentées, les décisions adoptées par la Cour de cassation dans une série d'arrêts en date du 2 février 2011 s'inscrivent de surcroît dans le droit fil de décisions antérieures. Rigueur et constance sont au rendez-vous. De quoi s'agit-il ? du licenciement d'un salarié d'un casino sur la base d'enregistrements vidéos de ses agissements par les caméras fonctionnant en permanence dans l'établissement ou encore du licenciement pour faute grave d'un salarié qui tient des propos injurieux à l'encontre de son employeur dans le cadre d'un échange par mail avec un collègue ou encore d'un mail envoyé par un salarié à son épouse avec quelques remarques peu amènes pour l'employeur, auquel le mail est transféré par erreur.

Dans tous les cas, les principes sont respectés : le salarié était informé de la présence des caméras, les mails ont été écrit sur le lieu de travail, pendant le travail avec un matériel professionnel et ils n'étaient pas identifiés comme personnel. Rien à redire donc. Et pourtant, un léger doute. Le sentiment diffus, mais tenace, que tout ceci n'est pas satisfaisant et que le droit est un pudique paravent masquant une société de la surveillance, de la traçabilité, du contrôle permanent, du mythe de la transparence où chacun pourrait avoir accès à tout ce qui s'échange, se dit, s'écrit, se fait. Un monde sans répit et sans repos. Un monde inhumain donc.

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Filmé en permanence, lu dans tous ses échanges, tracé dans ses circulations sur le net, géolocalisé dans son véhicule, écouté dans ses conversations téléphoniques, le salarié est dans la position du prisonnier dont on éteint jamais la lumière dans sa cellule. Observable à tout moment, il perd sa vie privée et ne peut que déchoir de sa condition. Comparaison trop sévère, excessive, caricaturale ? peut être. Mais il fut un temps où le débat, y compris juridique, portait sur le salarié citoyen dans l'entreprise et où la liberté était conçue comme une autonomisation de chacun au profit de tous. Que le débat s'exerce aujourd'hui sur le terrain du contrôle permanent des salariés sans que le juge ne se prononce en référence à ces principes de citoyenneté dans l'entreprise, de vie personnelle qui peut être présente au travail et de la folie qui consiste à exiger une transparence totale des individus n'est pas bon signe. En être réduit à conseiller aux salariés de gratifier leurs mails d'un énorme MESSAGE PERSONNEL est une défaite de l'éthique et des relations entre les individus. Car elle consacre la bascule irréversible dans un monde de défiance, ou chacun est suspect par principe et doit se méfier de tous. Une société policière donc. On souhaiterait, pour qu'il n'en soit pas ainsi, que le juge se souvienne qu'il est le garant des libertés et que les entreprises prennent quelques engagements dans le domaine sans que le droit n'ait besoin de les y contraindre. Et sur la possibilité que les choses évoluent en  ce sens, on aimerait ne pas avoir un léger doute.

26/12/2010

Réalisme cynique

Plusieurs plaintes ayant été déposées, les laboratoires Servier devront s'expliquer en justice sur la commercialisation persistante du MEDIATOR, dont des études cliniques avaient reconnu la dangerosité. Nul doute que la responsabilité des médecins prescripteurs ainsi que des autorités de santé sera évoquée devant les juges. Longue bataille juridique en perspective avant de savoir si le laboratoire a été d'un réalisme cynique ou d'une bonne foi sans faille. Le réalisme cynique est le nom d'un mouvement pictural chinois né après Tian anmen en 1989 dont Yue Minjun est un des représentants les plus éminents.

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Yue Minjun - Exécution

Je ne connais rien au MEDIATOR ni à la dimension médicale du dossier. Rien à dire sur le fond donc. Sauf un souvenir ancien, plus de quinze ans, à propos des Laboratoires SERVIER. L'affaire avait, à l'époque, été révélée par le Canard Enchaîné. Etaient en cause les pratiques de recrutement du Laboratoire : non seulement discriminantes en fonction de l'origine mais également basées sur des prises de référence personnelles (chaque candidat devant fournir le nom de trois connaissances personnelles qui étaient contactées pour tracer le profil de personnalité du candidat) et dans certains cas sur des enquêtes confiées à d'anciens policiers ou agents des renseignements généraux. Quel rapport avec le MEDIATOR ? aucun a priori, sauf si vous considérez que la manière dont une entreprise gère les ressources humaines n'est jamais anodine et que les pratiques seules témoignent des valeurs d'une organisation.

02/04/2008

Valeurs et performance

Trois sujets récents de l'actualité : les quarante ans de Mai 68, le débat sur les sportifs et le boycot des JO, le récent discours de Barak Obama sur les races. Quel point commun entre ces trois évènements ? Tommie Smith.

Le 16 octobre 1968 à Mexico, Tommie Smith remporte le 200 m des Jeux Olympiques. Sur le podium, avec John Carlos troisième de la course, il monte chercher sa médaille en chaussettes noires et lève un poing ganté en mémoire de Martin Luther King, qui venait d'être assassiné, et plus globalement pour protester contre la condition des noirs aux Etats-Unis.

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 Tommie Smith et John Carlos seront exclus immédiatement des JO. Sans beaucoup de soutien de la part du mouvement sportif et avec des menaces de mort. Tommie Smith passera ensuite une licence de sociologie et deviendra éducateur sportif et entraîneur de jeunes.

 Pendant combien d'années, à l'entraînement, dans les courses de préparation, dans les courses de sélection, dans les premiers tours des JO, Tommie Smith a pensé à son geste ? qui aurait pu battre Tommie Smith ce jour là ? record du monde battu en se relevant avant l'arrivée. Ce n'était pas une course pour Tommie Smith, c'était l'élan de toute une vie.

 L'adage "quand on veut on peut" est une stupidité. Pour Tommie Smith, il n'aurait pas fallu que vouloir et rien n'aurait été possible s'il n'avait pas été l'un des meilleurs coureurs de 200 m de l'époque. Mais comment ne pas souligner combien lorsque le talent et le travail s'associent à la force d'un projet basé sur les valeurs et s'adjoint une capacité de courage et d'engagement sans faille, alors la performance atteint des sommets. Et le geste demeure comme un exemple de l'engagement.

 A l'heure où les entreprises affichent discours sur les valeurs et l'éthique, on ne peut s'empêcher de constater que les vraies valeurs se traduisent par de véritables actes d'engagement.

 

Sur Tommie Smith on lira le récent et très beau livre de Pierre-Louis Basse  19"83 (Stock).