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16/02/2010

Menace de rupture

La Cour de cassation a mis à la charge des employeurs, depuis 2002, une obligation de sécurité de résultat. Il en résulte que l'employeur ne doit pas simplement prendre des mesures face à des situations mettant en danger les salariés, il doit y mettre fin lorsqu'elles constituent des menaces sérieuses pour leur santé. Deux arrêts du 3 février 2010 nous donnent une illustration nouvelle de la mise en oeuvre de ce principe. Dans les deux cas il s'agit de salariés qui ont quitté leur entreprise à leur initiative du fait de situations de harcèlement moral et sexuel. Dans le premier cas l'auteur du harcèlement était le directeur, dans le second cas la salariée se plaignait d'une mise à l'écart et de l'interdiction faite à ses collègues de lui parler. Les juges du fond ont débouté les salariés de leur demande de licenciement injustifié et ont considéré qu'il s'agissait de départs volontaires et donc de démissions n'ouvrant aucun droit au salarié. A tort dit la Cour de cassation. L'employeur n'ayant pas mis fin à des situations anormales, et par là-même failli à son obligation de sécurité de résultat, les salariés pouvaient quitter l'entreprise et demander à percevoir des indemnités pour licenciement injustifié. La menace pesant sur la santé du salarié justifie donc son départ.

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Max Ernst - Deux enfants sont menacés par un rossignol - 1924

La conclusion de la Cour de cassation est donc radicale comme l'est la solution qui s'offre au salarié en cas de menace sur sa santé : le manquement de l'employeur a son obligation de sécurité de résultat ouvre droit à un départ aux torts de l'employeur. On retrouve ici la distinction chère aux magistrats entre l'initiative et l'imputabilité. Ce n'est pas celui qui prend l'initiative d'échapper à une situation anormale qui est fautif, mais celui qui a créé, ou laissé perdurer, cette situation. Il s'agit en quelque sorte d'un droit de retrait définitif.

10/02/2010

Mobile fixe

Dans un arrêt du 3 février 2010, la Cour de cassation revient sur  le régime de la mobilité temporaire du salarié. Reprenons dans l'ordre : la Cour de cassation a établi un premier périmètre de mobilité obligatoire pour le salarié qui est le secteur géographique. Ce secteur, dont les critères ne sont pas précisément définis mais qui se délimite le plus souvent en fonction des zones de transports, d'emploi et de vie, est celui dans lequel une entreprise peut imposer une mobilité à un salarié sans besoin d'une clause de mobilité. Au-delà du secteur géographique, une clause de mobilité est nécessaire, qui ne doit pas être abusive mais correspondre à un intérêt véritable de l'entreprise. En dehors de ces deux cas, la mobilité suppose l'accord du salarié puisqu'elle constitue une modification de son contrat de travail. Toutefois, la Cour de cassation a inventé une troisième catégorie, celle de la mutation temporaire provisoire. A priori il s'agit d'une modification du contrat qui doit rencontrer l'accord du salarié. Pas du tout nous dit la Cour, ce qu'elle confirme et précise dans l'arrêt du 3 février 2010 : si la mutation est temporaire, due à des raisons exceptionnelles et que le salarié est précisément informé à l'avance de la destination et de la durée de la mutation temporaire, elle s'impose à lui. Comme les mobiles de Calder, le salarié est donc mobile à partir d'un point fixe.

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Alexander Calder - The Star - 1960

En l'espèce, une salarié qui avait une clause de mobilité sur Chatou et les communes avoisinantes, est mutée provisoirement à Saint-Denis en raison de la fermeture provisoire, due à des travaux, de l'établissement dans lequel elle travaillait. Le licenciement pour abandon de poste est injustifié non parce que la salarié pouvait librement refuser la mutation, mais parce que l'entreprise ne l'avait pas suffisamment informée de son caractère  temporaire. A défaut d'information précise en ce sens, la mutation est considérée comme n'étant pas temporaire ce qui permet alors au salarié de la refuser. Le juge fournit en l'occurence une souplesse aux entreprises sous garantie de bonne foi. Et c'est ainsi que le salarié étend son périmètre de mobilité à partir d'un point fixe. Joan Miro, grand ami de Calder, a également cette capacité à mettre dans ses sculptures un mouvement qui fait douter de leur fixité, à l'instar de ces jambes animées de vie et qui ont du beaucoup marcher tout en restant fidèles au toit de la Fondacion Miro à Barcelone.
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Joan Miro - Sculpture - Fondacion Miro - Barcelone

 

14/12/2009

Une indemnité ambivalente

Depuis l'entrée en vigueur de la rupture conventionnelle, le doute planait sur le montant minimal de l'indemnité due au salarié. Pour le Code du travail, il s'agissait du montant de l'indemnité légale de licenciement. Pour les partenaires sociaux, l'accord sur la modernisation du travail du 11 janvier 2008 créant la rupture conventionnelle indiquait que l'indemnité de rupture ne pouvait être inférieure à l'indemnité conventionnelle de licenciement lorsqu'elle était supérieure à l'indemnité légale. Mais le texte n'était pas clair. Ils ont dans un premier temps conclu un PV d'interprétation disant que l'ANI du 11 janvier visait bien l'indemnité conventionnelle. Mais un PV d'interprétation n'a pas de valeur juridique. Ils ont alors conclu un ANI le 18 mai 2009 pour dire de manière explicite que c'était bien l'indemnité conventionnelle, mais qu'elle ne s'appliquerait qu'après extension de ce nouvel accord. Curieux texte qui confirme ce qui était dit mais en reporte les effets au nom de la sécurité juridique. L'extension est intervenue le 26 novembre dernier publiée le 27. Depuis le 28 novembre (un jour après la publication), toute rupture conventionnelle se traduit donc obligatoirement par le versement au salarié d'une indemnité conventionnelle égale à l'indemnité légale de licenciement ou à l'indemnité conventionnelle de licenciement lorsqu'elle est supérieure. Sauf, et oui il s'agit d'un ANI, pour les salariés des secteurs agricoles, de l'économie sociale, du secteur sanitaire et social, des professions libérales et des particuliers (secteurs situés en dehors du champ d'application des ANI).

A première vue, la nouvelle règle est plus favorable pour le salarié. En réalité, elle pourrait être ambivalente.

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Burton Silverman - Ambivalence - 1928

Lorsque la rupture conventionnelle intervient à la demande de l'entreprise, il n'est pas douteux que l'octroi d'une indemnité supérieure est un plus pour le salarié. D'autant que cette indemnité n'est qu'un minimum et que les règles d'exonération ouvrent largement la possibilité de négociation (au-delà de l'indemnité conventionnelle de licenciement, l'indemnité de RC n'est assujettie qu'à CSG et CRDS dans la limite de deux ans de salaire). Par contre, lorsque le salarié est demandeur d'un départ et qu'il souhaite conclure une rupture conventionnelle plutôt que de démissionner pour bénéficier de l'assurance chômage ou pour sécuriser son départ vers une nouvelle entreprise, l'augmentation de l'indemnité peut constituer un frein important pour l'entreprise. Là où elle aurait pu négocier pour un faible coût (l'indemnité légale de licenciement est égale à 1/5ème de mois de salaire par année d'ancienneté), elle risque de trouver que le versement de l'indemnité conventionnelle de licenciement, parfois bien supérieure à l'indemnité légale, est un coût trop important et de ce fait refuser la rupture. Pour le salarié, il n'est pas possible de renoncer à l'indemnité conventionnelle, une transaction sur ce point étant par ailleurs dépourvue de valeur. Ce qui constitue une bonne nouvelle pour certains, peut donc devenir une difficulté supplémentaire pour d'autres. Si l'ambivalence peut avoir ses charmes, pas certain qu'elle soit au goût de tous.

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10/12/2009

Retour de bâton

Dans un livre paru en 1992, Ernest Pépin conte les ravages que causa à la Guadeloupe dans les années cinquante le mythique Homme au bâton. Même si personne ne le vit, sauf les femmes qui l'accusèrent d'être la cause de leur grossesse inexpliquée, l'Homme au bâton répandit la terreur sur l'île, chacun multipliant les parades les plus improbables sans pouvoir éviter ses foudres. On échappe pas à l'Homme au bâton.

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Editions Folio 1997 - Première édition 1992

On n'échappe pas toujours non plus au retour du bâton lorsque l'on utilise le droit avec une mauvaise foi avérée, la même peut être que celle des jeunes femmes promptes à désigner l'Homme au bâton comme l'invisible auteur de l'outrage. Nombre de transactions, puisque c'est de cela qu'il s'agit, portent une formule générale en conclusion par laquelle le salarié s'interdit tout recours contre l'entreprise, la transaction mettant définitivement et irrévocablement fin à tous les litiges pouvant résulter de l'exécution ou de la rupture du contrat de travail. La Cour de cassation vient de rappeler de manière catégorique qu'une telle clause était totalement dépourvue d'effet (Cass. soc., 2 décembre 2009). Une transaction ne peut régler que le ou les litiges qu'elle énumère et pour lequel, ou lesquels, l'entreprise et le salarié conviennent de concession réciproque. Il n'existe aucune formule légale permettant à l'entreprise de se protéger de manière définitive et absolue contre un recours contentieux du salarié : je transige sur le licenciement ? je peux demain être assigné pour des heures supplémentaires. Ce risque là ne peut être évité, pas plus qu'il n'est possible aux humains, et notamment aux jeunes femmes, de se prémunir contre la visite de l'Homme au bâton.

02/12/2009

Le statut déboulonné ?

La peinture est plate, comme à l'ancien temps, le très ancien temps. Elle est colorée, comme elle l'était aussi en ce temps là. Les personnages sont dans une présence/absence qui rend leur familiarité étrange ou leur étrangeté familière. Peinture de contraires qui ne peut qu'attirer l'oeil avide de contradictions dépassées. Aussi faut-il entrer dans cette galerie chic de Greenwich. L'accueil est professionnel et attentionné, chaleureux et bienveillant, attentif et intelligent. Nos tenues ne sont pourtant pas en accord avec le luxe environnant. Peu importe, l'habit manifestement compte moins que l'intérêt manifesté pour la peinture. Plaisir de ne pas se voir catégoriser dans un statut préétabli et de pouvoir admirer les peintures de Xiao Se.

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Xiao Se - Magical Love

Eric Maurin, dans son ouvrage déjà signalé sur ce blog, décrit longuement la peur du déclassement et de la perte du statut qui habite la société française. Sans doute va-t-elle trembler davantage avec l'arrêt de la Cour d'appel de Montpellier du 4 novembre 2009, qui décline celle de la Cour de cassation du 1er juillet également commentée sur ce blog. La Cour affirme qu'une indemnité de licenciement et un préavis ne peuvent être différents pour un cadre et un non-cadre sur la seule base de la différence de catégorie. Les négociateurs doivent exciper d'un élément objectif justifiant de cette différenciation, la charge de la preuve revenant à défaut à l'employeur. En l'espèce, aucune justification satisfaisante n'ayant été donnée, la convention collective a été jugée comme contraire au principe d'égalité de traitement et de rémunération. Si les différences catégorielles ne sont pas illicites en elles-mêmes, elles le deviennent faute de justification.
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Xiao Se - Pray and Wish - 2006

Peut être la petite fille souhaite-t-elle, et prie-t-elle avec la force que traduit son regard, pour un monde sans catégories et sans statut. Dans l'attente, c'est tout l'équilibre conventionnel du droit social qui pourrait être revu. En effet, cet équilibre est largement fondé sur les catégories professionnelles : les périodes d'essai, régimes de retraite, indemnités de licenciement, délais de préavis, etc. sont souvent distincts pour les cadres et pour les autres salariés. Sur la base de la jurisprudence nouvelle, cette différenciation est une discrimination si les négociateurs ne peuvent justifier la différence avec les non-cadres par des faits objectifs. On apprécierait en effet que la négociation collective ne soit pas source de discrimination. Révolution copernicienne ? non, regardez bien la jeune fille sur la peinture : juste l'arrivée d'une nouvelle génération.

24/11/2009

Rue des archives...personnelles

Le mois de la photo s'est terminé dimanche 22 novembre. Au Carroussel du Louvre, plus de 80 galeries présentaient des oeuvres et parfois des chefs d'oeuvres. L'occasion également pour les éditeurs de présenter leur production. Un éditeur espagnol, La Fabrica, proposait ainsi un ouvrage consacré aux archives personnelles de Francis Bacon. Dans les reproductions, en vrac, des coupures de presse, des photos, des peintures, des collages,...et quelques chefs d'oeuvre.

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Archives personnelles de Francis Bacon - Sarah Burge 1883

L'occasion de rappeler que la Cour de cassation a récemment, dans un arrêt du 23 octobre 2009, validé le licenciement fondé sur une recherche, par un huissier avec l'employeur, dans l'ordinateur d'un salarié, de fichiers démontrant une activité de concurrence déloyale. Le salarié plaidait que son ordinateur ne pouvait être inspecté hors de sa présence. Erreur, seuls les fichiers personnels sont protégés. Les autres sont librement accessibles à l'employeur.
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Archives personnelles de Francis Bacon 
Nathalie Millon dans La chambre
Petite leçon de droit à cette occasion : le code du travail n'aborde pas la question de la lecture des mails ou de la fouille du disque dur d'un salarié par l'employeur. Et pourtant, en vertu du principe selon lequel le droit a une réponse pour toute question, le juge n'hésite pas à fournir des solutions sur ces deux points. Dans le premier cas, les mails, il se réfère à la jurisprudence sur la correspondance (car qu'est-ce qu'un mail sinon une correspondance électronique) : tout courrier non marqué "Personnel" peut être ouvert par l'employeur. Idem pour les mails. Pour l'ordinateur, il revient à sa nature : en tant qu'outil professionnel il appartient à l'employeur qui peut le contrôler librement, sauf pour les données personnelles (de même que l'employeur ne peut ouvrir un vestiaire qui contient des affaires personnelles qu'en présence du salarié).
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Archives personnelles  de Francis Bacon
Photographie du Bain Turc d'Ingres
Comme on le voit, pour trouver des solutions juridiques, la règle générale et les principes sont souvent plus utiles que les règles spéciales. Tout est ici question de méthode : là où le non juriste (en tout cas on l'espère) lira pendant des heures les textes à la recherche de la règle qui vise son cas, le juge va à l'essentiel et ne fait qu'appliquer des solutions de principe à des cas qui varient dans leur manifestation mais non dans leur essence. Aller aux principes et à l'essentiel, c'est également ce que fait Francis Bacon en gardant précieusement dans ses archives des peintures d'Ingres. Vous voulez voir de la peinture ? Ingres bien sur pour le principe, ensuite il n'y a que des déclinaisons.

18/11/2009

Nemo auditur

Nemo auditur propriam turpitudinem allegans. L'adage est un des rares que les étudiants en droit retiennent aisément : rythme de la formule, mystère du nemo, trouble du turpitudinem, appropriation du propriam...on chercherait en vain les raisons de la résonnance particulière du latin. Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. Ainsi en a jugé la Cour de cassation  le 10 novembre dernier à propos d'une affaire très banale : une entreprise a transformé en licenciements pour motif personnel des licenciements économiques et signé des transactions avec les salariés pour régler l'affaire. Pris de remords, ou plus exactement s'apercevant après coup qu'il y avait plus à gagner qu'à perdre, les salariés intentent une action en nullité de la transaction. Gagné. Mais mauvaise surprise, les tribunaux exigent la restitution des sommes perçues au titre de la transaction annulée. Les avocats des salariés s'indignent : l'employeur, au nom de l'immoralité des transactions conclues et de l'adage Nemo auditur...ne peut demander restitution des sommes. Si confirme la Cour de cassation.

 

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Nemo in Roppongi
Si les juges ne le mentionnent pas, il est fort possible qu'ils aient retourné l'adage et l'aient appliqué aux salariés : qui a signé une transaction nulle ne peut prétendre conserver les sommes reçues. On perçoit l'agacement des juges devant d'une part la prolifération de transactions qui constituent de manifestes détournement de la loi, quand il ne s'agit pas purement et simplement d'escroquerie (au fisc, à l'URSSAF, etc.), et d'autre part ces repentis tardifs des salariés qui remisent la mise et pensent que le prochain jackpot sera supérieur au premier. Dans l'affaire, nul n'est tout blanc. A l'occasion, rappelons que contrairement à certaines rumeurs, la rupture conventionnelle est une solution bien plus sécurisée que la transaction, qui présente également le petit mérite de la légalité sans turpitude.

17/11/2009

Médecine man

En cas d'inaptitude suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l'employeur est tenu de  reclasser le salarié en lui offrant un poste « aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail » en tenant compte des conclusions écrites du médecin du travail. La loi sur l'orientation et la formation professionnelle prévoit désormais que "Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, le médecin du travail formule également des indications sur l’aptitude du salarié à bénéficier d’une formation destinée à lui proposer un poste adapté "(C. trav., art. L. 1226-10 modifié).  On admirera en premier lieu la  qualité de rédaction de nos parlementaires :  "destinée à lui proposer"  est une formule  qui peut laisser songeur.  Peut être traduit-elle que dans l'esprit du législateur  la destinée de l'inapte est toute tracée ou que la proposition est le destin du salarié. Quoi qu'il  en soit, il est  reconnu à ces médecins qui ne soignent pas, que sont les médecins du travail, de proposer les chemins de la transformation de l'individu pour lui permettre de  surmonter  son inaptitude : ouvrir les voies de la  transformation, tel est le rôle du chaman,  qui lui utilise les  esprits et non la formation comme voie de la connaissance et  donc de la guérison.

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Dagmar Glemme - Chaman
Cette nouveauté législative place l'entreprise dans une position délicate en matière de reclassement : il est possible de démontrer qu'aucun poste n'est disponible correspondant aux compétences du salarié à reclasser, mais comment démontrer, dès lors que le médecin du travail affirme l'aptitude à se former à d'autres postes ou métiers, l'impossibilité d'assurer cette formation ? et l'on voit s'étendre considérablement le champ des obligations de reclassement de l'employeur. On imagine mal, de surcroît, la Cour de cassation qui fait peser sur l'entreprise une obligation de gestion de l'employabilité externe en cas de licenciement économique, limiter la portée de cette nouveauté aux emplois disponibles dans l'entreprise : faute de postes existant et en présence d'un constat d'aptitude à suivre une formation pouvant favoriser un reclassement, y compris externe, l'entreprise pourrait bien être tenue d'assurer la formation du salarié. Voilà des chamanes aux pouvoirs bien réels et une obligation de formation supplémentaire pour les entreprises.

14/10/2009

Le cadre : notion artistique

Paul Duchein est Montalbanais, accessoirement pharmacien et à titre principal peintre et auteur de somptueuses boîtes qui démontrent, s'il en était  besoin, que l'encadrement n'est pas un enfermement mais une ouverture vers le rêve et l'infini. La délimitation de l'espace clos n'est qu'une  manière d'ouvrir les portes de l'imaginaire dans un de ces apparents paradoxes qui charment les surréalistes dont Duchein a toujours été proche. L'art de l'encadrement ou comment l'onirisme peut se déployer sans fin dans un espace contraint.

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Paul Duchein - La chambre d'André Breton - 1991

Les juges sont sans doute admiratifs de l'oeuvre de Paul Duchein et soucieux de réserver à l'artiste la notion de cadre. La Cour de cassation vient en effet, par plusieurs décisions datant de l'été dernier, de poser en principe que des avantages salariaux (jours de RTT, tickets-restaurants, primes...) ne sauraient être réservés aux cadres dès lors que d'autres salariés sont placés dans la même situation au regard de l'avantage en question. En d'autres termes, une différenciation basée seulement sur le statut de cadre est illicite en tant que contraire au principe d'égalité de traitement. Pour justifier la différence, des raisons objectives, basées donc sur la réalité du travail ou des conditions de travail, doivent être identifiées. Par cette jurisprudence, la Cour de cassation met à mal nombre d'accords et de conventions collectives qui réservent certains avantages spécifiquement aux cadres. Pour les juges, l'affaire est claire : laissez les cadres aux artistes, et à Paul Duchein, et basez les différences de rémunération et/ou de statut sur de réelles différences dans le travail. Que salubre est parfois le vent de l'égalité !

12/10/2009

Petits malins

En application de l'accord sur le dialogue social conclu par l'UPA et les organisations syndicales de salariés en 2001, mais étendu seulement en 2008 notamment du fait de l'opposition de la CGPME et du MEDEF, une commission paritaire régionale interprofessionnelle de l'artisanat (ouf ! en fait la CPRI, prononcer évidement cépri...) a été créée en Rhônes-Alpes. D'autres devraient suivre dans des départements ou régions. Certains se souviendront que le département du Tarn, en Midi-Pyrénées, avait été pionnier en ce domaine avec la création par l'USAT (union des syndicats artisanaux du Tarn) d'une instance de dialogue social départementale. Objectif de ces instances ? négocier des accords collectifs de travail applicables aux entreprises artisanales et à leurs salariés, dans lesquelles n'existe pas de négociation collective du fait de leur taille. Et mettre à leur disposition des outils conventionnels qui leurs sont inaccessibles individuellement (prévoyance, activités culturelles et sociales, instances d'arbitrage des conflits, etc.). Dans un pays toujours jacobin, où la branche et le national structurent la négociation, voici une approche locale et interprofessionnelle susceptible d'explorer de nouvelles solidarités et de développer de nouvelles problématiques d'emploi. L'innovation sociale n'est donc pas l'apanage des grandes entreprises (quelles innovations ?) mais peut prendre appui sur un réseau de dirigeants de TPE (l'artisanat en Rhônes-Alpes : 100 000 dirigeants, 260 000 salariés). Souvenons nous du Petit Poucet.

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Viviane Riberaigua - Le petit poucet - Installation 2008

Le Petit Poucet n'a rien d'un conte mièvre. Au contraire : le Petit Poucet ne fait pas confiance à ses parents, il ne compte que sur lui-même, il embobine la femme de l'ogre, conduit celui-ci à tuer ses sept filles, lui vole ses bottes de sept lieues (de là à penser que le Petit Poucet commet les sept pêchés capitaux...il n'y a qu'une lieue), obtient par chantage et mensonge le trésor de l'ogre, et se trouve remplit de fortune après tout ceci. Menteur, voleur et assassin, voici le Petit Poucet récompensé par la gloire et l'admiration de toutes et tous. L'imagination et le rêve auront donc toujours raison de la force et de la vie purement matérielle (le seul souci des parents et de l'ogre : manger !). Pour cette raison,  on suivra avec intérêt le déploiement de l'accord UPA sur le dialogue social en se disant que s'il n'est pas écrit que tous les petits soient malins, on se plait à constater que c'est à ce niveau que surgissent prise de risques, créativité et défrichage de nouveaux chemins.

NB : pour ceux qui se demanderaient où se trouve le trésor de l'ogre, il sera rappelé que l'accord de 2001 instaure une cotisation spécifique de 0,15 % de la masse salariale payée par les entreprises artisanales pour financer les commissions locales de dialogue social. C'est contre cette cotisation nouvelle que se sont battus en vain le MEDEF et la CGPME. Comme les actes délictueux du Petit Poucet, le prix de la liberté.

30/09/2009

La fin des mobilités groupe imposées

Il ne s'agit pas d'une annonce du PDG de France Télécom, mais d'une décision de la Cour de cassation qui concerne la société Renault. Difficile toutefois de ne pas faire un lien direct avec la vague de suicides chez l'opérateur de téléphonie. Par un arrêt du 23 septembre 2009, la Cour de cassation vient de décider que les clauses de mobilité groupe étaient nulles, le salarié ne pouvant accepter par avance un changement d'employeur. En matière de mobilité, l'équilibre des mobiles de Calder est donc meilleur que celui des contrats de travail contenant un engagement de mobilité dans les filiales du groupe.

 

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Calder - Mobile

Utilisant sans la citer la théorie du contrat d'adhésion, c'est à dire celui qui n'est pas vraiment négocié mais imposé compte tenu de la disparité de situation des parties, la Cour de cassation définit strictement le cadre de la nullité : il s'agit des clauses qui imposent une mutation au sein d'un groupe ou d'une unité économique et sociale, donc entre des structures juridiques distinctes. Par contre, n'apparaissent pas mises en cause les mutations au sein d'établissements d'une même entreprise, si la clause prend le soin de lister tous les établissements concernés par la mobilité afin que le salarié puisse mesurer la portée de son engagement. Et ainsi se poursuit, au rythme de l'actualité, le renforcement de la nature contractuelle des relations de travail. Conséquence ? le management négocié et non imposé. Sous couvert de technique juridique, une révolution, y compris pour le PDG de France Télécom.

28/09/2009

L'égalité c'est pour demain

Le dessin est paru dans le Canard enchaîné du mercredi 23 septembre 2009. Il est signé Lefred-Thouron et rend compte du climat social de la rentrée. Anodin ?

 

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Ce dessin m'a rappelé qu'avec la grippe, le plan emploi senior, la crise, les suicides, les bonus et autres actualités sociales, la question de l'égalité des rémunérations hommes-femmes, sur laquelle les entreprises doivent négocier pour aboutir à une suppression de ces inégalités avant la fin de l'année 2010, risquait de devenir la 36ème priorité d'une liste de 36.
Quel rapport avec le dessin du Canard ? que l'égalité professionnelle ne sera plus une question lorsque l'on trouvera normal de dessiner un homme qui rentre de faire les courses et qui pose la question de son licenciement à sa femme. Une autre manière de vérifier l'adage de Françoise Giroud : "L'égalité professionnelle c'est quand on trouvera normal qu'une femme incompétente ait un poste à responsabilités".

24/09/2009

Droit pédagogique et droit psychologique

En réponse au commentaire figurant sous la chronique d'hier, à savoir :"la clause d'exclusivité est nulle pour les contrats à temps partiel, mais quid des contrats à temps plein ?", un petit complément sur les clauses d'exclusivité. Pour les contrats à temps plein, la clause d'exclusivité est limitée à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise et doit être strictement proportionnée à cet intérêt. Dès lors, l'entreprise doit justifier la clause d'exclusivité par un conflit d'intérêt réel : salarié occupant un poste à horaire fluctuant, sujétions importantes liées à des déplacements impliquant une grande disponibilité, dangerosité de l'activité excluant une activité complémentaire sur des plages horaires proches, régime d'astreinte rendant le salarié peu disponible, etc. Cette nécessité de justifier d'un intérêt particulier à protéger exclut donc les clauses générales d'interdiction d'une activité seconde qui s'appliquerait sans considération des deux activités. Par contre, elle légitime les clauses d'information obligatoire pour vérification d'un éventuel conflit d'intérêt. En réalité, la clause d'exclusivité telle qu'appréciée par la Cour de cassation n'est jamais que la mise en oeuvre de l'obligation de loyauté qui s'impose à tout salarié....clause ou pas. La clause n'est donc que du "droit pédagogique" autrement dit le rappel de ce qui devrait aller de soi. A ce titre, elle peut avoir son utilité à condition de ne pas la transformer en "droit psychologique" c'est à dire en clause abusive (interdiction de toute activité) qui serait nulle dans un contentieux mais dont on pense qu'elle peut tout de même faire hésiter le salarié qui l'a signée.

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Sophie Sainrapt (juriste et peintre) - Rires-Eros

Comme Sophie Sainrapt, juriste aux ressources picturales insoupçonnées, le droit a donc de la réserve : il peut ne pas être qu'une norme assortie de sanction mais également avoir un rôle pédagogique ou psychologique. Science incertaine matinée de littérature, le droit apparaît comme une technique pluridimensionnelle qui fait l'irritation de certains et le plaisir de quelques autres.

23/09/2009

Liberté

La Cour de cassation, dans une décision du 16 septembre 2009, censure une clause figurant dans un contrat de travail à temps partiel, qui imposait à une salariée de demander à son employeur l'autorisation de prendre un autre emploi. Une telle restriction à la liberté du travail ne peut être justifiée que par un intérêt légitime de l'entreprise et doit être limitée dans ses modalités à la protection de cet intérêt.

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Joan Miro - Liberté des libertés 3

Cette décision rappelle la stricte limitation par les juges des clauses d'exclusivité. Non un salarié ne doit pas consacrer tous ses efforts et toutes ses ressources à l'entreprise. Il peut librement travailler ailleurs dès lors qu'il n'y a pas de conflit d'intérêt entre l'activité seconde et l'activité principale. La seule chose que l'employeur peut imposer est une obligation d'information pour qu'il soit en mesure de juger de cet éventuel conflit d'intérêt. Mais une clause qui exigerait une autorisation préalable pour exercer une activité serait dépourvue de validité. Et si conflit d'intérêt il y a, l'employeur doit sommer le salarié d'y mettre fin avant de prendre une sanction. Et c'est ainsi que les juges protègent les libertés du salarié d'exercer une activité professionnelle autre que celle qui le lie à l'employeur.
En une période où fleurissent les activités complémentaires, soit sous statut de salarié soit dans le cadre du statut d'auto-entrepreneur (plus de 100 000 mille déclarations depuis le début de l'année), il était important qu'une telle liberté soit réaffirmée.

09/09/2009

PUB !

Nadège Meyer est toulousaine, mais elle enseigne à l'Université de Nouvelle-Calédonie. Grace à l'amitié de Lise Casaux, Professeure à l'Université de Toulouse qui favorisa notre rencontre, j'ai eu le bonheur de recevoir ses mails pendant que je dormais et de lui envoyer les miens pendant qu'elle dormait. De ces échanges nocturnes est né....un ouvrage de droit du travail qui vient de paraître chez Dunod. La preuve par l'image.

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L'ouvrage est conçu de manière pédagogique : l'essentiel du thème, des outils, des questions, des jurisprudences commentées, de la méthode, des références, des synthèses....Au final, il doit permettre non seulement d'acquérir des connaissances mais surtout de pouvoir utiliser le droit du travail.
Pour donner un aperçu, le "tapuscrit" (pour la version imprimée, il faut se procurer l'ouvrage, ainsi que pour les réponses aux questions....) de l'étude consacrée aux sources du droit et à la méthode pour faire du droit du travail.

17/08/2009

La chance du taureau

L'été est la bonne période, je parle  des journées de travail aoûtiennes, pour se replonger dans la documentation empilée pendant l'année et qui, avant son transfert définitif à la corbeille, doit passer au crible du regard rapide mais curieux  du : "On ne sait jamais...". Ainsi l'histoire de cette entreprise toulousaine qui figure dans le rapport annuel de la Halde publié en mai dernier. Ayant constaté que cette entreprise avait recruté 288 personnes en 7 ans dont deux seulement avec un prénom à consonnance magrhébine, la Halde en a déduit qu'il existait une discrimination avérée au regard de la sous-représentation des personnes d'origines maghrébines par rapport à la proportion de celles qui disposent des qualifications requises et qui sont inscrite à l'ANPE. Les intentions de la Halde sont sans doute louables. Son raisonnement beaucoup moins, pour au moins deux raisons. En premier lieu, le législateur n'a jamais voulu imposer une politique de quota basée sur l'origine (laquelle d'ailleurs et définie comment ?), or c'est bien ce à quoi aboutit la décision de la Halde qui vérifie des proportions. En second lieu, la faute pénale doit reposer sur l'intention : le rapprochement de deux chiffres n'a jamais démontré une intention à elle seule. La Halde fait abusivement parler la statistique ramenée  à une vérité. Illustrons d'une phrase : statistiquement, le taureau a sa chance.

 

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André Masson

On pourrait également donner la parole à Pierre DAC : 70 % des personnes meurent couchées...ne vous couchez pas ! ou encore constater que des études démontrent que les utilisateurs de crèmes solaires sont davantages victimes de cancers...mais peut être aussi et avant tout ceux qui s'exposent le plus au soleil. Bref, une statistique n'est pas un constat et demande une analyse pour établir des causalités et corrélations.  Si le seul constat statistique suffit, alors conseillons à la Halde d'assigner les partis politiques en citation directe pour discrimination en constatant que les candidats présentés aux élections ne représentent pas statistiquement la diversité de la population. Et on laissera la nouvelle assemblée plus représentative décider s'il faut des quotas ou non.

26/06/2009

Anciens modèles

Au 31 décembre 2009 toutes les entreprises de 50 salariés et plus devront avoir adopté un plan pour l'emploi des seniors. Ce plan doit comprendre des engagements en terme d'embauche des plus de 50 ans ou de maintien dans l'emploi des plus de 55 ans. Il doit également comporter des actions dans le domaine du recrutement, de la formation, de la gestion des carrières, de la transmission des savoirs, des conditions de travail ou des modalités de cessation d'activité (trois thématiques à traiter au choix parmi les six). Les délais étant courts, panique à bord : quel plan, quel contenu, quels indicateurs, quels engagements,...toutes les décisions doivent être prises rapidement. Une semble faire l'unanimité. Pour les seniors une mesure s'impose : le tutorat et la transmission des savoirs. Formateur et/ou tuteur, voilà une voie d'avenir pour les seniors.

Comme toujours, il convient d'y regarder de plus près ce qui permet de repérer sous une fausse évidence une consternante reproduction des modèles anciens.

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François Rousseau - L'atelier du peintre

Pour deux raisons au moins, il est rien moins qu'évident de considérer qu'un senior peut jouer le rôle de tuteur. La première raison consiste à se demander si les salariés ayant le plus d'ancienneté sont les mieux placés pour accompagner les changements de culture et les évolutions d'organisation. Quelle entreprise souhaite se placer dans une stricte logique de reproduction ? la seconde raison porte sur le modèle de référence. Considérer qu'un ancien est naturellement tuteur de jeunes, c'est reproduire le modèle de l'ancienneté et de l'expérience accumulée comme source de compétences. Le modèle de la compétence impose de considérer qu'un jeune et un ancien ont tout deux des compétences, différentes, et qu'ils peuvent s'apporter mutuellement et non perpétuer un rapport hiérarchique quasi paternaliste qui ne fait plus écho auprès des jeunes générations. Et l'on se plaindra ensuite de ces jeunes qui ne s'adaptent plus à l'entreprise alors que celle-ci continue à les gérer comme elle a géré leurs aînés.

Comme le montre François Rousseau dans sa série de photos qui illustrent le livre de Patrick Grainville "L'atelier du peintre", les modèles d'aujourd'hui ne sont pas ceux d'hier et les époux Arnolfini de Van Eyck peints en 1434 ne peuvent ressembler au couple d'aujourd'hui. Prévenons vite les DRH que les temps ont changé.

23/06/2009

C'est écrit où ?

La question est récurrente. Lorsque j'annonce à un client qu'il est possible de prendre telle  décision ou d'engager telle action, le besoin de sécurité submergeant et irrépréssible qui caractérise nos sociétés occidentales reprend le dessus : "vous êtes certain que c'est possible ? mais c'est écrit où ? vous avez un texte qui confirme ce que vous dites ?".

Oui, bien sur, et non, bien sur. Non car comment imaginer qu'il pourait y avoir un texte qui liste, ou pire autorise, chacune de nos actions. Oui bien sur car, à l'époque où l'on avait pleinement conscience du fait que le droit est de la littérature, c'est-à-dire au 18ème siècle, on s'attachait à fixer les principes dans une langue claire. Le texte en question est l'article 5, pas le plus souvent cité, de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen : "La loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas.". Le principe est la liberté et non l'interdiction. Inutile donc de chercher les textes indiquant que l'on peut : il faut plutôt se demander quel texte interdit, si tel est le cas. En réalité, n'est pas juriste celui qui se pose la question de savoir quel texte autorise : celui-là relève du juriste tel que peint par Arcimboldo.

 

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Arcimboldo - Le juriste - 1566

Ressemblerons inévitablement au juriste d'Arcimboldo ceux qui pensent, par exemple, que l'on ne peut faire du DIF pendant les congés payés ou pendant n'importe quel congé parce que la loi ne le prévoit pas, sans relever que le temps de formation en dehors du temps de travail n'est pas du temps de travail et qu'il accepte donc d'autre compatibilités que celui-ci. N'ayant pas la même nature, il n'a pas le même régime. On peut préférer ressembler à un autre juriste, pour qui il était intégré que le principe de liberté primait et à qu'il importait de vivre selon ce principe. Il est actuellement exposé à Beaubourg et s'appelle Kandinsky.
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Kandinsky - Composition n° 7

Alors évitez de poser la question : "Quel texte m'y autorise ?" et demandez-vous plutôt si vous avez un doute : "Quel texte me l'interdit ?". Ensuite ? si c'est écrit nulle part, foncez !

16/06/2009

Déformation initiale

En cas de licenciement pour motif économique, les entreprises sont tenues de rechercher un reclassement pour les salariés. Cette recherche peut conduire l’employeur à proposer une formation permettant le reclassement du salarié. Pour fixer les limites de cette obligation, la Cour de cassation use de la formule suivante : « Si l’employeur est tenu de fournir au salarié une formation permettant son reclassement, il n’est pas tenu de lui fournir la formation initiale qui lui fait défaut » (en dernier lieu : Cass. Soc., 10 mars 2009). Pour les juges, fonctionnaires passant des concours à l’issue de formations sanctionnées par des diplômes, le défaut de formation initiale est donc un handicap que le salarié subira toute sa vie durant, et que l’employeur n’a pas à combler. Déformation initiale de ceux pour qui la formation initiale est tout ?

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Yves Tanguy - Il faisait ce qu'il voulait - 1927

Les juges sont des femmes et des hommes de culture, n’en doutons pas. Peut être peut-on attirer leur attention sur le fait que la formation initiale n’est pas tout à travers quelques exemples : celui d’Yves Tanguy notamment qui appris la peinture…en peignant et en regardant autour de lui. Alors peut être pourront-ils envisager que la compétence s’acquiert par d’autres voies que la formation initiale et que renvoyer l’individu à sa formation initiale est une bien sommaire manière de mettre en cases ce qui n’est guère fait pour y entrer : la personne humaine.

10/06/2009

Déraisonnable

La Cour de cassation vient, dans une décision du 4 juin 2009, de juger déraisonnable une période d'essai d'un an prévue par la Convention collective nationale du Crédit Agricole. La caisse qui avait recruté un chargé d'affaires, n'avait fait qu'appliquer les dispositions conventionnelles qui prévoyaient pour cette fonction une période de stage d'un an, tenant lieu d'essai. La légitimité de la pratique paraissait donc établie : pas tant que cela d'après les juges. Une durée d'essai d'un an n'est pas raisonnable au regard des exigences de la convention n° 148 de l'Organisation Internationale du Travail qui prévoit que la période d'essai doit avoir une durée raisonnable.

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La déraison d'amour

Cette décision livre deux enseignements. La première est que le juge détient la vérité et qu'il est au final seul habilité à dire ce qui est raisonnable ou pas. La deuxième est qu'une convention collective, pas plus qu'un contrat de travail, ne constitue un blanc seing et que sa validité peut être mise en cause lorsque son contenu n'est pas conforme aux normes supérieures, en l'occurence une convention internationale. Les partenaires sociaux ne sont pas infaillibles et le résultat de leur négociation peut être discuté. Pas la décision du juge rendu en dernier ressort. Ite missa est.